Les Pictes et les Scots

   
LES PICTES  
   
   
Ancien peuple du nord de la Grande-Bretagne, les Pictes (dont le nom est la traduction latine du mot celtique brith, peint) comprenaient deux grandes tribus : les Dicalédons, au nord des monts Grampians, et les Victuriens, au sud. Peut-être descendaient-ils de la tribu gauloise des Pictones (Poitou) ?
   
De race celtique, ils passèrent d'Irlande en Écosse au commencement de l'ère chrétienne, et semèrent la terreur, avec les Scots, dans toute la Bretagne romaine, même après la reconquête de 296 ; les Pictes sont cités, avec les Scots, comme les barbares les plus menaçants dans la liste de Vérone (vers 310), qui récapitule les ennemis de l'Empire. Le mur d'Hadrien, dit «mur des Pictes», désigne un monumental ouvrage de défense élevé par les Romains sous les empereurs Hadrien et Sévère contre les incursions des Pictes et des Scots ; il semble cependant que les Pictes soient passés définitivement au sud du mur dès le début du Ve siècle.
   
Ils ont gagné leur surnom car ils se parent de peintures de guerre bleues avant d'aller au combat. Leur tactique est sommaire mais efficace dans un pays de collines et de montagnes : ils s'embusquent derrière les rochers, le plus souvent dans une passe que l'armée ennemie est obligée d'emprunter. Après avoir fait débouler des pierres sur l'adversaire pour le désorganiser, ils se ruent à l'attaque en poussant des cris de guerre farouches destinés à effrayer l'ennemi. Les Romains, malgré leur supériorité militaire ne sont jamais parvenus à les soumettre et, après avoir perdu plusieurs armées, ont décidé de les maintenir simplement au delà du Limes en construisant deux murs successifs : Le mur d'Hadrien et le mur d'Antonin.  Les Pictes vivent en clans. Il n'est pas rare qu'ils se fassent la guerre entre eux. Leur société est assez fruste et leurs conditions de vie sont difficiles. Cela contribue a les rendre plus résistants et plus féroces que leurs voisins du sud. Leur société présente une grande originalité : elle est basée sur un système matriarcal; le pouvoir se transmet par les femmes. Les filles et sœurs de rois épousant fréquemment des chefs étrangers, la royauté Picte était ainsi transmise à des fils de princes d'autres pays : c'est ainsi, peut-être, que le Scot Kenneth Mac Alpin finit par unir les deux royaumes. Ce régime de transmission matrilinéaire frappait les étrangers et continue à fournir matière à d'abondantes discussions entre les ethnologues d'aujourd'hui.
   
Une autre conséquence du système était que, il semble qu'il n'y ait jamais eu à proprement parler un royaume Picte unifié, mais plutôt une fédération de royaumes, ou de chefferies, avec un ou deux " rois supérieurs " ou suzerains. Selon les époques, les témoignages contemporains parlent de deux royaumes (Bède: Pictes du Nord et Pictes du Sud, séparés par le Mounth, chaîne de montagnes transversale au sud d'Aberdeen), ou de quatre, ou de sept. Sans doute y eut-il, au long des siècles, des émergences de dynasties locales, des fusions, des divisions. Au VIème siècle le royaume de Fortriu (où l'on retrouve le nom des Verturiones, peuple cite au II siècle par Claude Ptolémée) était puissant autour de Dunkeld (" le fort des Calédoniens ") et de Scone. A d'autres époques on cite le royaume de Fib (Fife, qui aujourd'hui encore se vante d'être " indépendant ").   La tradition, rapportée par les bardes, attribuait à un légendaire Cruithne la fondation du peuple Picte, et à ses sept fils l'origine des sept " provinces " ou tribus qui le composaient. Au VIIIème siècle le roi Picte Oengus 1er exerçait une sorte de suprématie sur l'ensemble de l'Écosse, mais il s'agit d'un épisode mal connu et, de toute façon, éphémère.Les combats entre les Pictes et leurs voisins étaient fréquents et anciens. Le système de succession matrilinéaire en vigueur chez les Pictes facilitait les alliances et les rivalités dynastiques. Au début du IXe siècle, le roi Oengus Il, fils du roi Scot Fergus et d'une princesse Picte, régnait conjointement sur les deux peuples. A sa mort en 834, son fils Eoganan lui succéda. C'est à lui que devait incomber la responsabilité de faire face, avec une armée scote et Picte, à une vaste offensive des Vikings venus d'Irlande et de livrer la bataille au cours de laquelle il fut tué, ouvrant ainsi une double crise de succession.   Cette bataille de 839 frappa les contemporains par l'ampleur des pertes subies par les Scots et les Pictes, au point que certains historiens écossais modernes l'ont comparée à la grande défaite historique infligée à Jacques IV d'Écosse par les Anglais à Flodden en 1513, qui faillit rayer de la carte le royaume d'Écosse. On doit cependant constater que, peu d'années après, les dégâts devaient être réparés, puisque le règne de Kenneth Mac Alpin apparaît comme glorieux dans les annales du pays.   Les origines de Kenneth Mac Alpin sont assez obscures, son père Alpin n'ayant laissé aucune trace sûre dans les généalogies. Une fois devenu roi, on le rattacha à la maison royale des Scots de Dalriada; c'est possible, sans être certain. Nous ignorons dans quelles circonstances il accéda à la royauté des Scots, sans doute comme conséquence du drame de 839. Quelques années plus tard, il régnait également sur les Pictes, et désormais les deux royaumes devaient rester unis sans être jamais plus séparés. Cette union est traditionnellement considérée comme l'acte de naissance du royaume d'Écosse: " Kenneth fut le premier des Scots à régner sur tout le pays qu'on appelle aujourd'hui l'Écosse ", écrit au XIIIe de la Chronique de Huntingdon. Nous verrons plus loin ce que nous savons des conditions dans lesquelles fut réalisé l'avènement de Kenneth au trône Picte et de ses conséquences. Au moment de cette union, le peuple Picte était déjà christianisé grâce aux efforts du moine missionnaire Columba et d'autres moines venus du monastère Scot d'Iona (nous y reviendrons). A part cela, nous ignorons à peu près tout des structures politiques, économiques et sociales des Pictes. On a émis l'hypothèse, assez vraisemblable, que l'ensemble de la population, agriculteurs et pêcheurs, était de souche préceltique, héritière directe de la culture néolithique, soumise à une classe guerrière descendant des envahisseurs celtes, exerçant le pouvoir et levant des impôts en nature.   Quant au mode de vie, il devait se situer au même niveau que celui des autres peuples celtiques et germaniques de la même époque: agriculture rudimentaire, élevage, chasse, pêche, artisanat du textile et de la poterie, usage limité des métaux, violence endémique. La défense était assurée par des forts bâtis en bois et pierre, qui pour la plupart ont subsisté sous forme de pierres vitrifiées par l'incendie, d'où leur nom de " forts vitrifiés ". Les brochs préhistoriques ont subsisté jusqu'à la fin du royaume Picte, ainsi que les chambres souterraines, refuges ou greniers, surtout dans le Nord.   Nous ne savons pas avec certitude si les Pictes étaient monogames ou polygames ni quelles étaient leur langue et leurs croyances avant l'implantation du christianisme.
   
Pourtant, tout ou presque tout est mystérieux en eux. Les historiens écossais parlent volontiers de l »’énigme Picte ", et l'imagination populaire brode sur ce thème jusqu'aux limites de la science-fiction, au point qu'on a pu parler de " pictomanie " avec tous les excès que ce genre de passion comporte. Nous ignorons quelle langue ils parlaient - le missionnaire irlandais Columba, nous l'avons vu, avait besoin d'interprètes au VIème siècle pour se faire comprendre d'eux -, et les témoignages que nous possédons sur eux sont contradictoires. Celtes, " proto-Celtes ", ou population autochtone pré celtique, toutes les hypothèses ont été formulées, sans qu'aucune s'impose absolument.Les Pictes ont laissé d'abondants monuments archéologiques, dont l'interprétation est difficile, faute de datation précise. Ce sont essentiellement des pierres dressées, couvertes de figures gravées, les unes géométriques (y compris des croix après la christianisation), les autres figuratives, quadrupèdes, oiseaux, chaudrons, chariots à roues. Ces pierres, dites " symboliques ", avaient sans doute une valeur religieuse, peut-être funéraire, sans qu'on soit en mesure de l'affirmer.   Tout aussi mystérieuses sont les inscriptions, en alphabet " ogamique " (système d'encoches gravées sur la pierre d'après l'alphabet latin) qui donnent des mots incompréhensibles et imprononçables tels que ATTOCUHETTS AHEHHTANN HCCVVEVV NEHHTONS ou BESMEQQNANAMMOVVEZ. S'agit-il d'un langage codé, ou de symboles ésotériques non littéraux, cela aussi nous l'ignorons.C'est le moine anglais Bède, au VIe siècle, qui parle des Pictes avec le plus de détails, mais, de par son origine même, il les décrit " de l'extérieur " et sans excès de sympathie. Il affirme, ce que nous savons aussi par d'autres sources, que chez eux la succession de la royauté se faisait non pas de père en fils, mais par filiation féminine: système original qui faisait le plus souvent du neveu le successeur de l'oncle, au détriment des fils. On conçoit que les rivalités aient été fréquentes, et aussi les assassinats entre cousins.
   
   
   
LES SCOTS
 
   
Peuplade celte venue d'Irlande, qui s'établit sur la côte ouest de l'Écosse au VIe siècle. Sous la direction de saint Colomba, les Scots évangélisèrent la région, qui était encore païenne. Ils imposèrent au IXe siècle leur domination aux Pictes et donnèrent leur nom à la partie septentrionale de l'île de Bretagne.
   
Les Scots (Scoti ou Scotti) étaient de nouveaux venus au VIème siècle dans ce qui est aujourd'hui l'Écosse. Leur pays d'origine était le royaume de Dalriada, ou Dal Riata, dans l'actuel Ulster (Irlande du Nord). La tradition irlandaise raconte comment le prince scot Fergus Mor serait arrivé d'Irlande avec ses frères Loarn et Angus, vers l'an 500, à la suite d'une sombre histoire de vengeance et de proscription Ils se seraient installés d'abord dans les îles les plus proches de la côte irlandaise, Mull, Islay, Jura, puis dans la presqu'île de Kintyre, et auraient rapidement pris pied sur la terre ferme, depuis l'embouchure de la Clyde au sud jusqu'au Glen Mor, ou Great Glen, au nord.Les Scots nommèrent Dalriada leur nouveau territoire, comme celui qu'ils avaient laissé derrière eux en Irlande; de fait, l'unité culturelle des deux pays, de chaque côté de la mer, subsista longtemps. C'était un peuple celte de la famille " goidélique ": sa langue, qui survit en Écosse sous le nom de gaélique ou d'erse, est très proche de l'irlandais.L'histoire interne des Scots d'Écosse est assez mal connue jusqu'au VIIIème siècle. Chacun des trois frères Fergus, Loarn et Angus donna naissance à une dynastie, mais celle de Fergus avait la prééminence. Très vite les Scots s'affirmèrent comme un peuple expansionniste et conquérant, s'attaquant à l'est aux Pictes, et au sud aux Britons. Une alternance de victoires et de défaites marque leurs progrès, mais un roi tel qu'Aedan, descendant de Fergus, à la fin du VIème siècle, fait figure de grand conquérant: il bat les Pictes à plusieurs reprises, étend son influence chez les Britons de Strathclyde, repousse les attaques des Anglo-Saxons de Northumbrie. Cependant une coalition de Pictes et d'Anglo~-Saxons lui inflige une sévère défaite en 603, et son petit-fils Domnall Brecc est vaincu et tué en 642 par le roi de Strathclyde.Tard venus dans l'histoire de l'Écosse, les Scots devaient finir, après trois ou quatre siècles de luttes et de succès et revers alternés, par en dominer la totalité du territoire et par lui donner leur nom. Ils furent en cela grandement aidés par la force conquérante du christianisme, qu'ils avaient apporté d'Irlande et qui, grâce à eux, s'étendit aux Pictes et plus tard aux envahisseurs nordiques. Nous y reviendrons, car l'évangélisation de saint Columba et de ses disciples joue un rôle essentiel dans la naissance de la nation écossaise.
   
   
   

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