Présidents des Etats-Unis
     
     
     
     
 
1789 - 1797
 
     

GEORGE WASHINGTON

Né le 22 février 1732 à Wakefield (Virginie) - mort le 14 décembre 1799 à Mount Vernon (Virginie)

George Washington appartenait à une famille de planteurs de modeste aisance, établie depuis un siècle environ dans le Nouveau Monde. Orphelin de père à onze ans, George fut élevé par son demi-frère, Lawrence, qui lui légua une partie de son domaine, Mount Vernon, sur les rives du Potomac. George semblait ainsi promis à l’existence simple et monotone de gentleman farmer. Son instruction se borna à ce qu’il apprit lui-même dans les ouvrages, surtout scientifiques et militaires, qu’il avait à sa disposition et dans les leçons qu’il tira de son expérience d’arpenteur dans les zones montagneuses de Virginie.
Cependant, le début de la guerre contre la France et les Indiens, connue en France sous le nom de guerre de Sept Ans, fit de lui un officier de l’armée britannique (dès 1754, il reçut une commission de lieutenant-colonel) et l’opposa aux forces françaises retranchées au fort Duquesne, le futur Pittsburgh. Après un premier échec en 1755, il participa, à la tête de la milice de Virginie, au siège et à la reddition du fort, en 1758. Puis, la guerre finie pour lui, il revint à Mount Vernon pour y reprendre son existence de planteur.
Son expérience militaire le fit désigner, en 1775, par le Congrès continental pour exercer le commandement de la nouvelle armée continentale, appelée à lutter contre l’occupant britannique. C’est dans ces fonctions que Washington déploya le mieux ses possibilités mais aussi montra ses limites. Tout était à faire, car en face de troupes organisées et bien commandées n’existaient que des milices indisciplinées, pourvues d’armes et d’équipements insuffisants et médiocres. La tactique de Washington consista à éviter les affrontements et à ménager ses forces en attendant de posséder la supériorité. Jusqu’en 1777, il retraita prudemment, préférant perdre des positions inutiles plutôt que des troupes. L’hiver de 1777-1778, passé dans le camp retranché de Valley Forge, aux portes de Philadelphie, dans un très grand dénuement, marqua le tournant des campagnes, car c’est là qu’il put refaire ses forces avec l’aide de Prussiens et de Polonais, en attendant l’intervention française. Grâce à elle, il sut préparer une opération combinée entre la marine et l’armée de terre, destinée à encercler les forces britanniques à Yorktown où elles se rendirent (1781) . Patiemment, sans actions d’éclat, Washington avait réussi à vaincre un adversaire plus puissant, mais peu préparé à une guerre d’usure, et à donner à son pays l’indépendance. La paix signée, en 1783, il termina pour la seconde fois sa carrière militaire et se retira à Mount Vernon pour reprendre la direction de sa plantation.
Même s’il avait espéré sincèrement quitter la vie publique, son prestige était si grand que ses contemporains le considéraient comme un héros, le vainqueur de la guerre d’Indépendance. Bien qu’il n’eût jamais participé à la direction politique du pays, il fut spontanément choisi comme président de la Convention réunie à Philadelphie en 1787 pour rédiger une constitution. Deux ans plus tard, un vote unanime le désigna comme président de la République pour quatre ans , et il fut reconduit dans ces fonctions pour un mandat de même durée en 1792. Une nouvelle carrière s’ouvrit ainsi pour Washington. C’est dans l’exercice de la présidence qu’il marqua le plus l’histoire et la société de son pays.
Dans le choix de ses collaborateurs, Washington fit un savant dosage, non entre les partis qui n’existaient pas encore, mais entre les représentants des deux tendances qui avaient divergé sur le vote, puis sur l’interprétation de la Constitution. Il fit d’Alexander Hamilton son secrétaire au Trésor (ministre des Finances) et de Thomas Jefferson son secrétaire d’État (ministre des Affaires étrangères). Le premier représentait les milieux d’affaires, les admirateurs du gouvernement britannique et les tenants d’une interprétation étroite de la Constitution ; le second, les milieux ruraux et, dans une certaine mesure populaires, défenseurs d’une interprétation large de la Constitution, c’est-à-dire enclins à reconnaître aux États, et non au pouvoir fédéral, tout ce qui ne leur était pas expressément attribué dans le texte écrit. Entre ces deux tendances, qui donnèrent peu à peu naissance aux fédéralistes et aux républicains (démocrates), Washington chercha à maintenir l’équilibre, à la manière d’un souverain constitutionnel, dont le modèle ne pouvait être que le roi d’Angleterre. Dépourvu de formation politique, il ne comprenait pas l’utilité des partis, qu’il tenait, comme beaucoup de ses contemporains, pour des factions nuisibles, et son tempérament s’accommodait mieux d’un rôle de conciliateur. Cependant, ses préférences allaient à Hamilton, dont il soutint la politique nationaliste et conservatrice : mise en vigueur d’un tarif douanier élevé, destiné à favoriser la naissance d’une industrie nationale, consolidation de la dette publique, création d’impôts indirects sur les produits de consommation et, surtout, fondation d’une banque d’État. Ces mesures lui aliénèrent l’appui des partisans de Jefferson qui abandonna ses fonctions en décembre 1793. Au cours de son second mandat, et malgré qu’il en eût, Washington apparut nettement comme l’homme des fédéralistes, ce qui le fit taxer par ses adversaires d’aspirant à la dictature, surtout après la répression brutale de la révolte des petits paysans distillateurs en Pennsylvanie (Whiskey Rebellion, 1794).
Le contraste entre l’idéal de Washington et les réalités ressort encore mieux des relations extérieures. Le début de son premier mandat coïncide, en gros, avec l’explosion révolutionnaire en France, et le second avec le conflit franco-britannique qui se prolongea jusqu’en 1815. Washington aurait voulu cantonner son pays dans une neutralité totale et parfaite, mais ses sympathies allaient à l’Angleterre, dont le type de gouvernement était son modèle et qui devint le premier partenaire commercial de la nouvelle république. Ses sympathies, il les partageait avec Hamilton, mais non avec Jefferson, admirateur de la France révolutionnaire. Dès les débuts de son mandat, le 22 avril 1793, il lança une proclamation de neutralité, interdisant aux navires américains de fournir du matériel de guerre aux belligérants. Inquiet des menées du ministre français aux États-Unis, le citoyen Genêt, qui, sous couvert d’activités diplomatiques, cherchait à établir des bases françaises sur le sol américain, il en demanda et obtint le désaveu (1794), mettant ainsi fin à l’alliance française dont l’efficacité avait singulièrement diminué depuis la paix de 1783. Du même coup, il se condamnait à manifester ses sympathies pour la Grande-Bretagne, auprès de laquelle il envoya la mission Jay. Les différends entre les deux pays furent réglés par le traité Jay (1794) qui souleva l’opposition des républicains jeffersoniens, au point qu’ils réclamèrent la mise en accusation de Washington pour haute trahison (impeachment). En dépit de ces violentes attaques, Washington conserva une sérénité qui s’exprime dans son « message d’adieu », en 1796, base de la politique américaine pour plus d’un siècle : « La règle de conduite que nous devons nous appliquer le plus à suivre à l’égard des nations étrangères est d’étendre nos relations de commerce avec elles, et de n’avoir que le moins de relations politiques qu’il sera possible [...]. L’Europe a des intérêts qui ne nous concernent aucunement, ou qui ne nous touchent que de très loin ; il serait donc contraire à la sagesse de former des nœuds qui nous exposeraient aux inconvénients qu’entraînent les révolutions de sa politique. »
L’essence de ce qu’on appelle la doctrine de Monroe est incluse dans ces paroles de Washington. Au soir d’une vie consacrée, malgré lui, au service de l’État, il ouvrait la voie à l’isolationnisme, moins par doctrine que par nécessité. Mais tel était le prestige du père fondateur que plusieurs générations d’hommes d’État, Monroe le premier, ont suivi à la lettre son conseil.
Au terme de son second mandat, alors âgé de soixante-cinq ans, Washington décida de ne pas se représenter à la magistrature suprême. La majorité des historiens a interprété cette décision comme un acte suprême de sagesse politique dans un gouvernement qui se voulait démocratique, à la mode du XVIIIe siècle. Washington ne s’était, certes, jamais entièrement senti à l’aise dans les intrigues politiques, mais il semble aussi avoir ressenti certaines attaques formulées contre lui et avoir mesuré la portée de certains échecs, comme la cristallisation de l’opinion autour de deux partis et l’impossibilité de maintenir une stricte neutralité dans la guerre que se livraient Français et Britanniques. Au moment où il décida de se retirer définitivement des affaires publiques, son prestige était encore immense, et c’est cette image que la postérité a retenue. Son exemple devint la loi orale de l’État, et aucun président ne postulera plus de deux mandats présidentiels, du moins jusqu’à Franklin D. Roosevelt, qui put facilement arguer de la guerre pour un troisième, puis un quatrième mandat. La tradition devint loi écrite avec le 22e amendement à la Constitution, proposé en 1947, ratifié en 1951, en vertu duquel les fonctions présidentielles se limitaient à huit années, au plus.

     
 
1797 - 1801
 
 

JOHN ADAMS

Né le 30 octobre 1735 à Braintree (Massachussetts) - mort le 4 juillet 1826 à Quincy (Massachussetts)

John Adams est considéré comme l’un des « pères fondateurs » en raison du rôle qu’il joua pendant la révolution américaine. Né à Braintree (actuellement Quincy) dans le Massachusetts, appartenant à une famille de fermiers puritains, il est diplômé de Harvard en 1755 ; après une courte expérience de l’enseignement, il fait son droit puis devient avocat à Boston en 1758. Alors que commence à se créer l’aile radicale du mouvement d’opposition à l’Angleterre, dirigée par l’avocat James Otis, il collabore dès 1763 à plusieurs journaux de Boston et utilise cette tribune pour proclamer son opposition au Stamp Act de 1764 qui contraint à l’impôt du timbre tout écrit et tout document privé ou officiel.
É lu en 1771 à la Chambre coloniale du Massachusetts où il lutte vigoureusement contre les mesures prises par l’Angleterre contre les colonies, il est choisi en 1774 comme délégué au premier Congrès continental, où il milite en faveur de l’indépendance totale, puis en 1775 au deuxième Congrès où il convainc les délégués d’organiser la lutte armée sous le commandement de George Washington. Après avoir participé à la rédaction de la Déclaration d’indépendance et l’avoir défendue devant le Congrès (juin-juill. 1776) au cours de turbulents débats, il est envoyé en 1778 à Paris pour nouer les premiers contacts entre la France et la nouvelle nation. Son orgueil, son impatience le servent mal dans cette mission de courte durée ; au retour, il est élu à la Convention de préparation de la Constitution du Massachusetts (1779) ; il se rend en 1780 en Hollande où il fait reconnaître les États-Unis d’Amérique, et en 1782 à Paris avec John Jay et Benjamin Franklin pour négocier le traité de Paris qui met un terme à la révolution américaine.
Nommé ambassadeur des États-Unis à Londres, il écrit en 1787 la Défense des constitutions du gouvernement des États-Unis, dans laquelle, s’inspirant plus ou moins directement de Montesquieu, il développe les idées exprimées depuis 1776 sur la séparation des pouvoirs dans le cadre d’un système de poids et contrepoids (checks and balances) destiné à empêcher la tyrannie et sur la nécessité d’une Chambre haute composée des riches, des bien-nés et des « capables ».
Arrivé second à l’élection présidentielle de 1789, qui voit la victoire de Washington, il devient vice-président des États-Unis ; ce poste, « le plus insignifiant que l’imagination de l’homme ait conçu », lui permet néanmoins d’exercer une certaine influence ; il s’emploie notamment à résoudre des conflits politiques au Sénat entre démocrates, conduits par Thomas Jefferson, soucieux de préserver la liberté individuelle et de limiter les pouvoirs du gouvernement fort et centralisé favorisant les industriels, les propriétaires terriens et les marchands. Moins conservateur que d’autres, Adams devient cependant un des chefs du parti fédéraliste. Jusqu’à son élection à la présidence en 1796, où il l’emporte par trois voix de majorité, il n’est pas véritablement contesté. Il n’en commence pas moins son mandat entouré d’une certaine suspicion, tant de la part de Jefferson que de celle de Hamilton. Il continue la politique de Washington dont il garde le cabinet et, le plus souvent, sollicite le concours de Hamilton. Refusant d’être à la fois président et chef de parti, méconnaissant l’influence des partis, Adams, très vite, se trouve confronté à de nombreuses attaques. La Révolution française et la guerre entre la France et l’Angleterre qui s’ensuit, en accentuant l’opposition entre les fédéralistes, partisans de l’Angleterre et d’une défense armée vis-à-vis de la France, et les démocrates qui soutiennent celle-ci, alors que Adams souhaite avant tout promouvoir la paix par la négociation, accélèrent la crise. En réussissant à éviter la guerre, en s’opposant à l’application des « lois contre les étrangers et les séditieux » votées en 1798 à l’instigation des fédéralistes pour restreindre les activités des partisans des révolutionnaires français et limiter les critiques envers le gouvernement, Adams s’aliène le soutien fédéraliste et n’est pas réélu en 1800. Il retourne à Quincy où il demeure jusqu’à sa mort, écrivant d’innombrables lettres sur la révolution américaine. Réconcilié avec Jefferson, il connaît une ultime joie lors de l’élection à la présidence des États-Unis, en 1825, de son fils John Quincy, et meurt le même jour que Jefferson, le 4 juillet 1826, date du cinquantième anniversaire de la Déclaration d’indépendance.

     
 
1801 - 1809
 
     

THOMAS JEFFERSON

Né le 17 avril 1743 à Shadwell (Virginie) - mort le 4 juillet 1826 à Monticello (Virginie)

L’un des fondateurs de la République des États-Unis, Thomas Jefferson est issu d’un milieu aisé. Avocat en 1767, attiré par la vie politique et grand lecteur des philosophes, il écrit A Summary View of the Rights of British America (1774) et siège à la Chambre des bourgeois de Virginie de 1769 à 1775 ; puis il participe au Congrès continental, où il est chargé de rédiger la Déclaration d’indépendance : le document porte sa marque. En 1779, il devient gouverneur de Virginie, et revient en 1781 au Congrès confédéral où il fait adopter le système décimal pour la monnaie nationale et une ordonnance (1784) qui organise les territoires à l’ouest des Appalaches. De 1785 à 1789, il est ambassadeur des États-Unis en France et publie ses Notes on Virginia (1785) ; sa réputation, ses talents lui donnent une forte influence sur les patriotes français.
Le président George Washington le fait entrer dans son cabinet comme secrétaire d’État. Mais Jefferson, partisan d’un pouvoir fédéral limité, se heurte au secrétaire au Trésor, Hamilton, et quitte le cabinet en 1793 pour fonder le Parti républicain démocrate. Persuadé que c’est dans l’agriculture que réside l’avenir des États-Unis, que ce pays est, à condition de refuser l’industrialisation, « le meilleur espoir du monde », Jefferson est le champion de la pensée physiocratique ; il éprouve des sympathies pour la Révolution française, en particulier dans sa phase girondine. En 1796, il est élu à la vice-présidence, tandis que le président, John Adams, appartient au Parti fédéraliste. En 1800, Jefferson accède à la présidence. Il sera réélu en 1804. Sans le vouloir expressément, Jefferson renforce le pouvoir présidentiel ; en 1803, il achète à la France la Louisiane et contribue ainsi à étendre les pouvoirs du gouvernement fédéral. Sur le plan économique, il ne touche pas à l’œuvre de Hamilton. Il tâche de garder la neutralité entre Napoléon et l’Angleterre et n’hésite pas à décider l’interruption du commerce américain avec l’Europe.
Retiré dans sa maison de Monticello , Jefferson écrit, conseille ses successeurs, fait construire l’université de Virginie. Au-delà de son importance politique, il a incarné la civilisation américaine de la fin du XVIIIe siècle.

     
 
1809 - 1817
 
 

JAMES MADISON

Né le 16 mars 1751 à Port Conway (Virginie) - mort le 28 juin 1836 à Port Conway

Homme politique virginien, James Madison participe d’abord à l’élaboration de la Constitution de son État, puis entre au Congrès confédéral en 1780 et sert de secrétaire à la Convention de Philadelphie. Partisan de la nouvelle Constitution, il se rapproche de plus en plus de Jefferson ; au moment où éclate la querelle entre hamiltoniens et jeffersoniens, Madison est l’un des fondateurs du Parti républicain-démocrate (ancêtre de l’actuel Parti démocrate américain). En 1798, il s’oppose violemment aux mesures antirépublicaines que prend le président Adams (il rédige les résolutions de Virginie), puis il entre, en 1801, dans le cabinet que forme Jefferson. Secrétaire d’État jusqu’à 1809, il mène la politique de neutralité que les États-Unis s’imposent dans le conflit européen. Succédant à Jefferson, il devient président en 1809 et sera réélu en 1812. La neutralité s’est alors révélée impossible : en 1812, les États-Unis entrent en guerre contre l’Angleterre malgré l’opposition d’une partie de la population. Enfin, Madison, l’ancien adversaire de Hamilton, signe en 1816 la loi qui autorise la fondation d’une deuxième banque centrale : entre républicains-démocrates et fédéralistes, les différences disparaissent ; le pays entre dans l’« ère des bons sentiments ».

     
 
1817 - 1825
 
     

JAMES MONROE

Né le 28 avril 1758 à Monroe's Creek (Virginie) - mort le 4 juillet 1831 à New York

Né en Virginie dans une famille de notables, James Monroe interrompit ses études au collège William and Mary pour participer à la guerre d’Indépendance au cours de laquelle il fut blessé et nommé capitaine par George Washington. En 1780, il devient l’ami de Thomas Jefferson, auprès duquel il poursuit ses études de droit. À vingt-quatre ans, il est élu à la Chambre des représentants de Virginie, puis, de 1783 à 1786 au Congrès constitutif des États-Unis. En 1790, élu sénateur de Virginie, il est un des principaux orateurs du parti républicain contre les fédéralistes.
Nommé à Paris par George Washington (1794-1796) en raison de sa francophilie, Monroe a pour mission de faire accepter par la Convention puis par le Directoire les négociations en cours entre les États-Unis et la Grande-Bretagne ; le traité Jay (1794) ayant pour but de préserver la neutralité américaine pendant les guerres révolutionnaires, Monroe essaie d’apaiser les craintes des dirigeants français en faisant croire que le Congrès américain ne ratifiera pas ce traité. Rappelé par Washington, il tente de justifier son comportement dans un pamphlet exposant ses Vues sur la conduite de l’exécutif et de la politique étrangère aux États-Unis.
En janvier 1803, Thomas Jefferson le nomme ambassadeur extraordinaire auprès du Consulat pour négocier avec Bonaparte l’acquisition de la Louisiane. Profitant de ce que la France était disposée à vendre l’ensemble du territoire pour des raisons stratégiques, Monroe et Robert Livingston, l’ambassadeur en titre, signent le traité pour le rachat de la Louisiane le 2 mai 1803. Par contre, le succès ne couronne pas ses deux autres missions : en Espagne, où il ne réussit pas à négocier l’achat de la Floride, et en Grande-Bretagne où le traité qu’il signe entre les deux pays est désavoué par le président Jefferson.
Secrétaire d’État sous la présidence de James Madison de 1811 à 1815, il dut à son intransigeance d’assumer simultanément la responsabilité de secrétaire d’État à la Guerre au cours du conflit avec la Grande-Bretagne de 1812 à 1815.
Candidat républicain, Monroe est élu cinquième président des États-Unis en 1816, et réélu presque à l’unanimité en 1820 : ce sera la présidence de l’« ère des bons sentiments ». À l’intérieur, sa présidence se caractérise par un retour au calme politique après une ère de déchirements entre les partis fédéralistes et républicains. Cette politique s’illustre par le Compromis du Missouri (1820) qui tranquillise momentanément les partisans de l’esclavage dans les États du Sud sur le respect de l’équilibre entre États esclavagistes et États non esclavagistes. À l’extérieur, différents traités et conventions inaugurent une politique d’apaisement des relations avec la Grande-Bretagne, la Floride est enfin acquise (1819-1821) et les nouveaux États d’Amérique latine sont reconnus au fur et à mesure de leurs accession à l’indépendance.
Le 2 décembre 1823, le fameux discours dit de « la doctrine de Monroe » expose au monde les grands principes de la politique extérieure des États-Unis : rejet de toute intervention de l’Europe sur le continent américain en contrepartie de l’abstention de la part des États-Unis de toute participation aux querelles entre pays européens. Bien que les principes de cette déclaration doivent être attribués au secrétaire d’État John Quincy Adams, la décision d’en faire une proclamation solennelle revient au président Monroe.
À la fin de son second mandat, il se retirera en Virginie et mourra au cours d’un voyage à New York.

     
 
1824 - 1829
 
     
 

JOHN QUINCY ADAMS

Né le 11 juillet 1767 à Braintree (Massachussetts) - mort le 23 février 1848 à Washington

John Quincy Adams a eu par ailleurs une remarquable carrière de diplomate, puis, à l’expiration de son mandat présidentiel, de député.
Né à Braintree (actuellement Quincy) dans le Massachusetts, fils aîné du deuxième président des États-Unis, John Adams, il fut fortement influencé dans son enfance par les prises de position de son père au cours de la révolution américaine et par la haute valeur intellectuelle de sa mère. En suivant son père dans ses voyages à Paris et à Leyde, il étudie et il acquiert non seulement une bonne connaissance du français et du hollandais, mais aussi le goût de sa carrière future. Dès 1781, âgé de quatorze ans, il accompagne en Russie, comme secrétaire et interprète, l’envoyé officiel des États-Unis, et rejoint son père à Paris en 1782 après être passé par la Scandinavie, le Hanovre et la Hollande. De retour au Massachusetts, il étudie à Harvard, dont il est diplômé en 1787, devient avocat et se lance dans le journalisme politique, réfutant les thèses de Thomas Paine sur les droits de l’homme et soutenant la politique de neutralité de George Washington dans le conflit franco-anglais ; il attire ainsi l’attention de Washington qui, en 1794, l’envoie comme ambassadeur en Hollande, puis, en 1796, au Portugal. Son père, devenu président, le nomme ensuite ambassadeur en Prusse.
En 1801, avec l’arrivée au pouvoir de Jefferson, Adams quitte la diplomatie pour se lancer dans la politique aux côtés des fédéralistes ; il est élu en 1802 au Sénat du Massachusetts, puis, en 1803, sénateur du Massachusetts au Sénat fédéral. Considéré à l’intérieur de son parti comme « ingouvernable » en raison de son indépendance d’esprit et de son refus d’appartenir à une coterie, il vote souvent avec les démocrates. C’est ainsi qu’il soutient la politique d’embargo commercial de Thomas Jefferson à laquelle s’opposent les fédéralistes de Nouvelle-Angleterre, approuve avec les démocrates le rachat de la Louisiane, mais rejoint les fédéralistes contre une loi autorisant le Président à faire contrôler ce nouveau territoire par des fonctionnaires choisis par lui et ne dépendant que de lui. En 1808, à la fin de son mandat de sénateur, les fédéralistes désignent un autre candidat ; Adams retourne à la diplomatie, en même temps qu’il se rapproche du parti démocrate. En 1809, James Madison l’envoie comme ambassadeur en Russie, puis comme négociateur du traité de Gand qui met un terme à la guerre anglo-américaine de 1812. En 1817, James Monroe le nomme secrétaire d’État ; en jouant un rôle majeur dans l’acquisition de la Floride, en définissant les nouvelles frontières des États-Unis vers le nord et l’ouest, Adams est en fait un des auteurs, et non des moindres, de la « doctrine de Monroe », promulguée en 1823. Comme pour Madison et Monroe, le secrétariat d’État pouvait constituer un bon tremplin vers la présidence. Fier, indépendant, réservé, Adams fait peu d’efforts pour obtenir des voix face à des opposants d’envergure. Aucun n’ayant obtenu la majorité, la Chambre effectue son choix parmi les trois premiers élus. Adams est désigné, grâce au soutien de Henry Clay, qu’il nommera secrétaire d’État aux Affaires étrangères, suscitant ainsi l’opposition irrémédiable des jacksoniens qui l’accusent de corruption.
Malgré un ambitieux programme de développement des arts et des sciences, notamment par la création d’une université nationale et d’observatoires astronomiques, la présidence de Quincy Adams est souvent considérée comme un échec. Son interprétation libérale de la constitution lui vaut notamment l’opposition des vieux nordistes comme celle des sudistes qui craignent qu’elle n’aboutisse dans l’avenir à l’abolition de l’esclavage. L’opposition virulente des partisans de Jackson, la personnalité d’Adams et les circonstances l’empêchent de vraiment remplir les deux rôles critiques du président, comme chef de parti et comme chef législatif. Si son parti contrôle la Chambre des représentants, l’opposition domine le Sénat, et une simple proposition du président, comme celle de l’autoriser à envoyer une mission d’observation au congrès de Panamá des nations latino-américaines, provoque de véritables troubles. Adams se refuse d’ailleurs à utiliser le patronage (nomination de ses amis à des postes de responsabilité) qui lui permettrait de lutter contre l’opposition du Congrès, s’aliénant ainsi ses amis et encourageant ses ennemis.
Après l’élection de Jackson à la présidence en 1828, Adams se retire à Braintree pour une brève période : en 1830, il est élu à la Chambre des représentants et y demeurera dix-huit ans, sans pour autant avoir renoncé à l’espoir d’une réélection à la présidence.
Cette carrière de député est aussi importante que les deux autres : opposé à l’extension de l’esclavage et abolitionniste de cœur, il oriente désormais toute son action dans un sens favorable aux Noirs. En 1839, il propose un amendement constitutionnel prévoyant que tout enfant né après le 4 juillet 1842 naîtrait libre et qu’aucun nouvel État, sauf la Floride, ne pourrait entrer dans l’Union s’il était esclavagiste ; enfin le district de Columbia ne pourrait plus accueillir d’esclaves ni de commerce d’esclaves à partir de 1845. En dépit de l’opposition des États du Sud qui réussissent à empêcher toute discussion de ses propositions, il se fait résolument l’écho de tous ceux qui, au Nord, lui adressent des pétitions contre l’esclavage. En 1844, le blocage d’un débat sur l’esclavage réalisé par les États du Sud depuis 1839 est enfin levé par 108 voix contre 80. Défenseur des esclaves africains révoltés en fuite sur le bateau Amistad, Adams obtient leur libération contre la volonté présidentielle.
Alors qu’il proteste, une fois encore, contre « l’injuste guerre » qui a opposé les États-Unis au Mexique, John Quincy Adams s’écroule en pleine séance à la Chambre, foudroyé par une attaque. Il meurt deux jours plus tard au Capitole.

     
 
1829 - 1835
 
     

ANDREW JACKSON

Né le 15 mars 1737 à Waxhaw (Caroline du Sud) - mort le 8 juin 1845 à Hermitage (Tennessee)

Issu d'une famille d'immigrants établie sur la frontière ouest de la Caroline du Sud, il participa à la guerre de l'Indépendance américaine dès l'âge de treize ans. Il devint avocat à l'âge de vingt ans, puis procureur à Nashville, au Tennessee, État dont il fut le premier représentant au Congrès fédéral. Entre 1797 et 1798, il siégea à la Chambre des représentants puis au Sénat. De 1798 à 1804, il fut juge à la Cour suprême du Tennessee. En 1802, Jackson fut élu major général de la milice au Tennessee. Au cours de la guerre anglo-américaine, de 1812 à 1815, il écrasa les Indiens creeks, alliés des Britanniques. Sa victoire à la Nouvelle-Orléans, en janvier 1815, sur l'armée britannique fit de lui un héros national. Il combattit également, en 1818, les Indiens séminoles, poussant jusqu'en Floride, alors terre espagnole (voir Séminoles, guerres). En 1821, il fut élu gouverneur, puis, en 1823, sénateur de Floride (cédée par l'Espagne aux États-Unis en 1819). Après un premier échec à l'élection présidentielle de 1824, il devint, en 1828, le 7e président des États-Unis, soutenu par le nouveau parti démocrate. Son élection marqua une profonde rupture avec l'idéalisme de Thomas Jefferson. Comme ce dernier, il utilisa le spoils system (« système des dépouilles »), attribuant à son parti tous les postes administratifs, mais il dirigea le pays de manière autoritaire et témoigna constamment d'un grand réalisme. Dans le conflit qui opposait les industriels de l'Est à ceux de la Caroline du Sud sur le libre-échange, il trouva un compromis, en 1832, qui prévoyait une réduction progressive des droits de douane. Il sut ainsi affirmer l'autorité du gouvernement fédéral face aux menaces de sécession de la Caroline du Sud et entraîna les États-Unis sur la voie du capitalisme libéral. Vis-à-vis des Indiens, sa politique consista à les déplacer de l'est à l'ouest du Mississippi.
Réélu en 1832, il dut affronter, à partir de 1834, l'opposition des whigs, qui critiquaient ce qu'ils appelaient la tyrannie du « roi Andrew ». Jackson contribua de fait à renforcer la présidence américaine ; son autoritarisme accrut le prestige de la fonction présidentielle. En usant de son droit de veto législatif, il répudia la tradition établie par George Washington selon laquelle le veto était un vestige de la monarchie que les présidents d'une République ne devaient utiliser que parcimonieusement. À l'échéance de son second mandat, en 1836, Jackson fit élire à la présidence son vice-président Martin Van Buren, conservant ainsi une influence politique indirecte. C'est pourquoi la période 1825-1840 fut dénommée l'« ère de Jackson ».

     
 
1835 - 1840
 
     
 

MARTIN VAN BUREN

Né le 5 décembre 1782 à Kinderhook (new York) - mort le 24 juillet 1862 à Kinderhook

Avocat, il connut une ascension politique rapide. Il siégea au Sénat de l’État de New York de 1812 à 1820 et fut ministre de la Justice de ce même État de 1816 à 1819, avant d’accéder, en 1821, au Sénat américain.
Il devint le chef de l’Albany Regency, groupe d’influence fidèle du démocrate Andrew Jackson, qui parvint à faire élire ce dernier à la présidence en 1829. Nommé secrétaire d’État par Jackson puis vice-président, il fut désigné à l’investiture présidentielle de 1836 grâce au soutien enthousiaste de ce dernier. Tirant bénéfice des dissensions au sein du parti adverse, le parti whig, il fut élu à une forte majorité, devenant ainsi le premier New-Yorkais à entrer à la Maison-Blanche.
D’emblée, Van Buren dut faire face à une grave crise économique et financière ; manquant d’initiative, il s’aliéna une partie du soutien de son parti. À l’élection présidentielle de 1840, il perdit en faveur de William Henry Harrison
En 1844, le Parti démocrate lui refusa l’investiture présidentielle en raison de son opposition à l’annexion du Texas. Aussi Van Buren quitta-t-il quatre ans plus tard le Parti démocrate, de plus en plus proesclavagiste, et accepta l’investiture présidentielle du tout jeune Free-Soil Party, mais il fut très largement battu.

     
 
1840 - 1841
 
     

WILLIAM HENRY HARRISON

Né le 9 février 1773 à bBerkeley (Virginie) - mort le 4 avril 1841 à Washington

Né dans le comté de Berkeley (Virginie) au sein d'une famille riche et très influente, il poursuivit une carrière militaire et politique favorisée par ses relations familiales, et accéda au poste de gouverneur de l'Indiana. Deux succès militaires, contre les Indiens Shawnee en 1811 et au cours de la guerre anglo-américaine en 1812, éclairèrent un parcours assez terne. Ils suffirent cependant à convaincre les dirigeants du Parti républicain de choisir ce général vieillissant pour candidat à l'élection présidentielle de 1840. Harrison fut élu au terme d'une campagne agressive de son parti, qui chercha à discréditer son adversaire. Il mourut le 4 avril 1841, un mois après le début de son mandat.

     
 
1841 - 1845
 
     
 JOHN TYLER

Né le 29 mars 1790 dans le Comté de Charles City (Virginie) - mort le 18 janvier 1862 à Richmond (Virginie).

Ce fils de gouverneur entra dans la politique après des études de droit et défendit les principes fédéralistes de Thomas Jefferson. Gouverneur de Virginie, puis sénateur démocrate en 1827, il s'opposa au chef de son parti, Andrew Jackson, et préféra démissionner du Sénat deux ans plus tard tout en ralliant les whigs. Choisi comme vice-président par William Henry Harrison après la victoire des conservateurs, il remplaça ce dernier lorsqu'il décéda un mois après son investiture. Cependant, contrairement aux attentes, Tyler se refusa à mener la politique souhaitée par les whigs. Au terme d'une grave crise, où il fut menacé de perdre son mandat, il parvint à affirmer sa fonction de président non directement élu par le peuple, et fit aboutir deux grandes réalisations : le traité de Webster-Ashburton (1842), qui mit fin au conflit de la frontière nord-ouest, et l'annexion du Texas (1845).
Il ne se présenta pas aux élections suivantes, malgré le soutien des démocrates, mais continua de militer pour le droit des États. Membre de la convention de Virginie à l'aube de la guerre de Sécession, il vota pour le retrait de l'Union et servit brièvement aux côtés des sudistes avant de mourir à Richmond le 18 janvier 1862.

     
 
1845 - 1849
 
     

JAMES K. POLK

Né le 2 novembre 1795 dans le Comté de Mecklenburg (Caroline du Nord) - mort le 15 juin 1849 à Nashville (Tennessee)

Fervent partisan du président Andrew Jackson, Polk gravit rapidement les rangs du parti démocrate du Tennessee. Entre 1825 et 1839, il fut membre de la Chambre des représentants ; il en fut le porte-parole de 1836 à 1839. Polk était si peu connu que les whigs firent de « Qui est James K. Polk ? » le slogan de leur campagne. Élu en 1844, à quelques milliers de voix près, contre Henry Clay, il suscita de vives controverses par sa politique intérieure et surtout extérieure.
Son projet de séparer les finances publiques des banques eut pour conséquence de laisser les banquiers sans contrôle. Le Walker Tariff Act de 1846, du nom du secrétaire des Finances Robert J. Walker, favorisa le Sud aux dépens de la nation dans son ensemble. Farouche partisan de la doctrine de Monroe et résolument expansionniste, Polk fut néanmoins contraint d'accepter que les territoires américains s'arrêtent au 49e parallèle, la frontière actuelle entre l'État de Washington et la Colombie-Britannique, et non au 54e parallèle comme il l'aurait souhaité.
En 1846, Polk engagea les États-Unis dans la guerre contre le Mexique (voir Américano-mexicaine, guerre), qui permit l'annexion de la Californie, du Nevada, de l'Utah, de l'Arizona et du Nouveau-Mexique (traité de Guadalupe Hidalgo, 1849).
Pour les nordistes, cette guerre n'était rien d'autre qu'un complot sudiste dont le but était d'étendre l'esclavage sur de nouveaux territoires qu'il fallait prendre au Mexique. Certains sudistes, comme Alexander H. Stephens, rejoignirent les whigs du Nord comme Abraham Lincoln pour condamner les méthodes de Polk. L'opposition des whigs et des démocrates du Nord amena Polk à ne pas se représenter.

     
 
1849 - 1850
 
     

ZACHARY TAYLOR

Né le 24 novembre 1784 en Virginie - mort le 9 juillet 1850 à Washington

Fils d'un officier de la guerre de l'Indépendance, Zachary Taylor se distingua lors de la guerre de 1812 contre les Anglais, puis participa à la guerre contre la tribu indienne des Black Hawk. Il vainquit enfin les Séminoles en Floride, lors de la bataille du lac Okeechobee, ce qui lui valut d'être promu général.
Durant la guerre américano-mexicaine, Taylor, devenu général de division, s'empara de Matamoros et de Monterrey (21 septembre 1846). Une partie de ses troupes dut rejoindre le général Winfield Scott au Mexique central, mais les 22 et 23 février 1847, Taylor réussit à mettre en déroute, à Buena Vista, les forces, pourtant supérieures en nombre, du président mexicain Antonio López de Santa Anna ; une prouesse qui en fit un héros national.
Taylor qui ne disposait pourtant que de peu d'expérience en politique fut choisi comme candidat des whigs à l'élection présidentielle de 1848, élection qu'il remporta, devenant le 12e président des États-Unis. L'administration Taylor rencontra de graves difficultés. Pour mettre fin à l'avancée britannique en Amérique centrale, elle conclut le traité de Clayton-Bulwer (1850), accord qui fut impopulaire. Bien qu'esclavagiste, il demanda l'admission de la Californie abolitionniste et rejeta le compromis d'Henry Clay devant équilibrer le rapport de force entre États abolitionnistes et esclavagistes, se déclarant prêt à utiliser la force pour empêcher toute sécession. Cette position lui valut l'hostilité des whigs du sud. Taylor tomba malade en pleine controverse et mourut le 9 juillet 1850. Dès lors, plus rien ne pouvait entraver l'adoption du compromis de 1850.

     
 
1850 - 1852
 
     

MILLARD FILMORE

Né le 7 janvier 1800 à Finger Lakes (New York - mort le 8 mars 1874

Avocat au barreau de Buffalo, il représenta l'État de New York au Congrès, de 1833 à 1835 et de 1837 à 1843. En 1849, il fut élu vice-président de Zachary Taylor. Durant la crise provoquée par la question de l'esclavage en 1850, bien qu'anti-esclavagiste, il défendit une solution de compromis entre le Nord et le Sud, s'opposant ainsi à Taylor. À la mort de ce dernier, en juillet 1850, il devint Président et utilisa son pouvoir pour soutenir le compromis. Battu lors de l'élection présidentielle de 1856, il prit position en faveur de l'Union durant la guerre de Sécession mais n'en critiqua pas moins la politique menée par Abraham Lincoln.

     
 
1852- 1857
 
     

FRANKLIN PIERCE

Né le 23 novembre 1804 à Hillsboro (New Hampshire) - mort le 8 novembre 1869 dans le même état

Il était le fils d'un général qui se distingua pendant la guerre de l'Indépendance américaine et qui fut par la suite gouverneur du New Hampshire. Avocat à Hillsboro puis à Concord, membre du parti démocrate, Pierce fut élu au Congrès en 1833 et devint sénateur en 1837. Adversaire des abolitionnistes, il démissionna du Sénat et revint s'établir à Concord, où il fut l'un des chefs du parti démocrate pour le New Hampshire.
Sa participation en qualité de général à la guerre américano-mexicaine et son soutien sans réserve aux termes du compromis de 1850 applicables au Nord et au Sud lui permirent de se faire accepter par le Sud et d'être choisi comme candidat démocrate à la présidence, à laquelle il fut élu en 1852.
Accablé par des drames familiaux dès les débuts de son mandat, il ne parvint pas à imposer son autorité, notamment au Congrès, et ses positions favorables aux États esclavagistes, qui l'amenèrent à ratifier en 1854 le compromis du Kansas-Nebraska (modifiant une disposition de 1820 prohibant l'esclavage au nord du 36e parallèle), lui attirèrent une certaine popularité dans les États du Sud, mais accentuèrent les dissenssions entre le Sud et le Nord qui devaient conduire à la guerre de Sécession. En politique étrangère, il poursuivit une tactique expansionniste, manifestant les visées américaines sur l'Alaska, Hawaii et Cuba. Au terme de son mandat, Pierce ne reçut pas l'investiture de son parti pour se représenter. Il sortit de sa retraite politique pendant la guerre de Sécession, pour critiquer la politique du président Lincoln.

     
 
1857 - 1861
 
     

JAMES BUCHANAN

Né le 23 avril 1791 dans le Comté de Franklin (Pennsylvanie) - mort le 1er juin 1868 à Wheatland dans le même état.

Après des études universitaires, il poursuit sa formation de chercheur à l’université de Chicago où il obtient un doctorat en 1948. De 1957 à 1967, professeur à l’université de Charlottesville en Virginie, il dirige le Centre Thomas Jefferson d’études d’économie politique et de philosophie sociale qu’il avait fondé avec l’économiste Warren Nutter. Dix ans après Milton Friedman, fondateur de l’école de Chicago, douze ans après Friedrich von Hayek, vénéré par les « Autrichiens » de l’école de Vienne, Buchanan obtient le prix Nobel d’économie le 16 octobre 1986, alors qu’il poursuit sa carrière dans la petite université George Mason à Fairfax, près de Washington (Virginie).
À l’interférence de l’économie et de la science politique, James Buchanan publiera en 1975 The Limits of Liberty, between Anarchy and Leviathan, qui présente cette idée force de la conception libérale, selon laquelle la justice sociale ne s’apprécie pas aux résultats obtenus (par exemple, une plus grande égalité des revenus), mais à la justice des règles qui ont permis d’obtenir le résultat. L’ensemble de ses travaux sont réunis dans un ouvrage connu sous le nom de Public Choice, une théorie des prises de décisions économiques dans le secteur public.
Jusqu’alors, la théorie de l’État-providence analysait comment les autorités publiques compensaient les imperfections du marché, chaque fois que l’équilibre entre l’offre et la demande ne s’établissait pas automatiquement. Les décisions politiques n’intervenaient alors que pour corriger certains aléas de la conjoncture.
De même, les « théories politiques de la stabilisation », qu’elles aient une empreinte keynésienne ou monétariste, justifiaient l’action des autorités publiques dans leur poursuite d’objectifs socio-économiques, tels l’emploi, la lutte contre l’inflation ou le taux de croissance. Elles avaient persuadé les Occidentaux que le capitalisme pourrait être sauvé par l’intervention de l’État.
Buchanan, et avec lui d’autres chercheurs du Centre d’études des choix publics qu’il a fondé à Blacksburg, sur le campus de l’université de Virginie, rejettent cette vision de la vie politique. L’État lui-même n’est selon eux qu’une mystification : il n’est pas « économiquement vierge » puisqu’il produit du transport, de la santé, de l’éducation. Même ses fonctions les plus « régaliennes », telles la justice et la défense, sont en réalité des productions.
L’ouvrage qui révéla à la communauté scientifique l’attaque de James Buchanan contre les hommes politiques et la politique économique qu’ils entendent mener, The Calculus of Consent, sera écrit dès 1962 avec la collaboration de Gordon Tullock. Les travaux des deux auteurs reposent sur un postulat simple : les individus, faisant preuve d’égoïsme sur les marchés, ne peuvent guère se comporter différemment dans la vie politique. On peut donc transposer, sur le plan politico-administratif, l’explication du comportement économique des individus sur les marchés. Les hommes politiques, comme les partis ou les administrations, loin d’être les défenseurs de l’intérêt public, n’agissent qu’en fonction de leur propre intérêt. Ils « travaillent » essentiellement à leur propre réélection pour parvenir à des positions de force ou pour bénéficier de la plus grande part possible du budget. L’État ne serait alors qu’une coalition d’intérêts privés, corporatifs, voire un moyen de promotion pour les hommes politiques.
Le mobile électoral devient au monde politique ce que le profit est à l’entrepreneur traditionnel. En conséquence, il ne faudra choisir l’État que lorsque la solution du marché sera réellement plus onéreuse que celle de l’intervention publique. Buchanan renoue ainsi avec la tradition des « économistes-philosophes » qui, depuis Adam Smith et Bastiat, veulent éliminer toutes les entraves qui empêchent l’individu d’agir librement. Nos difficultés économiques ne seraient pas aujourd’hui le résultat d’une faillite de l’économie de marché, mais seulement celle de nos mécanismes politiques.
À partir de cette analyse, Buchanan étudie le rapport entre les dépenses publiques et les impôts, et explique que les décisions politiques s’élaborent selon un « principe d’unité ». C’est ainsi que les décisions concernant le financement des équipements collectifs résulteraient en fait d’accords volontaires entre les citoyens. Ils détermineraient leur vote en comparant l’avantage personnel qu’ils pensent obtenir de telle ou telle mesure collective à ce qu’il leur en coûtera sous forme d’impôt.
Buchanan, que l’on qualifie souvent d’« ultralibéral », aura eu une profonde influence sur la politique de son époque. « Lorsqu’on écrira l’histoire de la présidence Reagan, on reconnaîtra que beaucoup lui est dû », notait Manuel H. Johnson, le vice-président de la Réserve fédérale américaine. À l’heure où triomphent aux États-Unis les règles de l’économie de marché et le principe du désengagement de l’État, il n’est pas étonnant que les idées de Buchanan aient séduit le président Reagan au point de lui faire réclamer un amendement à la Constitution pour rendre l’équilibre budgétaire obligatoire. Déjà, en 1985, les travaux de Buchanan furent à l’origine de la loi Gramm-Redman-Hollings prescrivant une réduction progressive du déficit budgétaire américain, jugé à l’origine de la surévaluation du dollar, du déficit de la balance commerciale ainsi que des tensions sur le système monétaire international. « La classe politique, dit Buchanan, est plus disposée à dépenser qu’à créer de nouveaux impôts, et c’est pourquoi les déficits se creusent. »
James Buchanan (dont il convient de citer par ailleurs deux autres ouvrages : Public Finance in the Democratic Process, 1966 ; The Power of Tax, 1980) a été jusqu’en 1985 le président de la Société du mont Pèlerin, véritable sanctuaire de la foi libérale.

     
 
1861 - 1865
 
     
 

ABRAHAM LINCOLN

Né le 12 février 1809 dans le Comté de Hardin (kentucky) - mort ke 14 avril 1865 à Washington

Ses parents, Thomas Lincoln et Nancy Hanks Lincoln, étaient des gens simples et modestes, sans instruction. Ils vécurent au Kentucky jusqu’à ce qu’Abraham eût sept ans. L’enfant fréquenta des écoles de fortune et y reçut une première instruction, dont la durée totale n’excéda pas un an. Toutefois, pendant cette courte période, il apprit à lire, à écrire et il acquit des notions simples d’arithmétique.
En 1816, Thomas Lincoln se rendit en Indiana, de l’autre côté de l’Ohio, vers le nord. Il s’installa dans le sud-ouest du territoire qui allait se constituer en État avant la fin de l’année. La population était très clairsemée dans un pays couvert d’une forêt dense. Le jeune Lincoln commença à travailler, abattant des arbres et coupant du bois de chauffage.
Deux ans après le déménagement, Nancy Hanks Lincoln mourait. Un an plus tard, Thomas Lincoln se remaria avec Sarah Bush Johnston, à qui Abraham voua une affection profonde et durable.
Les Lincoln vécurent dans l’Indiana, de 1816 à 1830. Abraham travaillait pour son père et pour des voisins ; une fois, il aida à conduire un bateau chargé de produits agricoles sur l’Ohio et le Mississippi jusqu’à La Nouvelle-Orléans.
En 1830, Thomas Lincoln alla s’établir dans l’Illinois où la terre était, à juste titre, réputée fertile. Il défricha du terrain près de la rivière Sangamon à seize kilomètres à l’ouest de la ville actuelle de Decatur. Au bout d’un an, le jeune Lincoln, alors âgé de vingt-deux ans, décida de mener une existence indépendante. Il travailla d’abord comme matelot sur un bateau allant à La Nouvelle-Orléans, puis s’installa sur la frontière dans le village de New Salem, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Springfield. Il fut successivement garçon meunier, commis de magasin, propriétaire de magasin (il s’y ruina) et receveur des postes. Il s’engagea dans la guerre de Black Hawk en 1832 (soulèvement des Indiens dans le nord de l’Illinois) et servit pendant trois mois. À son retour, il se présenta aux élections législatives de l’État, mais il essuya un échec. Quand il en avait la possibilité, il étudiait la grammaire, la géométrie et le droit dont il voulait faire sa profession.
En 1834, Lincoln se représenta aux élections législatives et, cette fois, il fut élu. Il allait participer à quatre sessions en tout, sans marquer profondément la vie de l’État, encore qu’il fût partisan d’un programme d’améliorations internes (un réseau de canaux, de chemins de fer et de routes) qui appauvrit l’Illinois pour dix ans, et qu’il jouât un rôle important dans le déplacement de la capitale de Vandalia à Springfield.
Au printemps de 1837, Lincoln fut reçu au barreau de l’Illinois. Il alla s’installer à Springfield où il commença à exercer. Cependant, il s’intéressait toujours beaucoup à la politique. Après avoir goûté de la législature de l’Illinois, il aspirait à une situation plus élevée : la Chambre nationale des représentants. Élu dans l’été de 1846, il n’occupa son siège qu’en décembre 1847. À cette époque, la guerre du Mexique battait son plein. Lincoln estimait que cette guerre était inconstitutionnelle et immorale, et il s’y opposa vigoureusement bien qu’il votât régulièrement l’envoi de troupes au combat. Son attitude irrita violemment ses électeurs, dont la plupart étaient d’ardents patriotes. Il ne se représenta pas aux élections ; d’ailleurs il n’aurait pu être réélu.
Après avoir siégé au Congrès, Lincoln retourna à Springfield bien décidé à se consacrer sans réserve à sa profession. Il acquit rapidement un certain renom, se constituant une clientèle nombreuse à Chicago comme dans le centre de l’État où il vivait.
Lincoln aurait pu n’être, toute sa vie, qu’un avocat célèbre sans plus, s’il n’y avait eu un tournant décisif de la politique nationale. Pendant de nombreuses années, l’existence de l’esclavage dans les États du Sud avait été un facteur de division nationale. Dans l’ensemble, les habitants des États du Nord acceptaient que le Sud gardât son « institution particulière » tant qu’elle restait dans le cadre des limites existantes. En 1830, quand le Missouri, hors de ces limites, sollicita son admission dans l’Union en conservant l’esclavage, une division de la nation parut imminente. À la dernière minute intervint ce qu’on a appelé le compromis du Missouri. Le Missouri était admis en tant qu’État, mais avec la stipulation que l’esclavage ne pénétrerait pas dans le territoire situé au nord d’une ligne est-ouest allant de la frontière méridionale du Missouri au Pacifique.
Vingt-quatre ans plus tard, le sénateur Stephen A. Douglas de l’Illinois, démocrate puissant et depuis longtemps adversaire politique de Lincoln, proposa une mesure pour organiser les territoires du Kansas et du Nebraska. Ce projet de loi dénonçait explicitement le compromis du Missouri et donnait aux habitants de ces territoires le droit de décider de la question de l’esclavage pour eux-mêmes. Sous la forte pression de l’administration, le Congrès vota cette loi. L’acte du Kansas-Nebraska rendit furieux les adversaires de l’esclavage, dont Lincoln. Plus passionné qu’il ne l’avait jamais été (selon ses propres dires), il revint à la vie politique. Au début, il n’avait d’autre dessein que d’aider à la réélection du congressiste anti-Nebraska de son propre district, mais ses discours, empreints d’une profondeur et d’une vigueur nouvelles, lui valurent une audience beaucoup plus large.
Une carrière politiqueL’acte Kansas-Nebraska non seulement ramena Lincoln à la vie politique, mais encore il aboutit à la formation du parti républicain. Lincoln, jusqu’alors whig, adhéra au nouveau parti et en devint vite le chef dans l’Illinois.
En 1858, le sénateur démocrate Stephen A. Douglas se représenta aux élections. La Convention d’État républicaine choisit Lincoln pour être son adversaire. À cette époque, les sénateurs des États-Unis étaient élus par les législatures des États et non au suffrage populaire. La tâche des candidats consistait donc à assurer l’élection de représentants et sénateurs d’État qui leur fussent favorables. C’est à cette tâche que s’attelèrent aussi bien Douglas que Lincoln au début d’août. Rapidement, Lincoln défia Douglas dans une série de conférences contradictoires. Douglas accepta avec une certaine réticence. Le premier débat eut lieu à Ottawa le 21 août, le septième et dernier à Alton le 15 octobre. La plupart furent suivis par des milliers de personnes. Des spectateurs encore plus nombreux furent présents aux réunions de parti où chaque candidat parlait presque quotidiennement entre les rencontres officielles.
Bien que les votes eussent accordé une majorité à Lincoln, le découpage des circonscriptions électorales entraîna la réélection de Douglas. Cependant, le compte rendu complet et circonstancié des débats valut à Lincoln une réputation nationale. Invité à parler le 27 février 1860 à la Cooper Union à New York, il prononça, devant un auditoire qui incluait beaucoup de dirigeants de son parti, le discours le plus important de sa carrière, terminant par cette affirmation vibrante : « Ayons foi dans le fait que le droit crée la force, et, dans cette foi, osons finalement faire notre devoir tel que nous le concevons. »
La Convention nationale républicaine se réunit à Chicago en mai 1860. La renommée et la popularité de Lincoln étaient, en dépit du choix de son propre État, bien inférieures à celles des autres dirigeants, notamment William H. Seward de l’État de New York et Salmon P. Chase de l’Ohio. Mais ces hommes s’étaient fait des ennemis au cours de leur longue carrière ; Lincoln n’en avait point. Au troisième tour, les représentants misèrent sur le « cheval tocard », et Lincoln fut désigné comme le candidat du parti à la présidence.
Un mois plus tard, le parti démocrate se scinda en deux factions : l’une pour le Nord dirigée par Stephen Douglas, l’autre représentant le Sud avec John C. Vreckinridge comme candidat. Un nouveau parti qui prit pour programme la Constitution et l’Union vint encore compliquer la situation. Grâce à cette division, Lincoln l’emporta facilement aux élections du 6 novembre 1860. Il ne recueillit que 1 866 452 suffrages lors de la consultation populaire sur un total de 4 682 069, mais dans l’institution américaine particulière qu’est le Collège électoral, il obtint 180 mandats électoraux contre 123 à ses adversaires.
L’élection de Lincoln fut, pour les États du Sud, le signal de la dissolution de l’Union. La Caroline du Sud, la première, promulgua une ordonnance de sécession, le 20 décembre 1860. Six autres suivirent avant même que Lincoln n’eût prêté serment le 4 mars 1861. (Quatre autres États se retirèrent plus tard.) Les représentants des États sécessionnistes se réunirent à Montgomery, en Alabama, le 8 février 1861, se constituèrent en États confédérés d’Amérique, créèrent un gouvernement provisoire et élurent un président provisoire, Jefferson Davis.
La lutte pour la reconstitution de l’Union
À mesure que les États du Sud faisaient sécession, ils s’emparaient des forts et autres établissements fédéraux situés sur leur territoire. Fort Sumter, dans la baie de Charleston, résista. Le 12 avril, les forces confédérées ouvrirent le feu sur le fort qui se rendit deux jours plus tard. Lincoln répondit en faisant intervenir la garde nationale, en demandant des volontaires et en proclamant le blocus des ports sudistes.
Des armées se formèrent et s’équipèrent du mieux qu’elles purent. La stratégie des confédérés était claire ; leurs troupes devaient adopter des positions défensives et repousser l’invasion. Le Nord voulait aller de l’avant. Le général Winfield Scott, commandant les armées fédérales, et Lincoln cédèrent à contrecœur à la pression de l’opinion. À la mi-juillet, une armée fédérale, conduite par Irwin McDowell, s’avança pour frapper les forces confédérées disposées sur les rives du Bull Run, à quarante kilomètres au sud-ouest de Washington. Il en résulta une défaite désastreuse pour les troupes de l’Union.
L’échec du Bull Run fit brutalement prendre conscience au Nord du fait que la guerre serait longue et difficile. Lincoln réclama un plus grand nombre de volontaires et confia à un jeune général, George B. McClellan, le soin d’organiser et d’entraîner les armées de l’Est. Neuf mois passèrent avant que McClellan ne bougeât. Puis il frappa à Richmond, alors capitale des confédérés, en transportant ses troupes par mer dans la péninsule située entre les rivières York et James. Il arriva en vue de Richmond, mais fut repoussé au cours de violents combats qui lui causèrent de lourdes pertes.
C’est à Lincoln qu’incombait la responsabilité de choisir les chefs militaires capables de remporter des victoires. Après l’échec de McClellan, Lincoln essaya une série de commandants en chef : John Pope, Ambrose E. Burnside, McClellan à nouveau, Joseph Hooker. Tous subirent de graves défaites, sauf McClellan qui remporta une prétendue victoire à Antietam, contraignant le général Robert E. Lee, chef de l’armée confédérée de Virginie du Nord, à quitter le Maryland et à se retirer en Virginie .
L’importance d’Antietam n’était pas seulement militaire. Au début de l’été 1862, Lincoln avait décidé de proclamer l’émancipation des Noirs. Des membres de son cabinet l’en dissuadèrent, arguant du fait que, venant après une série de défaites, un tel acte apparaîtrait comme une mesure de désespoir. Mais la bataille d’Antietam, livrée le 17 septembre, pouvait être considérée comme une victoire. Lincoln fit donc sa proclamation le 22 septembre. Même si elle eut des résultats peu concluants, elle donna une nouvelle dimension à la guerre. Jusque-là, il s’agissait d’une guerre pour reconstituer l’Union ; désormais, ce serait une guerre pour reconstituer l’Union et mettre fin à l’esclavage.
Pendant ce temps, les forces de l’Union dans l’Ouest avaient eu des résultats autrement impressionnants que celles engagées à l’Est. En février 1862, elles s’emparèrent de Fort Henry et de Fort Donelson sur le Tennessee et sur le Cumberland. Les 6 et 7 avril, une armée de l’Union, sous le commandement du général Ulysses S. Grant, remporta la victoire à la sanglante bataille de Shiloh. Il visait alors la forteresse confédérée de Vicksburg dans l’État du Mississippi, qui empêchait l’Union d’utiliser le fleuve sur la totalité de son cours. (La Nouvelle-Orléans était déjà tombée.) Après une brillante campagne et un long siège, Vicksburg capitula le 4 juillet 1863, un jour après que le général George Gordon Meade et l’armée nordiste du Potomac eurent battu Lee à Gettysburg, en Pennsylvanie.
Bien que Vicksburg et Gettysburg fussent toutes deux tenues pour des batailles décisives, la guerre dura encore presque deux années. Dans l’Ouest, les forces de l’Union subirent une défaite cuisante à Chickamauga en septembre 1863, mais Grant, appelé pour diriger les troupes, rétablit l’équilibre en remportant des victoires à Chattanooga et à Missionary Ridge. Lincoln fut convaincu que ce général de l’Ouest était son homme. Grant fut appelé à Washington où le président lui confia le commandement de toutes les forces de l’Union. Grant choisit de rester dans l’Est avec l’armée du Potomac ; les opérations dans l’Ouest seraient confiées au général William Tecumseh Sherman.
Avec l’entière approbation de Lincoln, un mouvement combiné fut décidé pour le printemps de 1864. Grant se dirigerait par voie de terre contre Richmond ; Sherman prendrait pour objectif Atlanta en Géorgie. Les deux armées se mirent en marche dans la première semaine d’avril. Toutes deux rencontrèrent une résistance opiniâtre et subirent de lourdes pertes. Après six semaines de combats sanglants, Grant fut tout près de prendre Richmond, mais il fut obligé de mettre le siège devant la ville. Sherman atteignit les abords d’Atlanta au début de juillet ; là, sa progression fut stoppée.
Tandis que la situation militaire se trouvait dans l’impasse, le parti républicain, qui s’appelait alors le parti national de l’Union, se réunit pour choisir un candidat aux élections présidentielles de 1864. Les délégués désignèrent Lincoln, mais avec réticence, car beaucoup d’entre eux auraient préféré quelqu’un de plus agressif et de plus radical. Les démocrates, las de la guerre, choisirent George B. McClellan, qui n’exerçait plus de commandement depuis déjà longtemps. A la fin de l’été de 1864, Lincoln, lui-même, ne croyait pas qu’il lui fût possible d’être réélu. Mais, subitement, la fortune des armes changea de camp. Atlanta tomba le 1er septembre ; à peu près au même moment, l’amiral David G. Farragut embouteilla le port de Mobile dans l’Alabama. La victoire des nordistes paraissait soudain plus proche qu’elle ne l’avait été pendant plus de trois ans. Le 8 novembre, les électeurs accordèrent à Lincoln la majorité qu’ils lui avaient refusée en 1860. Il l’emporta de manière écrasante par 212 voix contre 21.
Sherman, qui était resté à Atlanta jusqu’au 15 novembre, se mit en marche vers l’Est avec 60 000 hommes, pour une destination que Lincoln lui-même ignorait. Les troupes dévastaient le pays, privant ainsi les armées confédérées des ressources qui leur étaient nécessaires. Sherman, qui ne rencontra guère de résistance, pénétra dans Savannah, en Géorgie, le 21 décembre 1864. Le 1er février 1865, il partit pour le Nord avec l’intention de rejoindre Grant à Richmond. Après une bataille unique mais violente (Bentonville), il atteignit Goldsboro en Caroline du Nord, où il s’arrêta.
En 1865, le printemps arrivant, Grant déploya ses lignes pour couper les dernières voies de chemin de fer approvisionnant Richmond. Lee, voyant le piège se refermer, évacua la ville le 3 avril. Le lendemain, Lincoln se rendit dans la capitale des confédérés et en parcourut les rues sous les acclamations de milliers de Noirs affranchis.
Regroupant ses forces vers l’Ouest, Lee tenta d’échapper à ses poursuivants, mais en vain. Le 8 avril, il se rendait à Grant. En fait, c’était la fin de la guerre.
Une mort violente
Après sa visite à Richmond, Lincoln rentra à Washington. Le 4 mars 1865, dans sa seconde adresse inaugurale, il avait indiqué la voie qu’il suivrait une fois les hostilités terminées. « Sans rancune contre personne, dit-il, avec de la charité à l’égard de tous, avec constance dans ce qui est juste, luttons pour achever l’œuvre dans laquelle nous sommes engagés ; panser les blessures de la nation, s’occuper de celui qui a souffert des combats, de la veuve et de l’orphelin ; faire tout ce qui est possible pour rétablir et maintenir une paix juste et durable chez nous et avec toutes les nations. »
Mais il ne devait pas lui être donné de panser les blessures de la nation. Le 14 avril 1865 au soir, alors qu’il se trouvait au théâtre, un acteur à demi fou, John Wilkes Booth, tira sur lui ; il mourut le lendemain matin et fut inhumé, le 4 mai 1865, à Springfield, dans l’Illinois.
Le 4 novembre 1842, Lincoln avait épousé Mary Todd, une jeune femme de Lexington dans le Kentucky, mariage qui n’alla pas toujours sans heurts. Ils eurent quatre fils, dont, seul, l’aîné atteignit l’âge adulte.
Avec peu d’expérience, Abraham Lincoln a apporté à la présidence une rare alliance de bon sens, de tact, de patience, de détermination et d’humanité. Sa conviction qu’il fallait maintenir l’Union n’a jamais été ébranlée, non seulement parce que c’était pour lui un devoir constitutionnel, mais aussi parce que le maintien de l’Union démontrerait que la démocratie, qui, pendant longtemps, avait été le rêve de philosophes politiques, pouvait exister dans les faits comme forme de gouvernement. En même temps, dans une série de documents officiels, il définit la démocratie et sa portée avec une éloquence qui n’a jamais été dépassée.
Avec les moyens dont il disposait, il a porté un coup mortel à l’esclavage aux États-Unis. Quelque réserves que l’on fasse à propos du résultat de la proclamation d’émancipation, il est absolument certain qu’après le 22 septembre 1862 cet esclavage était condamné.
La vie de Lincoln tout entière symbolise la noblesse de l’âme humaine. Il n’y avait pas place pour l’esprit de vengeance dans son caractère. S’il avait vécu et s’il avait été au pouvoir, il aurait admis à nouveau les États confédérés au sein de l’Union sans sanctions et sans autre condition que l’acceptation de l’abolition de l’esclavage. Si cette politique avait prévalu, les États-Unis seraient peut-être une nation plus réellement unie qu’aujourd’hui.

     
 
1865 - 1868
 
     

ANDREW JOHNSON

Né le 29 décembre 1808 à raleigh (Caroline du Nord) - mort le 31 juillet 1875 à Greenville (Tennessee)

Andrew Johnson s'installa en 1827 comme tailleur dans la ville de Greenville au Tennessee. Populaire auprès des artisans de la ville, il fut élu maire de Greenville en 1830. Élu démocrate à la Chambre des représentants des États-Unis de 1843 à 1853, il fut ensuite gouverneur (1853-1857) puis sénateur (1857-1862) du Tennessee. Au Congrès, Johnson se fit le porte-parole des fermiers, défendant le maintien de prix bas pour la vente des terres de l'Ouest et luttant pour une réforme agraire.
Hostile à l'abolition de l'esclavage, Johnson soutint, en 1860, la candidature à la présidence des États-Unis du démocrate sudiste John C. Breckinridge contre le républicain Abraham Lincoln. Pourtant, lorsque les États sudistes firent sécession après l'élection de Lincoln, il s'opposa à ce que le Tennessee se détache de l'Union et rallia finalement le camp républicain durant la guerre de Sécession, seul sénateur sudiste à rester loyal à l'Union.
Après la chute de Nashville, le président Lincoln le nomma gouverneur militaire du Tennessee, en mars 1862. En 1864, les républicains, désireux de réconcilier les deux camps, présentèrent pour l'élection présidentielle un tandem unioniste Lincoln-Johnson. Élu vice-président, Johnson réunit une convention afin de constituer un nouveau gouvernement pour le Tennessee et fit abolir l'esclavage dans l'État.
Après l'assassinat de Lincoln en avril 1865, Johnson accéda à la présidence. D'abord populaire, il souleva l'opposition du Congrès et du Parti républicain, lorsqu'il offrit une réhabilitation sans condition aux anciens dirigeants confédérés et permit aux États sudistes de refuser l'égalité politique aux Noirs.
Choquée par l'établissement de règlements de police fondés sur la discrimination raciale (les Black Codes), la majorité républicaine refusa d'accueillir les députés sudistes lorsque le Congrès se réunit en décembre 1865. La rupture fut consommée lorsque Johnson mit son veto à la loi sur les droits civiques, tentant d'empêcher le vote du 14e amendement, accordant l'égalité des droits politiques aux Noirs (1866). En août 1867, le président fut démis de ses fonctions, le ministre de la Guerre, le radical Edwin M. Stanton, nommant pour le remplacer, le général Ulysses S. Grant. Dès lors, le Congrès voulut destituer Johnson. Deux procédures échouèrent successivement.
En 1868, Grant était nommé à la tête des républicains et, lors de la convention tenue par les démocrates pour la désignation de leur candidat, Johnson fut battu par Horatio Seymour. Son mandat achevé, il regagna le Tennessee. Il mourut quelques mois après avoir retrouvé un siège de sénateur.

     
 
1868 - 1877
 
     
 

ULYSSE S. GRANT

Né le 27 avril 1822 à Point Pleasant (Ohio) - mort le 23 juillet 1885 à Mount McGregor (New York)

Elève de l'académie militaire de West Point, il participa à la guerre du Mexique en tant qu'officier puis retourna à la vie civile. Il reprit du service lors de la guerre de Sécession, fut nommé colonel puis général de brigade et s'illustra lors de la prise des forts Henry et Donelson (février 1862). Vainqueur à Vicksburg (juillet 1863) et à Chattanooga (novembre 1863), il fut nommé commandant des forces de l'Ouest puis commandant en chef des forces nordistes. Général de corps d'armée, il gagna la bataille de Richmond et reçut la reddition du général Lee à Appomattox (avril 1865). Secrétaire d'État à la Guerre sous la présidence d'Andrew Johnson, il fut présenté par le Parti républicain à l'élection présidentielle de 1868 et fut élu contre le démocrate Horatio Seymour. Mal préparé à ses fonctions, il ne sut pas s'opposer à la corruption qui régnait dans son propre parti et, malgré sa volonté sincère de contribuer à la reconstruction des États du Sud, il n'obtint que des résultats modestes. Réélu en 1872, il dut faire face à de nouveaux scandales et vit dès 1873 la Chambre des représentants passer à la majorité démocrate. À l'expiration de son mandat, il se retira de la vie politique, jusqu'en 1879, où il tenta en vain de se faire désigner comme candidat républicain à l'élection présidentielle.

     
 
1877 - 1881
 
     

RUTHERFORD HAYES

Né le 4 octobre 1822 à Delaware (Ohio) - mort le 17 janvier 1893 à fremont (Ohio)

Avocat, il s'opposa fermement à l'esclavage. Lorsque la guerre de Sécession éclata, il rejoignit le 23e régiment de l'Ohio et se distingua par ses compétences militaires, ce qui lui valut d'être élu gouverneur de l'Ohio de 1868 à 1872 puis de 1876 à 1877.
Lors du décompte des votes de l'élection présidentielle de 1876, Hayes sembla battu par le démocrate de New York, Samuel J. Tilden, mais les républicains contestèrent les résultats annoncés par quatre États (Caroline du Sud, Floride, Louisiane, Oregon). Réuni en mars 1877, le Collège électoral confirma finalement l'élection de Hayes. Ce dernier adopta rapidement une politique conciliante envers le Sud. Il nomma à son cabinet un ancien confédéré, appuya les démocrates modérés du Sud et retira bientôt les dernières troupes fédérales de la région. Mais ces concessions lui aliénèrent de nombreux républicains. La réforme de l'administration divisa plus encore le parti. L'application à l'administration des douanes de New York d'un décret-loi interdisant à tout titulaire fédéral d'une fonction de participer à la gestion du parti se heurta à l'opposition de Roscoe Conkling, dirigeant du parti à New York. Hayes parvint à mettre en œuvre cette réforme, mais s'en trouva plus isolé encore. Hayes considéra l'étalon-or comme étant un impératif moral analogue au paiement de dettes. Une mesure de compromis pourtant populaire, l'émission limitée de pièces d'argent (le Bland-Allison Act de 1878), dut passer outre son véto, et Hayes soutint fermement les efforts fructueux du secrétaire des Finances, John Sherman, pour convertir en or les dollars de la guerre de Sécession. Son mandat ne fut pas renouvelé en raison de l'opposition de fractions importantes du parti républicain.

     
 
1881
 
     
 

JAMES GARFIELD

Né le 19 novembre 1831 dans le Comté de Cuyahoga (Ohio) - mort le 19 septembre 1881 dans le New Jersey

20e président des États-Unis (1881) qui, au cours de son bref mandat, fit valoir ses prérogatives présidentielles à l'encontre des revendications formulées par les responsables du Congrès.
Garfield naquit dans l'Ohio, le 19 novembre 1831, où il fut élevé dans la pauvreté. En 1858, il épousa Lucretia Rudolph et fut élu membre du corps législatif de l'Ohio, l'année suivante. Lorsqu'éclata la guerre de Sécession, il leva un régiment pour se battre aux côtés de l'Union ; il soutenait les idées de Lincoln et fit rapidement preuve d'un talent d'administrateur et de chef militaire.
En janvier 1862, les troupes de Garfield mirent l'armée confédérée en déroute à Middle Creek, permettant à celui-ci d'être promu au grade de général de brigade des volontaires. La gloire militaire qu'il en tira et les résultats qu'il obtint en matière de lutte contre l'esclavage lui valurent d'obtenir un siège au Congrès, en 1863.
Lors de l'entrée de James G. Blaine au Sénat, en 1876, Garfield lui succéda comme chef des républicains à la Chambre. En 1880, alors que les factions républicaines se trouvaient dans une impasse lors de la Convention nationale, il incarna un compromis évident lorsque le parti eut à proposer un candidat à la présidence.
Les luttes de factions au sein du Parti républicain marquèrent la campagne de 1880 : Garfield fut élu président de justesse, avec seulement 10 000 voix d'avance. Son gouvernement contribua à affirmer le pouvoir présidentiel face au Congrès.
Mais son mandat fut bref : en mars 1881, Charles Jules Guiteau, qui s'était vu refuser un poste au sein de l'administration américaine, assassina Garfield.

     
 
1881 - 1885
 
     

CHESTER A. ARTHUR

Né le 5 octobre 1830 à Fairfield (Vermont - mort le 18 novembre 1886 à New York

Fils de pasteur, ancien avocat, nommé à la direction de Port de New York en 1871.

Abolitionniste modéré, il défendit plusieurs esclaves fugitifs et devint rapidement un membre actif du parti républicain de New York. Durant la guerre de Sécession, il fut l'intendant général, chargé de fournir toute la logistique aux volontaires. Arthur fut candidat à la vice-présidence, aux côtés de James A. Garfield, candidat à la présidence en 1880. Lorsque le président Garfield fut assassiné le 19 septembre 1881, il lui succéda à la Maison-Blanche. Durant son mandat, il usa, à plusieurs reprises, de son droit de veto, notamment contre une loi d'exclusion des Chinois.

     
 
1885 - 1889
 
     
 

GROVER CLEVELAND

Né le 18 mars 1837 à Cadwell (New Jersey) - mort le 24 juin 1908 à Princeton (New jersey)

22e et 24e président des États-Unis d'Amérique (1885-1889 et 1893-1897). Né à Caldwell (New Jersey), avocat et membre du Parti démocrate, il fut élu maire de Buffalo en 1881, et gouverneur de l'État de New York en 1885. Dans l'exercice de ses fonctions, il se montra un adversaire résolu de toute forme de corruption, et son refus des pratiques électoralistes lui aliéna le soutien d'une fraction de son parti. Candidat à l'élection présidentielle de 1885, il fut élu contre le républicain James Blaine, grâce à l'appui des républicains libéraux, séduits par sa réputation d'intégrité. Premier président démocrate après un quart de siècle de domination républicaine, il mena cependant une politique conservatrice en matière sociale, et s'attacha surtout à moderniser le système administratif, en combattant la pratique des nominations partisanes. Partisan du libre-échange, il s'opposa à la mise en place de tarifs douaniers sur les marchandises importées. Son opposition au protectionnisme lui valut d'être battu à l'élection présidentielle de 1888 par le républicain Benjamin Harrison, mais il fut de nouveau élu en 1893, dans un contexte de récession économique marqué par une inflation galopante. Sous son deuxième mandat, sa politique résolument anti-inflationniste et l'appui qu'il accorda aux milieux industriels (notamment en 1894, lorsqu'il envoya la troupe pour briser la grève des ouvriers de l'usine Pullman à Chicago) lui firent perdre l'appui des démocrates. Il ne se représenta pas à l'élection de 1897, et devint professeur à l'université de Princeton.

     
 
1889 - 1892
 
     

BENJAMIN HARRISON

Né le 20 août 1833 près de North bend (Ohio - mort le 13 mars 1901 à Indianapolis

Ardent défenseur de la doctrine de Monroe. Petit-fils du président William Henry Harrison, Benjamin Harrison adhéra très vite au tout jeune Parti républicain. Général nordiste pendant la guerre de Sécession, il participa à la campagne d'Atlanta. En 1888, il vainquit le président sortant, Grover Cleveland.
Son manque de charisme lui valut d'être isolé au sein même du camp conservateur, et son administration n'eut pas la tâche aisée. La stabilité économique fut menacée à la suite du Bland-Allison Act de 1878, qui obligeait le Trésor à acheter chaque mois pour 2 millions de dollars de métal-argent destinés à la frappe de monnaie. Alors que la valeur boursière de l'argent chutait, le président tenta alors d'en limiter la frappe. Les avocats de la libre-frappe forcèrent alors la signature d'un compromis, le Sherman Silver Purchase Act (1890), selon les termes duquel le gouvernement devait acheter plus d'argent mais en limiter la frappe. Cet achat obligea alors à puiser dans les réserves d'or ; Harrison dut deux fois faire face à un mouvement de panique en émettant davantage de devises. L'adoption de tarifs protecteurs (McKinley Act,1890) eut pour conséquence une poussée inflationniste qui le rendit fort impopulaire.
Farouche défenseur de la doctrine de Monroe, Harrison réunit la première conférence panaméricaine (1889), qui permit de tisser de nouveaux liens commerciaux et diplomatiques entre les États-Unis et les républiques indépendantes d'Amérique du Sud. Il fut battu en 1893 par Cleveland.

     
 
1892 - 1897
 
     
 

GROVER CLEVELAND

 
     
 
1897 - 1901
 
     
 

WILLIAM McKINLEY

Né le 29 janvier 1843 à Niles (Ohio) - mort le 14 septembre 1901 à Buffalo (New York)

Avocat de formation, il devint un ardent défenseur des tarifs douaniers au Congrès, où il siégea comme représentant du Parti républicain (1877-1891). Gouverneur de l'Ohio de 1892 à 1896, il fut élu à la présidence des États-Unis en novembre 1896. Sous son mandat, les États-Unis s'engagèrent dans la guerre hispano-américaine, dont ils sortirent vainqueurs et maîtres de Porto Rico et des Philippines, et adhérèrent au système de l'étalon-or (1900). Réélu facilement en 1900, McKinley tomba, au début de son second mandat, le 6 septembre 1901, sous les balles d'un anarchiste, ce qui fit de lui le troisième président américain assassiné. Theodore Roosevelt, son vice-président, lui succéda.

     
 
1901 - 1909
 
     

THEODORE ROOSEVELT

Né le 27 octobre 1858 à New York - mort le 6 janvier 1919 à Oyster Bay, Long Island

Issu d’une famille aristocratique de l’État de New York, fils de banquier, Theodore Roosevelt entra tôt dans la carrière politique. Il acquit une grande notoriété lorsqu’il s’occupa de la réforme de la fonction publique (1889-1895), puis du contrôle de la police de New York de 1895 à 1897. Il s’attaqua à la corruption et à l’inefficacité qui caractérisaient ce corps.
Devenu secrétaire adjoint à la Marine en 1897, il se révéla partisan enthousiaste de la guerre contre l’Espagne pour la libération de Cuba, bien avant le président McKinley lui-même. Il s’engagea dès que le conflit éclata ; lieutenant-colonel des volontaires de la cavalerie, il commanda le fameux régiment des Rough Riders. Cet épisode militaire embelli par la presse lui valut une popularité considérable qu’il sut utiliser habilement par la suite dans sa carrière politique.
Bénéficiant de solides appuis dans les milieux financiers et industriels, il devint gouverneur de l’État de New York, puis fut nommé candidat à la vice-présidence de la République par l’appareil (machine) du Parti républicain en 1900. L’assassinat du président McKinley, en 1901, le porta à la présidence, à laquelle il fut réélu en 1904.
Resté dans l’imagination populaire l’ennemi juré des trusts, Theodore Roosevelt fut, en réalité, durant toute sa carrière politique soutenu par les groupes financiers les plus puissants de l’époque. Malgré ses déclarations contre « les malfaiteurs du gros argent » et certaines mesures antitrusts sans grand effet réel, les grandes compagnies de chemins de fer, les compagnies bancaires et d’assurances étaient associées à la gestion des affaires de l’État et dûment représentées au sein même du cabinet du président.
Au cours de son second mandat, Theodore Roosevelt fit voter un certain nombre de mesures concernant la préservation des ressources naturelles, le contrôle des tarifs de chemin de fer par le gouvernement fédéral (Hepburn Act) et enfin toute une législation protégeant l’hygiène des produits alimentaires (Pure Food and Drug Act, 1906).
Ayant cessé d’être président, Theodore Roosevelt joua un certain rôle diplomatique sur la scène internationale. Il agit comme médiateur dans les négociations qui devaient mettre fin à la guerre russo-japonaise en 1905 et se fit représenter à la conférence d’Algésiras en 1906.
Passionné de chasse, grand ami de la nature, il participa activement à diverses expéditions en Afrique ; il fit ensuite un long voyage à travers l’Europe. Il se présenta de nouveau comme candidat à la présidence en 1912, mais il se heurta à l’opposition de l’appareil du Parti républicain, qui lui préféra William Taft. Il fonda alors le Parti progressiste qui joua un rôle important dans la vie politique de l’époque de Wilson, président démocrate élu en 1912. Theodore Roosevelt, dont les sympathies allaient aux Alliés, combattit notamment la politique wilsonienne de neutralité ; il prôna l’intervention des États-Unis dans le conflit mondial en cours.

     
 
1909 - 1913
 
     

WILLIAM HOWARD TAFT

Né le 15 septembre 1857 à Cincinnati (Ohio) - assassiné le 8 mars 1930 à Washington

Fils d'un responsable politique local, Taft fit ses études de droit à l'université Yale, devint avocat puis occupa diverses fonctions dans l'appareil judiciaire, tout en travaillant à se créer des amitiés politiques. Celles-ci lui valurent d'être nommé gouverneur des Philippines en 1900 par le président McKinley. Son administration avisée lui attira l'estime du président Theodore Roosevelt, qui le nomma en 1904 au secrétariat d'État à la Guerre. À la tête de cette administration, Taft supervisa le percement du canal de Panamá et contribua à la modernisation de l'armée américaine. Il intervint également dans les négociations de paix qui suivirent la guerre russo-japonaise. Avec l'approbation de Roosevelt, il se présenta comme candidat républicain à l'élection présidentielle de 1908, et fut largement élu contre son rival démocrate, William Jennings Bryan.
La présidence de Taft fut marquée par les divisions constantes qui affectèrent le Parti républicain, partagé entre une tendance conservatrice et une tendance progressiste. Bien qu'il eût réussi faire voter le Payne-Aldrich Act sur les tarifs douaniers en 1909, l'action de Taft fut sans cesse entravée par l'absence au Congrès d'une véritable majorité, et par l'opposition croissante de Roosevelt, qui finit par quitter le Parti républicain pour rejoindre le Parti progressiste nouvellement créé. À l'élection présidentielle de 1912, Taft se porta de nouveau candidat, mais l'action de Roosevelt permit la victoire du démocrate Wilson.
Après sa défaite, Taft devint professeur de droit à l'université de Yale. En 1921, lors du retour des républicains au pouvoir, il fut nommé par le président Harding président de la Cour suprême, poste qu'il occupa jusqu'à sa démission en 1930, quelques mois avant sa mort. Dans ces fonctions, Taft resta fidèle à ses options conservatrices, orientant la jurisprudence dans le sens de la défense de la propriété privée et de la limitation des pouvoirs du gouvernement fédéral.

     
 
1913 - 1921
 
     

WOODROW WILSON

Né le 28 décembre 1856 à Staunton (Virginie) - mort le 3 février 1924 à Washington

Fils d’un pasteur presbytérien, Thomas Woodrow Wilson entreprend des études de droit à l’université de Princeton — dont il sort diplômé en 1879 — et des études de sciences politiques à l’université Johns Hopkins. Professeur d’université, il publie son premier livre, Congressional Government (« le gouvernement du Congrès », 1885), devenu un classique de l’analyse politique. Enseignant à Princeton (à partir de 1890) puis président de l’université en 1902, il est élu gouverneur de l’État du New Jersey en 1910. Choisi par le Parti démocrate comme candidat à l’élection présidentielle de 1912, il mène une campagne progressiste avec pour slogan New Freedom (« nouvelle liberté »). Il est élu à la présidence, ayant tiré profit de la division des républicains entre les candidatures de Theodore Roosevelt (ancien président) et de William Howard Taft (président sortant).
Durant son mandat, Thomas Woodrow Wilson, favorable à un pouvoir exécutif fort, met en place un ambitieux programme démocratique et économique. En politique intérieure, il instaure le droit de vote féminin, met en place l’impôt sur le revenu et permet l’élection des sénateurs au suffrage universel. En économie, il parvient à faire adopter l’Underwood Tariff Act (première baisse des impôts depuis quarante ans), le Federal Reserve System (création de douze banques fédérales facilitant le crédit), et le Clayton Act (loi renforçant la législation antitrust). En matière de politique étrangère, il renforce la prédominance américaine sur le continent : occupation d’Haïti (1915) ; expédition au Mexique contre le révolutionnaire Pancho Villa (1916). En 1916, en plein cœur de la Première Guerre mondiale, Wilson est réélu à une large majorité, derrière le thème « Il nous a préservés de la guerre ! ».
Mais, face à la guerre sous-marine à outrance menée par les Allemands — causant notamment la destruction du paquebot Lusitania —, ce pacifiste convaincu se résout à demander au Congrès, le 2 avril 1917, de déclarer la guerre à l’Allemagne : les États-Unis entrent dans la Première Guerre mondiale le 6 avril 1917. Wilson organise l’effort de guerre, renforçant à cette occasion l’intervention de l’État dans la vie économique, et envoie des troupes combattre en France sous le commandement du général Pershing durant l’été de 1918.
Le 8 janvier 1918, le président Wilson formule un programme définissant les objectifs de paix ; ces Quatorze points appellent notamment à la fin du colonialisme, préconisent l’autodétermination des peuples et proposent la création d’une Société des Nations (SDN) pour assurer la paix. À la fin de la guerre, Wilson part pour l’Europe et participe aux négociations qui aboutissent à la signature du traité de Versailles (28 juin 1919).
Cependant, à son retour aux États-Unis, Wilson, affaibli par la maladie, se heurte à un puissant courant isolationniste ; à deux reprises, en novembre 1919 et mars 1920, le Sénat refuse de ratifier le traité de Versailles et se prononce contre l’adhésion des États-Unis à la SDN. Wilson quitte la Maison-Blanche en mars 1921, après la victoire écrasante du candidat républicain conservateur, Warren Harding.
Thomas Woodrow Wilson a reçu le prix Nobel de la paix en 1919.

     
 
1921 - 1923
 
     
     

WARREN GAMALIEL HARDING

Né le 2 novembre 1865 à Blooming Grove (Ohio) - mort le 2 août 1923 à San Francisco

Sénateur républicain de l'Ohio (1915), il fit campagne contre Woodrow Wilson, et fut élu à la présidence en 1920, sur le thème de l'isolationisme (« l'Amérique d'abord ») et de la normalisation de la vie américaine. Résolument protectionniste, il favorisa les grands trusts américains, s'attacha à limiter l'immigration et se prononça contre la SDN. Il se fit également l'ardent défenseur de la prohibition. En 1922, il réunit, avec le Secrétaire d'État Hughes, la Conférence de Washington sur le désarmement naval, obtenant la limitation des tonnages par les grandes puissances.
Le 2 août 1923, alors que des rumeurs circulaient sur la corruption de l'Administration, Harding mourut subitement à San Francisco. C'est son vice-président Calvin Coolidge qui lui succéda. Dans les mois suivants, des investigations menées par le Congrès révélèrent de nombreuses irrégularités au sein de plusieurs ministères, impliquant l'entourage d'Harding.

     
1923 - 1928
     

CALVIN COOLIDGE

Né le 4 juillet 1872 à Plymouth (Vermont) - mort le 5 janvier 1933 à Northampton

Coolidge commença sa carrière d'avocat à Northampton, dans l'État du Massachusetts, où il fut régulièrement élu jusqu'à devenir lieutenant gouverneur (1916-1918), puis gouverneur (1919-1920). La fermeté avec laquelle il s'opposa, en septembre 1919, à des grèves de la police à Boston, lui valut d'être choisi par la Convention républicaine pour être le candidat du parti à la vice-présidence des États-Unis en 1920, aux côtés de Warren G. Harding.
À la mort de ce dernier, en 1923, Coolidge accéda à la présidence. N'ayant pas été personnellement touché par les scandales de l'administration Harding, Coolidge put aisément obtenir la démission du procureur général, Harry Daugherty, et imposer les réformes administratives qu'il jugeait nécessaires.
Farouche partisan du libéralisme économique, Coolidge s'attacha, tout en veillant à l'équilibre budgétaire, à supprimer les impôts et rendre le crédit plus accessible (grâce à la Réserve nationale), favorisant par là-même un dangereux mouvement de spéculation qui devait conduire au krach boursier de 1929.
En matière de politique étrangère, Coolidge chercha à rompre l'isolationnisme, mais le Sénat s'y opposa. Il encouragea le règlement des affaires européennes et la reprise économique en Allemagne (plan Dawes, du nom du vice-président Charles G. Dawes, 1924). Coolidge modéra la politique interventionniste en Amérique latine. Dwight Morrow, son ambassadeur à Mexico, évita une grave crise avec le Mexique provoquée par la décision constitutionnelle de ce pays, en 1917, de nationaliser son industrie pétrolière, dans laquelle les États-Unis avaient beaucoup investi. Coolidge ne se réprésenta pas à l'élection présidentielle de 1928.

     
1928 - 1933
     

HERBERT CLARK HOOVER

Né le 10 aoput 1874 à West Branch (Iowa) - mort le 20 octobre 1964 à New York

Après des études à Stanford (Calif.), Herbert C. Hoover devient ingénieur des mines et travaille dans l’ouest des États-Unis, puis en Australie, en Asie, en Europe, en Amérique du Sud. Il est en Chine lorsque éclate la révolte des Boxers (1900) ; il révèle alors de remarquables talents d’organisateur et met en place un organisme de secours pour les victimes des événements. Lorsque la guerre est déclenchée en Europe, il est, d’abord, chargé de l’organisation du transport des vivres vers la Belgique ; puis, à partir de 1917, il est nommé à la tête de la Food Administration, qui mobilise l’agriculture américaine pour permettre des exportations vers les pays alliés ; enfin, en 1919-1920, il s’occupe du ravitaillement des populations d’Europe centrale et d’Europe orientale. Partisan de la Société des Nations, Hoover n’en est pas moins républicain ; le président Harding le désigne comme secrétaire au Commerce. De 1921 à 1929, Hoover réussit très bien là aussi, en alliant son respect de la libre entreprise avec quelques mesures d’organisation. En 1928, il est le candidat idéal pour un parti qui vante les mérites de la prospérité. À peine est-il installé à la Maison-Blanche que la grande crise de 1929 porte un coup très sévère à l’économie des États-Unis et du monde occidental. Hoover ne sait pas comment réagir ; il ne croit pas à l’intervention du pouvoir fédéral. Il commence par recommander à ses concitoyens la bonne volonté ; il les encourage à attendre le retour de la prospérité qui, dit-il, est « au coin de la rue ». Il prend, toutefois, quelques mesures : aide bancaire aux entreprises en difficulté, prêts aux fermiers, appel à la charité privée et, sur le plan international, moratoire d’un an pour les dettes de guerre et les réparations allemandes. Rien n’y fait. Hoover n’a aucun programme d’ensemble ; sa personnalité n’inspire guère confiance. Il est largement battu aux élections de 1932 par Franklin D. Roosevelt, autrement plus dynamique et chaleureux.
Dès lors, Hoover s’enferme dans une attitude de refus. Il rejette toutes les mesures du New Deal et dirige l’opposition de droite. Il s’oppose même, en 1940-1941, à l’aide à la Grande-Bretagne. Mais son rôle politique est faible. Le président Truman lui confie, entre 1947 et 1949, quelques missions qui touchent à la distribution de l’aide alimentaire en Europe et à la réorganisation de l’administration. De fait, Hoover passe son temps à écrire et lègue de précieux manuscrits à l’université Stanford, où il fonde un Institut pour l’étude de la guerre, de la paix et de la révolution.
Hoover reste également, dans un registre différent, comme le traducteur en anglais du De re metallica d’Agricola, qu’il accompagne de remarquables commentaires techniques.

     
 
1933 - 1945
 
     

FRANKLIN D. ROOSEVELT

Né le 30 janvier 1882 à Hyde Park (New York) - mort le 12 avril 1945 à Warm Springs (Géorgie)

Issu d’une famille aisée, Franklin Delano Roosevelt fréquente les meilleures écoles privées, l’université Harvard puis celle de Columbia. En 1905, il se marie avec une cousine lointaine, Eleanor, nièce du président Théodore Roosevelt. Mais, à la différence de son oncle par alliance, Roosevelt est démocrate et se présente sous cette étiquette aux élections sénatoriales de l’État de New York en 1910. Élu, il se range aux côtés des progressistes et se rallie en 1912 à la candidature de Woodrow Wilson. Le succès de son chef de file lui permet d’entrer dans le cabinet, comme secrétaire adjoint à la Marine (1913-1921). Fidèle wilsonien, Roosevelt est, aux élections de 1920, le candidat démocrate à la vice-présidence, mais ne peut empêcher la victoire des républicains. En 1921, il est frappé par la poliomyélite mais recouvre partiellement l’usage de ses jambes. Dès lors, avec l’aide de sa femme, il entreprend une lutte énergique contre les effets de la maladie. Loin d’abandonner la vie politique, il y trouve l’occasion de manifester le goût de l’effort. À demi-paralysé, mais plus mûr, plus instruit, il incarne paradoxalement l’optimisme. En 1928, il est élu gouverneur de l’État de New York et réélu en 1930. Les mesures qu’il a prises pour combattre le chômage le font connaître dans le pays tout entier. Le Parti démocrate, écarté du pouvoir depuis onze ans, le désigne comme son candidat à la présidence ; il est élu triomphalement en 1932, avec 57,3 p. 100 des voix et l’appui d’un Congrès à majorité démocrate .
«  Les 100 jours » qui suivirent son accession à la présidence furent marqués par une série de mesures économiques et financières spectaculaires. Roosevelt fit fermer toutes les banques et ne leur permit de rouvrir que sous le contrôle du Banking Act. Puis, après avoir abandonné l’étalon-or, il fit adopter un certain nombre de mesures dont les plus connues concernent l’établissement de l’Agricultural Adjustment Act (A.A.A.), la commission sur les opérations boursières, le National Industrial Recovery Act (N.I.R.A.), le Public Works Administration (P.W.A.), la Tennessee Valley Authority. D’autres mesures devaient contribuer à reconstruire l’économie et les finances et transformer profondément la législation sociale (Fair Labor Standard Act, National Labor Relations Act, Social Security Act).
Ces mesures, élaborées par une équipe, dont le fameux brain trust composé au départ de cinq professeurs, d’un juge et d’un juriste, n’ont pas été de simples réponses « pragmatiques » à une situation de crise. Elles révèlent des choix et des orientations politiques et économiques bien précises : restructuration de l’économie capitaliste, intervention croissante de l’État dans l’économie, intégration des organisations syndicales, etc. Ces mesures devaient susciter l’opposition croissante de la Cour suprême, qui déclara inconstitutionnelles de nombreuses lois votées alors par le Congrès. Pour faire échec à la Cour suprême, Franklin D. Roosevelt mit à la retraite anticipée certains de ses membres et nomma des juges favorables à sa politique.
Lors des élections de 1936, Roosevelt fut réélu avec une majorité sans précédent. Mais la deuxième présidence fut marquée par une récession sévère, par des oppositions croissantes à l’intérieur du Parti démocrate et par la montée des périls sur la scène internationale.
Au milieu de ces difficultés, le président fut réélu une troisième fois sur la base d’un programme qui affirmait : « Pas de troupes américaines outre-Atlantique. » Au même moment Roosevelt prenait un certain nombre de mesures permettant aux États-Unis de jouer le rôle d’« arsenal de la démocratie ». En mars 1941, il signait la loi du prêt-bail, puis faisait adopter par le Congrès des mesures concernant la défense nationale. En août 1941, Roosevelt et Churchill élaboraient la charte de l’Atlantique et en novembre le président autorisait l’armement de la marine marchande américaine.
Après l’attaque de Pearl Harbor en décembre 1941, Roosevelt organisa la production de guerre américaine dans un temps record, profitant du soutien du Congrès et de la nation. Au cours de la guerre, Roosevelt participa à un certain nombre de conférences avec ses alliés pour mettre au point une stratégie et des objectifs à long terme : en janvier 1943, la Conférence de Casablanca réunit Roosevelt, de Gaulle, Giraud et Churchill . En août, Roosevelt vit Churchill à Québec et en septembre à Washington. En novembre il rencontra Churchill et Chang Kaï-chek en Afrique du Nord , Churchill et Staline à Téhéran, puis Churchill et Ismet Inönü au Caire. En février 1945 à la Conférence de Yalta , des plans furent faits pour la défaite de l’Allemagne, l’entrée en guerre de l’U.R.S.S. contre le Japon, l’organisation des États-Unis, la division de l’Allemagne en zones et la reconnaissance de « zones d’influence » des deux grandes puissances. À l’époque de la guerre froide, les ennemis de Roosevelt lui reprocheront d’avoir fait la part trop belle aux Soviétiques dans les accords de Yalta. Mais sa mort brutale survenue le 12 avril 1945, à quelques mois de la fin de la guerre, empêche de dire comment il aurait abordé les problèmes nouveaux de la capitulation germano-japonaise et de la paix.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, malgré les assurances fréquemment réitérées au « camp démocratique », la politique de Roosevelt fut singulièrement attentiste et même parfois louvoyante. S’il est vrai que le soutien à l’allié d’abord le plus menacé, l’Angleterre, fut un de ses traits caractéristiques, il n’en fut pas toujours de même des autres alliés, puissants ou diminués. Une partie des difficultés de l’après-guerre est incontestablement due aux mesures tour à tour traditionalistes et progressistes prises par le président et par son équipe durant les phases successives du conflit mondial.
Sur le plan de la politique intérieure, la présidence de Roosevelt représente un moment crucial dans l’histoire des États-Unis. Elle est marquée par un très net renforcement du pouvoir présidentiel, par l’extension des pouvoirs du gouvernement fédéral au détriment du droit des États et par la remise en marche du capitalisme par des initiatives planistes. Loin d’avoir été une révolution, le New Deal a assuré la survie de l’ordre existant.

     
1945 - 1952
     

HARRY TRUMAN

Né le 8 mai 1884 à Lamar (Missouri) - mort le 26 décembre 1972 à Kansas City

Né dans le Missouri près d’Independence, il participe au cours de la Première Guerre mondiale aux combats à Saint-Mihiel et dans l’Argonne. Après sa démobilisation, il tente sa chance dans le commerce et échoue. Il apprend alors le droit, se fait remarquer par l’un des « bosses » du Parti démocrate du Missouri, occupe des fonctions locales et, à cinquante ans, en 1934, parvient à remporter l’élection sénatoriale de l’État. C’est un homme modeste, parfaitement honnête, dévoué à son parti et à son pays, qui symbolise mieux que tout autre l’Américain moyen. Il soutient fidèlement le président Roosevelt et accède à une relative célébrité, après sa réélection de 1940, lorsqu’il devient président du comité d’enquête sur le programme de Défense nationale. Par une activité inlassable et une scrupuleuse attention aux comptes des administrations, il fait économiser un milliard de dollars au Trésor fédéral. En 1944, le parti se tourne vers lui pour les fonctions de vice-président : Harry Wallace, qui a occupé ce poste depuis quatre ans, est trop marqué par ses positions de gauche ; James F. Byrnes, l’autre candidat, est trop conservateur ; Truman est l’homme de la situation.
La mort brutale de Franklin D. Roosevelt le porte aux responsabilités suprêmes en une période particulièrement cruciale. Il n’a reçu pour cela aucune préparation ; il n’est pas au courant des grands secrets de l’État. Pourtant sa première décision importante est d’utiliser l’arme atomique pour amener le Japon à déposer les armes (août 1945). Après la capitulation nippone, Truman doit s’attaquer en même temps à la reconversion du pays vers l’économie de paix et à l’organisation de la guerre froide. Les mesures prises permettent d’éviter le chômage mais non la hausse des prix ; fidèle à la politique de Roosevelt sur le front social, il ne peut cependant empêcher les conservateurs de limiter, par la loi Taft-Hartley (1947), les activités des syndicats. Il entreprend la déségrégation dans l’armée, mais l’aile droite de son parti l’abandonne, tandis que l’aile gauche lui reproche de manifester trop d’intransigeance envers les Russes. Truman, en effet, désespère, au lendemain de la conférence de Potsdam , de trouver avec Moscou un terrain d’entente.
Il patronne à ses débuts le mouvement de lutte contre l’influence communiste à l’intérieur des États-Unis. Plus encore, à l’extérieur, il engage une politique de containment, de limitation de l’aire d’influence soviétique qui sera l’une des données essentielles de la guerre froide  ; dans ce but, la doctrine Truman d’aide économique et militaire à la Grèce et à la Turquie conduit les États-Unis à soutenir en 1947 les gouvernements de ces pays contre les pressions communistes intérieures ou extérieures qu’ils subissent ; le plan Marshall (1948), l’aide à l’Allemagne et au Japon sont autant d’éléments de cette politique. Attaqué au sein de son parti pour sa politique intérieure, controversé en matière de politique extérieure, Truman , auquel les leaders démocrates n’accordent aucune chance d’être réélu, présente, contre maints avis, sa candidature devant la convention électorale de son parti qui l’élit candidat et engage, contre le candidat républicain Thomas Dewey, une campagne électorale très difficile axée sur la dénonciation de l’inactivité républicaine. En 1949, Truman réélu propose dans son message sur l’état de l’Union, le Fair Deal, un programme d’économie intérieure en vingt-quatre points dont la réalisation ne sera que partielle. En politique extérieure, les résultats obtenus seront plus tangibles : signature du pacte de l’O.T.A.N. (1948) ; containment des forces communistes chinoises sur le continent et protection de Formose, envoi des troupes américaines lorsqu’en 1950 éclate la guerre de Corée ; Truman résiste toutefois aux invitations pressantes faites par le général. MacArthur d’attaquer directement la Chine. La chasse aux sorcières menée par le sénateur McCarthy — avec la dénonciation d’éléments communistes dans l’administration américaine —, l’exécution de certains inculpés (époux Rosenberg) et les réactions intérieures et internationales suscitées, enfin la lassitude des Américains face à une guerre qui n’en finit pas seront autant d’éléments qui ruineront la popularité de Truman.

     
 
1952 - 1960
 
     

DWIGHT D. EISENHOWER

Né le 14 octobre 1890 à Denison (texas) - mort le 23 mars 1969 à Washington

Né dans une modeste famille, de tradition mennonite, Eisenhower vécut dans le Kansas à Abilene, puis entra à l’Académie militaire de West Point (1911-1915). Au cours de la Grande Guerre, il reste aux États-Unis et occupe un poste d’instructeur dans l’arme blindée. Au retour de la paix, il est capitaine et le demeurera seize ans. Mais il a la chance d’être envoyé à l’école d’état-major de Fort Leavenworth en 1926, puis à l’Army War College en 1928. Il entre alors dans le cabinet du secrétaire adjoint à la Guerre. En 1933, le chef de l’état-major, le général Douglas MacArthur, le remarque et l’emmène aux Philippines de 1935 à 1939. En mars 1941, Eisenhower accède au grade de colonel ; quelques mois plus tard, à celui de général de brigade.
La participation des États-Unis à la Seconde Guerre mondiale lui ouvre de nouvelles possibilités. En 1942, après s’être fait remarquer lors des manœuvres de Louisiane, il entre à l’état-major général comme chef de la division des plans de guerre. Lorsque les Alliés décident de préparer un débarquement en Europe, c’est à lui que pense le général Marshall pour préparer les opérations. Eisenhower s’installe à Londres, pendant l’été de 1942. En fait, le débarquement a lieu d’abord en Afrique du Nord et le commandement en chef lui en est confié . Après la libération du Maghreb en mai 1943, Eisenhower dirige le débarquement allié en Sicile, puis en Italie . En novembre 1943, le président Roosevelt lui confie la tâche de commander toutes les forces alliées qui seront débarquées sur les plages françaises . Les opérations qui commencent le 6 juin 1944 et ouvrent le deuxième front en Europe se déroulent sous sa responsabilité . Il y fait preuve de tact (le commandement étant interallié, il lui faut concilier les intérêts américains, anglais et français), de compréhension à l’égard des méthodes de guerre et des techniques militaires nouvelles (importance de la logistique) et d’un courage qui lui permet de résister à la contre-offensive allemande de décembre 1944. Le 7 mai 1945, il reçoit, à Reims, la capitulation de l’armée allemande et succède au général Marshall au poste de chef d’état-major de l’armée américaine. Il prend sa retraite en 1948. En 1951, il est rappelé à la tête du commandement suprême des forces de l’O.T.A.N. Les partis politiques se le disputent. Après avoir refusé en 1948, il cède en 1952 au Parti républicain, et se présente à l’élection présidentielle. Sa popularité, un programme rassurant, les tendances conservatrices qu’il affiche et qui correspondent aux sentiments de la majorité lui assurent une victoire aisée. Sa réélection en 1956 ne sera pas moins facile.
Le président Eisenhower confie la politique étrangère à son secrétaire d’État, John Foster Dulles, auquel il laisse une entière liberté d’action. La guerre froide, le réarmement de l’Allemagne, les négociations en Corée et le containment de la Chine communiste, la condamnation de l’expédition anglo-franco-israélienne en Égypte , l’intervention au Guatemala, puis, à la fin des années 1950, la recherche d’une entente avec l’U.R.S.S. et l’avènement du régime castriste à Cuba sont les faits marquants de l’ère Eisenhower. À l’intérieur, Eisenhower applique le principe de la non-intervention de l’État dans les affaires économiques, défend le conservatisme politique tout en éprouvant fort peu de sympathies pour le maccarthysme, entreprend de faire respecter la déségrégation raciale que la Cour suprême a ordonnée (Little Rock, 1957). C’est une période d’immobilisme : les Américains, rassurés par la tranquille bonhomie du général et par la prospérité dont fait preuve l’économie américaine, saisissent mal, à l’image de leur président, les nouveaux problèmes qui agitent le monde. Ils sortent de leur torpeur quand les démocrates dénoncent l’insuffisance du programme d’action de la Maison-Blanche : lors de l’élection présidentielle de 1960, le candidat d’Eisenhower, le vice-président Richard Nixon, est battu par le démocrate John F. Kennedy. C’est au cours des dernières semaines de l’exercice du mandat d’Eisenhower que les États-Unis rompent les relations diplomatiques avec Cuba. Eisenhower se retire ensuite dans sa ferme de Gettysburg, en Pennsylvanie, où il se consacre à la rédaction de ses mémoires.

     
 
1960 - 1963
 
     

JOHN F. KENNEDY

Né le 29 mai 1917 à brookline (Massachusetts) - assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas

John Kennedy est issu d'une riche famille d'origine irlandaise, de confession catholique. Son père, le financier Joseph P. Kennedy, a été ambassadeur en Grande-Bretagne sous la présidence de Franklin Roosevelt.
Après ses études à Harvard, J. F. Kennedy s'engage dans la marine et participe à la Seconde Guerre mondiale. Officier commandant un lance-torpilles, il se conduit avec bravoure dans le Pacifique, est blessé et décoré en 1943.
Élu en novembre 1960, John Fitzgerald Kennedy entre en fonction le 20 janvier 1961. Comme le prévoient les institutions, il prête serment de fidélité...
Après la guerre, il entre au Parti démocrate et est élu à la Chambre des représentants en 1947. Sénateur démocrate du Massachusetts de 1952 à 1960, il prend la direction de l'aile libérale du parti et se prononce en faveur d'un programme de réformes sociales. Opposé à la politique coloniale française, il milite pour l'indépendance de l'Algérie. Durant ces années, il écrit Profiles in Courage (« Portraits d'hommes courageux », 1956), portraits de héros politiques qui lui vaut de recevoir le prix Pulitzer en 1957.
Ayant décidé de se lancer dans la course à la présidence, Kennedy rassemble autour de lui une équipe animée par son frère Robert Kennedy, et prend pour colistier le sénateur du Texas Lyndon Johnson. Face au candidat républicain Richard Nixon, il développe le thème de la « nouvelle frontière » à conquérir dans les domaines de l'éducation, de l'assistance sociale, de l'intégration raciale et de l'aide aux pays en voie de développement. En 1960, Kennedy est élu à une courte majorité. Il est alors le plus jeune président jamais élu et le premier catholique à la tête des États-Unis.
Le discours inaugural de Kennedy donne le ton de l'idéal qu'il veut insuffler à la nation. Dans le droit fil de ses idéaux, il crée un corps de volontaires américains pour servir à l'étranger, le Peace Corps. Le nouveau président s'entoure de brillants collaborateurs et s'efforce d'appliquer son programme économique et social, malgré l'opposition du Congrès.
En matière d'intégration raciale, Kennedy appuie la décision d'un juge de la Cour suprême autorisant l'accès d'un étudiant noir à l'université du Mississippi en 1962. L'année suivante, il oblige l'État d'Alabama à ouvrir les écoles publiques aux Noirs. Ses propositions en matière de lutte contre la ségrégation aboutissent à la loi sur les droits civiques adoptée par le Congrès en 1964.
Soucieux de combler le retard des États-Unis sur l’URSS dans le domaine de la conquête spatiale, Kennedy décide de mettre en œuvre le projet d'envoyer un homme sur la Lune (1961). Sur le plan économique, il favorise par une politique budgétaire et fiscale adaptée la reprise de la consommation et des investissements intérieurs et tente de relancer l'activité en proposant à l'Europe du Marché commun de créer une vaste zone de libre-échange. Le Kennedy Round aboutit en 1967 à un accord sur la réduction des tarifs douaniers.
Favorable à la coexistence pacifique avec l'URSS, Kennedy rencontre Nikita Khrouchtchev à Vienne en 1961. Les deux dirigeants se mettent d'accord sur la neutralisation du Laos, mais ne peuvent trouver un terrain d'entente à propos de Berlin. Les tensions de la guerre froide sont aggravées lorsque l'Union soviétique reprend ses expériences nucléaires dans l'atmosphère.
Opposé au régime de Fidel Castro, Kennedy approuve en 1961 une tentative de débarquement à Cuba menée par les services secrets avec des réfugiés anticastristes. L'opération de la Baie des cochons est un échec.
À la fin de l'année 1962, des avions-espions survolant Cuba découvrent que des missiles à têtes nucléaires soviétiques sont en cours d'installation. Après avoir annoncé le blocus de l'île, Kennedy lance un ultimatum à l'URSS, exigeant le retrait des armes installées. Khrouchtchev hésite devant la détermination du président américain et accepte le démantèlement des missiles. Le recul des Soviétiques est considéré comme un triomphe politique pour Kennedy. En outre, afin d’empêcher toute progression de l’URSS et de Cuba en Amérique latine, il crée en 1961 l’Alliance pour le progrès qui vise par des aides à favoriser le développement économique et social de cette région du monde.
En 1963, lors d'un voyage à Berlin-Ouest, Kennedy appelle à la fin de la guerre froide. Partisan de la limitation des armements, il signe cette même année avec l'URSS un traité d'interdiction des essais nucléaires dans l’atmosphère. Un « téléphone rouge », ligne directe entre Moscou et Washington, est installé pour faciliter les communications en cas de crise.
Parallèlement à cette politique de détente, toujours fidèle à la doctrine Truman d’endiguement du communisme, Kennedy envoie seize mille hommes au Sud-Viêt Nam pour contrer la menace communiste, inaugurant l'escalade de l'engagement américain dans la guerre du Viêt Nam.
À la fin de 1963, Kennedy commence à préparer sa réélection, parcourant le pays pour faire valoir son action auprès du peuple américain. Le 22 novembre 1963, à Dallas (Texas), il est assassiné alors qu'il traversait la ville dans une voiture décapotable. Kennedy est touché à la tête. Transféré au Parkland Memorial Hospital, il meurt peu après. Sa mort provoque une immense émotion dans le pays comme dans le monde. Un ancien membre des marines US, Lee Harvey Oswald, est arrêté quelques heures après. Oswald est à son tour assassiné deux jours plus tard par Jack Ruby, propriétaire de boîtes de nuit, alors qu'il était transféré de la prison de la ville à celle du comté.
Une commission dirigée par le juge Earl Warren conclut en septembre 1964 que Lee Harvey Oswald est bien le meurtrier et qu'il a agi seul. Depuis, les conclusions de l'enquête officielle ont été vivement critiquées. Les hypothèses les plus abouties suggèrent que Kennedy a été victime d'un complot et qu'il a été assassiné par plusieurs tueurs, peut-être commandités par la mafia.
Sa jeunesse, sa forte personnalité, son charisme et les circonstances obscures de son assassinat ont contribué au fil des décennies à ériger Kennedy en véritable personnage mythique, aux yeux de l’opinion américaine.

     
 
1963 - 1968
 
     

LYNDON B. JOHNSON

Né le 27 août 1908 à Stonewall (Texas) - mort le 22 janvier 1973 à Johnson City (texas)

Élu à la Chambre des représentants en 1937, Lyndon Johnson fut le plus ardent soutien et le protégé du président démocrate Franklin D. Roosevelt. En 1942, il se porta volontaire pour combattre dans l'armée américaine, comme officier de marine. Élu sénateur en 1949, il prit la tête, en 1953, du Parti démocrate au Sénat. En 1957, il réussit à imposer à l'administration républicaine la première législation sur les droits civiques depuis la guerre de Sécession. Malgré le succès des réformes sociales dont il fut l'initiateur, Johnson dut s'effacer devant John F. Kennedy, sénateur du Massachusetts, choisi comme candidat démocrate à l'élection présidentielle de 1960. Johnson accepta néanmoins d'être candidat à la vice-présidence. Il succéda à Kennedy après l'assassinat de celui-ci, à Dallas, le 22 novembre1963.
Poursuivant la politique de Kennedy, il lança la « guerre à la pauvreté », faisant adopter une série de mesures destinées à promouvoir le développement économique dans les zones urbaines défavorisées. Mais sa principale victoire législative fut d'obtenir en 1964 le vote d'un texte condamnant la ségrégation raciale dans les lieux publics. Durant son second mandat, le Congrès vota le programme Medicare, destiné, en l'absence d'un véritable système de sécurité sociale, à garantir une couverture médicale aux personnes âgées. D'importants crédits furent débloqués en faveur de l'enseignement secondaire et supérieur.
La politique étrangère de Johnson fut davantage contestée. Il renforça en effet l'engagement des États-Unis dans la guerre du Viêt Nam. Le contingent américain au Viêt Nam passa ainsi de 17 000 hommes, en 1965, à 550 000, à la fin de 1968. Cette politique d'« escalade » dans le conflit vietnamien suscita une hostilité croissante de l'opinion publique américaine. Johnson, à l'issue de son mandat, renonça à se présenter une nouvelle fois à la présidence et annonça publiquement son retrait de la vie politique.

     
 
1968 - 1974
 
     

RICHARD NIXON

Né le 9 janvier 1913 à Yorba Linda (Californie) - mort en 1994 à New York

Né à Yorba Linda, en Californie, d’une famille d’origine modeste, qui avait émigré dans l’Ouest pour y faire fortune mais sans y parvenir, Richard Nixon put pourtant entreprendre et mener à bien des études supérieures. Il devint avocat en 1937. Trois ans plus tard, il épousait Pat Ryan, qui lui donna deux filles.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, après un bref passage dans l’administration fédérale et dans la marine, Nixon se présente aux élections législatives de Californie et utilise à fond le désenchantement de ses compatriotes à l’égard de l’Union soviétique ; il entre à la Chambre des représentants en 1946 et sera réélu en 1948. Ce républicain appartient au camp des conservateurs, et sa lutte contre les fonctionnaires suspects de sympathies pour le Parti communiste lui donne une première célébrité. En 1950, le voici sénateur ; en 1952, l’aile droite du parti l’impose comme candidat à la vice-présidence au côté du général Eisenhower : malgré un scandale financier qui rejaillit sur sa réputation, Nixon restera huit ans auprès du président. Son rôle politique de 1953 à 1960 est inégal : le vice-président dispose traditionnellement de peu de pouvoirs, mais les crises cardiaques du président Eisenhower lui donnent l’occasion de remplir des tâches importantes. Surtout, il apparaît bientôt comme le dauphin, le successeur désigné. Malheureusement pour lui, son adversaire démocrate, John Kennedy, séduit l’électorat américain, lassé au demeurant par l’immobilisme de l’ère républicaine. Nixon, battu de peu, se retire de la vie politique. Il tente une rentrée en 1962 en essayant de conquérir le poste de gouverneur de Californie ; mais il échoue. La traversée du désert commence.
Après la défaite de Barry Goldwater en 1964, Nixon croit de nouveau à son étoile. Il parcourt le pays, rallie à sa cause un parti accablé par la défaite et profondément divisé. Nixon devient l’homme du centre et de la réconciliation, celui qui peut remporter la victoire sur l’adversaire politique. Aussi se présente-t-il, en 1968, à l’élection présidentielle. Cette fois-ci, les circonstances lui sont favorables : l’« administration » démocrate est usée par la guerre du Vietnam ; le président Johnson a été contraint d’annoncer qu’il ne se représenterait pas et le vice-président Humphrey, qui est candidat, est affaibli par l’opposition à la politique de la Maison-Blanche. Nixon sort vainqueur de la lutte.
Président des États-Unis, il s’emploie à donner de lui une image nouvelle. Le « gagneur », le politicien roublard, l’ennemi acharné des communistes cède la place à l’homme d’État qui cherche à marquer de son empreinte l’histoire de son pays. Et Nixon réussit. Il met fin à l’engagement militaire au Vietnam, non sans avoir négocié pendant trois longues années ; il contribue à accélérer le processus de la détente en poussant les négociations avec l’U.R.S.S. sur la limitation des armements stratégiques ; il reconnaît l’existence de la république populaire de Chine et se rend à Pékin en 1972. Puissamment aidé par un conseiller, Henry Kissinger, qui devient en 1973 secrétaire d’État, il parvient, sur le plan de la politique étrangère, à remporter des succès très nets. En politique intérieure, les résultats sont plus discutables : la lutte contre l’inflation n’est pas couronnée de succès ; la question raciale est sans doute moins brûlante que dans les années 1960, elle ne continue pas moins à se poser d’une manière dramatique ; et, surtout, l’affaire du Watergate (les bureaux du Parti démocrate à Washington sont cambriolés en pleine période électorale) déclenche une grave crise constitutionnelle qui, en quelques mois, détruit la popularité du président et le contraint à démissionner en août 1974. Pourtant, il avait été réélu en 1972, sans grandes difficultés, contre son adversaire démocrate, George McGovern. Maladroitement gracié par son successeur Gerald Ford, il évite la condamnation, mais pas le déshonneur. En 1976, il est radié du barreau de l’État de New York, ce qui met un terme à sa carrière d’avocat. Il rédige neuf livres de mémoires, publiés en 1978 chez Simon & Schuster à New York.

     
 
1974 - 1976
 
     

GERALD FORD

Né le 14 juillet 1913 à Omaha (Nebraska)

C’est par accident que Gerald R. Ford est devenu le trente-huitième président des États-Unis : rien ne laissait en effet prévoir que, triomphalement réélu en novembre 1972, Richard Nixon serait contraint à la démission, le 9 août 1974, par le scandale du Watergate. C’est ainsi que se retrouveront à la Maison-Blanche, pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, un président et un vice-président (Nelson Rockefeller) qui n’avaient ni l’un ni l’autre été élus par le peuple américain mais désignés par le Congrès.
Gerald Ford s’est acquis une réputation de maladresse, voire de bêtise, que le président Johnson, qui savait trouver des formules cinglantes, résumait en disant que cet ancien champion de football américain avait trop pratiqué son sport favori sans casque ! C’était aller un peu loin car, somme toute, Gerald Ford est diplômé d’une excellente université américaine (University of Michigan) et est sorti dans un bon rang de la meilleure école de droit américaine (Yale University Law School). À vrai dire, ce qui caractérise avant tout le jeune avocat, qui s’installe à Grand Rapids dans le Michigan et va bientôt entamer une longue carrière politique, c’est le conservatisme. On peut en effet le constater en analysant l’ensemble de ses votes au Congrès depuis le moment de son élection en tant que républicain à la Chambre des représentants (nov. 1948) jusqu’à son accession à la vice-présidence, en remplacement de Spiro Agnew, lui aussi obligé de démissionner à la suite d’un scandale financier (oct. 1973). Il était en effet très sceptique quant à l’efficacité de l’intervention étatique et s’opposa bien souvent aux propositions « libérales » : aide à l’éducation, aide aux minorités, assistance médicale. Il eut des positions modérées en matière de droits civiques, mais fut en toutes circonstances en faveur de l’intervention américaine au Vietnam. Son désir de ne point trop accroître le budget de l’État n’allait pas jusqu’à vouloir réduire les crédits de défense nationale : membre de la puissante sous-commission des attributions de crédit pour la défense, Gerald Ford soutint constamment toutes les demandes du Pentagone. Président du groupe républicain, à la Chambre, depuis 1965, il fut un partisan loyal et permanent du président Nixon.
Lorsqu’il devint président, Ford affirma que son conservatisme ne faisait que refléter celui de sa circonscription électorale et que son comportement présidentiel serait différent. À dire vrai, Grand Rapids est plus éclectique que ne le fut Gerald Ford, puisque cette circonscription a voté pour Lyndon Johnson et contre Barry Goldwater et a donné un successeur démocrate et libéral à celui qu’elle avait élu et réélu pendant vingt-six ans. Parallèlement, d’ailleurs, le trente-huitième président fut aussi conservateur sur le plan national qu’il l’avait été quand il ne représentait qu’une des 435 circonscriptions que comptent les États-Unis. Les résultats de son gouvernement furent en effet mitigés : l’inflation ne fut — relativement — jugulée qu’au prix d’une forte aggravation du chômage ; les derniers soubresauts de la guerre du Vietnam s’accompagnèrent d’accusations exagérées contre le Congrès ; la grâce accordée à l’ex-président Nixon sembla bien rapide et indulgente, d’autant plus que Ford fixait dans le même temps des conditions assez draconiennes à l’amnistie en faveur des insoumis de la guerre du Vietnam. Sur bien d’autres points encore — l’énergie, l’Angola, son entourage — le président Ford était loin d’emporter l’adhésion d’une majorité de ses concitoyens. En revanche, il réussissait à redonner à une présidence dont le lustre était bien terni une dignité qui lui était largement refusée depuis l’aventure vietnamienne et le scandale du Watergate.
Les difficultés qu’allait connaître le président sortant dans sa tentative pour être réélu, ou plutôt élu, en 1976, ont été visibles dès la campagne des primaires : son adversaire principal dans le camp républicain, Ronald Reagan, ancien gouverneur ultra-conservateur de Californie, sera bien près de lui dénier l’investiture de son propre parti. Au moment de la Convention républicaine, Ford aura jusqu’à trente points de retard dans les sondages sur son adversaire démocrate Jimmy Carter. Son intégrité, sa solidité, la netteté de ses positions politiques par rapport à un adversaire qui tente au contraire de les maintenir dans le flou, l’aide d’une épouse aussi énergique que séduisante, notamment par son humour, lui feront largement remonter ce handicap, au point que les résultats seront infiniment plus serrés que les observateurs ne l’avaient prévu : moins de trois points sépareront le démocrate du républicain.
Gerald Ford a toujours eu la réputation de n’avoir pas d’ennemis : il s’est incliné avec la gentillesse que l’on attendait de lui et a grandement aplani les difficultés de la période de transition. Retiré de l’arène politique, il rédige ses Mémoires.

     
 
1976 - 1981
 
     
 

JIMMY CARTER

Né le 1er octobre 1924 près de Plains (Géorgie)

Ancien officier de marine sur les sous-marins atomiques, Jimmy Carter rentre à vingt-neuf ans à Plains (Georgie) pour y prendre la succession de son père. Le métier de planteur de cacahuète, quels qu’en soient les charmes, vantés par Carter lui-même, n’est pas assez exaltant pour cet homme fort ambitieux : il se lance dans la politique locale, comme démocrate, ce qui est la règle presque exclusive dans le Sud. Au niveau, d’abord, du district scolaire, puis du Sénat de Georgie, où il siégera de 1962 à 1966. Pour ce que l’on peut en savoir (10 p. 100 seulement des votes étaient alors enregistrés à Atlanta), il s’y montre conservateur en matière fiscale et libéral sur les problèmes sociaux. Après un échec en 1966, il se représente au poste de gouverneur de Georgie en 1970. Il est élu, non sans quelque difficulté, contre un adversaire plus libéral que lui. Mais son discours d’inauguration constitue une surprise pour ceux de ses électeurs qui l’avaient cru raciste. Il déclare en effet : « Je dois vous dire franchement que le temps de la discrimination est terminé », et sa déclaration est suivie de la nomination de Noirs à des postes de responsabilité au niveau étatique. Ces décisions lui valent une publicité nationale : il devient l’un des symboles du « Nouveau Sud ».
En 1974, en tant que président de la commission démocrate pour les élections législatives, il voyage à travers tout le pays et prend contact avec de nombreux responsables démocrates. Ainsi, lorsqu’il déclare officiellement sa candidature à la présidence des États-Unis, il est inconnu de la plus grande partie de l’électorat américain — mais point de l’appareil du parti républicain ni de celui du parti démocrate. Ce dernier, comme les autres composantes du parti (les syndicats, notamment, et l’électorat noir), se ralliera à sa candidature, avec un enthousiasme parfois mitigé, il est vrai. Électorat noir, syndicats, éléments sudistes et appareil démocrate auront d’ailleurs un rôle beaucoup plus déterminant que ne l’eût souhaité Carter dans une victoire acquise d’extrême justesse. Le 2 novembre 1976, il est élu trente-neuvième président des États-Unis, avec 51 p. 100 des suffrages exprimés, face au président sortant Gerald Ford, qui en recueille 48 p. 100. Le taux d’abstention particulièrement élevé (45 p. 100) est significatif du scepticisme d’une bonne partie de l’électorat américain à l’égard d’un système politique dont le fonctionnement semble parfois bien loin de l’idéal inculqué à l’école.
Jimmy Carter n’a été élu qu’envers et contre tous les appareils politiques. Bien qu’ayant fait campagne contre l’establishment, il a su largement puiser dans ce réservoir de personnalités formées de longue date aux dédales de la politique américaine. En effet, le cercle de ses adjoints à la Maison-Blanche étant pour l’essentiel composé de Georgiens qui travaillent avec lui depuis de longues années et en qui il a pleine confiance, Jimmy Carter a éprouvé le besoin de compenser leur inexpérience en matière de problèmes nationaux, en particulier en politique étrangère, par la nomination d’hommes ayant déjà eu des responsabilités gouvernementales. Ses choix ont parfois été critiqués parce que les « revenants » des équipes Kennedy et Johnson n’ont que très tardivement dénoncé l’intervention américaine au Vietnam et sont par trop liés à la Commission trilatérale, aux grandes entreprises et institutions financières et aux cabinets d’avocats les plus huppés.
Le président Carter avait déclaré, lors de la campagne électorale, qu’il accorderait la priorité à la réorganisation gouvernementale et aux affaires intérieures. Mais c’est principalement la politique étrangère qui monopolise son attention. En août 1978, Jimmy Carter invite le président égyptien Anouar al-Sadate (à la suite de la visite de celui-ci à Jérusalem en novembre 1977) et le Premier ministre israélien Menahem Begin . Les accords de Camp David (du nom de la résidence des présidents des États-Unis dans le Maryland où eurent lieu les négociations) sont paraphés le 17 septembre par les trois hommes. Le traité de paix israélo-égyptien reste le grand succès de politique étrangère de Jimmy Carter. En juin 1979, en dépit de ses divergences de vue avec Leonid Brejnev concernant les grandes crises du globe, il signe avec lui le traité S.A.L.T.-II sur la limitation des armements stratégiques. De novembre 1979 à janvier 1981, il négocie la libération des otages de l’ambassade des États-Unis à Téhéran , mais c’est son successeur, Ronald Reagan, qui en recueillera les bénéfices puisque la libération intervient quelques instants après l’entrée en fonctions de ce dernier.
La dégradation de la situation économique (hausse du chômage et de l’inflation et forte chute du dollar) entraîne une baisse de popularité de Jimmy Carter. Lors de l’élection présidentielle de novembre 1980, il n’obtient que 41 p. 100 des voix contre 51 p. 100 pour Ronald Reagan. Depuis son départ de la Maison-Blanche, Jimmy Carter œuvre pour la paix et les droits de l’homme à travers le monde (médiations entre le gouvernement éthiopien et les rebelles tigréens en 1989, entre les deux Corées en juin 1994, avec la junte haïtienne en septembre 1994 ; missions d’observation des élections en Amérique centrale). Son engagement lui vaut le prix Nobel de la paix en octobre 2002.
En mai 2002, il se rend en visite « privée » à Cuba, à l’invitation de Fidel Castro, où il plaide en faveur de la normalisation des relations américano-cubaines. C’est le plus haut dignitaire américain jamais reçu dans l’île depuis la révolution de 1959.



     
 
1981 - 1989
 
     

RONALD REAGAN

Ronald Wilson Reagan est né le 6 février 1911 à Tampico (Illinois), dans une famille modeste. Il connaît d’abord le succès comme reporter sportif et présentateur de radio dans l’Iowa (1933-1937). À l’été de 1937, il part pour Hollywood où il tourne dans 53 films – pour la plupart de série B. Il épouse en janvier 1940 l’actrice Jane Wyman dont il divorcera en juillet 1949. Il figure parmi les acteurs les mieux payés lorsque, en 1942, la guerre le contraint à interrompre sa carrière.
Après le conflit, celle-ci commence à décliner. Mais il en débute une autre qui va le fasciner. Président de la Screen Actors Guild de 1947 à 1954, il joue un rôle crucial dans les purges anticommunistes qui secouent Hollywood, tout en conservant une image de démocrate progressiste. Cependant, son second mariage en mars 1952 avec l’actrice Nancy Davis (née Anne Frances Robbins), son admiration pour le dynamisme des grandes entreprises (de 1954 à 1962, il présente chaque dimanche les téléfilms financés par la General Electric) et sa vigoureuse opposition à la progressivité de l’impôt sur le revenu le poussent vers le conservatisme et le parti républicain, auquel il adhère officiellement en 1962.
En 1964, un discours télévisé en fait le héros de la droite radicale de cette formation. Son charisme lui permet d’être élu (en 1966) et réélu (en 1970) gouverneur de Californie. En novembre 1980, fort de cette expérience à la tête du plus grand État du pays et porté par la « révolution conservatrice » en gestation depuis le milieu des années 1970, l’ancien acteur est élu président des États-Unis (poste qu’il occupera de janvier 1981 à janvier 1989) avec 51 % des voix, face au président sortant Jimmy Carter (41 %).
Consacrant le mariage de Hollywood et de Washington mais aussi celui du populisme et du capitalisme, son élection illustre le talent de grand communicateur qui lui a été unanimement reconnu. Ce talent est dû à la maîtrise successive qu’il a su acquérir de tous les grands médias mais encore plus à son imprégnation profonde, tout au long de son existence, des valeurs les plus vivaces de l’Amérique (religion, sport, mythes historiques et cinématographiques). Il est probablement plus que tout autre à même d’incarner les contradictions dont les rêves des Américains sont faits.
En dépit des faiblesses que ses critiques ne manquent pas de relever (gaffes, ignorance des dossiers, absence de curiosité intellectuelle, tendance à laisser l’astrologue de sa femme fixer son calendrier), ce talent, doublé d’un exceptionnel instinct politique, lui permet, avec l’aide d’une formidable équipe de relations publiques, d’incarner l’image d’un leader authentique, de s’ériger en prophète inspiré et de rendre foi dans leur destin à ses concitoyens.
Sur le plan intérieur, parallèlement à un discours prônant les vieilles valeurs morales, il procède à la nomination de juges conservateurs. Mais sa priorité est la réhabilitation du marché et l’arrêt de la progression jusqu’ici accélérée du rôle social de l’État. Ce dernier, aime-t-il à proclamer, « n’est pas la solution au problème. Il est le problème ». Son programme économique repose sur la déréglementation, sur une lutte sévère contre l’inflation, sur la réduction des dépenses (à l’exception du budget militaire) et sur une relance de l’initiative privée grâce à une baisse sans précédent de la fiscalité (« économie de l’offre »). Sa réalisation bute sur d’importantes difficultés ; néanmoins, malgré un prix élevé (creusement sans précédent des déséquilibres de la balance commerciale et du budget, accroissement des inégalités et glissement des États-Unis du statut de créancier net à celui de plus gros débiteur mondial), Reagan offre au pays sa plus longue période d’expansion économique depuis 1945. Il favorise la restructuration de l’appareil de production qui contribue probablement à renforcer, quelques années après, la suprématie économique et technologique des États-Unis. Dès 1984, la prospérité retrouvée lui vaut, lors de l’élection présidentielle en novembre, d’être réélu largement (59 p. 100 des voix), face au démocrate Walter Mondale.
Son plus grand succès a été de présider à l’extension de la démocratie dans les pays en développement (Argentine, Brésil, Philippines, Corée du Sud) ainsi qu’aux premiers craquements d’un empire soviétique qu’il honnissait depuis des décennies. Il intensifie, lors de son premier mandat, les tendances amorcées à la fin de la présidence Carter : raidissement face à l’autre camp et accroissement des dépenses militaires. Il entend montrer à l’U.R.S.S. qu’elle a eu tort de se lancer dans une course aux armements qu’elle n’a aucun espoir de gagner. En 1985, il se trouve en position de force pour engager le dialogue avec Mikhaïl Gorbatchev, qui s’apprête à remettre en question l’expérience communiste .
À partir de l’automne 1986, la chance – il a miraculeusement survécu à un attentat (30 mars 1981) et les observateurs parlent volontiers de « présidence Teflon » à son sujet – semble l’abandonner. L’affaire de l’Iran-Contragate (la vente illégale d’armes à l’Iran a permis de financer la guérilla antisandiniste du Nicaragua alors que le Congrès avait interdit une telle aide) sème la consternation dans l’opinion et la colère au Congrès. À la fin de 1987, pourtant, le réchauffement des relations avec l’U.R.S.S. (signature du traité de Washington, en décembre, sur le désarmement nucléaire) et le maintien, au prix d’un fort déficit de la balance commerciale et du budget, d’une indéniable prospérité lui assurent une « sortie en beauté ». N’est-il pas jusqu’ici, avec Eisenhower, le seul président de l’après-guerre à quitter la Maison-Blanche aussi populaire qu’il y est entré ?

     
 
1989 - 1992
 
     
 

GEORGE BUSH

Né le 12 juin 1924 à Milton (Massachusetts)

George Herbert Walker Bush fut le plus jeune pilote de l'aéronavale durant la Seconde Guerre mondiale, servant sur un porte-avion dans le Pacifique. Diplômé en économie de l'université Yale, en 1948, il s'établit au Texas où il fonda une compagnie pétrolière.
É lu à la Chambre des représentants, dans les rangs républicains, en 1966, réélu en 1968, il démissionna de son poste en 1970 pour se présenter, sans succès, au Sénat. Le président Richard M. Nixon le choisit, en 1971, pour représenter le pays à l'Organisation des Nations unies. Élu président du parti républicain en 1973, il fut nommé chef du bureau de liaison des États-Unis en Chine, de 1974 à 1975, avant le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux États. De 1976 à 1977, il dirigea la CIA (Central Intelligence Agency). Bush postula comme candidat à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de 1980, mais son parti préféra Ronald Reagan. Celui-ci lui proposa d'être son colistier et Bush devint vice-président en 1981, fonction qu'il conserva jusqu'en 1989.
Parvenu à la présidence des États-Unis, il poursuivit la politique de son prédécesseur, remportant de notables succès en matière de politique étrangère. Bush affirma la position dominante des États-Unis, se montrant très interventionniste. Il réagit rapidement à l'effondrement du bloc communiste, en Europe de l'Est, proposant une assistance économique à la Tchécoslovaquie, à la Hongrie et à la Pologne, et encouragea la réunification de l'Allemagne. En décembre 1989, George Bush rencontrait à Malte le président de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev. Cette rencontre ouvrait les négociations sur l'arrêt de la production des armes chimiques, la réduction, de moitié, du nombre de missiles à longue portée et la limitation des forces conventionnelles en Europe. Les pourparlers devaient déboucher, en juillet 1991, sur la signature d'un accord de réduction des armes stratégiques (voir armements, contrôle des).
La fin de l'année 1989 fut également marquée par l'envoi de troupes américaines au Panamá, où elles chassèrent du pouvoir le général Manuel Noriega. George Bush fut encore à l'origine de la coalition contre l'Irak, après que les forces irakiennes eurent envahi le Koweït en août 1990. La victoire de la coalition dans la guerre du Golfe augmenta la popularité du président américain dans son pays. Le 30 octobre 1991, l'ouverture de la première conférence de paix pour le Proche-Orient constitua un autre succès pour George Bush. Les troupes américaines intervinrent encore, en 1992, en Somalie, pour venir au secours de la population, victime de la guerre et de la famine, et pour tenter de restaurer la paix dans ce pays. Cependant, face à l'hostilité de clans rivaux somaliens, les troupes américaines, sous l'égide de l'ONU, durent entamer un retrait progressif en mars 1994.Les électeurs américains, cependant, sanctionnèrent l'échec de la politique économique de George Bush, qui n'était pas parvenu.

     
 
1992 - 2000
 
     

BILL CLINTON

illiam Jefferson Clinton est né le 19 août 1946 à Hope, dans l’Arkansas. Son père, William Jefferson Blythe, plusieurs fois marié et divorcé, meurt avant sa naissance. Le jeune Bill est élevé d’abord par ses grands-parents, puis par sa mère, Virginia Blythe, qui se remarie en 1950 avec Roger Clinton. Celui-ci, un alcoolique, bat sa femme qui divorcera avant de l’épouser à nouveau. Loin de le décourager, ce contexte familial difficile l’incite à s’imposer aussi bien au lycée (il est sélectionné pour rencontrer Kennedy à Washington en 1963) qu’à l’université : il est deux ans durant boursier Rhodes à Oxford (1968-1970) avant d’être diplômé de droit à Yale en 1973, puis de devenir enseignant à l’université de droit de l’Arkansas. Ce représentant du baby boom et de la génération des sixties, qui s’oppose à la guerre du Vietnam, se fait élire dès 1976 Attorney General de l’Arkansas, puis en 1978, gouverneur de cet État. Cela fait alors trois ans qu’il a épousé Hillary Rodham.
À son arrivée à la Maison-Blanche, personne ne peut douter qu’il soit un politicien né. Après sa première défaite électorale (1980), il sait tirer rapidement les leçons de son échec et parvient à se faire réélire gouverneur de l’Arkansas sans interruption à partir de 1982. Il est doué d’une rare aptitude à élaborer une « synthèse » des idées « libérales » (progressistes) et conservatrices. Ancien président du Democratic Leadership Council (organisation créée au milieu des années 1980 pour recentrer le Parti démocrate), il reconnaît que l’État est un indispensable adjuvant au marché, mais souscrit au vœu des conservateurs qui veulent le dégraisser. En novembre 1992, à la suite d’une triangulaire dans laquelle il affronte le président sortant, George Bush, et le milliardaire Ross Perot, il est élu avec 43 p. 100 des voix (contre respectivement 38 et 19 p. 100 pour ses adversaires).
D’autres traits lui valent, à l’opposé, une certaine vulnérabilité. Tout d’abord, il est plus enclin à suivre l’opinion qu’à la diriger : sa présidence apparaît comme une campagne permanente où la quête de la popularité est la priorité. Elle l’est d’autant plus qu’il lui faut sans cesse surmonter les difficultés nées de sa propension à vivre « sur le fil du rasoir » dans sa vie privée (affaires Gennifer Flowers et Paula Jones) et de son association à toutes sortes de scandales (Whitewater, Travelgate, Filegate, collecte illégale des fonds du Parti démocrate en 1996) dans lesquels son nom, ou celui de sa femme, avocate brillante mais trop « libérale » et féministe aux yeux de la majorité, sont, à tort ou à raison, cités.
Un centriste apte à rebondir
Au début de son premier mandat, sa politique étrangère souffre de sa conviction qu’un trop grand activisme à l’étranger ne peut que nuire à sa popularité. L’enlargement, que son Administration prétend substituer à un containment (endiguement) désormais dépassé, fait de la promotion de la démocratie et de l’économie de marché le meilleur garant de la paix et de la prospérité. Mais les États-Unis ne paraissent guère disposés à assumer le coût que sa rhétorique entraînerait. Clinton a lui-même décidé d’éviter des interventions risquées dans des conflits localisés, en Bosnie en particulier.
Le président n’hésite jamais, en revanche, à s’impliquer dans la recherche de nouveaux marchés : il obtient du Congrès la ratification de l’A.L.E.N.A. (Accord de libre-échange nord-américain) à l’automne de 1993 et celle de l’Uruguay Round un an après. Par ailleurs, dès novembre 1993, il lance l’idée d’une communauté Asie-Pacifique dont il se sert pour faire pression sur ses alliés atlantiques. Il peut assez vite se targuer d’un succès relatif concernant son autre grande priorité : la prévention de la prolifération nucléaire qui, l’U.R.S.S. disparue, constitue la principale menace. Pourtant, en dépit de l’appui qu’il a ostensiblement apporté dès 1993 au rapprochement entre Israël et l’O.L.P. (il préside le 13 septembre 1993 à la signature de la Déclaration de principes sur l’autonomie dans les territoires occupés ), son bilan reste au mieux mitigé quand, à l’été de 1995, il décide de s’impliquer plus directement dans la conduite de la diplomatie : signature d’un deuxième document entre Israël et l’O.L.P.(accord de Taba signé à Washington en septembre 1995), accords de Dayton sur la Bosnie (novembre 1995), et surtout appui au président russe Boris Eltsine, confronté à la montée des nationalismes et au retour du communisme.
D’emblée, Clinton a estimé que sa réélection en 1996 dépendrait de la politique économique qu’il mènerait. D’une certaine façon, dès 1994, son pari paraît gagné. Pourtant, en dépit de mesures qui vont dans un sens opposé (réduction du déficit du budget), il ne peut empêcher les républicains de lui coller une image de « gauchiste » et se révèle incapable de mener à bien la réforme du système de santé, qu’il avait confiée à sa femme. En novembre 1994, pour la première fois depuis 1952, le pays envoie une majorité républicaine dans les deux Chambres du Congrès.
Pourtant, deux ans après, le président est réélu sans difficulté, obtenant 49,2 p. 100 des suffrages, contre 40,8 pour le républicain Bob Dole et 8,5 pour Ross Perot. Il a su se poser en rempart contre certains des projets les plus extrêmes de la droite républicaine. Il sort vainqueur de l’épreuve de force que constitue la « fermeture partielle », à deux reprises (en novembre 1995 puis en décembre 1995-janvier 1996), de l’État (mise au chômage technique de certains services administratifs, les républicains n’ayant pu arriver à un accord avec le président sur le budget). Le retour d’une majorité républicaine dans les deux Chambres du Congrès montre les limites de son succès. Sous bien des aspects, Clinton a dû faire siennes certaines des vues de ses adversaires. En se ralliant au printemps de 1995 à l’idée d’un budget équilibré, en proclamant en janvier 1996 que « l’ère du tout-État appartient au passé », et en signant l’été suivant une loi restrictive sur le welfare, Clinton a fait plus de la moitié du chemin vers les républicains.
En 1997, il peut conforter l’image d’« homme de la paix et de la prospérité » qu’il a su se forger. Tout en évitant un heurt frontal avec le Kremlin, il parvient à réaliser une extension de l’O.T.A.N. limitée à la Pologne, la Hongrie et la République tchèque, et poursuit une politique d’« engagement » avec Pékin. Surtout, il arrache ce qui pourrait bien se révéler, aux yeux de la postérité, son plus grand legs : le vote par le Congrès d’un accord sur le rééquilibrage, à partir de 2002, du budget.
Au début de 1998, alors qu’il s’apprête à lancer la réforme intérieure à laquelle il entend s’identifier, une évolution, par petites touches, de la société – l’éducation, les relations familiales et raciales, l’environnement, les pensions de retraite, l’assurance-santé – la presse révèle la liaison qu’il a entretenue avec Monica Lewinsky, une jeune stagiaire de la Maison-Blanche. Dans un premier temps, il commet l’erreur de nier, offrant ainsi à ses adversaires et, en particulier, au procureur indépendant Kenneth Starr, chargé depuis 1994 d’enquêter sur les divers scandales auxquels le nom du président est associé, une brèche dans laquelle il ne tarde pas à s’engouffrer. Pour Clinton, la situation est alors d’autant plus incertaine que le bilan de « paix et de prospérité », qui lui servait jusqu’ici de bouclier, est quelque peu fissuré. La crise financière qui se répand en Asie, en Russie et menace le Brésil assombrit à terme les perspectives économiques des États-Unis. En Irak, depuis la fin de 1997, Saddam Hussein ne cesse de tester la volonté d’une communauté internationale divisée tandis que, au Proche-Orient, le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens est gelé depuis l’élection de Benyamin Nétanyahou. En Asie du Sud, avec les essais nucléaires indiens et pakistanais, la politique de non-prolifération semble défiée. Surtout, aux États-Unis, le Congrès bloque les principales réformes intérieures qui lui sont adressées.
À partir du 17 août 1998, l’avenir du président paraît en danger : pour avoir, ce jour-là, dans le cadre de l’affaire Lewinsky, effectué une déposition sous serment dont la teneur se voit aussitôt contestée, il est menacé d’une procédure d’impeachment (destitution) : le 19 décembre 1998, alors même que les forces américaines viennent d’engager une série de frappes aériennes contre l’Irak, la Chambre des représentants le traduit pour faux témoignage et obstruction à la justice devant le Sénat. Il est le second président des États-Unis que la Chambre haute est conduite à juger (après Andrew Johnson en 1868). Pourtant, une économie euphorique (depuis 1993, plus de 17 millions d’emplois ont été créés, la Bourse pulvérise des records et, dès 1998, le budget est rééquilibré), le soutien indéfectible de sa femme et la suspicion que l’acharnement de ses adversaires finit par susciter affermissent sa popularité. Ainsi, dès les élections à mi-mandat de novembre, il a réduit l’avance dont les républicains disposaient au Congrès. Le 12 février 1999, au Sénat, ceux-ci ne réunissent même pas contre lui une simple majorité, alors qu’il eût fallu les deux tiers des voix pour le destituer.
Le grippage des institutions que cet épisode ne manque pas d’aggraver n’empêche ni la croissance de continuer, ni l’excédent budgétaire, apparu dès 1998, de s’envoler. Mais il prévient tout ralliement du Congrès à des réformes intérieures importantes auxquelles le président aurait pu identifier son legs.
C’est donc dans la politique étrangère que, sur la fin de son mandat, Clinton tente d’inscrire ce dernier. À partir de février 1999, il s’efforce ainsi de restaurer la crédibilité de l’O.T.A.N. face à Slobodan Milosevic qui, en dépit des avertissements des Occidentaux, poursuit depuis 1998 une répression implacable contre les Albanais au Kosovo. Aussi, après l’échec d’une conférence internationale (Rambouillet-Paris, février-mars 1999), persuade-t-il l’O.T.A.N. de se lancer dans une campagne de bombardements contre la Yougoslavie dont l’issue victorieuse (juin 1999) est loin de résoudre tous les différends dans cette région troublée.
Sa quête d’un ultime et éclatant succès bute, dans les mois qui suivent, sur la rancune tenace que lui vouent les républicains du Congrès, sur les contraintes politiques que crée l’approche de l’élection de 2000 et sur les limites que l’influence, pourtant considérable, des États-Unis finit par rencontrer. Le président réussit sans doute à arracher un feu vert des élus à une éventuelle entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (O.M.C.) en septembre 2000. Mais il a dû se résigner à laisser le Sénat rejeter (octobre 1999) le traité d’interdiction complète des essais nucléaires. De même, lors de la conférence de l’O.M.C. à Seattle (novembre-décembre 1999), il a renoncé à lancer les États-Unis dans un nouveau round de négociations commerciales, de peur de dresser les salariés américains contre les démocrates. Et, en septembre 2000, il juge préférable de reporter toute décision sur le déploiement éventuel d’un système national de défense antimissiles. Surtout, en dépit de ses efforts appuyés pour rapprocher (à partir du second sommet de Camp David de juillet 2000) Israéliens et Palestiniens en vue de parvenir à un accord de paix, il ne peut empêcher la situation au Moyen-Orient de se détériorer gravement.
La fin de son mandat laisse un sentiment partagé. S’il peut se targuer d’avoir présidé à la plus longue période de prospérité que les États-Unis aient jamais expérimentée, son « dauphin », le vice-président Al Gore, est défait dans une élection longtemps contestée. Et c’est sur un ultime scandale que sa présidence va s’achever : les conditions dans lesquelles il a octroyé, la veille de son départ, une série de pardons, suscitent dans le pays un nouveau malaise.

     
 
2000 -
 
     
 

GEORGE W. BUSH

Né le 6 juillet 1946 à New haven (Connecticut)

George Walker Bush est le fils de George Herbert Walker Bush, 41e président des États-Unis, et de Barbara Bush. Il grandit au Texas, avant de gagner en 1961 le Massachusetts et la Phillips Academy d’Andover, l’une des meilleures écoles privées du pays, déjà fréquentée par son père. Il poursuit ses études à l'université de Yale où il obtient une licence d’histoire (1968) avant de devenir pilote d'un avion de chasse dans la Garde nationale aérienne du Texas. En 1975, il obtient une maîtrise de gestion des entreprises de la Harvard Business School.
De retour au Texas, il brigue sans succès un siège à la Chambre des représentants (1978) sous les couleurs républicaines, et entame une carrière dans l'industrie pétrolière et gazière à Midland, en fondant sa propre compagnie, Arbusto Energy Inc. Ses activités industrielles se révèlent infructueuses et, après avoir fait faillite en 1986, il participe activement à la campagne électorale de son père, élu président des États-Unis en 1988. Il remplit de nouveau ce rôle lors de l’élection présidentielle de 1992 et, à la suite de la défaite de son père contre Bill Clinton, il décide de donner libre cours à ses propres ambitions politiques.
Les ambitions de George W. Bush se portent sur l’État du Texas, dont il est élu gouverneur en 1994, fort de la popularité qu’il a acquise en tant qu’actionnaire et directeur du club de base-ball des Texas Rangers (1989-1994). Au poste de gouverneur, il met en œuvre son programme électoral, axé sur l’éducation, les réformes sociales et la réduction de la criminalité. De nouveau candidat en 1998, il se présente lui-même devant les électeurs comme un « conservateur compatissant », partisan des traditionnelles politiques de réduction des impôts et de limitation de l’action publique, tout en promouvant l’initiative du secteur privé et associatif dans le domaine social. Réélu avec 69 p. 100 des suffrages, il apparaît comme le futur présidentiable du Parti républicain à l’approche de l’élection présidentielle.
En juillet 2000, George W. Bush sort vainqueur de la rude bataille menée pour l’investiture dans le camp républicain. Lors de l’élection présidentielle du 7 novembre suivant, il est opposé au candidat démocrate Al Gore. À l’issue d’un véritable feuilleton judiciaire aboutissant à un décompte manuel des voix en Floride puis à la saisie de la Cour suprême par les républicains, il est désigné, par cinq juges contre quatre, 43e président des États-Unis, bien que n’ayant pas recueilli la majorité des suffrages populaires.
Dans les premiers mois de sa présidence, George W. Bush — entouré de conseillers expérimentés tels que Dick Cheney, au poste de vice-président, et Colin Powell, secrétaire d’État — s’efforce à appliquer ses priorités de campagne, tout en recherchant le consensus : l’éducation, avec un plan visant à augmenter les dépenses fédérales et à améliorer les mécanismes d’évaluation des établissements ; et la fiscalité, avec un plan historique de baisse des impôts sur dix ans. Élu sur un programme conservateur (notamment au sujet de la peine de mort qu’il a appliquée lorsqu’il était gouverneur), il prend également des mesures visant à rassurer l’aile droite républicaine, telles que la suppression des crédits accordés à des organisations de planning familial qui opèrent à l’étranger et favorisent l’avortement.
Dans le but de réduire le poids des dépenses sociales dans le budget de l’État fédéral, il instaure un Bureau des initiatives religieuses et communautaires (Office of Faith-Based and Community Initiatives), directement dépendant de la Maison-Blanche et chargé d’allouer des subventions à des organisations caritatives afin qu’elles prennent en partie en charge le traitement des grands fléaux sociaux du pays (toxicomanie, violence, pauvreté, sans-abri, etc.).
Sur le plan extérieur, George W. Bush renoue avec la politique nationaliste de Ronald Reagan par une série de décisions inaugurant mal des relations qu’il entend instaurer avec le reste du monde. Il annonce notamment son refus de ratifier le protocole de Kyoto et son intention de relancer le projet de bouclier antimissiles, tandis qu’il entend désengager les États-Unis du processus de paix du conflit israélo-palestinien. Sur le plan commercial, il tente de relancer la croissance économique en favorisant l’instauration d’une zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), à l’horizon 2005.
Les attentats dévastateurs perpétrés aux États-Unis le 11 septembre 2001 par des terroristes islamistes, faisant plus de 3 000 morts ou disparus, provoquent un tournant dans la politique de George W. Bush. Considérant ces attentats comme un « acte de guerre », le président américain trouve auprès d’une communauté internationale solidaire un soutien actif pour mettre sur pied une coalition contre le terrorisme, dirigée en premier lieu contre Oussama Ben Laden et le réseau terroriste Al Qaida, accusés par les États-Unis d’être à l’origine des attentats. Lancée dès le mois d’octobre contre le régime des talibans en Afghanistan, soupçonnés de protéger Oussama Ben Laden, l’opération « Liberté immuable » aboutit à la chute des talibans en novembre, sans pour autant permettre de capturer l’ennemi numéro un des États-Unis.
En janvier 2002, lors de son discours sur l’état de l’Union, George W. Bush désigne l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord comme un « axe du mal, armé pour menacer la paix du monde ». S’attaquant d’abord à Saddam Hussein, qu’il accuse de parrainer le terrorisme et de posséder des armes de destruction massive, il demande aux Nations unies de formuler une nouvelle résolution sur le désarmement de l’Irak, dont le non-respect cautionnerait une intervention militaire américaine. Cette demande aboutit à l’envoi d’experts en désarmement de l’ONU sur le territoire irakien, conformément à la résolution 1441 adoptée le 8 novembre 2002 par le Conseil de l’ONU et ordonnant à Saddam Hussein de détruire tous ses programmes d’armes de destruction massive sous peine d’un recours à la force. Dans sa volonté de mener au plus vite une guerre contre l’Irak afin de renverser le régime de Saddam Hussein, et ce même sans l’aval de l’ONU, le président apparaît isolé sur la scène internationale. S’il bénéficie de l’appui du Premier ministre britannique Tony Blair et de l’Espagnol José Maria Aznar, il doit en effet faire face à l’opposition des nombreux pays (dont la France, l'Allemagne, la Russie et la Chine) qui préconisent au contraire la poursuite et le renforcement des inspections pour mettre fin à la crise irakienne.
Le 18 mars, face à un Conseil de sécurité en grande partie opposé à une intervention militaire immédiate en Irak, George W. Bush lance un ultimatum de 48 heures à Saddam Hussein pour qu’il quitte le pouvoir et les premiers bombardements américano-britanniques de Bagdad ont lieu le 20 mars. Après un peu plus d’un mois d’opérations militaires, et l’effondrement du régime de Saddam Hussein, Georges W. Bush annonce la fin des « opérations de combat majeures » dans son discours du 1er mai 2003, à bord du porte-avions Abraham-Lincoln, mais il entend continuer à mener la « guerre contre le terrorisme ».