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Pour le cow-boy,
arriver dans une " ville à vaches "
(cowtown ou cattle town pour les puristes), c'était découvrir l'oasis après la traversée du désert de poussière et de désolation de la prairie. Il pouvait y étancher sa soif et satisfaire le besoin de contact physique avec es femmes et , sur le moment, le risque qu'il prenait de contracter une maladie vénérienne ne l'effleurait même pas. Pour, les autres, la " ville à vaches " était, selon l'activité qu'ils exerçaient un miracle économique ou l'enfer sur terre. En tout état de cause, c'était un endroit où l'action ne manquait pas, parfois dangereux. |
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L'histoire des " villes à vaches " est indissociable de celle de l'Ouest sauvage. Ces villes ont servi de toile de fond au mythe et n'ont pas fini de faire rêver les générations. Les cowtowns sont nées des besoins en viande des divers États de l'Union, et de ceux de l'Est en particulier. Déjà, avant la guerre de Sécession, on convoyait les bovins à pied ou chargés sur des bateaux jusqu'aux marchés de l'Est et de l'Ouest, mais le procédé était coûteux et pénible pour les bêtes. Pendant un certain temps, les troupeaux furent convoyés jusqu'au Missouri et la gare ferroviaire de Sedalia, à laquelle succéda Baxter Springs, au Kansas. Mais les problèmes posés par les hors-la-loi et la crainte de voir le bétail contracter la redoutable " fièvre du Texas " - propagée par les tiques des longhorns, qui étaient immunisées contre l'affection - entraînèrent l'interruption du commerce des bovins. Au début de l'année 1867, Joseph O. McCoy se lança dans la recherche d'un site ayant un accès au chemin de fer et, de préférence, faiblement peuplé. McCoy contacta sans succès plusieurs compagnies de chemin de fer avant de découvrir le hameau d'Abilene, au Kansas, sur le tracé de l'Union Pacific (division Est). La ligne était alors en construction et aboutissait à Denver. McCoy passa un accord avec le président de la compagnie, qui prévoyait pour lui une commission de 5 dollars sur chaque wagon de bétail expédié. Il acheta ensuite du terrain à Abilene, fit construire les installations d'embarquement et les parcs à bestiaux. En retour, l'Union Pacific construisit un parc de 100 wagons. McCoy était prêt. Il lui fallut encore quelque temps pour convaincre les Texans de conduire leurs troupeaux au nord, mais le premier chargement pour l'Est s'ébranla le 5 septembre 1867. En 1869, les troupeaux successifs avaient parfaitement damé la piste entre le Texas et Abilene. Devant le succès d'Abilene en tant que " ville à vaches ", ses voisines et rivales copièrent son organisation générale: une voie ferrée pénétrant jusqu'au coeur de la ville, des quartiers résidentiels et commerciaux au nord et des établissements de moindre intérêt au sud ou du " mauvais côté " de la voie. Les parcs à bestiaux étaient situés à l'écart des principales artères de la ville. Les déplacements des bovins vers les pâturages ou les aires de chargement se faisaient sous étroite surveillance. On cite toutefois le cas d'un bouvillon qui, en 1871, s'échappa et provoqua une panique générale dans Texas Street. Il fut abattu par le marshal, qui n'était autre que Bill Hickok. Les habitants étaient en permanence irrités par le bruit et l'odeur du bétail, ainsi que par la proximité des établissements de jeu et de prostitution. En juillet 1871, les respectables dames d'Abilene adressèrent au maire une pétition réclamant que les femmes de moeurs légères déménagent dans un autre quartier. Les propriétaires de maisons de jeu et de passe trouvèrent la parade en instaurant un service d'" omnibus " à l'intention de leurs clients. A Newton aussi, les " femmes de la nuit " furent installées dans un quartier désigné sous le terme de " Hide Park ", afin d'éviter un conflit avec les éléments les plus prudes de la population. Et, comme Abilene, les autres " villes à vaches " traversèrent une période de désordre et de " dépravation " qui souleva l'indignation de leurs citoyens. Amendes et tarifs de licences élevés ne découragèrent guère joueurs et prostituées; de fait, rares furent les conseils municipaux qui cherchèrent véritablement à éradiquer le " mal ", car les amendes servaient à payer la police et autres organismes qui, sans elles, auraient dû être financés par les citoyens ordinaires. Si la violence était le point commun à toutes les " villes à vaches ", chacune avait ses idées quant aux moyens de la combattre. La tradition de l'Ouest veut que chaque cowtown ait eu pour marshal un dieu de la gâchette, qui s'imposait de lui-même parce qu'il tirait plus vite que ses adversaires. Dans les faits, il y eut de ces hommes, mais ils existèrent par la volonté des citoyens. Des ordonnances furent votées, s'appuyant sur des lois fédérales et étatiques, et des individus nommés pour les faire appliquer. Abilene n'eut de statut légal qu'en 1869, date à laquelle elle fut répertoriée comme ville de troisième classe. Avant cela, un shérif de comté et quelques supplétifs y assuraient seuls le maintien de l'ordre. Mais, deux années de troubles au Texas poussèrent à l'organisation d'élections municipales destinées à doter la ville d'une force de police propre. Tom Smith, le premier marshal, fut nommé en mai 1870, mais son assassinat en novembre laissa le poste vacant. Plusieurs hommes furent engagé ; pour assurer l'intérim, jusqu'à l'élection de McCoy, en 1871, au poste de maire, qui nomma Hickok au poste de chef de la police. D'autres villes vécurent des évolutions du même ordre. Certaines, comme Ellsworth, reçurent un statut légal avant de devenir des villes à vaches, mais, chaque fois, une politique d'ordonnances municipales, de police forte, d'amendes et de licences élevées réussit à maintenir sous contrôle Texans, joueurs et prostituées. L'importance numérique des forces de police variait en fonction des besoins. Lorsque la saison était particulièrement active, on engageait des hommes, qui étaient licenciés par la suite. Il fallut la fin du commerce des bovins pour que soient reconnus les mérites économiques d'une activité à laquelle on n'avait associé jusqu'alors que les notions de violence et de "corruption morale et sociale " ; le début du XXème siècle vit le souvenir des villes à vaches encensé par ceux-là mêmes qui les avaient condamnées ou en avaient vécu. Aujourd'hui encore, les lieux significatifs de l'ère des cowtowns continuent à commémorer les beaux jours des cow-boys et des légendaires marshals qui leur ont tenu tête.
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Un moment tranquille dans l'activité fébrile d'une ville de l'Ouest : Front Street, à Dodge City, vers 1878. |
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1867 Abilene devient la première " ville à vache " du Kansas.
1871-1872 Newton et Wichita partagent le commerce de bovins avec Abilene et Ellsworth
1875 Dodge City devient la " reine des cowtowns "
1880 Elle est rejointe à la première place par Caldwell.
1885-1890 L'ère des cowtowns s'achève. |
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