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LES
MEROVINGIENS
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Dynastie des rois
francs qui régna de 481 à 751. Elle
est issue d’un rameau du peuple franc installé dans la
région de Tournai, entre Rhin et Escaut, et doit son nom au
légendaire Mérovée (ou Merowig), fils ou neveu
de Clodion le Chevelu, qui aurait régné de 448 à 457
sur une tribu de Francs Saliens, et aurait été l’allié du
général romain Aetius contre les Huns lors de la bataille
des champs Catalauniques.
Le fils de Mérovée, Childéric (mort v. 481),
est le premier membre de cette lignée dont l’existence
n’est pas seulement légendaire, mais également
attestée par des documents peu postérieurs à l’époque
de sa mort. Roi des Francs Saliens de la région de Tournai,
installé par traité à l’intérieur
du territoire romain, il reçut d’Egidius, principal lieutenant
d’Aetius, le gouvernement civil et militaire d’une partie
de la Belgique IIe. Allié des Romains contre les Wisigoths,
il aida Syagrius, fils d’Egidius, à succéder à son
père.
Clovis Ier, le fils que Childéric avait eu d’une princesse
thuringienne, Basina, fut, comme son père, un chef de guerre.
Ayant compris que la puissance déclinante des Romains n’imposait
plus de les traiter en alliés, il s’attaqua à Syagrius, « roi
des Romains », qui maintenait autour de Soissons un reste de
l’Empire romain d’Occident, et s’empara de son territoire
en 486. Pendant le dix années qui suivirent, Clovis s’employa à augmenter
ses conquêtes : il atteignit la Loire et l’Armorique, lança
des raids en Aquitaine, vainquit les Thuringiens en 491 et les Alamans
en 496.
En 496, il épousa une princesse catholique, Clotilde, nièce
du roi burgonde Gondebaud, qui n’eut de cesse de le gagner à la
foi chrétienne. Barbare resté païen à l’heure
où bien d’autres chefs de guerre avaient adhéré à l’hérésie
arienne, Clovis, conscient du poids politique et moral de l’Église,
accepta finalement de se convertir, à la suite d’un vœu
fait à la bataille de Tolbiac (496). Il fut baptisé à Reims
par saint Remi, sans doute en 498.
Dès lors, Clovis, assuré du soutien de l’Église,
fut en mesure de travailler à la fusion des mœurs barbares
avec les coutumes gallo-romaines, dont il s’inspira pour élaborer
de nouvelles institutions. Ayant garanti l’ordre, il s’employa à poursuivre
sa politique d’expansion territoriale. Après avoir refoulé les
Alamans au-delà du Rhin, en 505, il écrasa le roi wisigoth
Alaric II à la bataille de Vouillé, ce qui le rendit
maître de l’Aquitaine. Cependant, il ne put annexer le
Languedoc et ne parvint pas à défaire les Ostrogoths,
qui lui barraient l’accès à la Méditerranée.
Il consacra ses dernières années à éliminer
les Francs Rhénans, à l’est et au nord du royaume,
et, en 510, il était le seul maître d’un territoire
s’étendant du Rhin aux Pyrénées, dont il
avait fait de Paris la capitale. Considérant son royaume comme
un bien propre, conformément à la coutume franque, il
divisa ses possessions entre ses quatre fils Childebert Ier, Clodomir,
Clotaire Ier et Thierry Ier, qui devinrent respectivement roi de Paris,
d’Orléans, de Soissons et de Reims.
S’éloignant de la notion d’État au sens
gallo-romain du terme, le partage du royaume entre les fils de Clovis
fut une source considérable d’affaiblissement pour la
dynastie, dans la mesure où il ouvrit la voie à un affrontement
permanent pour le pouvoir. Brièvement réunifié sous
l’autorité de Clotaire Ier, après la disparition
de Théodebald, petit-fils de Thierry Ier, et celle de Childebert
Ier en 558, le royaume fut de nouveau divisé en 561, entre royaume
de Neustrie (Gaule du Nord-Ouest), royaume d’Austrasie (France
de l’Est) et Bourgogne.
À
partir de 570, une lutte particulièrement cruelle opposa deux
des fils de Clotaire Ier, Sigebert Ier, roi d’Austrasie, et Chilpéric
Ier, roi de Neustrie, lutte dans laquelle furent impliquées
leurs épouses, Brunehaut et Frédégonde. Clotaire
II, fils de Chilpéric, parvint à s’emparer de Paris
après la mort de Childebert II (596), et, après avoir
neutralisé les petits-fils de Sigebert, il devint le seul roi
des Francs en 613.
Dagobert Ier, fils de Clotaire II, fut nommé roi d’Austrasie
du vivant de son père en 623, et devint le seul maître
du royaume en 632 après la mort de son demi-frère Caribert,
auquel il avait donné l’Aquitaine. Installé en
Neustrie, le cœur du royaume, il s’employa à consolider
l’autorité royale, notamment sur les Basques, les Bretons,
et dans la basse vallée du Rhin, où il annexa la Germanie,
jusqu’à l’Elbe. Malgré sa volonté unificatrice,
il recréa un royaume d’Austrasie en faveur de son second
fils, Sigebert III.
À la mort de Dagobert, en 639, Sigebert conserva l’Austrasie,
tandis que Clovis II recevait la Neustrie et la Bourgogne. Une succession
de rois faibles et dégénérés (les rois
fainéants) permit à l’aristocratie d’assurer
son pouvoir, tandis que les maires du palais exerçaient la réalité des
prérogatives royales. En Neustrie, la politique centralisatrice
voulue par Ébroïn, maire du palais, conduisit à un
sanglant affrontement avec la noblesse bourguignonne, menée
par saint Léger, évêque d’Autun, qui fut
assassiné en 677. En 687, l’écrasement des Neustriens
par les Austrasiens à la bataille de Tertry ouvrit la voie à une
nouvelle unification du royaume sous l’autorité des maires
du palais d’Austrasie, les Pippinides, qui détenaient
le pouvoir depuis le milieu du VIIe siècle. Cependant, ce n’est
qu’en 751 que le maire du palais carolingien déposa le
roi en place, Childéric III, qui régnait depuis 743,
et assuma en personne le pouvoir royal sous le nom de Pépin
le Bref, mettant un terme définitif à la dynastie mérovingienne.
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420 - 429
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PHARAMOND
1er roi de France
Descendant de Priam
Pharamond est le premier duc des Francs
saliens. En l'an 420 il traverse le Rhin près de Cologne en direction de l'ouest. Il divise la
tribu des Francs en deux moitiés : les Francs saliens et les
Francs rhénans ou « ripuaires ».
Traditionnellement,
Pharamond est considéré comme le
premier monarque mérovingien : il aurait pour fils Clodion le
Chevelu et pour petit-fils Mérovée. Néanmoins,
il s'agit sans doute plus de légende que de réalité historique.
Seuls
deux historiens, Prosper Tyron et Dom Bouquet, nous ont reporter de sa
vie dans des siècles plus jeunes.
Pharamond a été le premier Roi de France. Quelques Historiens
pour relever l'éclat de la naissance de ce Prince, ont eu recours à la
fable, mais inutilement. Il était Roi d'un Peuple qui n'a jamais
obéi qu'aux descendants de ses premiers Maîtres. Ce Titre
Auguste prouve invinciblement l'antiquité de sa Race (Dynastie).
Ce fut vers l'an 420, pendant qu'Honorius régnait en Occident,
et Théodose le jeune en Orient, qu'il fut élevé sur
un bouclier, montré à toute l'Armée, et reconnu
Chef de toute la Nation. C'était toute l'inauguration de nos
anciens Rois. C'est aussi tout ce qu'on fait de certains sur son regne.
On ignore ses autres exploits, le temps de sa mort, le lieu de sa sépulture,
et le nom de la Reine son Epouse. On dit seulement qu'il eut deux fils,
Clodion qui lui succéda, et Clénus, dont la destinée
nous est inconnue. Pharamond mourut en 428, après huit ans de
regne.
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429 - 448
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CLODION LE CHEVELU
Mort vers 450
A l'époque où l'autorité de Rome n'est plus reconnue
au Nord de la Gaule et que le préfet des Gaules se bat contre
Wisigoths et les Vandales dans le Sud, Clodion le Chevelu en profite
pour attaquer la ville de Tournai dans le Nord. Tournai se rend en
une seule bataille. Clodion continu sa marche vers Cambrai puis vers
la Somme. Malgré sa défaite à Hélesme contre
le "dernier des romains", Aetius, ces évènements
marqueront l'installation définitive de la nation franque dans
le Nord de la France. Il fit la paix avec Aetius et mourut en 448.
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448 - 456
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MEROVEE ou
MEROWIG
Fils ou gendre de Clodion le Chevelu
Enfants : Childéric
Mérovée est le fils ou le neveu
de Clodion le Chevelu. Il donnera son nom à la première
dynastie des rois de France : les Mérovingiens.
En 451, Attila franchit le Rhin pour envahir la Gaule. Il sera arrêté dans
sa marche à Orléans par le romain Aetius et le Gaulois
Mérovée. Attila se replie alors vers l'Est et s'arrête à Moirey,
au lieu-dit des "Champs Catalauniques".
Aetius fédère alors tous les peuples de Gaule : Francs
occidentaux, Armoricains, Bretons, etc...
La bataille commencera le 20 Juin 451 et tournera à l'avantage
de Aetius. Il laissera fuir Attila qui mourra deux ans plus tard d'un
saignement de nez. Devant le nombre important de mort, le roi (Mérovée
ou Clodion) sera déchu, et c'est le fils de Mérovée,
Childéric 1er, le père de Clovis qui prendra la relève.
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456 - 482
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CHILDERIC 1er
né vers 440 - mort en 481
Fils présumé de Mérovée
Epouse en 465 Basine, femme du roi
de Thuringe qui lui donne 4 enfants
Enfants : Clovis
En 457, Childéric 1er succède à son
père Mérovée. Il règne sans partage,
ce qui lui vaut l'animosité de ses parents, des grands et
de ses sujets.
Il fuit son petit royaume de Tournais pour trouver refuge chez le roi
de Thuringe.
Il s'éprend de Basine, l'épouse du roi de Thuringe qui
fini par l'épouser.
En 463, Childéric est rappelé au pouvoir. Basine lui
donnera un fils : Clovis et trois filles : Lanthilde, Alboflède
et Aldoflède.
Il mourra en 481 et son fils Clovis lui succèdera.
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481 - 511
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CLOVIS
Roi des Francs
Né vers 465 - Mort à Paris
en 511
Fils de Childéric Ier
Fut baptisé par Saint Rémi,
Evêque de Reims, en 496.
Marié deux fois : épouse
une princesse païenne (1 fils) ; en 493, épouse Clotilde
, nièce de Gondebaud, roi des Burgondes
Enfants : Thierry Ier, Clodomir,
Clotaire Ier, Childebert Ier
Souvent présenté dans l’historiographie française
comme l’ancêtre de la nation, et dans la littérature
religieuse comme celui qui, par son baptême, a fait de la France
la « fille aînée de l’Église »,
Clovis est un personnage mal connu. La principale source sur son règne
est constituée par l’Histoire des Francs, écrite
près d’un siècle plus tard par le chroniqueur Grégoire
de Tours.
Fils de Childéric Ier, roi de Tournai, et de la princesse thuringienne
Basina, Clovis (ou Chlodoweg, en latin Hludovicus) succéda à son
père vers 481, à la fois comme chef de tribu (rex) et
comme gouverneur civil de la Belgique seconde.
Se donnant comme objectifs
d’agrandir son territoire et d’unifier
sous son autorité l’ensemble des Francs Saliens, il s’attaqua
d’abord au général gallo-romain Syagrius, sur lequel
il remporta la victoire décisive de Soissons (486), où il établit
sa capitale. Sa puissance impressionna tellement Alaric II, roi des
Wisigoths, que ce dernier ne put refuser de lui livrer Syagrius, qui
avait trouvé refuge chez lui, et qui fut immédiatement
mis à mort.
Adroit, Clovis eut soin de ménager les autorités ecclésiastiques
qui, par la voix de Remi, archevêque de Reims, avaient reconnu
sa conquête : après la prise de Soissons, il voulut ainsi écarter
du pillage un vase d’église que l’un de ses guerriers,
furieux de cette entorse aux lois de la guerre, préféra
briser plutôt que de renoncer à ce butin.
Pendant les dix
années suivantes, Clovis s’employa à prendre
possession de l’ensemble de la Gaule du Nord, depuis la Meuse
et la Moselle jusqu’à la Loire. Après avoir battu
les Thuringiens vers 491, il soumit les Francs Ripuaires, puis entreprit
de réduire la puissance des Alamans, ses rivaux les plus dangereux,
installés à l’est de son royaume. Une nouvelle
victoire, peut-être en 496, à Tolbiac (aujourd’hui
Zülpich, au sud de Cologne), lui permit de repousser ces derniers
jusqu’au Haut-Rhin. Enfin, il lança plusieurs raids en
Armorique et en Aquitaine, et occupa Bordeaux en 498.
Ne pouvant vaincre les Burgondes et les Wisigoths sans l’aide
des populations gallo-romaines, Clovis décida, pour faciliter
ses relations avec ces peuples, de se convertir au christianisme, comme
l’y engageaient depuis longtemps déjà son épouse
Clotilde, princesse burgonde, elle-même catholique, et Remi,
archevêque de Reims. Ce dernier baptisa Clovis dans sa cathédrale à une
date mal connue, comprise entre 496 et 506 (que certains historiens
situent en 498) en compagnie de 3 000 de ses guerriers, ce qui fit
désormais de Clovis le champion de l’orthodoxie religieuse.
En
500, ayant pris le parti de l’oncle de la reine, Godegisel,
contre son frère Gondebaud, roi des Burgondes, il triompha de
ce dernier devant Dijon et lui laissa la vie sauve contre un tribut.
Peu après, Clovis déclara la guerre aux Wisigoths et
s’allia à son ancien ennemi. C’est à Vouillé,
au nord-ouest de Poitiers, que les Wisigoths furent battus, en 507,
et que leur roi Alaric II fut tué. Toulouse et l’Aquitaine
tombèrent alors aux mains de Clovis, tandis que les Wisigoths étaient
refoulés en Espagne. Pour manifester sa satisfaction de cette
victoire sur les Barbares, l’empereur d’Orient Anastase
aurait envoyé des émissaires à Tours, pour remettre à Clovis
les insignes de consul.
Pour finir d’affirmer son autorité sur les Francs, Clovis élimina,
par le meurtre, tous les chefs susceptibles de constituer une menace
pour son pouvoir, notamment le roi des Ripuaires, Sigebert, et son
fils Chlodéric. Après sa victoire sur les Wisigoths,
Clovis délaissa la Belgique pour s’installer à Paris,
désormais la capitale du royaume franc qui, à cette époque, était
formé de la quasi-totalité de la Gaule (à l’exception
de la Bourgogne) et du sud-est de l’Allemagne actuelle.
Grâce à ses conquêtes, Clovis était parvenu à acquérir
une puissance considérable, sans précédent pour
un chef barbare. Avec lui était né un royaume cohérent,
où les populations gallo-romaine et franque se mêlaient,
unies par une même religion, et où les relations entre
conquérants et conquis étaient particulièrement étroites.
Fondateur de l’abbaye de Sainte-Geneviève, Clovis mourut à Paris,
l’année même où il avait réuni à Orléans
un concile destiné à réorganiser l’Église
des Gaules. Son royaume fut partagé entre ses quatre fils, Thierry,
Clodomir, Childebert Ier et Clotaire Ier.
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511 - 524
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THIERRY Ier
Roi de Reims et d'Auvergne
Mort en 533 ou 534
Fils aîné de Clovis
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511 - 524
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CLODOMIR
Roi des francs à Orléans
Né en 495 - mort à
Vézéronce en 524
Fils aîné de Clovis
et de Clotilde
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511 - 558
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CHILDEBERT Ier
Roi des francs à Soisson
511 - 558
Roi des Francs à Orléans
524 - 558
Co-roi de Bourgogne
534 - 558
Né vers 495 - mort en 558
Troisième fils de Clovis et
de Clotilde
Marié à Ultrogotha
(2 filles)
Fils de Clovis et de Clotilde, il reçut en partage la région
du royaume qui s'étendait de la Seine à la Loire, ainsi
que les cités de Saintes et de Bordeaux. Roi de Paris, de 511 à sa
mort, en 558, il se partagea encore le royaume des Burgondes avec son
frère Clotaire Ier, en 524, après la mort de leur frère
Clodomir, en faisant égorger leurs neveux. Après avoir
vainement essayé de se débarrasser de Clotaire, il s'unit
avec lui pour combattre les Wisigoths. Les deux frères furent
vainqueurs de leur roi Amalaric en 531, près de Narbonne, et
réussirent ensuite à gagner le royaume des Burgondes
en 534. Fondateur du monastère Sainte-Croix-Saint-Vincent, ancêtre
de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, Childebert mourut sans
postérité.
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511 - 561
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CLOTAIRE Ier
Roi des Francs à Soisson
511 - 558
Roi d'Austrasie
555 - 558
Roi unique des Francs
558 - 561
Né vers 497 - mort à
Compiègne en 561
Fils de Clovis et de Clotilde
Marié à Ingonde
Enfants : Caribert Ier, Gontran,
Chilpéric Ier, Sigebert Ier
Fils de Clovis et de Clotilde, Clotaire
reçut en partage, après
la mort de son père (511), les territoires du vieux pays franc
constituant le royaume de Soissons (Laon, Noyon, Arras, Cambrai, Tournai,
Thérouanne), ainsi qu’une partie de l’Aquitaine, à l’exception
de l’Albigeois et du Quercy. Allié avec ses trois frères,
Clodomir, Thierry Ier et Childebert Ier, il conquit le royaume des
Burgondes. À la mort de Clodomir (524), il s’allia avec
Childebert pour massacrer les enfants du roi défunt (tuerie
dont devait réchapper saint Cloud) et partagea avec son complice
le royaume d’Orléans, gardant pour lui Tours et Poitiers.
Entre 531 et 534, il participa avec ses frères à la guerre
contre les Burgondes, qui lui permit d’adjoindre Grenoble et
Valence à ses possessions, lutta contre les Ostrogoths, auxquels
il prit Sisteron, Gap, Embrun et Carpentras, et participa à la
soumission de la Thuringe et de la Saxe.
À la mort de Thibaud, petit-fils de son frère Thierry,
en 555, il s’empara des pays du Rhin, de la Moselle et de la
Marne, ainsi que de l’Auvergne et du Limousin, puis se retrouva
maître de Paris et seul roi des Francs à la mort de son
frère Childebert. En 560, il fit mettre à mort son fils
Chramne, étranglé puis brûlé avec sa femme
et ses enfants pour s’être rebellé contre son autorité.
Ses quatre fils survivants (Caribert Ier, Gontran et Sigebert Ier),
issus de sa troisième épouse, Ingonde, et Chilpéric
Ier, fils de sa quatrième épouse Arégonde, se
partagèrent ses possessions après sa mort.
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534 - 547
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THEODEBERT Ier ou THIBERT
Roi d'Austrasie
Né en 504 - mort en 548
Petit-fils de Clovis
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THIBAUT Ier ou THEODEBERT
Roi d'Austrasie
Mort en 555
Fils de Théodebert Ier.
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561 - 567
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CARIBERT Ier ou CHARIBERT
Roi des Francs à Paris
Né en 561 - mort en 567
Fils aîné de Clotaire
Ier
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561 - 592
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GONTRAN
Roi des Francs d'Orléans
et de Bourgogne
561 - 592
Roi de Paris
584 - 592
Né vers 545 - mort à
Chalon-sur-Soâne en 592
Deuxième fils de Clotaire
Ier
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561 - 575
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SIGEBERT
Ier
Roi d'Austrasie
Né en 535 - mort à Vitry-en-Artois
en 575
Fils de Clotaire Ier et époux
de Brunehaut qu'il épouse en 566.
Enfants : Sigebert II ( mort en 613,
fin de cette branche)
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561- 584
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CHILPERIC Ier
Roi des Francs à Soissons
561 - 575
Roi de Paris
568 -584
Né en 539 - mort à Chelles
en 584
Fils de Clotaire Ier
Marié trois fois dont époux
de Frégonde qui le fera assassiné.
Enfants : Clotaire II
Il se partage l’héritage paternel
avec ses demi-frères Caribert, Gontran et Sigebert. Il épouse
en secondes noces Galswinthe, fille d’Athanagild, roi des Wisigoths,
en 567, et la fait probablement assassiner afin d’épouser
sa maîtresse Frédégonde. Brunehaut, reine d’Austrasie,
femme de Sigebert et sœur de Galswinthe, déclenche alors
des guerres sanglantes contre la Neustrie. Chilpéric est vaincu
par les Austrasiens mais se sauve temporairement en assassinant son
demi-frère Sigebert en 575. Il meurt lui aussi assassiné en
584, après avoir vainement tenté de conquérir
les royaumes de Gontran et de Childebert, fils de Sigebert. Son fils
Clotaire II lui succède.
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575 - 595
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CHILDEBERT II
Roi d'Austrasie
575 - 5995
Roi d'Orléans, de Bourgogne
et de Paris
592 - 595
Né en 570 - mort en 596
Fils de Sigebert Ier et de Brunehaut
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584 - 629
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CLOTAIRE II
Roi de Soissons ou de Neustrie
584 - 629
Roi unique de Neustrie, d'Austrasie
et de Bourgogne
613 - 629
Né en 584 - mort en 629
Petit-fils de Clotaire Ier, Fils
de Chilpéric Ier et de Frégonde
Il mit à mort Brunehau épouse
de Sigebert Ier
Marié trois fois
Enfant : Dagobert Ier
Il régna sur la Neustrie après
la mort de son père en 584. Âgé seulement de
quatre mois, il fut naturellement sous la tutelle de sa mère
Frédégonde, troisième femme de Chilpéric,
qui avait fait assassiner Audovère, la première femme
de celui-ci pour assurer le trône à son fils. Après
la mort de Childebert II et de Gontran, elle fit occuper Paris et
vainquit les Austrasiens. À la mort de Frédégonde,
en 597, Clotaire fut obligé de céder devant les Austrasiens.
Mais, en 613, après la mort de Thierry II, les dignitaires
austrasiens livrèrent Brunehaut à Clotaire, qui la
fit exécuter, devenant ainsi chef incontesté du royaume
franc unifié. Il nomma alors son fils Dagobert roi d'Austrasie.
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595 - 612
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THEODEBERT II
Roi d'Austrasie
Né en 595 - mort en 612
Il fut renversé par son frère
Thierry II
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THIERRY II
Roi de Bourgogne, de Paris et
d'Orléans
595 - 612
Roi d'Austrasie
612 - 613
Né en 587 - mort à Metz
en 613
Fils de Childebert II et petit-fils
de Brunehaut
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623 - 639
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DAGOBERT Ier
Roi d'Austrasie
623 - 629
Roi de tous les Francs
629 - 634
Roi de Neustrie et de Bourgogne
634 - 639
Né vers 604 - mort à Saint-Denis
en 639
Fils de Clotaire II
Marié cinq fois
Enfants : Clovis II, Sigebert III
Dernier Mérovingien à avoir
imposé son autorité sur la totalité du royaume
franc.
Fils de Clotaire II et de Bertrude,
Dagobert devient roi d'Austrasie en 626 et s’installe dans sa capitale de Metz. À la mort
de son père trois ans plus tard, il met la main sur la Neustrie
et la Bourgogne, laissant le royaume d’Aquitaine à son
frère Caribert II. Lorsque ce dernier meurt sans descendance
légitime en 632, Dagobert récupère l'Aquitaine
et, devenu seul maître du royaume, installe sa capitale à Paris.
S’appuyant sur de remarquables conseillers — dont les
futurs saint Éloi et saint Ouen —, Dagobert impose sa
puissance et son autorité aux Gascons et à une partie
des Bretons mais doit cependant accepter l'indépendance de l'Austrasie
(634), qu'il confie à son jeune fils Sigebert III. Peu avant
sa mort, à Saint-Denis en janvier 639, Dagobert donne la Neustrie
et la Bourgogne à son second fils, Clovis II.
Au terme du règne florissant du « bon roi Dagobert » que
certains ont même appelé le « Salomon des Francs »,
le royaume franc est à nouveau divisé et la monarchie
mérovingienne en déclin.
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639 - 657
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CLOVIS II
Roi de Neustrie et de Bourgogne
639 - 657
Roi unique des Francs 656 - 657
Né en 632 - Mort en 695
Fils de Dagobert Ier
Enfants : Clotaire III, Thierry III,
Childéric II
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634 - 656
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SIGEBERT II
Roi d'Austrasie
Né vers 601 - mort en 613
Fils de Thierry II
Enfants : Dagobert II
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657 - 673
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CLOTAIRE
III
Roi unique des Francs
657 - 663
Roi de Bourgogne et de Neustrie
663 - 673
Mort en 673
Fils de Clovis II et de Bathilde
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673 -679
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THIERRY III
Roi de Neustrie et de Bourgone
673 - 690
Roi unique des Francs
675 - 676
Roi des Francs
679- 690
Mort en 690 ou 691
Troisième fils de Clovis,
frère de Clotaire III
Enfants : Clovis III, Childebert
III, Clotaire IV
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676 - 679
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DAGOBERT II
Roi d'Austrasie
Mort en 680
Petit-fils de Dagobert Ier
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En
fait, de 679 - 714, le gouvernement est exercé par Pépin
le Jeune, ou de Herstal, maire du palais. A partir de 687, les rois
de Neustrie et dles maires du palais (Austrasiens) gouvernenet de
fait les trois royaumes
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690 - 695
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CLOVIS III
Roi unique des Francs
Né en 682 - mort en 695
Pépin de Herstal ou Pépin
le Jeune, (né vers 640 - mort à Jupille en 714) qui réunit
la Neustrie, la Bourgogne et l'Austrasie,, maire du palais, exerça
le pouvoir en son nom
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695 - 711
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CHILDEBERT
III
Roi des Francs
Né en 683 - mort en 711
Fils de Thierry III
Enfant : Dagobert III
Pépin Le Jeune, maire du palais,
exerça le pouvoir à sa place
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711 - 715
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DAGOBERT
III
Roi des francs
Mort en 715
Fils de Chidebert III
Enfant : Thierry IV
Pépin de Herstal exerça
le pouvoir à sa place
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715 - 721
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CHILPERIC
II
Roi des Francs
715 - 717
Roi de Neustrie et de Bourgogne
717 -719
Roi des Francs
719 - 721
Né en 670 - mort en 721
Fils de Childéric II
Enfant : Childéric III
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717 -719
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CLOTAIRE
IV
Roi d'Austrasie
Imposé par Charles Martel
qui exerça le pouvoir à sa place
Mort en 719
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721 - 737
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THIERRY
IV
Seul roi des Francs
Sous la tutelle de Charles Martel
qui le plaça sur le trône
Mort en 737
Fils de Dagobert III
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737 - 743
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CHARLES
MARTEL
Gouverne les 3 royaumes
Né vers 685 - mort à Quierzy
en 741
Fils de Pépin de Herstal
Enfant : Pépin le Bref
Fils de Pépin d’Herstal,
Charles Martel apparaît dans l’histoire au lendemain
de la mort de son père (déc. 714), qui déclencha
des troubles violents dans le royaume franc : Neustriens et
Aquitains alliés
aux Frisons et aux Saxons tentèrent d’abattre la puissance
austrasienne. Au bout de six ans, Charles Martel réussit à défaire
ses adversaires et à s’imposer avec les titres de maire
du palais, duc et prince des Francs, aux côtés du roi
mérovingien Thierry IV. Son action se résume dans
la reconquête du royaume où l’autorité franque
ne subsistait guère qu’en Neustrie et en Austrasie,
les autres régions s’étant émancipées à peu
près complètement depuis la fin du VIIe siècle.
L’instrument de la reconquête fut l’armée
du maire, constituée par sa clientèle austrasienne
qu’il rétribua largement en terres d’Église :
si les structures ecclésiastiques s’en trouvèrent
bouleversées, cette sécularisation permit la transformation
du royaume franc en un État guerrier. Charles Martel put ainsi
en Germanie ressaisir la Thuringe et l’Alémanie, rétablir
la suprématie franque sur la Bavière et reconquérir
en partie la Frise ; il accorda en même temps son appui
aux missionnaires qui achevaient l’évangélisation
de la Germanie centrale et méridionale et y implantaient l’Église — notamment à l’Anglo-Saxon
Boniface. En Gaule, l’invasion de l’Aquitaine par les
Arabes, l’appel au secours qu’il reçut du duc
Eudes lui permirent de franchir la Loire, de remporter en 732 ou
en 733 l’éclatante victoire de Poitiers et, après
celle-ci, de recevoir le serment de fidélité du nouveau
duc. Dans le Sud-Est, il reconquit non sans peine la Bourgogne et
la Provence. Son pouvoir s’était entre-temps tellement
affermi qu’il ne remplaça pas le roi Thierry IV,
mort en 737, et qu’il disposa souverainement du royaume en
le partageant, avant de mourir, entre ses deux fils Carloman et Pépin.
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743 - 751
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CHILDERIC
III
Roi des Francs
En 751, il est déposé
par le maire du palais de Neustrie, Pépin le Bref, avec l'accord
du Pape.
Mort en 711
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LES
CAROLINGIENS
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Cette dynastie des
rois et empereurs a régné sur une partie de l'Europe
Occidentale du mileu du VIIIème siècle au Xème
siècle et doit son nom à son plus illustre représentant
: CHARLEMAGNE.
Le fondateur en
est Pépin le Bref qui met fin en 751 à la dynastie
des Mérovingiens en déstituant Childéric III
et en se faisant proclamer roi des Francs.
Son fils Charlemagne
poursuit les conquêtes et unifie une grande partie de l'Europe
Occidentale, avant de se faire couronner empereur d'Occident en
800.
Mais en 843, cet
Empire est partagé entre les trois petits-fils de Charlemagne
et sa partie occidentale donne naissance à un premier territoire
français la Francia Occidentalis, cadre dans lequel
se succèdent les rois carolingiens de Charles le Chauve à Louis
V pendant 150 ans.
Le Xème
siècle voit l'affaiblissement de la monarchie carolingienne,
incapable de lutter contre le morcellement du royaume de France
en principautés et les invasions étrangères.
A plusieurs reprises,
les Grands du Royaume élisent un roi issu de la familles
des Robertiens (888 - 889 et 922 - 936).
La mort du roi
Louis V le Fainéant en 987 marque la fin de la branche française
de la dynastie carolingienne.
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751 - 768
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PEPIN
LE BREF
Roi des Francs
Né à Jupille en 715
- mort à Saint-Denis en 768
Fils de Charles Martel
Vers 749, épouse Berthe Aux
Grands Pieds
Enfants : Charlemagne et Carloman
Ier
Deuxième fils de Charles
Martel, Pépin
devint, après la mort de celui-là, maire du palais
en même temps que son frère aîné Carloman.
Le mal qu’ils eurent à imposer leur autorité contre
leur demi-frère Griffon et contre les ducs des pays limitrophes
du royaume contraignit les deux princes à faire monter sur
le trône, en 743, le Mérovingien Childéric III
dont le pouvoir ne fut d’ailleurs que nominal. Le fait majeur
des premières années fut cependant la réforme
de l’Église bouleversée par les sécularisations
de Charles Martel. Pépin et Carloman l’accomplirent
prudemment et réglèrent, en 744 et 745, la question
des biens ecclésiastiques confisqués par un compromis
qui fit naître la vassalité. Demeuré depuis l’abdication
de Carloman en 747 seul maître du royaume, Pépin prépara
son accession au trône, sollicitant l’avis du pape Zacharie
en 750 et obtenant de lui la réponse célèbre
selon laquelle devait être roi celui qui exerçait la
réalité du pouvoir. Elle permit à Pépin
de se faire élire roi en 751 ; le sacre que lui conférèrent
les évêques le revêtit d’une légitimité nouvelle,
celle d’être l’élu de Dieu. L’entente
entre Pépin et le Saint-Siège parut au grand jour en
754. Menacé par le roi des Lombards, Aistulf, désespérant
d’obtenir des secours de l’Empire byzantin, le pape Étienne II
se rendit en France pour solliciter l’aide de Pépin.
Deux campagnes en Italie (755 et 756) permirent à celui-ci
d’arracher aux Lombards leurs conquêtes et de remettre
vingt-deux villes de l’Exarchat de Ravenne, de l’Émilie
et de la Pentapole au pape qui était déjà en
fait maître de Rome : l’État pontifical était
né. Le dernier fait important du règne de Pépin
a été la conquête de l’Aquitaine (760-768).
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768 - 771
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CARLOMAN
Roi des Francs, Roi de Bourgogne,
de Provence, de Septimanie et d'Alsace
Né vers 751 - mort à Samoussy,
Aisne, en 771
Fils de Pépin le Bref
Fils aîné de Charles Martel et de Rotrude,
Carloman a été élevé, comme son frère
Pépin, à Saint-Denis. À la mort de son père,
en 741, il reçut la mairie du palais d’Austrasie, tandis
que son frère Pépin reçut celle de Neustrie. Dans
son lot, outre l’Austrasie, figurent les pays alamans et la Thuringe.
Dès le début de leur règne, les deux princes durent
faire face à différents problèmes : soulèvement
de leur demi-frère Grifon, bâtard de Charles Martel, soulèvement
du duc alaman, du duc bavarois, du duc d’Aquitaine. Ils réussirent à reprendre
en main la situation et crurent bon de rompre avec la politique de
leur père qui gouvernait seul depuis 737. Carloman et Pépin
estimèrent prudent de rétablir un roi mérovingien
sur le trône. Ils allèrent chercher à Saint-Bertin
un descendant de la famille mérovingienne et l’établirent
sur le trône en 743. En fait, Childéric III n’était
qu’un fantôme de roi, comme il le dit lui-même dans
un diplôme : « Childéric, roi des Francs, à l’éminent
Carloman, maire du palais, qui nous a établi sur le trône ».
Carloman protégea le royaume contre les attaques des Saxons
(expéditions de 742 et de 743). Il fit rentrer dans l’obéissance
son beau-frère le duc Odilon de Bavière et, en 746, réprima
sévèrement une révolte d’Alamans. Il entretint
d’excellents rapports avec l’Église, promulguant
un diplôme en faveur de l’abbaye de Stavelot en 744 et
autorisant les compagnons de Wynfrid (saint Boniface) à s’installer à Fulda.
Il demanda à Boniface de l’aider à réformer
l’Église franque en réunissant un concile. Cette
assemblée, qui se tint en 743, et non, comme on le disait autrefois,
en 744, prit d’importantes mesures : interdiction aux clercs
de combattre et de vivre comme les laïcs, rétablissement
de la hiérarchie, lutte contre les pratiques païennes...
Carloman promulgua un capitulaire pour imposer ces décisions.
Peu après, une autre assemblée, réunie à Hestinnes,
ou Leptinnes, dans le Hainaut, poursuivit l’œuvre réformatrice.
Pépin imita son frère lors du concile de Soissons. Pour
renforcer l’autorité de Boniface, Carloman voulut lui
donner l’évêché de Cologne. Mais, devant
l’hostilité d’une grande partie du clergé,
il y renonça et installa Boniface comme métropolitain
de la province de Mayence (745).
Carloman se sentit alors appelé à la vie religieuse.
Il abandonna à son frère Pépin la mairie d’Austrasie
et partit pour Rome. Le pape Zacharie lui confia l’abbaye du
Mont-Soracte. Puis il chercha plus de solitude en s’installant
au Mont-Cassin. Mais son rôle politique n’était
pas terminé. Le roi lombard Astolf, menacé par Pépin,
demanda en effet à Carloman d’intervenir pour empêcher
l’expédition franque. Carloman échoua et Pépin
jugea préférable de l’installer dans un monastère à Vienne,
près de Lyon, où il mourut peu après. Son fils
Drogon a peut-être tenté de s’opposer à son
oncle Pépin, mais a été rapidement écarté.
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768 - 814
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CHARLEMAGNE ou CHARLES Ier LE GRAND
Roi de Neustrie, d'Austrasie et
d'Aquitaine Occidentale
768 -771
Roi unique des Francs
771 -800
Empereur d'Occident
800 - 814
Né en 742 - mort à Aix-la-Chapelle
en 814
Fils de Pépin le Bref
Marié une dizaine de fois
Enfants : Pépin et Louis Ier
le Pieux ou le Débonnaire
Fils aîné de Pépin
III et de Berthe dont le père, Caribert, comte de Laon, appartenait à la
haute aristocratie mérovingienne, Charlemagne naquit en 742,
peut-être le 2 avril, peut-être dans un des palais royaux
de la vallée de l’Oise ou de l’Aisne. Si son instruction
première fut certainement négligée, comme l’était à ce
moment-là celle des laïcs, il semble cependant avoir été initié par
Pépin à la connaissance des hommes, à la pratique
gouvernementale et aux devoirs de la royauté à l’égard
de l’Église. Il assista tout jeune à la visite
que fit à son père le pape Étienne II et reçut,
des mains de ce dernier, le sacre royal (754). Avant de mourir, Pépin,
fidèle à la coutume qui avait longtemps prévalu
chez les Mérovingiens, partagea le royaume entre ses deux
fils (768) ; les régions qui furent attribuées à Charles
entouraient celles de son frère Carloman comme d’un
arc de cercle : c’étaient l’Austrasie avec
ses dépendances germaniques (Frise occidentale, Hesse, Franconie,
Thuringe), la Neustrie et l’Aquitaine maritime.
Les deux rois, qui résidaient à quelque distance l’un
de l’autre, Charles à Noyon, Carloman à Soissons,
ne s’entendaient guère. En vain leur mère essaya
de les rapprocher. Pour prévenir des motifs de conflit au dehors,
elle négocia le mariage de Charles avec une fille de Didier,
roi des Lombards. Mais cette politique ne fit qu’aggraver la
situation parce qu’elle isola Carloman et qu’en Italie
Didier se crut libre de reprendre ses manœuvres contre la papauté.
La mort de Carloman (771) épargna aux Francs la guerre ouverte
entre les deux frères. Charles répudia la princesse lombarde
et, sans réserver les droits de ses neveux, prit aussitôt
possession de l’héritage de son frère. Il unit
ainsi toute la Francie sous sa direction : un grand règne
commence alors, dont l’aspect le plus visible est l’expansion,
la « dilatation » du royaume.
Cette conquête se fit sans plan préconçu, Charlemagne utilisant
au mieux les circonstances qui se présentaient. Jamais il ne put se consacrer à une
seule tâche et la mener immédiatement à bonne fin, parce
qu’il fut toujours obligé de conduire simultanément plusieurs
opérations. Il en commence une, l’abandonne momentanément
pour s’occuper d’une autre et reprend ensuite la première
au point où il l’avait interrompue. Ses moyens militaires, bien
qu’appréciables, sont limités. Il le sait et avance pas à pas.
Dès 772 commencent les campagnes contre les Saxons. Ce sont d’abord,
comme sous Pépin III et Charles Martel, des expéditions de représailles
répondant à des raids lancés contre les confins francs,
au cours desquelles se précise cependant bientôt l’intention
de créer une marche puissamment fortifiée entre la Lippe et la
Diemel, destinée à mettre le royaume à l’abri de nouvelles
offensives. En 773, Charles fut distrait de ces opérations par un appel
au secours du pape Hadrien, directement menacé par Didier qui marchait
sur Rome. Le roi des Francs franchit les Alpes, s’empara de Pavie après
un long siège, reçut la soumission de toutes les régions
du royaume de son adversaire et se proclama lui-même roi des Lombards (774).
Les opérations se poursuivirent ensuite contre les Saxons ; plusieurs
chefs ayant fait leur soumission et ayant promis de se faire baptiser, la Diète
qui se tint en 777 à Paderborn put poser les premiers jalons de l’implantation
de l’Église en Saxe. Cette première période de succès
s’acheva assez brusquement l’année suivante. Appelée
en Espagne par certains chefs arabes révoltés contre l’émir
de Cordoue, cédant à l’illusion de pouvoir arracher à l’islam
une partie au moins de la péninsule, Charlemagne franchit les Pyrénées
et s’avança jusque devant Saragosse dont il ne put s’emparer ;
il revint en France par le col de Roncevaux où son arrière-garde
commandée par le comte de la marche de Bretagne Roland fut détruite
par les montagnards basques (15 août 778). Le souvenir de cette défaite
se trouve à l’origine de la chanson de geste la plus célèbre,
La Chanson de Roland.
C’est dans la période qui s’ouvre alors, vers 779-780, que
la maîtrise de Charlemagne s’affirma avec le plus d’éclat.
En Saxe les premiers objectifs sont dépassés, et c’est tout
le pays que les Francs s’efforcent de conquérir, autant pour des
raisons de sécurité que pour y assurer le triomphe du christianisme.
Les expéditions se succèdent désormais d’une année à l’autre,
mais se heurtent à une résistance opiniâtre dirigée
par le duc Widuking jusqu’en 785. Quand il eut cette année-là déposé les
armes, la soumission du pays semblait acquise : dès 782, celui-ci
avait été incorporé en principe au royaume franc. La Frise
orientale (du Zuiderzee aux bouches de la Weser) fut pareillement annexée.
En 788, ce fut au tour de la Bavière d’être réunie à l’État
franc, après la destitution de son dernier duc national, Tassilon III.
D’importantes transformations apparaissent dans d’autres secteurs
encore. Conscient du particularisme de l’Italie lombarde et de l’Aquitaine,
Charlemagne les érigea l’une et l’autre en royaumes subordonnés
pour ses deux fils cadets, Pépin et Louis (781). En Italie son autorité personnelle
rayonna sur l’État pontifical, et même sur le duché lombard
de Bénévent, où il réussit en 787-788 à déjouer
les intrigues nouées contre lui par le duc Arichis et la cour de Constantinople
et à imposer au fils d’Arichis la reconnaissance de sa suprématie.
L’élan dont témoigne cette période décisive
fut à nouveau interrompu après 790. En Saxe les excès de
l’administration franque provoquèrent, en 793, une rébellion
très grave qu’on mit quatre ans à réprimer, et qui
se poursuivit encore jusqu’en 804 dans les secteurs les plus septentrionaux
du pays (Wihmode entre les bouches de la Weser et celles de l’Elbe et Nordalbingie
au nord-est de la basse Elbe) : il fallut, pour en finir, procéder à des
déportations massives de Saxons dans diverses régions de l’Empire.
Dans le Sud-Est cependant, on enregistre le dernier grand succès du règne,
trois campagnes victorieuses menées en 791, 795 et 796 contre le royaume
des Avars (Autriche danubienne et Hongrie occidentale jusqu’à la
Tissa), qui aboutirent à l’annexion au royaume franc des territoires
situés à l’est de la Bavière entre l’Enns et
le Wienerwald. Au-delà de ce secteur, aucune autre région ne semble
avoir été annexée, puisqu’on voit de 796 à 822
subsister des principautés avars dont les chefs étaient vassaux
de l’Empire.
La conquête s’arrêta aux environs de l’an 800. Au-delà de
cette date, on n’enregistra plus que des entreprises limitées. Ainsi
fut occupée la marche d’Espagne, entre les Pyrénées
et l’Èbre (prise de Barcelone en 801). Fils aîné et
homonyme de l’empereur, Charles (qui portait le titre royal depuis 788)
conduisit des expéditions afin d’obtenir la soumission théorique
des tribus slaves qui se trouvaient au contact de la Saxe et de la Bavière
(Obodrites, Sorbes et Tchèques). L’intervention franque en Nordalbingie
ne fut sans doute pas étrangère aux premiers raids danois contre
lesquels Charlemagne prescrivit d’élever des fortifications sur
les côtes de la mer du Nord et de la Manche : ainsi s’annonce
le péril normand qui fondra sur l’Empire franc au cours du IXe siècle.
Vulnérable sur ses façades maritimes, comme l’avenir le démontra,
l’État franc reçut cependant sur ses frontières terrestres
une solide organisation défensive grâce au bienfaisant système
des marches que créa Charlemagne.
Les unes, que l’on rencontre surtout sur les limites septentrionales et
orientales, correspondent à des pays tout récemment conquis et
font face à des peuples qui demeurent en dehors du royaume. Elles sont
placées sous le commandement d’un chef militaire, le comte de la
marche (marchio, Markgraf ou marquis), qui administre en outre les populations
encore mal assimilées du territoire placé sous ses ordres :
telles furent, face aux Danois, la marche saxonne englobant la Nordalbingie,
ou celle qui s’étendit à l’est de la Bavière
jusqu’au Wienerwald.
D’autres marches existent sur les frontières occidentales et méridionales.
Les territoires qu’elles couvrent, soumis depuis longtemps aux Francs,
ont reçu les cadres administratifs ordinaires, c’est-à-dire
les comtés ; mais, en raison de la proximité de populations
turbulentes, le roi superpose à un groupe de comtes un chef militaire
unique, le marquis (ou le préfet), chargé de prendre toutes les
dispositions pour la défense. Ce fut le cas de la marche de Bretagne,
entre Rennes, Nantes et Angers, chargée de contenir les Bretons mal soumis
d’Armorique, en arrière de laquelle fut érigé après
790, avec le titre de duché, un grand commandement militaire assuré par
le fils aîné du roi Charles le Jeune. Au même type appartiennent
la marche de Toulouse (ou de Gothie) couvrant l’ancienne Septimanie et, à la
fin du règne, l’ensemble des comtés transpyrénéens
qui formaient la marche d’Espagne.
Charlemagne nous est assez bien connu grâce à la biographie que
lui consacra vers 830 Eginhard, qui avait été élevé à la
cour et qui le connut fort bien, du moins pendant les dernières années
de son règne. De haute taille (environ 1,90 m), le roi avait une
forte carrure, le corps souple malgré une certaine tendance à l’embonpoint.
Le visage était ouvert et imberbe ; c’est la légende
qui l’affubla de la célèbre « barbe chenue ».
La vitalité du roi était prodigieuse, son activité inlassable,
son tempérament exubérant, ses mœurs très libres. On
lui connaît, quand il fut très jeune, une première liaison
dont naquit un fils, Pépin le Bossu (qui complota contre lui en 792 et
fut interné dans un monastère), puis quatre épouses successives,
la fille de Didier (que la légende appela Désirée), la Franque
Hildegarde (morte en 783) qui lui donna quatre fils et cinq filles, la Franque
Fastrade qui fut mère de deux filles (morte en 794) et enfin une Souabe,
Liutgarde. Après la mort de celle-ci (800), il eut encore plusieurs concubines
dont naquirent des fils et des filles. Tout cela évoque irrésistiblement
la polygamie ancestrale. On notera cependant que la conduite de Charlemagne ne
fut pas officiellement blâmée par l’Église et que lui-même,
chrétien sincère et très assidu à la pratique religieuse
sous toutes ses formes, ne ressentit jamais l’écart qui existait
entre sa religion et sa vie privée ; il ne faut pas oublier non plus
qu’on se trouve dans une époque où une éthique laïque
et une vie sacramentelle exigeante et régulière étaient
pratiquement inexistantes. Pour compléter le portrait de Charlemagne,
citons encore la simplicité de son abord, son intelligence lucide, sa
capacité d’adaptation à toutes les circonstances, son goût
pour la culture et de très solides qualités morales : les
contemporains ont loué sa magnanimité et sa constance. « Il
savait, écrit Eginhard, résister à l’adversité et éviter,
quand la fortune lui souriait, de céder à ses séductions. » Mêlés à ces
qualités, voici maintenant des défauts auxquels le biographe ne
fait pas allusion mais que révèle l’action de l’empereur :
entre tous, son autoritarisme extrême allant jusqu’au despotisme,
sa propension à la violence qui le fit parfois tomber dans la cruauté,
comme en témoignent certains épisodes des guerres de Saxe (massacre
de Verden en 782, déportations...). Au total, une personnalité de
tout premier plan, capable de produire une impression considérable sur
tous ceux qui l’approchaient, ce qui permet de comprendre que la légende
se soit emparée de Charlemagne de son vivant.
Le gouvernement du roi des Francs s’exerçant essentiellement sur
des hommes (et non point sur la terre), Charlemagne tint à se les attacher
par le serment de fidélité qu’il exigea à trois reprises
(789, 793, 802), parce qu’il le considérait comme un remède
aux défectuosités que présentait l’administration
du royaume. Il tenta cependant d’améliorer la pratique et d’abord
de résoudre le problème essentiel, celui des rapports entre la
royauté et l’aristocratie, par l’extension de la vassalité et
son incorporation à l’État. Mais l’institution fut
incapable de rendre tous les services que Charlemagne attendait d’elle :
l’emploi de la terre comme moyen de rétribution des vassaux et des
fonctionnaires en fut le plus grave défaut, qui dérive directement
de l’économie naturelle qui prévalait alors en Occident.
Dans ces conditions, l’administration du royaume demeura rudimentaire et
distendue et fonctionna au moyen d’institutions héritées
de l’époque mérovingienne. Elles furent cependant réactivées
et complétées sur certains points d’après les idées
personnelles du roi ou en raison des besoins nouveaux qui naissaient des circonstances.
Ainsi en fut-il, par exemple, d’une meilleure organisation des fiscs royaux,
c’est-à-dire des terres appartenant au domaine de l’État,
points d’appui et moyen d’action principal du souverain, ou encore
du perfectionnement de l’institution des missi assurant le contact entre
le palais et l’administration locale.
Dans la même perspective s’inscrit la très importante réforme
de la justice, promulguée, semble-t-il, peu après 780. Elle réduisit
le nombre des cours judiciaires ou plaids généraux à trois
par an, en vue de diminuer la charge très lourde que représentait,
pour les hommes libres, l’obligation d’assister à ces assises
que le comte présidait dans sa circonscription. Elle créa, d’autre
part, un corps de juges spécialisés, les échevins, qui devaient être
désignés par les missi en accord avec les comtes et nommés à vie.
Il leur appartenait de proposer la sentence que le comte ou son représentant
se bornait à promulguer et à appliquer. Inspirée par la
volonté d’assurer aux sujets une meilleure justice, la réforme
judiciaire n’eut cependant que des résultats partiels. Son application
fut une préoccupation constante de Charlemagne, dont les capitulaires
ne cessent de rappeler les comtes et les échevins à leur devoir :
le roi ne pouvait faire confiance aux hommes.
Conscient des lacunes et des défaillances de l’appareil administratif,
désireux de pallier les insuffisances de la structure politique, Charlemagne
voulut s’appuyer sur une Église forte et mettre celle-ci au service
de l’État. L’idée n’était point nouvelle,
mais sa réalisation fut poussée bien plus loin qu’elle ne
l’avait été jusqu’alors. D’une part, les évêques
et les abbés sont associés aux tâches de l’administration
séculière. Ils prennent part aux grandes assemblées annuelles
et participent activement aux décisions qui y sont prises. Ils conduisent à l’ost
leurs propres vassaux ; dans les cités, évêques et comtes
se surveillent réciproquement. Lorsqu’ils ont reçu un privilège
d’immunité, évêques et abbés administrent directement, à l’exclusion
des agents de l’État, les terres de leurs églises et les
hommes qui y sont fixés. L’Église franque, d’autre
part, subit la tutelle du roi qui poursuit la réforme de l’institution
commencée depuis 743. Charlemagne légifère pour l’Église,
soit par l’intermédiaire de conciles, soit directement en s’inspirant
de la collection de canons et de décrétales de l’Église
ancienne, dite Dionysio-Hadriana, dont le pape Hadrien Ier lui avait adressé un
exemplaire en 774. En outre, il prend en main l’administration de l’Église,
surveille de très près la gestion de ses biens, en dispose parfois
quand il s’agit pour lui de caser des vassaux, contrôle efficacement
le comportement des évêques et des clercs. Mieux encore, il organise
l’évangélisation des régions nouvellement conquises
(Saxe, pays des Avars) et intervient autoritairement dans les controverses théologiques
du temps (culte des images, adoptianisme, Filioque). On ne saurait enfin passer
sous silence les efforts que Charlemagne consacra au relèvement spirituel
et moral du clergé et des fidèles ; ce programme se développa
avec une intensité croissante depuis 789. Le souverain se fait prédicateur,
recommande l’éducation chrétienne des enfants, fait une obligation
aux prêtres de prêcher, veille à ce que le culte soit célébré avec
piété et exactitude. Mais il s’efforça surtout de
développer l’instruction des clercs ; ce souci primordial est à la
base du renouveau intellectuel qui commença à la fin du VIIIe siècle
et qu’on appelle la renaissance carolingienne.
Maître d’un royaume singulièrement « dilaté »,
protecteur de l’Église et du peuple chrétien qui avait trouvé son
unité spirituelle sous sa conduite, Charlemagne jouissait d’une
autorité immense. Il l’accrut encore, comme l’écrit
Eginhard, « en se conciliant l’amitié de plusieurs rois
et de plusieurs peuples ». Des relations étroites se nouèrent
entre l’Église franque et l’Église anglo-saxonne. Avec
le plus puissant des rois anglais, Offa de Mercie, Charlemagne entretint des
rapports courtois, interrompus parfois par des moments de mésentente ;
en 809, il parviendra, avec l’aide du pape, à faire restaurer en
Northumbrie le roi Eardulf qui, renversé par ses sujets, s’était
réfugié auprès de lui ; son prestige, s’il faut
en croire son biographe, rayonna jusqu’aux princes bretons de l’ouest
de l’île. En 798, il vit venir à lui une ambassade du roi
Alphonse II de Galice qui se déclara « son homme » et
lui proposa de lutter en commun contre l’islam. De Palestine lui arrivèrent
en 799 et en 800 des messagers du patriarche de Jérusalem l’invitant à assumer
la protection des Lieux saints et de la communauté chrétienne.
Les relations excellentes qui s’instauraient à ce même moment
entre la cour franque et le calife abbasside Haroun ar-Rachid (échanges
d’ambassades entre 797 et 807) permirent à Charlemagne d’exercer
en Terre sainte, sinon un protectorat juridiquement défini, du moins une
sorte de tutelle morale et d’étendre sa sollicitude aux églises,
monastères et hospices de Palestine. Les rapports du roi des Francs avec
l’Empire byzantin furent plus complexes ; d’abord bons au point
qu’il fut question en 781 d’un mariage entre une de ses filles, Rothrude,
et le jeune empereur Constantin VI, ils s’envenimèrent lorsque Charlemagne
tenta d’étendre sa suprématie à l’Italie du
Sud – depuis la création du royaume d’Italie et de l’État
pontifical, Byzance la considérait comme un domaine réservé à son
influence exclusive – et quand l’impératrice-régente
Irène eut réuni à Nicée le VIIe concile œcuménique
sans y inviter l’Église franque (787). Il en résulta une
période de tension, marquée par des opérations militaires
et la condamnation en règle de la politique religieuse byzantine par les
Livres carolins. Cette tension dura jusqu’en 797, lorsque Irène,
qui avait saisi le pouvoir impérial, se hâta de faire la paix avec
le roi des Francs.
On conçoit dès lors que le prestige et le pouvoir de Charlemagne
vers la fin du VIIIe siècle soient parvenus à un point où le
titre royal à dû paraître insuffisant pour les exprimer l’un
et l’autre. Le roi se trouvait comme tout naturellement porté vers
une dignité supérieure. Aux yeux de l’élite intellectuelle,
celle-ci ne pouvait être que l’Empire. Et de fait, au cours des années
qui précèdent 800, on rencontre dans certaines sources le terme
d’empire (romain ou chrétien) pour traduire la réalité carolingienne.
Charlemagne, quant à lui, semble s’être contenté d’abord
d’imiter l’empereur en titre, celui de Byzance, par un certain nombre
de signes extérieurs renforçant son prestige et enseignant qu’il était « le
roi semblable à l’empereur » : le palais et surtout
la chapelle de sa résidence d’Aix, où il se fixa vers 792,
devaient être la réplique de ceux de Constantinople. Dans ces conditions,
tout porte à croire que l’initiative de faire du roi des Francs
un empereur soit venue de la papauté. Successeur d’Hadrien Ier, élu
en 795, le pape Léon III, dont la situation était mal assurée,
se rapprocha étroitement de Charlemagne et s’efforça de rendre
efficace une protection dont il avait le plus grand besoin, en orientant sur
le roi la tradition de Constantin, l’empereur chrétien par excellence.
On comprend dès lors qu’à la suite d’un attentat dont
il fut l’objet en 799, le pape se soit rendu auprès de Charlemagne, à Paderborn
en Saxe, pour solliciter son appui contre les rebelles. S’il est infiniment
probable qu’il fut question de l’empire dans les entretiens du pape
et du roi, il semble aussi qu’aucune décision ne fut prise sur la
manière dont serait effectuée la promotion impériale. L’Empire,
certes, ne pouvait renaître qu’à Rome, et cette donnée
conférait un rôle de tout premier plan au pape, mais, en l’occurrence,
son autorité se trouvait fort compromise par les accusations dont les
Romains l’accablaient auprès du roi. Voilà pourquoi Charlemagne,
avec sa prudence coutumière, se garda d’une décision prématurée.
Il renvoya donc Léon III à Rome, accompagné de hauts dignitaires
francs, chargés d’ouvrir une enquête et de rétablir
la paix entre le pape et la population. Lui-même attendit encore un an
et demi avant de se rendre à Rome. Accueilli dans la Ville éternelle
avec les mêmes honneurs que ceux qui étaient autrefois décernés à l’empereur
en personne, le 23 décembre 800, il présida une assemblée
mixte, composée de Romains et de Francs, devant laquelle Léon III
se disculpa par un serment purgatoire de toutes les accusations qui avaient été portées
contre lui. Après quoi, l’assemblée émit le vœu
que Charlemagne prît le titre d’empereur ; il l’accepta.
Le surlendemain, jour de Noël, avant la messe qu’il était venu
entendre à Saint-Pierre, Léon III lui imposa une couronne et ce
geste fit retentir l’acclamation des Romains : « À Charles
Auguste couronné par Dieu, grand et pacifique empereur des Romains, vie
et victoire ! » Le couronnement et l’acclamation – celui-ci
précédant celle-là, à l’inverse de ce qui se
passait dans le rite d’avènement byzantin – avaient créé l’empire.
Mais l’imprécision avec laquelle il venait de renaître imposa
au nouvel empereur l’obligation d’en définir le sens et la
portée, de le situer devant l’Empire byzantin et d’en assurer
la transmission. Ce problème majeur occupa largement les dernières
années du règne.
L’effet le plus certain de la dignité suprême que Charlemagne
avait reçue fut de lui faire prendre conscience de l’accroissement
de ses responsabilités : empereur, dirigeant l’empire chrétien,
il se considéra plus encore que dans le passé comme répondant
devant Dieu de la manière dont vivait le peuple soumis à son autorité.
Nul doute aussi qu’il n’ait subi l’influence du souvenir de
la Rome impériale qui avait donné ses lois au monde : il ne
faut jamais oublier que la renaissance de l’Empire est inséparable
de la redécouverte de la tradition antique par les érudits de la
cour. Autant de raisons qui firent déployer à Charlemagne à partir
de 802 une activité législative intense pour fixer le droit ecclésiastique
et séculier de l’empire ; signalons par exemple le travail
de correction et de complément de plusieurs lois nationales (loi salique,
loi des Ripuaires, loi des Bavarois) et la mise par écrit d’autres
lois (ainsi celles des Frisons, des Chamaves, des Saxons et des Thuringiens). À cela
s’ajoute l’effort immense, pathétique même, pour promouvoir
le triomphe des principes chrétiens dans le jeu des institutions et dans
la vie quotidienne. Renforcement des obligations nées de la prestation
du serment de fidélité que prêtèrent pour la troisième
fois les sujets en 802 ; défense des hommes libres contre l’oppression
des grands et les exactions des fonctionnaires ; interdiction de l’accaparement
des vivres et de la hausse illicite des prix ; condamnation du principe
de se faire vengeance soi-même ; recommandation de l’arbitrage :
autant de mesures qui montrent l’empereur au service de la paix, définie
d’après saint Augustin comme l’accord dans l’ordre,
et qui doit reposer sur la bonne volonté collective que les textes appellent « concorde » ou « unanimité ».
Tel semble être le contenu essentiel de l’idée impériale à la
fin du règne de Charlemagne. Le malheur fut que l’immense majorité des
hommes se révéla absolument incapable de comprendre ces notions
et que l’empereur n’eut pas les moyens d’en imposer l’application.
Il y a là une tragique disparité entre un concept grandiose et
la réalité.
Décédé le 28 janvier 814, quelques mois après avoir
associé à l’empire son seul fils survivant, Louis d’Aquitaine,
Charlemagne fut inhumé dans la chapelle palatine d’Aix. Son souvenir,
porté à la fois par la légende et par une tradition historique
continue, ne devait jamais disparaître de la mémoire des hommes.
Héros principal des chansons de geste, garant de l’indépendance
et de la pleine souveraineté du royaume, patron de la royauté en
France, Charlemagne demeura pour l’Allemagne l’empereur par excellence
dont les plus illustres successeurs s’efforcèrent de poursuivre
les tâches, celle d’abord de reconstituer l’empire et de défendre
son honneur. L’idée impériale et une tradition ecclésiastique
presque unanimement favorable se conjuguèrent pour promouvoir le grand
Carolingien aux honneurs de la sainteté. Canonisé le 29 décembre
1165 à l’initiative de l’empereur Frédéric Barberousse,
Charlemagne devint l’objet d’un culte liturgique dans de nombreuses églises
d’Allemagne, de France, et même d’Espagne et d’Italie.
Ce culte a dans l’ensemble disparu mais il est toujours célébré à Aix-la-Chapelle.
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LOUIS
Ier le DEBONNAIRE ou le PIEUX
Roi d'Aquitaine 781 - 814
Empereur d'Occident 814 - 833
et
834 - 840
Né à Chasseneuil en
778 - mort près d'Ingelheim en 860
Fils de Charlemagne
Marié deux fois
Enfants : Lothaire Ier, Pépin
Ier, Louis le Germanique et Charles le Chauve
Bien qu'à l'origine de la renaissance carolingienne il ne parvint
pas à préserver l'unité de l'empire.
Nommé roi d'Aquitaine à l'âge de trois ans, il
resta seul héritier après la mort de ses frères,
et succéda à son père en 814. En 816, il fut couronné par
le pape Étienne IV à Reims. Entouré de conseillers
ecclésiastiques, il s'impliqua personnellement dans la réforme
monastique et apporta son soutien à Benoît d'Aniane lors
du concile monastique d'Aix-la-Chapelle en 817. Désireux de
maintenir la cohérence de l'empire carolingien, il chercha à régler
le problème de sa succession dès 817 par l'ordinatio
imperii. L'aîné de ses trois fils, Lothaire Ier, fut considéré comme
le seul héritier, et fut dès lors associé aux
affaires de l'empire. Quoique subordonné à son frère,
Louis dit Louis II le Germanique reçut la Bavière, et
Pépin l'Aquitaine. Cependant, le neveu de Louis Ier et petit-fils
de Charlemagne, Bernard, roi d'Italie, se révolta contre ce
partage, et fut sévèrement châtié par l'empereur,
qui lui fit crever les yeux en 818. En 824, il gagna le droit de contrôle
sur les élections pontificales, ce qui consolida le pouvoir
impérial. Mais en 829, sa décision de revenir sur le
premier partage et d'inclure dans la succession son quatrième
fils, le futur Charles le Chauve, issu d'un second mariage, ébranla
son pouvoir. Cette décision provoqua en effet la révolte
de ses autres fils, qui capturèrent leur père au Lügenfeld
près de Colmar, en juin 833, et le firent déposer par
l'archévêque de Reims. Louis Ier fut rétabli par
Pépin et Louis le Germanique, qui jalousaient Lothaire, mais
son image demeura définitivement ternie. À sa mort en
840, il ne demeurait plus rien de l'idéal unitaire de l'empire,
qui fut démembré par le traité de Verdun de 843.
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817 - 838
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PEPIN Ier
Roi d'Aquitaine
Né en 803 - mort à Poitiers
en 838
Fils de Louis Ier le Débonnaire
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839 - 848
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PEPIN II
Roi d'Aquitaine
Né en 823 - mort à
Senlis après 865
Fils de Pépin Ier
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817 - 855
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LOTHAIRE Ier
Roi de la partie centrale de l'empire
carolingien 817 - 832
Empereur d'Occident 833 - 834
A nouveau Empereur d'Occident
840 - 855 (mais il ne contrôle plus la Francie de l'Ouest
Né en 795 - mort à Prüm
en 855
Enfants : Louis V le Fainéant
Fils aîné de Louis le Pieux et
d’Irmingarde. Dès 814, son père lui confie le
gouvernement de la Bavière. En 817, à vingt-deux ans,
Lothaire est associé à l’Empire et déclaré seul
héritier. Cette décision influera sur toute sa politique.
Louis le Pieux, veuf, s’étant remarié avec Judith,
dont il a un fils, le futur Charles le Chauve, Lothaire est envoyé en
Italie. Il s’installe à Pavie, est sacré empereur
par Pascal Ier et soumet la papauté à son autorité (Règlement
de 824). La même année, il introduit en Italie les réformes
scolaires et prévoit l’établissement de plusieurs
centres de culture (capitulaire d’Olonna).
Bien qu’il ait été choisi comme parrain du jeune
Charles, il fait vite figure d’opposant à Judith et à son
clan. En Italie, il prépare, en 829, une révolte contre
son père, et il y associe ses deux autres frères, Pépin
et Louis. Mais l’empereur Louis le Pieux reprend l’initiative
en 831 et prévoit un partage de ses États dans lequel
le jeune Charles a sa part. En 833, Lothaire se révolte à nouveau,
appuyé par une partie du haut clergé et même par
le pape Grégoire IV. Louis le Pieux, qui a été abandonné par
les siens au « champ du mensonge », en Alsace,
doit faire pénitence publique à Soissons. Lothaire apparaît
comme le seul détenteur de l’autorité impériale.
Mais cette fois son attitude scandalise ses frères et, ayant
demandé pardon à son père, il doit retourner en
Italie. Après la mort de son frère Pépin, Louis
le Pieux et Judith reconsidèrent le partage ; Lothaire
est invité à défendre les intérêts
de son filleul.
Après la mort de Louis le Pieux, en 840, Lothaire revendique
toute la succession et décide d’occuper les parts de Charles
et de Louis dit le Germanique. Les deux frères forment une alliance
et battent les troupes de Lothaire à Fontenoy-en-Puisaye (juin
841), bataille qui est considérée comme un « jugement
de Dieu ». À Strasbourg, les deux frères se
prêtent mutuellement serment (842), puis gagnent Aix-la-Chapelle,
la capitale de Lothaire. Ce dernier est forcé d’accepter
l’idée d’un partage de l’Empire. Après
de nombreuses discussions, il est décidé à Verdun,
en 843, que Lothaire aura les territoires compris entre les parts de
Charles et de Louis allant de la Frise à l’Italie centrale,
comprenant les deux capitales d’Aix et de Rome . En tant qu’aîné Lothaire
gardait le titre impérial.
Installé à Aix, Lothaire envoie son fils aîné Louis
et son oncle Drogon en Italie. Le pape Serge II sacre Louis roi
et souhaite voir les trois frères pratiquer une politique d’entente.
Des conférences périodiques sont organisées soit
pour coordonner la résistance aux Normands, soit pour susciter
des réformes. Les trois frères se rencontrent à Uutz,
près de Thionville (oct. 844), à Meersen, près
de Maastricht (févr. 847), dans le même endroit en mai
851. Mais cette « politique de confraternité » ne
donne pas grands résultats. Lothaire se considère toujours
comme le seul détenteur de l’autorité. En 850,
il fait couronner son fils Louis empereur. À la fin de sa vie,
il se rapproche de Charles le Chauve contre Louis le Germanique. En
février 854, Lothaire et Charles concluent à Liège
une alliance solennelle et mettent leurs forces en commun pour lutter
contre Louis et contre les Normands.
Se sentant malade, Lothaire prépare sa succession entre ses
trois fils : Louis, l’empereur, a l’Italie ;
Lothaire II, les régions comprises entre Frise et Jura,
c’est-à-dire la future Lotharingie ; Charles, le
reste. Lothaire Ier se retire au monastère de Prüm,
où il meurt à soixante ans.
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838 - 875
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CHARLES II Le CHAUVE
Roi d'Aquitaine
838
Roi de France de l'Ouest
840
Roi de Lorraine
869
Roi de Lorraine et de Bourgogne
870
Empereur
875
Né à Francfort-surèle-Min
en 823 - mort à Avrieux en 877
4ème fils de Louis Ier le
Pieux
Enfant : Charles et Louis II le Bègue
Fils cadet de Louis Ier le Pieux, âgé de
vingt ans en 843, Charles avait reçu une éducation
soignée. Doué d’un goût artistique très
sûr, se passionnant pour les lettres, la dialectique et la
théologie, il fit de sa cour, où enseigna de 845 à 867
Scot Érigène, un centre brillant de culture. Mais cet
intellectuel eut un règne mouvementé. La partie occidentale
de l’Empire d’Occident lui était échue
au traité de Verdun en 843. Les circonstances lui imposèrent
un combat perpétuel : contre des clans infidèles
de l’aristocratie qui n’hésitèrent pas à faire
appel à deux reprises à son frère Louis le Germanique,
contre les Bretons auxquels il fallut céder les comtés
de Rennes, Rézé et Nantes, contre les Aquitains dont
il finit par reconnaître le particularisme, contre les Normands
surtout, créateurs d’un état permanent d’insécurité dans
les régions bordant la Seine et la Loire.
En dépit de ces difficultés, Charles le Chauve s’efforça
d’agrandir son royaume vers l’est. Il guettait notamment
la Lotharingie dont le roi, Lothaire II, maître aussi depuis
863 du centre du royaume de Provence, mourut en 869. Charles se fit
aussitôt sacrer roi de Lorraine à Metz et parvint jusqu’à Aix-la-Chapelle
mais, devant la réaction hostile de Louis le Germanique, il
ne put garder que l’ouest de la Lorraine avec les pays d’entre
Rhône, Alpes et Durance (traité de Mersen, 870). Le pape
Jean VIII le couronna empereur le 25 décembre 875 ;
lui-même réussit à se rendre maître du royaume
d’Italie et de la Provence, mais il subit, en 876 à Andernach,
un grave échec devant les forces de son neveu Louis de Saxe,
lorsqu’il tenta de s’emparer de la Lorraine orientale.
Rappelé en Italie par Jean VIII pour venir en aide à l’Église
romaine, l’empereur, malgré l’opposition de l’aristocratie
qu’il ne put endiguer que partiellement par le capitulaire de
Quierzy (octroi aux seigneurs de l’hérédité des
fiefs), franchit les Alpes une seconde fois. Mais il recula presque
aussitôt devant l’arrivée d’une armée
germanique supérieure en nombre. Il expira non loin de Modane.
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856 - 879
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LOUIS II Le BEGUE
Roi de Neustrie
856
Roi d'Aquitaine
867
Roi de Francie Occidentale
877 - 879
Né en 846 - mort à
Compiègne en 879
Enfants : Louis III, Carloman II,
Charles III le Simple
Deuxième fils de Charles le Chauve
et d'Ermentrude, il succéda à son père en 877.
Maladif, Louis II le Bègue (ou le Fainéant) eut du
mal à se faire reconnaître, et dut multiplier les concessions
aux grands vassaux. Il mourut peu après son accession au trône
en laissant deux fils d'un premier lit, Louis (futur Louis III) et
Carloman, ainsi qu'un fils posthume, Charles le Simple (futur Charles
III).
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879 - 882
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LOUIS III
Roi avec Carloman de Neustrie
et d'Austrasie
Né vers 863 - mort à Saint-denis
en 882
Fils aîné de Louis II le Bègue,
il reçut le royaume à la mort de celui-ci avec son frère
Carloman. L'empire carolingien continua à se disloquer sous
son règne. Il dut céder la Lotharingie occidentale à Louis
le Jeune, roi de Germanie, et laissa Boson, beau-frère de Charles
le Chauve, se faire proclamer roi de Bourgogne-Provence. Le partage
avec Carloman lui laissa la Francie et la Neustrie. À sa mort,
en 882, Carloman hérita de l'ensemble du royaume.
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879 - 884
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CARLOMAN II
Roi avec Louis III d'Aquitaine,
de Bourgogne et de Septimanie
879 - 882
Roi de Francie Occidentale
882 - 884
Né vers 866 -mort en 884
Fils de Louis II Le Bégue
Régna jusqu'en 882 avec son
frère Louis III puis seul
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880 - 887
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CHARLES II le GROS
Empereur
879 - 882
Roi de Francie Occidentale
884 - 887
Fils cadet de Louis Ier le Pieux, âgé de vingt ans
en 843, Charles avait reçu une éducation soignée.
Doué d’un goût artistique très sûr,
se passionnant pour les lettres, la dialectique et la théologie,
il fit de sa cour, où enseigna de 845 à 867 Scot Érigène,
un centre brillant de culture. Mais cet intellectuel eut un règne
mouvementé. La partie occidentale de l’Empire d’Occident
lui était échue au traité de Verdun en 843. Les
circonstances lui imposèrent un combat perpétuel :
contre des clans infidèles de l’aristocratie qui n’hésitèrent
pas à faire appel à deux reprises à son frère
Louis le Germanique, contre les Bretons auxquels il fallut céder
les comtés de Rennes, Rézé et Nantes, contre les
Aquitains dont il finit par reconnaître le particularisme, contre
les Normands surtout, créateurs d’un état permanent
d’insécurité dans les régions bordant la
Seine et la Loire.
En dépit de ces difficultés, Charles le Chauve s’efforça
d’agrandir son royaume vers l’est. Il guettait notamment
la Lotharingie dont le roi, Lothaire II, maître aussi depuis
863 du centre du royaume de Provence, mourut en 869. Charles se fit
aussitôt sacrer roi de Lorraine à Metz et parvint jusqu’à Aix-la-Chapelle
mais, devant la réaction hostile de Louis le Germanique, il
ne put garder que l’ouest de la Lorraine avec les pays d’entre
Rhône, Alpes et Durance (traité de Mersen, 870). Le pape
Jean VIII le couronna empereur le 25 décembre 875 ;
lui-même réussit à se rendre maître du royaume
d’Italie et de la Provence, mais il subit, en 876 à Andernach,
un grave échec devant les forces de son neveu Louis de Saxe,
lorsqu’il tenta de s’emparer de la Lorraine orientale.
Rappelé en Italie par Jean VIII pour venir en aide à l’Église
romaine, l’empereur, malgré l’opposition de l’aristocratie
qu’il ne put endiguer que partiellement par le capitulaire de
Quierzy (octroi aux seigneurs de l’hérédité des
fiefs), franchit les Alpes une seconde fois. Mais il recula presque
aussitôt devant l’arrivée d’une armée
germanique supérieure en nombre. Il expira non loin de Modane.
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888 - 898
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EUDES
Roi de Francie Occidentale
Né vers 860 - mort à La
Fère en 898
Fils de Robert le fort, il
hérita des domaines de celui-ci
(comté de Paris, Orléanais, Touraine, Blésois)
en 886, et devint ainsi le plus grand seigneur du royaume de France.
Défenseur ardent de Paris contre les Normands, en 885-886, il
fut choisi par les grands du royaume pour monter sur le trône
de France à la place du carolingien Charles le Simple, alors âgé de
huit ans et il fut couronné à Compiègne en 888.
Il subit les attaques des partisans de Charles le Simple, qu'il vainquit
en 897. Sentant sa fin proche, il demanda cependant à ses sujets
de reconnaître ce dernier pour roi, avant de s'éteindre
le 1er janvier 898.
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893 - 927
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CHARLES III Le SIMPLE
Roi de la Francie de l'Ouest avec
Eudes
893 - 898
Roi de Francie
898 - 923 puis de nouveau en 927
Né en 879 - mort à
Péronne en 929
Fils posthume de Louis II
le Bègue, Charles III le Simple est écarté de
la royauté par les grands de Francie occidentale après
les brefs règnes de ses frères Louis III (mort en
882) et Carloman (mort en 884). Il n’a alors que cinq ans et
on lui préfère d’abord l’empereur Charles
le Gros, plus capable d’organiser la défense face aux
Vikings qui ravagent le pays ; puis, après l’abdication
et la mort de l’empereur (888), le fils de Robert le Fort, Eudes,
défenseur de Paris face aux Vikings en 885. Mais les échecs
du nouveau souverain provoquent un complot et une guerre entre Charles
et Eudes qui dure jusqu’à la mort de ce dernier (898).
Désigné comme roi par Eudes lui-même, Charles le
Simple reçoit l’hommage des grands ; il est obligé de
concéder à Robert, frère du roi défunt,
déjà en possession du marquisat de Bretagne et de plusieurs
comtés entre Seine et Loire, la libre disposition des comtés
neustriens, ce qui crée de fait une principauté en Neustrie,
au moment où le nom même de Neustrie disparaît des
textes. Par le traité de Saint-Clair-sur-Epte (911), Charles
remet au chef Rollon la Haute-Normandie actuelle avec Rouen. Ce traité met
un point final aux invasions des Vikings dans le royaume franc. Il
est aussi à l’origine d’une nouvelle principauté qui
vient s’ajouter à celles de Flandre, de Bourgogne, d’Aquitaine
et de Neustrie déjà existantes. Si bien que la zone où s’exerce
directement l’autorité royale est la région comprise
entre Seine et Meuse, la Francie proprement dite.
Charles le Simple essaie de trouver un appui à l’Est en
acceptant la royauté de Lorraine à la mort du dernier
carolingien de Germanie, Louis l’Enfant en 911. Mais il ne tarde
pas à se brouiller avec l’aristocratie lorraine et son
princeps Giselbert, ce qui amène l’intervention du roi
de Germanie Henri Ier (920). De plus, le déplacement du
centre de gravité du pouvoir vers l’Est a entraîné le
soulèvement des comtes de Francie et de Neustrie, dont Robert
de France a pris la tête. En 922, ce dernier est élu et
sacré roi, mais il est peu après tué dans la bataille
qui l’oppose à Charles près de Soissons (13 juill.
923). Ses partisans portent alors à la royauté son gendre,
le duc Raoul de Bourgogne ; et Charles, tombé dans un guet-apens
tendu par Herbert de Vermandois, disparaît pour mourir dans sa
prison de Péronne six ans plus tard. La reine se réfugie
en Angleterre avec son fils, le futur Louis d’Outremer.
Herbert de Vermandois entreprenait de se constituer une principauté dans
le dernier réduit de la puissance monarchique, le pays d’entre
Seine et Flandre. L’affaiblissement du pouvoir royal dont témoigne
la constitution de principautés territoriales est caractéristique
de ce règne sous lequel, pourtant, le titre royal, jusque-là sans
déterminant, est devenu rex francorum.
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922 - 923
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ROBERT Ier
Couronné Roi de Francie
par les seigneurs
Né vers 865 - mort à Soissons
en 923
Enfants : Emma (épouse Raoul,
duc de Bourgogne) et Hugues le Grand ou l'abbé
Second fils de Robert le Fort, frère
d'Eudes, il accepta de reconnaître comme roi le prince carolingien
Charles le Simple en échange de la souveraineté sur
une région s'étendant de la Loire à la Seine
et, d'est en ouest, de la Bourgogne à la côte. Il vainquit
le Normand Rollon qui assiégeait Chartres (911). Élu
roi à Reims contre Charles le Simple en 922, il fut tué à Soissons,
en 923, en combattant contre lui. Son petit-fils Hugues Capet devait
monter sur le trône de France, fondant une dynastie de rois
pour quatre siècles.
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923 - 936
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RAOUL DE BOURGONGE
Couronnée par les seigneurs
923
Roi de Francie puis roi avec Charles
le Simple
927 -929
Roi seul
929 -936
Mort à Auxerre en 936
Gendre de Robert Ier
Raoul (ou Rodolphe) de Bourgogne épousa la fille de Robert
Ier, roi de France, et fut élu pour lui succéder en 923,
contre Charles III le Simple. Menant la guerre contre les Hongrois
et contre les Normands, il conclut une paix avec ces derniers en 924,
mais dut reprendre les armes pour faire cesser leurs incursions sur
son territoire. Il les vainquit définitivement en 930.
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936 - 954
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LOUIS IV d'OUTREMER
Elu par les seigneurs & sacré roi
des Francs
Né en 921 - mort à Reims
en 954
Enfants : Lothaire, Charles
Fils de Charles le Simple
et d'une princesse anglo-saxonne, il fut élevé en
Angleterre, ce qui lui valut son surnom. Rappelé d'Angleterre
par Hugues le Grand, il fut élu roi en 936 grâce au soutien
de celui-ci qui espérait ainsi s'assurer le contrôle du
royaume carolingien par l'intermédiaire de ce jeune roi. Mais
la ténacité de Louis IV contraria les plans d'Hugues
le Grand, qui le laissa tomber aux mains des Normands en 945. Il ne
le libéra qu'après avoir assuré sa domination
sur la Francie et la Bourgogne et s'être fait céder la
ville de Laon, dernière des possessions carolingiennes. Louis
IV demanda alors un soutien à Othon le Grand et réussit à récupérer
Laon, ainsi qu'à faire reconnaître sa souveraineté par
Hugues le Grand. Il mourut en 954 d'une chute de cheval et son fils
Lothaire lui succéda.
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979 - 987
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LOUIS V le FAINEANT
Roi des Francs
né en 967 - mort à Compiègne
en 987
Fils de Lothaire Ier
Il eut la réputation d'être soumis à l'influence
de sa mère qui avait, disait-on, empoisonné son père.
Associé au gouvernement du royaume dès 978, il poursuivit
la politique antigermanique de son père. Il s'opposa à l'archevêque
de Reims, Aldabéron, que soutenait secrètement Hugues
Capet. Il mourut sans héritier en 987 des suites d'une chute
de cheval, laissant le trône à Hugues Capet, élu à sa
succession. La dynastie carolingienne fut alors remplacée par
la dynastie des Capétiens, qui devait régner sur la France
jusqu'en 1328.
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LES
CAPETIENS
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Le couronnement
d'Hugues Capet en 987 marque la naissance d'une longue dynastie qui
règne sur la France en succession directe ou indirecte pendant
plus de huit siècles, jusqu'en 1848, avec une brève
interruption de 1792 - 1814.
La branche des
Capétiens directs s'étend de 987 à 1328, avec
quinze rois en 341 ans.
L'idée
d'une transmission héréditaire de la couronne par
l'héritier mâle le plus âge s'impose progressivement
; c'est ainsi que, de 987 à 1316, treize rois se succèdent
de père en fils, depuis Hugues Capet jusqu'à jean
Ier le Posthume.
Tous travaillent
dans le même sens et permettent d'enraciner la dynastie :
s'imposer aux grands féodaux, agrandir le domaine royal,
lutter contre les puissances étrangères sont leurs
buts.
Pour la première
foisn en 1316, à la mort de Jean Ier le Postume, se pose
le problème de lassucession, l'enfant-roi étant mort
quelques jours après sa naissance.
C'est son oncle,
Philippe V le Long, qui monte sur le trône ; de même,
quand il meurt en 1322 sans héritier mâle, c'est son
frère et dernier fils de Philippe IV le Bel, Charles IV
le Bel, qui devient roi.
C'est l'application
du principe de la loi salique qui, même s'il n'est évoqué que
plus tard, triomphe, excluant les femmes de toute succession royale.
En 1328, la mort
de Charles IV le Bel sans héritier mâle marque la
fin de la dynastie des Capétiens directs et le passage de
la couronne à la branche des Valois.
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987 - 996
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HUGUES CAPET
Roi de France
Né vers 941 - mort en 996
Fils aîné d'Hugues le
Grand (Fils de Robert Ier)
Epouse : Adélaïde d'Aquitaine
Enfants : Robert II le Pieux, Hedwige,
Gisèle
Issu de la famille des Robertiens qui
domine la Francie (région
entre Meuse et Loire) depuis un siècle, et qui a déjà donné deux
rois (Eudes — 888-898, et Robert — 922-923), Hugues Capet
est, à la veille de son élection à la royauté,
le prince le mieux pourvu du royaume : duc de France, duc de Bourgogne,
il est suzerain du duc de Normandie (il a par là des droits
sur la Bretagne) et suzerain (théorique) du duc d’Aquitaine,
tandis que le roi de Bourgogne est son frère. Il dispose donc
de domaines, de vassaux et d’une brillante parentèle.
Le rétablissement du souverain carolingien en la personne de
Louis d’Outremer (936) n’a pu se faire que grâce à Hugues
le Grand, père d’Hugues Capet. Depuis cette date, le duc
de France passe alternativement du soutien à l’affrontement
avec le roi. En 985, l’écolâtre de Reims, Gerbert,
l’esprit le plus brillant de son temps et remarquable politique,
peut écrire : « Le roi de fait, c’est
Hugues. »
Autour de l’archevêque de Reims, Adalbéron, et de
Gerbert, sont reprises les idées d’empire unique, garant
de la paix : d’où l’admiration des deux hommes
pour l’empire néo-carolingien des Ottons. De plus, la
solidité de l’archevêché de Reims, sa situation
partie dans l’Empire germanique, partie dans le royaume de France,
devait amener son chef à jouer un rôle décisif
dans l’avènement d’Hugues Capet. Le dernier roi
carolingien, Louis V, comme son père Lothaire l’avait
déjà fait, accuse Adalbéron de trahison au profit
de l’empereur et convoque un plaid pour le juger à Compiègne
le 18 mai 987. Or le roi meurt d’un accident de chasse :
la situation se retourne en faveur d’Adalbéron qui fait élire
Hugues à Noyon, puis le sacre à Soissons le 1er juin
(ou à Reims le 3 juin). Les descendants du nouveau souverain
allaient régner huit siècles.
Cette élection inopinée déclenche la réaction
du prétendant carolingien, Charles de Basse-Lorraine, oncle
du roi défunt, qui s’empare de Laon en mai 988. Il trouve
l’appui d’Arnoul, bâtard du roi Lothaire, qui devient
archevêque de Reims à la mort d’Adalbéron
(989) et donne la ville à Charles. Les deux Carolingiens sont
donc solidement établis au cœur de la Francie, et seule
la trahison de l’évêque de Laon, Ascelin, livre
cette cité, ainsi que Charles de Lorraine et ses enfants, à Hugues
(mars 991). Reste alors à régler le sort de Reims et
de son évêque : Hugues se défie de la papauté qu’il
juge trop liée à l’empereur germanique ; il
réunit un concile national au monastère Saint-Basle de
Verzy, qui dégrade Arnoul et lui substitue Gerbert (juin 991), à la
grande colère du pape Jean XV.
Ce règne marque une certaine prise de conscience par la royauté de
sa personnalité distincte par rapport à l’Empire,
mais le souverain reste très faible. Une étude des actes
issus de la chancellerie royale montre qu’aucun n’est destiné aux
régions du sud du royaume, et de nombreux actes ne sont plus
souscrits par le roi et le chancelier seuls, mais le sont aussi par
de grands personnages dont l’autorité vient conforter
celle du souverain. Pourtant, la continuité dynastique a pu être
assurée : Hugues Capet s’est immédiatement
associé son fils Robert le Pieux, créant par là une
hérédité de fait.
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996 - 1031
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ROBERT II Le PIEUX
Roi de France
Né à Orléans
vers 970 - mort à melun en 1031
Fils d'Hugues Capet
Marié trois fois : à
Rosala-Suzanne,veuve du comte de Flandre, qu'il répudie pour
épouser sa cousine Berthe de Bourgogne, veuve de Eudes Ier de
Blois. Epouse en troisèmes noces Constance de Provence (1003)
Enfants : Henri Ier, Hedwige, Hugues,
Robert Ier (duc de Bourgogne), Eudes, Adèle
Robert fit ses études à Reims sous la houlette
du savant Gerbert d'Aurillac, qui devait devenir le pape Sylvestre
II. Il en acquit un grand sens de l'humilité et de la charité,
d'où le nom de Robert le Pieux qui lui fut attribué postérieurement.
Il exerça le pouvoir en partage avec son père, Hugues
Capet, dès 987. Cependant, après avoir répudié sa
première épouse, Rosala, fille de Bérenger,
roi d'Italie, et épousé en secondes noces sa cousine
Berthe de Bourgogne (996), il encourut, malgré sa foi, l'excommunication
papale. Deux ans plus tard, le pape Grégoire V l'excommunia
et annula un mariage incestueux pour l'Église. En 1003, Robert
II se soumit au pape, et épousa la fille du marquis de Provence,
Constance d'Arles, qui lui donna quatre fils. Il fut ensuite confronté à des
révoltes féodales. Considéré comme un
soldat courageux et un souverain avisé, il parvint à mater
les rébellions par la conquête des comtés de
Dreux, Melun, Sens et de la Bourgogne (1016). En plus de ces annexions,
il renforça également le royaume capétien en
se faisant le garant de la « paix de Dieu ». Il encouragea
ainsi les moines de Cluny, qui furent à l'origine de la réforme
du clergé français à partir du XIe siècle
et qui œuvrèrent notamment pour le développement
de l'enseignement, des institutions de paix, de l'hospitalité et
de l'aumône. La succession de Robert II fut problématique.
En 1025, à la mort de son fils aîné, Hugues,
désigné à la succession au trône, ses
autres fils se révoltèrent. Robert se battit contre
eux jusqu'à sa mort. Ce fut finalement son fils Henri Ier
qui lui succéda en 1031, l'année de sa disparition.
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1031 -1060
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HENRI Ier
Roi France
Né en 1008 - mort à Vitry-aux-Loges
en 1060
Marié deux fois : Mathilde
(nièce de l'empereur d'Allemagne). En seconde noces, épouse
Anne de Kiev vers 1051.
Enfants : Philippe Ier, Robert (mort
en bas âge), Hugues le Grand (Comte de Vermandois)
Il dut lutter contre
la tentative d’usurpation de son frère
cadet, Robert, à une époque où le trône était
constamment menacé par la puissance des grands féodaux.
Second
fils de Robert II le Pieux et petit-fils d’Hugues Capet,
fondateur de la dynastie capétienne, Henri, duc de Bourgogne
en 1017, fut associé au trône en 1027, deux ans après
la mort de son frère aîné, Hugues, et cela malgré la
volonté de sa mère, Constance d’Arles. Celle-ci,
en l’absence de définition précise des règles
de primogéniture, aurait préféré faire
couronner son fils cadet, Robert.
Aussi,
dès la mort de son père en 1031, Henri Ier eut-il à affronter
une rébellion conduite par sa mère et son frère,
appuyés par les grands du royaume, et particulièrement
par le comte de Blois, Eudes. Henri Ier bénéficia cependant
du soutien de l’empereur germanique, Conrad II le Salique, qui
projeta de lui faire épouser l’une de ses filles, morte
avant d’arriver en France, ainsi que du duc de Normandie, Robert
le Magnifique, auquel il céda le Vexin français en échange
de son aide.
Après la mort de sa mère, survenue en 1034, Henri Ier,
lassé d’une lutte qui affaiblissait son pouvoir, céda
la Bourgogne en apanage à son frère, pour faire cesser
le conflit qui les opposait. Il dut pourtant continuer à combattre
Eudes de Blois jusqu’en 1039, tentant d’affirmer son autorité depuis
un domaine royal exigu, enserré entre le comté de Blois
et la Normandie, alors que la Bretagne, la Bourgogne et l’Aquitaine
se tenaient pour des territoires indépendants.
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1060 - 1108
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PHILIPPE Ier
Roi France
Né vers 1052 - mort à melun
en 1108
Fils d'Henri Ier et d'Anne de Kiev
Epouse Berthe de Hollande
Enfants : Louis VI le gros, Constance,
Philippe de Mantes, Florus, Cécile
Couronné à Reims en 1059 en présence de son père,
Philippe Ier, fils d’Henri Ier (mort en 1060) et d’Anne
de Kiev, ne règne seul qu’à partir de 1066, car
sa mère, assistée de son oncle, le comte de Flandre Baudouin V,
et de l’archevêque de Reims, Gervais, exerce la régence
de 1060 à 1066. Sous son règne se dessinent les grandes
lignes de la politique des souverains capétiens du XIIe siècle :
assurer une base réelle à la puissance royale en consolidant
le domaine, et abaisser ou contenir les trop puissants vassaux.
Pour reconstituer le domaine royal, il s’empare d’une partie
du Vermandois, du Gâtinais (1068), du Vexin français (1077),
de la vicomté de Bourges et de la seigneurie de Dun-le-Roi (1101).
Il développe l’administration royale aux dépens
des seigneurs féodaux, et, pour assurer des revenus à la
couronne, il dispose des biens d’Église et vend les charges
ecclésiastiques, ce qui lui attire les foudres des réformateurs
grégoriens. Au moment où le pape Urbain II prêche
en France la première Croisade (1095), Philippe Ier est excommunié pour
avoir répudié Berthe de Hollande et épousé Bertrade
de Montfort.
Son vassal le plus redoutable est Guillaume le Conquérant, duc
de Normandie devenu roi d’Angleterre (1066-1087). Philippe trouve
l’appui des comtes d’Anjou et de Flandre qui se sentent
aussi menacés par ce trop puissant voisin, et c’est pour
consolider son alliance avec la Flandre qu’il a épousé Berthe
de Hollande, sœur du comte Robert le Frison. Selon une politique
reprise par ses successeurs, il s’efforce de développer
les dissensions à l’intérieur de la famille du
Conquérant, soulevant le fils, Robert Courteheuse, contre son
père (1078) puis contre son frère, Guillaume II
le Roux (1087-1100). Ayant conservé avec peine le Vexin français
en 1087, Philippe laisse le soin des opérations sur le terrain à son
fils Louis VI, associé à la couronne en 1098.
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1108 - 1137
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LOUIS VI Le GROS
ou Le BATAILLEUR
Roi France
Né vers 1081 - mort à Paris
en 1137
Marié deux fois :Lucienne
de Rochefort, Adélaïde de Maurienne
Enfants : Louis VII le Jeune, Isabelle
(illégitime), Philippe, Henri, Robert, Hugues (mort jeune),
Constance, Philippe, Pierre
Fils de Berthe de Hollande et de Philippe Ier, associé au
trône en 1098 par son père qui lui avait confié les
opérations militaires face aux Anglo-Normands, il doit se faire
sacrer précipitamment le 3 août 1108 pour ne pas
risquer la concurrence d’un fils de la seconde femme de son père,
Bertrade de Montfort. Il épouse en 1115 Adélaïde
de Savoie, nièce du pape Calixte II.
Sous son règne, le pouvoir royal s’affirme sur le domaine
par l’élimination des seigneurs pillards d’Île-de-France :
Ebbes de Roucy (1102), Enguerrand de Coucy (1117), et surtout Thomas
de Marle (1130). Ce domaine est intelligemment mis en valeur suivant
les conseils de Suger, abbé de Saint-Denis : création
de villes neuves et privilèges fiscaux accordés aux communautés
rurales contribuent à peupler l’Île-de-France. La
charte de Lorris en Gâtinais servira de modèle pendant
tout le XIIe siècle.
Au-delà du domaine, Louis VI essaie d’affirmer l’autorité de
la justice royale dans les grands fiefs : il intervient avec succès
en Bourbonnais et en Auvergne, mais il ne peut s’imposer ni en
Normandie, ni en Flandre. Contre Henri Ier Beauclerc, duc de Normandie
et roi d’Angleterre, il mène en vain trois campagnes pour
soutenir les prétentions de Robert Courteheuse puis de Guillaume
Cliton. En Flandre, il ne réussit pas davantage, après
l’assassinat du comte Charles le Bon (1127), à imposer
son protégé, le même Guillaume Cliton, contre Thierry
d’Alsace. Ce second échec témoigne de l’existence
de puissances nouvelles, les villes de Flandre, dont Louis VI
n’avait pas respecté les privilèges.
Pourtant, comme dans son domaine, Louis VI saura jouer des forces
socio-économiques nouvelles : il soutient l’établissement
des communes urbaines en Picardie et en Flandre, comme il soutient
les efforts des réformateurs grégoriens pour soustraire
l’élection des évêques à l’autorité des
princes, mais non à la sienne propre.
Cette politique porte ses fruits puisqu’en 1124, lorsque l’empereur
Henri V, allié de Henri Ier Beauclerc son gendre,
envahit la France, Louis VI obtient l’aide de tous ses grands
vassaux, ce qui contraint l’empereur à se retirer sans
combattre. Elle semble même remporter un succès sans précédent
en 1137 : Louis VI marie son fils aîné, le futur
Louis VII, à Aliénor, fille et unique héritière
du duc d’Aquitaine. Le domaine royal s’étend de
l’Oise aux Pyrénées, mais le divorce d’Aliénor
et son remariage avec Henri II Plantagenêt (1152) devaient
remettre en cause cette union contre nature du nord et du sud du royaume.
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1137 - 1180
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LOUIS VII Le JEUNE
Roi France
Né vers 1120 - mort à paris
en 1180
Marié trois fois : Aliènor
d'Aquitaine qu'il répudia par la suite ; Constance de Castille
; Adèle de Champagne.
Enfants : Philippe II Auguste, Alix,
Maris
Fils de Louis VI et d’Adélaïde de Savoie, Louis VII
le Jeune a épousé, juste avant son accession au trône,
l’héritière d’Aquitaine, Aliénor.
Il a alors seize ans. Il commence par écarter sa mère
de la cour et gouverne avec l’excellent conseiller de son père,
l’abbé de Saint-Denis, Suger. Résidant le plus
souvent à Paris, il poursuit la politique paternelle de soumission
et de mise en valeur du domaine royal : il multiplie les concessions
de privilèges aux communautés rurales, encourage les
défrichements et favorise l’émancipation des serfs ;
il prend appui sur les villes en accordant des chartes de bourgeoisie
(Étampes, Bourges). Hors du domaine, il soutient le mouvement
communal (Reims, Sens, Compiègne, Auxerre) et surtout il soutient
l’élection d’évêques dévoués
au pouvoir royal.
C’est autour d’affaires d’élections épiscopales
qu’éclatent les premières crises du règne :
en 1138, le roi accorde son investiture pour l’évêché de
Langres à un moine de Cluny et non au candidat de Bernard de
Clairvaux et, surtout, en 1141, il veut imposer au siège de
Bourges son propre candidat contre Pierre de La Châtre, élu
du chapitre de la cité, soutenu par le pape Innocent II
qui excommunie Louis VII. Pierre de La Châtre s’étant
réfugié en Champagne, le roi envahit le comté et
brûle Vitry (1142). Mais il doit finalement accepter l’élection
de Pierre de La Châtre pour faire lever l’interdit qui
pèse sur le royaume. Il se croise peu après (Noël
1145) pour répondre à l’appel de Bernard de Clairvaux
et, confiant son royaume à Suger, il gagne Antioche, échoue
devant Damas et rentre en France (1147-1149). C’est pendant cette
expédition que serait née la brouille entre le roi et
son épouse, qui devait aboutir à un divorce aux funestes
conséquences pour le royaume.
Aliénor se remarie aussitôt avec Henri II Plantagenêt,
comte d’Anjou et duc de Normandie, qui s’empare ainsi de
l’Aquitaine, avant de devenir roi d’Angleterre en 1154.
Dès lors, malgré une réconciliation passagère,
les affrontements sont permanents. Ne pouvant affaiblir son adversaire,
Louis VII soutient l’archevêque de Canterbury Thomas
Beckett et les fils révoltés de Henri II, Henri
et Richard (1173). Il faudra l’autorité du pape pour imposer à Henri II
la conclusion du traité d’Ivry en 1177.
Outre l’appui des papes qu’il a soutenus contre l’empereur,
Louis VII a trouvé contre le Plantagenêt l’alliance
du comte de Flandre et du comte de Champagne, dont il épouse
la fille, Adèle, mère de Philippe Auguste, en troisièmes
noces (1160). Il meurt après quarante-trois ans de règne,
ayant, comme ses prédécesseurs, associé son fils à la
monarchie pour assurer la continuité dynastique.
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1180 - 1223
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PHILIPPE II AUGUSTE
Roi France
Né à Paris 1165 - mort à Mantes
en 1223
Marié trois fois : Isabelle
de Hainaut, Indeburge de Danemark, Agnès de Méranie
Enfant : Louis VIII le Lion
Fils de Louis VII et d’Adèle de Champagne, Philippe II
Auguste trouve à son avènement un domaine florissant
mais restreint, comprenant l’Île-de-France, l’Orléanais
et une partie du Berry. Le reste du royaume est partagé en une
dizaine de fiefs sur lesquels le roi n’a qu’un droit théorique
de suzeraineté, surtout quand il s’agit des provinces
de l’Ouest réunies dans la dépendance du roi d’Angleterre
Henri II Plantagenêt. Le jeune roi — il a quinze ans — entreprend
immédiatement d’accroître son domaine et de tirer
parti des rivalités entre les grands.
En avril 1180, il épouse Isabelle de Hainaut qui lui apporte
l’Artois en dot. Mais il entre bientôt en conflit avec
le comte de Flandre, oncle de sa femme, et une grande coalition féodale
est nouée : le roi parvient à la défaire
(traité de Boves, 1185), ce qui lui vaut de rattacher à la
couronne les comtés d’Amiens, de Montdidier et les châtellenies
de Roye et de Thourotte.
La grande entreprise du règne fut l’abaissement des Plantagenêts.
Philippe Auguste soutient les fils révoltés (Henri puis
Geoffroi) contre leur père Henri II. Un coup de main sur
Issoudun lui permet d’imposer sa volonté et d’acquérir
une partie du Vermandois tandis qu’il marie sa fille à Jean
sans Terre, fils du roi d’Angleterre (traité de Châteauroux,
1187). La lutte n’en continue pas moins jusqu’à la
capitulation de Henri II à Azay-le-Rideau le 4 juillet
1189. Richard Cœur de Lion, devenu roi, part pour la croisade
avec Philippe Auguste : l’entente n’est que passagère,
et le roi de France, rentré précipitamment (1191), intrigue
contre son allié devenu le rival de Jean sans Terre et, surtout,
du duc d’Autriche qui arrête Richard à son retour
et le livre à l’Empereur. La lutte reprend à la
libération de Richard (1194) et tournait nettement à l’avantage
de Cœur de Lion, quand celui-ci est tué au siège
de Châlus en Limousin (1199). Philippe Auguste ne reconnaît à Jean
sans Terre le titre de roi que moyennant la cession d’une partie
du Vexin normand, du pays d’Évreux et du Berry (traité du
Goulet, 1200). En 1202, Jean sans Terre n’ayant pas répondu à une
convocation devant la justice royale, ses fiefs sont confisqués
et Philippe Auguste entreprend d’exécuter la sentence :
la Normandie, le Maine, l’Anjou et le Poitou sont annexés
(1204-1208). Un débarquement en Angleterre est préparé,
mais une vaste coalition réunissant les comtes de Boulogne,
de Flandre, de Hollande, les ducs de Lorraine, de Brabant, de Limbourg,
et surtout l’empereur germanique, l’empêche d’aboutir.
Le roi de France réussit néanmoins, par la victoire de
Bouvines (27 juill. 1214), à défaire la coalition,
assurant ainsi sa tranquillité au nord et à l’est,
et supprimant tout appui continental à Jean sans Terre qui doit
reconnaître de fait les conquêtes de son rival. Celui-ci
le menace encore en soutenant son fils, le futur Louis VIII, qui
tente en vain de conquérir l’Angleterre (1216-1217).
Le même prince royal Louis intervient ensuite en Aquitaine aux
côtés de Simon de Montfort contre le comte de Toulouse
et les albigeois ; et Philippe Auguste avait auparavant mis la
main sur l’Auvergne (à partir de 1189) et la Champagne
(1201 et 1213). À sa mort, il est de loin le plus grand seigneur
du royaume et il a réussi à imposer son autorité aux
grands feudataires les plus proches.
À
l’intérieur, Philippe Auguste met en place des méthodes
nouvelles de gouvernement rendues nécessaires par l’extension
du domaine. Il institue les baillis, officiers nommés et révoqués
par le roi, qui le représentent dans toutes ses fonctions. Les
impôts restent exceptionnels (dîme saladine), mais la collecte
plus soigneuse des revenus domaniaux et la vente de privilèges
aux communes et aux métiers accroissent considérablement
la trésorerie royale confiée aux Templiers. Ces ressources
permettent de rétribuer des mercenaires et d’élever
de puissants châteaux (Dourdan, Issoudun, Gisors) : l’art
de la guerre féodale en est transformé. De même,
le gouvernement central évolue : les sessions de la cour
se spécialisent dans les affaires judiciaires et financières,
préfigurant ainsi le Parlement et la Cour des comptes ;
les deux offices les plus importants (de sénéchal et
de chancelier) sont supprimés, et d’une façon générale
les grands féodaux laissent la place à des hommes d’extraction
plus modeste, reconnus pour leurs compétences. La cour se fixe à Paris
où, à partir de 1194, sont conservées les archives
royales. Philippe Auguste entoure la ville de remparts, fait paver
les rues et favorise le commerce (privilège aux marchands de
l’eau).
Reste que ses rapports avec l’Église ont été souvent
compliqués, comme ceux de plusieurs rois capétiens, à cause
d’affaires de divorce. Sa première femme étant
morte, Philippe a épousé Isambour de Danemark (1193).
Il obtient d’une assemblée d’évêques
l’annulation de son mariage, et a deux fils d’une princesse
bavaroise, Agnès de Méran. Le pape jette l’interdit
sur le royaume (1200) et Philippe ne s’inclinera qu’en
1213. Pourtant, à l’intérieur du royaume, il a
de très bons rapports avec le clergé, intervenant peu
dans les élections épiscopales et favorisant les ordres
monastiques. C’est un des éléments qui contribuent à asseoir
définitivement l’autorité royale : pour la
première fois depuis l’avènement des Capétiens,
le prince royal n’est pas associé au trône et il
sera sacré sans difficulté après la mort de Philippe
Auguste qui a régné quarante-trois ans, presque autant
que son père Louis VII et que son petit-fils Louis IX.
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1223 - 1226
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LOUIS VIII Le LION PACIFIQUE
Roi France
Né à paris en 1187
- mort à Montpensier, Auvergne, en 1226
Fils de Philippe Auguste
Epouse Blanche de Castille
Enfants : Louis IX le Saint, Philippe,
Alphonse et Jean (jumeaux), Robert, Jean, Alphonse, Philippe-Dagobert,
Etienne, Charles, Isabelle
Il combattit farouchement
les Anglais et assura le retour sous l'autorité royale des provinces
tenues par les albigeois.
Au cours du règne de son père, Louis défit le
roi d'Angleterre Jean (dit « sans Terre ») à La
Roche-aux-Moines, en 1214, avant de se voir proposer l'année
suivante la couronne d'Angleterre par des barons hostiles à leur
roi. Louis lança alors une expédition, mais ne put obtenir
le trône du fait de la mort soudaine du roi Jean.
Devenu roi en 1223, Louis VIII s'appliqua à détruire
le pouvoir des Plantagenêts en France en leur reprenant un certain
nombre de territoires, puis se consacra aux croisades contre les hérétiques
albigeois (ou Cathares) : il leur reprit Avignon en 1226. C'est au
retour de cette croisade que Louis VIII mourut de dysenterie à Montpensier,
en Auvergne, le 8 novembre 1226, après un bref règne
de trois ans.
Les nombreuses conquêtes territoriales de Louis VIII lui permirent
de créer des apanages pour trois de ses fils, qui se partagèrent
l'Artois, le Poitou, l'Auvergne, l'Anjou et le Maine, tandis que son
aîné, Louis IX, lui succédait. |
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1226 - 1270
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LOUIS IX dit SAINT LOUIS
Roi France
Né à Poissy en 1214
- mort à Tunis en 1270
Fils de Louis VIII et Blanche de
Castille
Epouse Marguerite de Provence
Enfants : Philippe III le Hardi,
Louis, Jean, Pierre, Robert, Blanche, Isabelle, Blanche, Marguerite,
Agnès
Figure majeure du Moyen Âge, Louis IX a joui
d’une
considérable
popularité de son vivant et est passé à la postérité — sous
le nom de Saint Louis — comme la personnification même
du « roi chrétien », du « roi justicier »,
du « roi pacificateur » et du « roi croisé ».
Né à Poissy, Louis n’a que 12 ans à la
mort de son père, Louis VIII le Lion ; sa mère, Blanche
de Castille, fille d’Alphonse IX de Castille, assume la régence
durant sa minorité. Énergique et austère, Blanche
sait s’appuyer sur une équipe de remarquables administrateurs
ainsi que sur le légat du pape, Romano Frangipani, qui devient
son conseiller le plus proche. Dès le début de la régence,
elle doit faire face à l’hostilité des grands féodaux
qui s’opposent à un gouvernement féminin. Aussi,
afin d’annihiler toute velléité d’indépendance
des barons, le premier geste politique de la régente est de
faire couronner Louis à Reims, le 29 novembre 1226.
Appuyée par Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, et Henri III
d’Angleterre, elle parvient à mater une première
révolte qui se conclut par la signature du traité de
Vendôme, mais doit bientôt affronter une seconde coalition
(1228-1229). Elle réprime également la révolte
des Albigeois en Languedoc — conférence de Meaux et traité de
Paris (1229) — et, grâce à sa victoire sur le comte
Raymond VII de Toulouse, impose une alliance entre le fils de Louis
XI, Alphonse II, et l’héritière du comté,
préparant ainsi le rattachement définitif du territoire à la
Couronne (1271).
Le 25 avril 1234 est proclamée la majorité de Louis
IX qui épouse, en mai de la même année, Marguerite
de Provence (fille de Raymond Bérenger V) avec laquelle il a
onze enfants. Néanmoins, Blanche de Castille reste associée
au pouvoir et dirige les affaires du royaume jusqu’en 1244. De
nouveau, les barons de l’Ouest et du Midi se soulèvent
et, en 1242, Louis IX vainc leur allié Henri III d’Angleterre à Taillebourg
et à Saintes.
À cette date, le roi jouit d’un prestige et d’une
autorité indiscutables, que ses victoires successives et sa
personnalité, sa bonté, sa justice et sa très
grande piété ont contribué à forger. Attentif
au sort de chacun de ses sujets et notamment des plus humbles, il est
l’objet d’un véritable culte et ses vertus de thaumaturge
sont déjà louées de son vivant.
Roi pieux et chrétien, Louis IX confie de nouveau le gouvernement à sa
mère et, en août 1248, se croise contre les musulmans.
Septième du nom, cette croisade part d’Aigues-Mortes
pour l’Égypte, que le roi atteint le 5 juin 1249. Quatre
jours plus tard, le 9 juin, il prend Damiette mais est vaincu et
fait prisonnier à Mansoura (6 avril 1250). Après avoir été libéré contre
une rançon et la restitution de Damiette, il séjourne
quatre ans en Syrie, où il établit des camps fortifiés
et rachète un très grand nombre de captifs. En 1252,
la mort de Blanche de Castille le contraint à rentrer en France.
Malgré l’échec de la croisade et la destruction
de son armée, le roi n’a rien perdu de sa grandeur. Conseillé par
de nombreux clercs (franciscains et dominicains), il affirme de plus
en plus son pouvoir, aussi bien dans les limites du royaume qu’à travers
l’Europe. Par le traité de Corbeil (1258), il reçoit
du roi Jacques Ier d’Aragon la Provence et le Languedoc en échange
de la Cerdagne et du Roussillon. L’année suivante, il
met un terme à la longue lutte entre Capétiens et Plantagenêts
par le traité de Paris : il échange avec l’Angleterre
le Quercy, le Limousin et le Périgord contre la Normandie, le
Maine, l’Anjou, la Touraine et le Poitou, réglant ainsi
durablement un conflit engagé depuis Philippe II Auguste et
Jean sans Terre ; Henri III redevient alors l’homme lige du roi
de France en tant que duc d’Aquitaine. En janvier 1264, le roi
arbitre d’ailleurs (« mise d’Amiens ») en faveur
de ce dernier dans un différend qui l’oppose aux barons
anglais révoltés.
À l’intérieur du royaume, l’œuvre de
Louis IX n’est pas moins remarquable. Son règne est marqué par
un développement du pouvoir royal et par l’émergence
d’un État qui se veut au service de tous, comme en témoignent
les célèbres Enquêtes de 1247 et l’ordonnance
de réformation de 1254. Son action en matière judiciaire
contribue également au prestige de Louis IX, qui institue la « Quarantaine-le-Roi »,
imposant aux belligérants un délai de réflexion
propice à l’ouverture de négociations afin de limiter,
voire supprimer, les guerres privées. En conséquence,
l’ordonnance de 1260 substitue à certaines coutumes médiévales
des formes de justice plus modernes et plus équitables. D’autre
part, Louis IX introduit la possibilité, pour tous les justiciables,
d’en appeler au roi. Le monopole et la puissance des féodaux
en sont amoindris d’autant.
De fait, il est peu de domaines dans lesquels Louis IX n’est
pas intervenu. Les ordonnances de 1263 et 1266 assurent la diffusion
de la monnaie royale sur tout le territoire. Le roi réforme
aussi l’antique cour féodale en dissociant sa fonction
de règlement des affaires judiciaires de celle de contrôle
de la gestion des officiers et de tenue de la comptabilité.
Il est ainsi à l’origine du Parlement et de la Cour des
comptes. Enfin, par l’intermédiaire de la nomination d’Étienne
Boileau à la prévôté de Paris en 1261, il
favorise l’organisation et la codification des métiers
de la capitale.
Pour venger le fiasco de la septième croisade et contrer la
puissance des mamelouks égyptiens, Louis IX engage une nouvelle
campagne contre la Tunisie en 1270. Dès le 24 mars 1267, il
prend la décision de se croiser et, durant trois ans, déploie
dans les préparatifs la même activité inlassable
que lors de la précédente expédition. Cette
fois, l’objectif visé est Tunis afin, semble-t-il, de
venger la défaite de Mansoura. Le 2 juillet 1270, les croisés
embarquent à Aigues-Mortes et arrivent le 17 devant Carthage,
qui ne tarde pas à se rendre. Mais, plutôt que de s’acheminer
en direction de Tunis, le roi préfère attendre les
renforts de son frère Charles d’Anjou. À la fin
du mois de juillet, la peste se déclare dans les rangs de
l’armée et Louis IX meurt le 25 août, avant l’arrivée
de son frère. Son fils aîné lui succède
sous le nom de Philippe III le Hardi.
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1270 - 1285
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PHILIPPE III Le HARDI
Roi France
Né à Poissy 1245 -
mort à Perpignan en 1285
Fils de Louis IX et de Marguerite
de Provence
Marié deux fois: Isabelle
d'Aragon, Marie de Brahant
Enfants : Louis (mort en 1276), Philippe
IV le Bel, Charles de Valois (Roi d'Aragon)
Fils de Saint Louis
et de Marguerite de Provence, Philippe III
le Hardi a le malheur de succéder à un roi prestigieux
et d’être finalement mal connu. Sa statue à Saint-Denis — image
d’un roi vigoureux — ne correspond pas au portrait que
tracent ses biographes : pieux, peu lettré, il aurait été le
jouet de son entourage. En fait, les progrès de l’État
sont tels que le roi a besoin de conseillers d’une autre trempe
que ceux dont s’accommodait la royauté patriarcale. Leur
activité fait douter du pouvoir réel du roi. Des noms
sortent de l’ombre : Mathieu de Vendôme, abbé de
Saint-Denis, et surtout Pierre de la Broce, ancien chirurgien et valet
de chambre de Louis IX, parvenu au sommet des honneurs et de la
fortune par la faveur de Philippe le Hardi. Bientôt, une violente
cabale se déchaîne contre le favori ; elle n’hésite
pas à utiliser les procédés les plus diffamatoires
et parvient à le conduire au gibet (1278). Elle est menée
par le cercle aristocratique de la jeune et jolie Marie de Brabant
(épouse du roi en 1274 après la mort d’Isabelle
d’Aragon), où se fait remarquer Charles d’Anjou,
image type du chevalier conquérant. Entre les grands soucieux
de conserver leurs privilèges, mais divisés en deux clans — celui
de la reine en faveur des Angevins et celui de la reine-mère
en faveur des Anglais —, et les avis de prudence des conseillers
inquiets des problèmes financiers que pose à la royauté la
hausse accélérée des prix et des dépenses,
le roi hésite. L’annexion du Midi languedocien à la
mort d’Alphonse de Poitiers (1271) se réalise sans grosses
difficultés ; seul le comte de Foix résiste. Il
cède le comtat Venaissin au pape Grégoire X en 1274
et le roi d’Angleterre reçoit l’Agenais en 1279.
Cependant, Charles d’Anjou, le pape Martin IV et les barons
consultés entraînent le roi dans la première guerre
de conquête hors du royaume : la croisade en Aragon. C’est
un échec (Girone, 1285). Philippe III meurt à Perpignan,
victime d’une épidémie.
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1285 - 1314
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PHILIPPE IV Le BEL
Roi France et de Navarre
Né à Fontainebleau
en 1228 - mort à Fontainebleau en 1314
Fils de Philippe III et d'Isabelle
d'Aragon
Epoux de Jeanne de Navarre qu'il épouse
en 1284 afin d'agrandir le domaine royal de la Champagne et de la
Navarre
Enfants : Louis X le Hutin, Philippe
V le Long, Charles IV le Bel, Marguerite et Blanche
L'un des principaux artisans d'une monarchie
puissante et centralisée. Son règne fut marqué par
l'accroissement considérable de l'autorité royale,
obtenu grâce à l'affranchissement de la tutelle pontificale
et au développement de l'administration.
En
1284, par son mariage avec Jeanne Ire de Navarre, Philippe acquit la
Champagne et la Navarre. Il accéda au trône le 5 octobre
1285, à l'âge de dix-sept ans. Pour gouverner, il s'entoura
de « légistes », spécialistes du droit romain
et ardents défenseurs de l'autorité royale ; les plus
connus sont Pierre Flote, Guillaume de Nogaret et Enguerrand de Marigny.
Fort de leur appui, le roi poursuivit la centralisation monarchique
qu'avait amorcée Louis IX. Les fonctions judiciaires devinrent
le monopole d'une commission qui, peu à peu, se transforma en
Parlement, organisé par le règlement de 1303. La même
année vit le partage des fonctions financières entre
l'ancienne Chambre aux deniers et une nouvelle Chambre des comptes,
dont l'importance ne fera que croître. Confronté à d'incessantes
difficultés d'argent, Philippe le Bel tenta d'établir
une imposition directe et, ayant échoué dans cette entreprise,
eut recours à divers expédients. Il confisqua notamment
les biens des marchands lombards et des Juifs, avant de les faire arrêter
puis expulser (les premiers en 1277, 1291 et 1311, les seconds en 1306).
Avec l'aide de ses conseillers, il procéda à diverses
altérations monétaires ; celles-ci, en frappant lourdement
le petit peuple, provoquèrent des émeutes (Paris, 1306),
qui furent durement réprimées. Toujours en quête
d'argent, Philippe le Bel s'attaqua aux Templiers, dont il convoitait
les biens (1307). Tous les chefs de l'ordre, dont le grand maître
Jacques de Molay, furent arrêtés et remis au pape Clément
V (1308) qui, sous la pression de Philippe le Bel, condamna un certain
nombre d'entre eux au bûcher (1310) et supprima l'ordre (1312).
En 1314, Philippe le Bel fit périr comme hérétiques
les derniers dignitaires.
Soucieux d'obtenir le soutien de son peuple,
notamment par des subsides, Philippe le Bel convoqua à plusieurs reprises des assemblées
qui regroupaient des représentants de la noblesse, du clergé et
de la bourgeoisie urbaine, et qui préfiguraient les futurs états
généraux.
Voulant clore les hostilités avec Édouard Ier d'Angleterre,
Philippe IV promit sa fille, Isabelle de France, au futur Édouard
II d'Angleterre, et ce, malgré sa victoire militaire en Guyenne
(1294-1299). Puis il tenta d'annexer la Flandre, dont il emprisonna
le comte, Gui de Dampierre (1300), pour lui substituer Gui de Châtillon.
Le comté se souleva et des officiers capétiens furent
massacrés à Bruges. Après la défaite de
Courtrai, à la bataille des Éperons d'or (1302), il remporta
celle de Mons-en-Pévèle (1304) et acquit Lille, Douai
et Béthune au traité d'Athis-sur-Orge (1305).
O
pposé à l'ingérence
pontificale dans les affaires du royaume, Philippe le Bel entra en
conflit avec le pape Boniface
VIII pour avoir tenté de lever des impôts sur le clergé.
Par la bulle Clericis laicos (1296), le pape interdit aux clergés
français et anglais le versement de subsides à un pouvoir
laïque. Philippe le Bel répliqua alors en prohibant l'exportation
de pièces d'or et d'argent, privant ainsi le pape des revenus
français. En 1301, l'arrestation par le roi de l'évêque
de Pamiers, Bernard Saisset, raviva le conflit un temps apaisé et
suscita le rappel par Boniface VIII, de la suprématie pontificale
(bulle Ausculta fili, 1301) et la convocation d'un concile. Philippe
le Bel, quant à lui, réunit une assemblée des
trois états (1302) qui assurèrent leur souverain de leur
soutien et empêchèrent les évêques de se
rendre au concile. Par la bulle Unam sanctam, le pape rappela sa suprême
autorité et s'apprêtait à excommunier le roi, lorsqu'il
fut fait prisonnier dans son palais d'Anagni, le 7 septembre 1303,
par Guillaume de Nogaret et les Colonna, ennemis du pape (voir attentat
d’Anagni). Délivré par ses partisans, le 9 septembre,
Boniface mourut à Rome le 11 octobre. Le conflit ne prit véritablement
fin qu'en 1305, lorsque Philippe le Bel imposa un Français à la
tête de l'Église, Clément V, qui le déclara
innocent des événements d'Anagni et annula toutes les
décisions qu'avaient prises Boniface VIII à son encontre.
Achevant d'assujettir la papauté à la tutelle monarchique,
Philippe le Bel décida son installation à Avignon (1309,
voir papauté en Avignon). Cette mesure, voulue à titre
provisoire, devait se prolonger jusqu'en 1377.
Philippe le Bel mourut
le 29 novembre 1314 à Fontainebleau, à la
suite d'un accident de chasse. Son corps repose dans la crypte de la
basilique de Saint-Denis, près de la tombe de son aïeul
Louis IX. Ses trois fils, Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles
IV le Bel gouvernèrent successivement après lui.
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1314 -1316
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LOUIS X le HUTIN
Roi France et de Navarre
Né à Paris 1289 - mort à Vincennes
en 1316
Fils de Philippe Le Bel et de Jeanne
de Navarre
Epouse Marguerite de Bourgogne
Enfants : Jean Ier le Posthume, Jeanne
de Navarre
Fils aîné de Philippe le Bel et de Jeanne de Navarre,
Louis X hérite d’un domaine agrandi (la Champagne
et le royaume de Navarre), d’une souveraineté renforcée,
mais aussi des problèmes qui ont freiné l’action
de son père à la fin de son règne. Sa première
femme, Marguerite, fille de Robert II duc de Bourgogne, épousée
en 1305, est mêlée au scandale de la tour de Nesle. Elle
meurt, étouffée dans des conditions mystérieuses, à Château-Gaillard.
Louis X, aux yeux de l’opinion largement informée,
apparaît plutôt comme un roi fragile et malchanceux. Son
avènement favorise une recrudescence de l’agitation. En
fait, face à une situation économique et politique difficile,
l’apparente résignation du roi le sert. L’expansion
de la société féodale (XIe-XIIIe s.) atteint alors
ses limites. La crise de subsistance de 1315-1317 marque le retournement
de la conjoncture. Des milliers de personnes meurent de faim dans le
nord du royaume. La hausse des prix, encore accélérée
par la crise, provoque un mécontentement général.
Les revendications sont surtout politiques. La petite noblesse en est
le moteur. Des ligues, constituées dès 1314, pays par
pays, présentent leurs doléances dans de longs rouleaux.
Les nobles ruinés par la hausse des prix, n’admettent
pas que l’administration royale locale empiète sur leurs
pouvoirs et réduise leurs finances. Plutôt que de briser
la résistance, Louis X choisit de négocier. Avec
habileté, il met les abus sur le compte des officiers royaux
et joue sur les particularismes locaux. Il octroie ainsi une série
de chartes provinciales dans lesquelles il prend soin de réserver
ses droits de roi. Le mouvement, peu cohérent, est vite désamorcé.
Mais, quand Louis X disparaît de façon prématurée,
deux graves problèmes ne sont pas résolus. Les grands,
hostiles aux méthodes de gouvernement de Philippe le Bel, et
en particulier à l’entrée des légistes au
Conseil, obtiennent, en 1315, l’exécution de l’impopulaire
Enguerrand de Marigny. Le roi le sacrifie à la vindicte de tous.
Cependant, les grands, menés par l’oncle du roi, Charles
de Valois, ne désarment pas. Ils veulent à nouveau dominer
le Conseil et diriger à leur profit les affaires du royaume.
Mais, surtout, Louis X est le premier Capétien à ne
pas laisser d’héritier mâle. De son premier mariage,
il a eu une fille, Jeanne. Le sort de la monarchie est suspendu à l’héritier
qu’attend sa seconde femme, épousée en 1315, Clémence
de Hongrie. Celui-ci, un garçon, Jean Ier Posthume, ne
vit que quelques jours. Le problème de la succession reste ouvert.
Période de réaction violente sur un arrière-plan
de crise, le règne de Louis X marque le pas dans les progrès
de la monarchie. Le dialogue du roi et de la nation est devenu nécessaire.
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1316
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JEAN Ier le POSTUME
Roi de France et de Navarre pendant...
les 5 jours de sa vie
(15 - 19 novembre)
Fils posthume de Louis X et Clémence
de Hongrie
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1316 - 1322
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PHILIPPE V le LONG
Roi France etde Navarre
Né vers 1293 - mort à Longchamp
en 1322
Deuxième fils de Philippe
Le Bel
Epouse Jeanne de Bourgogne
Enfants : Jeanne, Marguerite, Isabelle,
Philippe (mort en 1321), Louis (mort en 1316)
Frère de Louis X, deuxième fils de Philippe le
Bel et de Jeanne de Navarre, Philippe V prend le pouvoir dans
des conditions douteuses. En attendant la naissance de Jean Ier,
il se déclare aussitôt régent du royaume et devient
roi à la mort de ce dernier. Lettré, il a le sens du
pouvoir. Son esprit de décision l’emporte sur les oppositions
qu’il rencontre. À l’extérieur, il règle
par la paix le problème flamand (paix du 2 juin 1320). À l’intérieur,
tout en confirmant les chartes provinciales accordées par son
frère, il centralise les institutions pour les rendre plus efficaces.
L’Hôtel du roi, le Parlement, la Chambre des comptes sont
réorganisés. Au Trésor, à Paris, convergent
les recettes. Le roi tente, malgré l’opposition des seigneurs
du Midi, d’imposer une monnaie commune dans l’ensemble
du royaume. Mais, pour mener à bien sa tâche, il lui faut
compter avec les ambitions des grands et l’avis des assemblées
d’états. Vingt-quatre grands seigneurs siègent
en priorité au Conseil où ils contrôlent la nomination
des baillis et des sénéchaux, les donations et les mouvements
de fonds. Mais, surtout, aucun progrès de l’État
n’est possible sans l’accord des assemblées. Soit
générales, soit partielles, celles-ci consentent aux
impôts. Bureaucratisation galopante, train de vie accru, hausse
vertigineuse des prix : les revenus tirés du domaine royal
ne suffisent plus. La crise économique se résorbe lentement.
Le pays connaît les révoltes de la misère, celle
des pastoureaux, notamment, paysans déracinés et jeunes
qui se font tailler en pièces dans une répression violente,
comme les juifs et les lépreux qui sont autant de boucs émissaires.
Philippe V, plus que ses prédécesseurs, est obligé de
demander le consentement de ses sujets pour mettre en place une politique
de revenus extraordinaires. Ces procédés, nourris aux
idées démocratiques, favorisent le développement
de l’opinion publique. Les assemblées d’états
se mêlent aussi des affaires essentielles du royaume. Ce sont
elles qui, en 1317, déclarent que les femmes ne succèdent
pas à la couronne de France. C’est au cours de leurs discussions
que naît l’idée de réformer le royaume. Passéiste,
leur idéal est celui d’un retour à l’âge
d’or du « bon roi Saint Louis ». Ainsi
s’amorcent les principales revendications politiques du XIVe
siècle. Comme Philippe V meurt en laissant seulement des
filles de son mariage avec Jeanne, fille du comte palatin de Bourgogne
Otton IV, ces idées trouvent dans une royauté fragile
un terrain favorable à leur développement.
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CHARLES IV Le BEL
Roi France et de Navarre
Né à Clermont en 1294
- mort à Vincennes en 1328
Marié trois fois : Blanche
de Bourgogne, Marie de Luxembourg, Jeanne d'Evreux
Enfants : Jeanne, Louis, Jeanne,
Marie, Blanche
Le plus jeune des fils de Philippe le Bel, Charles
de la Marche, prend la succession de son frère Philippe V, mort sans héritier
mâle, selon le précédent créé en
1317. Le scandale de la tour de Nesle après lequel il obtient
l’annulation de son mariage avec Blanche de Bourgogne n’atteint
pas le prestige du nouveau roi. Son voyage en Languedoc en 1324 est
une suite de fêtes royales qui contribuent à sa popularité.
Pour gouverner, il doit, comme ses frères, consentir aux exigences
de réformes soutenues par la noblesse et le clergé. Les
réformateurs généraux pour l’ensemble du
royaume et surtout ceux de la ville et vicomté de Paris poursuivent
leur tâche. Les charges financières et judiciaires accordées
gratuitement sont restituées. Les officiers de la Chambre des
comptes, du Parlement, des Requêtes de l’hôtel, de
la Chancellerie et du Châtelet sont surveillés ;
leur office réformé. Mais l’action des réformateurs
ne freine ni la bureaucratisation, ni l’intrusion des bourgeois
parisiens et auvergnats et, surtout, des compagnies italiennes dans
les mouvements de fonds royaux. La recherche de moyens financiers reste
un problème majeur. Mutations monétaires, impôts
sur les marchandises, dîme levée avec l’accord du
pape en prétendant partir à la croisade (1323), confiscation
des biens des financiers italiens, octroi de chartes de communes sont
autant d’expédients. Mais, à la mort de Charles IV,
d’autres problèmes restent en suspens. Après avoir
prononcé la confiscation de la Guyenne (1324), faute d’avoir
reçu l’hommage du roi anglais Édouard II,
guerres et négociations se succèdent dans le Sud-Ouest.
En 1327, profitant de la faiblesse de la royauté anglaise, Charles IV
impose un accord draconien : 50 000 marcs d’indemnité de
guerre, 60 000 livres de relief ; les terres sont occupées
en attendant le paiement de la somme. La mort de Charles IV risque
de compromettre ce succès, d’autant qu’Édouard III,
son neveu, est candidat à la couronne de France puisque le roi
ne garde que des filles de ses deux mariages, avec Marie de Luxembourg
(1322) et Jeanne d’Évreux (1324).
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LES
VALOIS DIRECTS
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Cette branche de
la dynastie des Capétiens accèdes au trône de
France en 1328 avec Philippe VI, fils de Charles de Valois et neveu
de Philippe IV le Bel, dont les trois fils étaient morts sans
descendance mâle.
Le nouveau roi
est choisi parmi les grands du royaumes, de préférences
au roi d'Angleterre Edouard III, pourtant petit-fils par sa mère
Isabelle de Philippe IV le Bel.
La dynastie des
Valois règne sur la France de 1328 à 1589.
Trois branches
en sont issues. les Valois directs, de 1328 à 1498, donnent
sept rois de France, de Philippe VI à Charles VIII. C'est à nouveau
une succession de père en fils pendant 170 ans.
Cette période
très difficile est marquée par la guerre de Cent
Ans, la détention du roi Jean II le Bon, la folie de Charles
VI et la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons.
La seconde moitié du
XVème siècle voit le redressement de l'autorité monarchique
avec CHarles VII (1422 - 1461) et Louis XI (1461 - 1483).
En 1498, Charles
VIII meurt sans héritier mâle et la couronne passe
au plus proche prince du sang vivant, son cousin le duc d'Orléans,
qui règne sous le nom de Louis XII.
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1328 - 1350
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PHILIPPE VI de VALOIS
Roi France
Né en 1293 - mort en 1350
Marié deux fois : en 1313
à Jeanne de Bourgogne ; en 1349 à Blanche de Navarre
Enfants
: Jean II le Bon, Marie, Louis, Jean, Philippe
Premier souverain
de la branche des Valois qui réussit à agrandir
le domaine royal, mais entraîna la France dans la guerre de Cent
Ans. Son règne, à bien des égards désastreux,
fut marqué par une crise économique persistante.
Fils de Charles de Valois et de Marguerite de Sicile, neveu de Philippe
IV le Bel et petit-fils de Philippe III, Philippe de Valois fut nommé régent
au mois de février 1328, à la mort de son cousin germain,
Charles IV, dernier des Capétiens directs, dont l’épouse était
enceinte. Lorsque cette dernière accoucha d’une fille, le
1er avril 1328, se posa le problème de la succession au trône
de France.
Philippe de Valois se vit opposer deux autres candidats : Philippe
d’Évreux,
petit-fils de Philippe III, qui réclamait l’héritage
pour le compte de sa femme, Jeanne, fille de Louis X, et Édouard
III, roi d’Angleterre, petit-fils de Philippe IV par sa mère,
Isabelle de France. Réunis le 8 avril, les barons, sensibles au
fait que seul Philippe de Valois était un prince français,
réutilisèrent l’argument selon lequel « femme
ne succède pas au royaume de France », déjà évoqué lors
de la succession de Louis X, pour le porter au pouvoir. Sacré à Reims à la
fin du mois de mai, Philippe VI, désireux d’éviter
toute contestation future, céda en dédommagement la Navarre à Philippe
d’Évreux et à son épouse, mais se fit reconnaître
la possession de la Champagne.
Dès le mois de juin, le nouveau roi, sollicité par son
vassal Louis de Nevers, comte de Flandre, en butte à une révolte
des bourgeois flamands, convoqua l’ost pour le 22 juillet, et remporta
en août la victoire de Cassel, qui fit beaucoup pour asseoir son
prestige. Dès le début de son règne, cependant,
il fut confronté à l’hostilité d’Édouard
III, antagonisme qui fut la source d’un conflit dont les conséquences
devaient se faire sentir durant un siècle.
La querelle se cristallisa d’abord sur la question de la Guyenne,
possession anglaise dont Édouard III refusait de rendre hommage
au roi de France, position qu’il conserva lors de l’entrevue
d’Amiens, au mois de juin 1329, et sur laquelle il n’accepta
de revenir partiellement qu’au mois de mars 1331. Profitant de
cette période de paix, Philippe VI s’engagea dans des préparatifs
pour une nouvelle croisade, dont le projet, faute de moyens, fut définitivement
abandonné en 1336.
La même année, les relations avec l’Angleterre se
détériorèrent de nouveau. La politique agressive
de Philippe VI, dont les agents multipliaient les vexations à l’égard
de l’administration anglaise en Guyenne, ainsi que le soutien apporté en Écosse à David
Bruce contre le prétendant appuyé par Édouard III
déterminèrent celui-ci à tenter une manœuvre
d’intimidation : contre le comte de Flandre, allié de la
France, il décréta l’interdiction d’exporter
de la laine anglaise en Flandre, provoquant une grave crise dans le commerce
du drap, qui constituait la principale source de richesse de la Flandre.
Ce premier acte hostile déclencha une série d’escarmouches
isolées entre troupes françaises et anglaises.
En 1337,
le conflit prit un tour nouveau avec la confiscation de la Guyenne
par Philippe VI, tandis qu’Édouard III se mettait à faire
valoir ses droits d’héritier de la couronne de France. Malgré la
médiation du pape, la guerre de Cent Ans s’engagea. Celle-ci
débuta fort mal pour la France, car le roi d’Angleterre
disposait de solides appuis, dont celui de l’empereur germanique
Louis IV de Bavière et, en Flandre, celui de la bourgeoisie marchande,
regroupée derrière un drapier, Jacques Van Artevelde, qui
prit la tête du parti favorable aux Anglais.
Après le ravage de la Thiérache par les Anglais, en 1339, Édouard
III, qui avait substitué sur son sceau les armes de France à celles
d’Angleterre, arma une flotte qui rencontra les navires français à l’Écluse,
près de Bruges, le 24 juin 1340, bataille où les Français
furent écrasés. Dès le mois de septembre, cependant,
la trève d’un an, signée à Esplechin, sembla
annoncer une paix durable, d’autant que le ralliement de Louis
de Bavière à Philippe VI était susceptible de
calmer les ardeurs anglaises.
La mort de Jean II, duc de Bretagne, le 30 avril
1341, ouvrit un nouveau front : Philippe VI apporta en effet son soutien à la nièce
du duc, Jeanne de Penthièvre, épouse de Charles de Blois,
contre Jean de Montfort, demi-frère du duc et protégé par
le roi d’Angleterre.
Les opérations militaires, favorables à Charles de Blois
qui parvint à s’emparer de son adversaire et à l’emprisonner à Nantes,
poussèrent à la rupture de la trève d’Esplechin.
Cependant, après l’échec du siège de Vannes
par Édouard III, en 1342, la trève de Malestroit, en janvier
1343, se solda par la libération de Jean de Montfort, sans régler
la question de la succession de Bretagne. Philippe VI, de son côté,
fit exécuter Olivier de Clisson et une douzaine de gentilshommes
bretons qu’il accusait de collusion avec les Anglais, tandis
que la guerre reprenait en Bretagne.
En mai 1345, Édouard III renouvela son défi au roi de France
; les hostilités gagnèrent la Flandre et la Guyenne, et,
en juillet 1346, le roi d’Angleterre, débarqué à Saint-Vaast-la-Hougue,
prit Caen et passa la Somme. Le choc entre les deux armées, qui
eut lieu à Crécy le 26 août 1346, tourna à l’avantage
de l’Angleterre qui, pour la première fois, utilisa l’artillerie
dans une bataille. Les troupes anglaises, dont une partie se porta vers
la Bretagne où Charles de Blois fut battu en juin, vinrent ensuite
mettre le siège devant Calais, perdue pour la France en août
1347. Entre les deux pays, affaiblis par ces longues années de
guerre, qu’aggravait en France l’épidémie de
Peste noire, une trève fut conclue au mois de septembre, puis
fut renouvelée l’année suivante.
Philippe VI réussit à augmenter le domaine royal des comtés
de Valois, de Chartres, du Maine et de l’Anjou, apanages de sa
maison, à obtenir la Champagne et la Brie, et, par achat, le Dauphiné et
la ville de Montpellier. Mais son règne fut marqué par
de constantes difficultés économiques, qui l’obligèrent à généraliser
en 1341 un impôt sur le sel, la gabelle, à emprunter des
sommes de plus en plus importantes au pape et à dévaluer
la monnaie à plusieurs reprises. Ces mesures fort impopulaires
contribuèrent à le discréditer.
En 1347-1348, la Peste noire, qui fit des dizaines de milliers de victimes,
vint s’ajouter au fléau de la guerre et fut la cause directe
de la grande famine de 1349, aucune récolte n’ayant pu être
préparée.
Mort à l’abbaye de Coulomb, près de Nogent-le-Roi
le 22 août 1350, Philippe VI laissait un royaume exsangue, menacé par
les appétits anglais. Marié d’abord à Jeanne
de Bourgogne, qui lui donna deux fils, dont son successeur, Jean II le
Bon, Philippe VI avait épousé après son veuvage,
en 1348, sa cousine Blanche, fille du roi de Navarre.
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1350 -1364
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JEAN II Le BON
Roi France
Né en 1319 - mort en 1364
Marié deux fois : en 1332
à Bonne de Luxembourg, fille du roi Hean de Bohême; en
1350 à Jeanne d'Auvergne.
Enfants : Charles V le Sage, Louis,
Jean, Philippe,Jeanne, Marie, Agnès, Marguerite, Isabelle
Fils aîné de Philippe VI de Valois et de Jeanne
de Bourgogne, Jean fut duc de Normandie, puis roi le 22 août 1350.
Excellent chevalier, sa bravoure lui interdit la fuite qui avait sauvé son
père à Crécy. D’intelligence probablement
médiocre, il ne put éviter de graves maladresses qui
lui aliénèrent le plus souvent le concours des états,
maîtres de lui refuser les ressources financières pourtant
indispensables au gouvernement. Hésitant entre la noblesse réformatrice,
les bourgeois avides de promotion et les officiers au dévouement
intéressé, il ne sut ni choisir ni jouer de leurs rivalités,
et c’est à la faveur de sa captivité que la noblesse
prit pour un temps le contrôle des rouages essentiels de l’État.
Il se brouilla avec les lignages les plus influents en faisant procéder à des
exécutions sommaires, comme celle du connétable Raoul
de Brienne (1350), envenima l’hostilité de son cousin
le roi de Navarre, Charles le Mauvais, par d’inutiles spoliations,
et humilia son propre fils, le futur Charles V, en faisant arrêter
le Navarrais à Rouen alors qu’il y était l’hôte
du jeune duc de Normandie.
Vaincu et pris par les Anglais à Poitiers le 19 septembre 1356
, il fut libéré après la conclusion du traité de
Brétigny-Calais (1360), qui coûtait la moitié du
royaume et une rançon de trois millions de livres. En janvier 1364,
le roi Jean retourna en Angleterre prendre la place de son fils Louis
d’Anjou, qui avait abandonné son rôle d’otage.
Pendant la première captivité du roi, la France fut en
proie à la révolte parisienne d’Étienne
Marcel et à la Jacquerie.
La ferme reprise en mains du gouvernement par le régent Charles,
le discrédit des états généraux après
leurs excès et le début du rétablissement militaire
font des dernières années de ce règne le prélude à celui
de Charles V. Mais, si Jean le Bon n’y a guère de
part, il ne porte pas davantage seul la responsabilité des catastrophes
accumulées pendant son règne et que les difficultés
rencontrées par Philippe VI annonçaient depuis vingt ans.
Souvent critiquée, la décision de donner en apanage à son
fils Philippe le duché de Bourgogne, venu à la Couronne
par héritage, comportait sur le moment plus d’avantages — adhésion
des Bourguignons, obstacle à l’intrusion du Navarrais
dans l’affaire — que d’inconvénients,
puisque la rivalité des maisons de France et de Bourgogne était
imprévisible. Sans doute exagérément accablé par
la postérité critique, comme exagérément
loué par l’imagerie populaire, Jean le Bon est encore
un sujet de controverse entre les historiens.
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1364 - 1380
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CHARLES V Le SAGE
Roi France
Né en 1338 - mort en 1380
Marie en 1350 à Jeanne de
Bourbon (9 enfants)
Enfants : Charles VI le Fol, Jeanne,
Bonne, Jeanne, Marie, Isabelle, Catherine, Louis, duc d'Orléans, Jean
Fils aîné de Jean II le Bon et de Bonne de Luxembourg,
le futur Charles V fut le premier fils de France à porter
le titre de dauphin de Viennois, en même temps que celui de duc
de Normandie. Présent aux côtés de son père
pendant la bataille de Poitiers, il dut ensuite, comme lieutenant du
roi, puis comme régent, gouverner le royaume pendant la captivité du
roi Jean. C’est alors que le dauphin Charles dut faire face aux
prétentions politiques des états généraux
de 1356 et 1357, à la rébellion parisienne qu’animait
le prévôt des marchands Étienne Marcel, à l’hostilité permanente
du roi de Navarre, dont les droits à la couronne de France avaient été trop
rapidement écartés en 1328, et à la jacquerie
qui soulevait les paysans de la région parisienne contre les
propriétaires et les créanciers. Les excès de
ces différents mouvements finirent par les discréditer,
et le dauphin avait parfaitement repris en main le pouvoir lorsqu’il
fallut mener à leur terme les négociations consécutives à la
victoire anglaise de 1356. Pour désastreux qu’il fût,
le traité de Brétigny-Calais (1360), qui amputait la
France d’une moitié de son territoire et la soumettait
au paiement d’une énorme rançon en échange
de la personne du roi, offrait cependant une pause dont Charles, dauphin
puis roi en 1364, s’entendit à profiter pour remettre
le royaume en état de reprendre la guerre.
Charles V fut un homme de cabinet. Diplomate et spéculateur
prudent plus que grand capitaine, il se méfiait des coûteuses
vertus militaires et prêtait volontiers l’oreille aux conseils
des clercs et des universitaires. Un demi-siècle après
le temps des conseillers de Philippe le Bel, ce fut le règne
d’une nouvelle génération de légistes, théoriciens
et apologistes d’un gouvernement monarchique tempéré par
le conseil des sages (Philippe de Mézières), voire théoriciens
des droits utiles du souverain et de l’usage des mutations monétaires
(Nicolas Oresme, évêque de Lisieux et traducteur d’Aristote).
Se défiant des princes et des grands féodaux, le roi
s’entoura surtout de bourgeois, d’hommes de robe et de
petits seigneurs provinciaux.
Fin lettré, amateur de poésie et de musique, Charles V
fit de Paris une capitale dont le rayonnement ne se limita pas au domaine
politique. Il transforma le vieux donjon du Louvre, qui datait de Philippe
Auguste, en lui adjoignant deux corps de logis, avec galeries de promenade
et appartements intimes. Dans l’une des tours d’angle,
il établit la bibliothèque royale, très rapidement
enrichie de manuscrits précieux et de textes rares auxquels
les savants eurent libéralement accès. À l’autre
bout de la ville, entre la rue Saint-Antoine et la Seine, il fit aménager
pour sa résidence personnelle un ensemble de petits hôtels
reliés par des galeries à travers des jardins, que l’on
appela l’hôtel Saint-Paul. C’était à la
fois le témoignage d’un nouvel urbanisme monumental et
celui d’un nouvel art de vivre princier. Pour des raisons de
sécurité, en revanche, celui qui, dans sa jeunesse, avait
dû quitter subrepticement Paris, faute de pouvoir contrôler
la ville et de pouvoir y résister à l’émeute,
entreprit une enceinte qui doubla, sur la rive droite, la superficie
englobée par la vieille muraille de Philippe Auguste. Cette
enceinte fut appuyée, à l’est, par la forteresse
de la bastide Saint-Antoine, couramment nommée la Bastille.
Un prévôt énergique, Hugues Aubriot, tint la ville
sous l’autorité royale.
La situation financière fut assainie par la création
du franc (27 juill. 1364), pièce d’or pur valant une livre
tournois, ce qui faisait coïncider, comme au temps de Saint Louis,
la monnaie réelle et la monnaie de compte. Après un ajustement
en 1365, la monnaie demeura inchangée jusqu’en 1385. La
fin des spéculations monétaires, le retour à la
sécurité des créances et la bonne renommée
des espèces royales furent, pendant une génération,
portés à l’actif de la politique de Charles V
et de ses conseillers. Mais, dans le même temps, la préparation
de la guerre et de la récupération des territoires perdus
en 1360, de même que le paiement de la rançon du roi Jean,
poursuivi longtemps après la mort du prisonnier, contraignirent
Charles V à renforcer des exigences fiscales qui nécessitèrent
la mise en place d’une administration particulière, celle
des aides, distincte de l’administration du Trésor qui
gérait le domaine royal. Négociées avec des assemblées
réunies à des niveaux très divers (villes, bailliages,
diocèses, provinces, voire états généraux),
les aides devinrent en fait presque permanentes.
Le répit procuré par le traité de Brétigny-Calais
et l’assainissement financier permirent au roi d’organiser
son armée, de se doter d’une artillerie et d’une
marine, de faire restaurer les enceintes urbaines et les forteresses
et d’assurer la soumission de la féodalité. Pour
commander son armée, il trouva des capitaines de petite noblesse
mais de grande réputation, comme le Breton Bertrand du Guesclin,
connétable en 1370, ou comme le Bourguignon Jean de Vienne,
amiral de France en 1373.
Avant de reprendre la lutte ouverte contre l’Angleterre, Charles V
mit fin à l’insoumission de son cousin, le roi de Navarre
Charles le Mauvais, dont l’armée, que commandait le captal
de Buch, fut vaincue à Cocherel (1364) et qui perdit rapidement
la plupart des places fortes qu’il tenait sur la basse Seine.
Une habile transaction (traité d’Avignon, 1365) dédommagea
le Navarrais, qui reçut les droits du roi sur Montpellier. Charles V
mit également fin à son intervention dans la succession
de Bretagne et, en reconnaissant le duc Jean IV de Montfort, il priva
les Anglais d’un prétexte à débarquement
(traité de Guérande, 1365). Cependant, le frère
du roi, Philippe, recueillait en 1363 la succession du duc de Bourgogne
et épousait en 1369 l’héritière du comté de
Flandre. Une alliance avec l’empereur Charles IV renforça
la sécurité du royaume vers l’est. Au Sud, le soutien
apporté au roi de Castille Henri de Trastamare contre son concurrent
Pierre le Cruel procurait, contre la Guyenne anglaise, une alliance
de revers en même temps qu’un appui maritime.
Le maintien de l’ordre intérieur importait autant pour
l’affermissement de l’autorité royale que pour le
rétablissement d’une situation économique bouleversée
par la guerre et par les effets démographiques de la peste noire
de 1348-1350. Charles V s’employa pendant tout son règne à débarrasser
le royaume des bandes de brigands que constituaient les compagnies
engagées pour les campagnes et amenées par la force des
choses à vivre de rapine, une fois la campagne terminée.
Le fisc royal supportait les conséquences de la charge qui pesait
de ce fait sur les villes, obligées de se défendre et
de payer rançon à tout propos pour n’être
pas saccagées. Malgré l’aide du pape, le roi ne
réussit pas à détourner vers les Turcs de Hongrie
l’énergie des compagnies, car l’empereur leur refusa
le passage. En emmenant quelques compagnies combattre en Castille,
Du Guesclin n’en débarrassa le royaume que pour un temps
très bref. Cette lutte contre les compagnies absorba une bonne
part des capacités militaires et financières du royaume.
Pour remettre en cause le traité de 1360, Charles V tira
profit du mécontentement des seigneurs gascons qui, contre les
abus de l’administration anglaise et surtout du fisc du Prince
Noir, firent appel à leur suzerain le roi. La commise (confiscation
féodale) du duché de Guyenne fut prononcée en
1369 et la reconquête fut menée très rapidement
(1369-1372), grâce à la complicité des villes,
qui ouvrirent généralement leurs portes au roi de France
par haine du fisc anglais. Le duc de Bretagne ayant pris parti pour
l’Angleterre, Du Guesclin occupa la Bretagne en 1373. Le duc
d’Anjou prit La Réole, dernière place couvrant
Bordeaux, en 1374. Jean de Vienne emporta la place navarraise de Saint-Sauveur-le-Vicomte
en Normandie, après un long siège où l’artillerie
joua un rôle décisif (1375). Lorsqu’en 1380 moururent
successivement Du Guesclin et Charles V, les Anglais ne gardaient
de leurs acquisitions de 1360 que Bordeaux et la Gascogne.
Sage mais énergique, lettré mais très réaliste,
Charles V rendit à la couronne son prestige. Mais il assurait
la stabilité monétaire en négligeant la récession
et ses conséquences sociales. Il doutait de son droit à lever
l’impôt, en sorte qu’à son lit de mort, pour
le salut de son âme, il priva son fils des ressources « extraordinaires » sans
lesquelles un roi ne pouvait plus gouverner. En reconnaissant Clément
VII comme pape, au lendemain de l’élection contestée
de 1378, il contribua d’autre part à perpétuer
le Grand Schisme d’Occident, qui allait durer quarante ans. Bien
des difficultés qui devaient apparaître sous Charles VI étaient
donc en germe parmi les succès indéniables du règne
de Charles V.
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1380 - 1422
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CHARLES VI Le FOU
Roi France
Né en 1368 - mort en 1422
Marié en 1385 à Isabeau
de Bavière (12 enfants)
Enfants : Charles VII le Victorieux,
Charles (mort en 1386), Charles (mort en 1401), Louis (mort en 1415),
Jean (mort en 1417), Philippe (mort en 1407),
Jeanne, Isabelle d'Orléans, Jeanne, Marie, Michelle, Catherine
Fils aîné de Charles V et
de Jeanne de Bourbon. Les oncles de Charles VI, les ducs de
Bourgogne, d’Anjou, de Berry et de Bourbon, gouvernèrent
pendant sa minorité et cherchèrent à tirer le
maximum de profit du pouvoir. Majeur en 1388, Charles VI remercia
ses oncles et rappela au gouvernement les anciens conseillers de
son père, les Marmousets ; mais la folie du roi, dont
la première crise eut lieu en août 1392, permit aux
ducs de Bourgogne et de Berry, et au duc d’Orléans,
frère du roi, de se disputer à nouveau le pouvoir.
La guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, à partir
de 1405, conduisit à l’intervention étrangère
et au traité de Troyes (1420), par lequel Charles VI, à peine
conscient de ce qui se passait pendant ses longues périodes
d’aliénation et désormais soumis en tout au duc
de Bourgogne et à la reine Isabeau de Bavière, déshérita
son propre fils, le futur Charles VII, qui fut déclaré bâtard
au profit du roi d’Angleterre Henri V.
Charles VI n’avait été qu’un simple
figurant dans les événements de l’histoire de son
enfance, les convocations des états, le difficile rétablissement
des impôts, la révolte et le châtiment de Gand,
de Rouen, de Paris et d’autres villes (1382). Il n’eut
guère d’autre rôle pendant les brèves rémissions
qui lui permirent de tenir à certains moments sa place, en particulier
en 1413 dans la crise cabochienne.
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1422 - 1461
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CHARLES VII Le VICTORIEUX
Roi France
Né en 1403 - mort en 1461
Marié en 1422 à Marie
d'Anjou (13 enfants ; il aura également 3 enfants avec
sa maîtresse
Agnès Sorel).
Enfants : Louis XI le Prudent, Jean,
Jacques, Philippe, Charles, Radegonde, Catherine, Jeanne, Yolande, Marie, Jeanne, Madeleine
Fils de Charles VI et d’Isabeau de Bavière, le futur
Charles VII était comte de Ponthieu et devint dauphin de
Viennois à la mort de son frère Jean en 1417. Il apparut
donc tardivement aux côtés de Bernard d’Armagnac,
comme le chef du parti hostile à la politique réformatrice
et souvent démagogique du duc de Bourgogne, parti lui-même
discrédité par la violence de la réaction anticabochienne
des années 1413-1418. Éloigné de Paris par la
domination bourguignonne en 1418, puis déshérité par
son père et déclaré bâtard par sa mère
(traité de Troyes, 1420), il prit cependant le titre de roi à la
mort de Charles VI (21 octobre 1422), mais il ne fut vraiment
reconnu comme tel qu’après le sacre. Jusque-là,
l’usage courant de la Cour ne lui accordait que le titre de dauphin.
É
tabli en Berry et en Touraine (notamment à Loches et à Chinon),
Charles VII était fort de la fidélité des
provinces du Centre et du Languedoc, d’où il tira l’essentiel
de ses ressources. Pour gouverner, au contraire, il dut improviser
avec un personnel généralement nouveau et peu au fait
des affaires. Le Parlement qu’il organisa à Poitiers et
la Chambre des comptes qui fut établie à Bourges furent,
pour l’essentiel, peuplés d’officiers naguère éliminés à Paris
par les Bourguignons, de telle sorte que l’administration fut
plus facilement efficace que le gouvernement. La défection d’officiers
demeurés à Paris et tardivement ralliés à Charles VII
renforça, surtout à partir de 1430, les structures administratives
de la monarchie.
L’intervention de Jeanne d’Arc et l’énergie
de quelques capitaines, parmi lesquels le bâtard de Louis d’Orléans,
Dunois, sauva Charles VII de la catastrophe qu’eût été la
prise d’Orléans par les Anglais, symbole de la résistance à l’étranger.
Le sacre de Reims (17 juill. 1429), terme d’une randonnée
où purent se manifester la fidélité des populations
(il n’y eut de réticences qu’à Troyes) et
parfois leur enthousiasme, apparut surtout comme le jugement de Dieu,
reconnaissant la légitimité de l’héritier,
auquel l’opinion publique fut d’autant plus sensible que
le prétendant anglais Henri VI dut se contenter, deux ans
plus tard, d’un sacre parisien, faute de pouvoir gagner Reims
en toute sécurité.
La reconquête des régions au nord de la Loire fut entreprise
dès le temps de Jeanne d’Arc. La réconciliation
de Charles VII et du duc de Bourgogne, rendue possible par la
modération des deux princes et par l’obstination des Anglais
(traité d’Arras, 1435), facilita la reprise des villes
où l’adhésion au parti bourguignon ne soutenait
plus la résistance militaire de garnisons anglaises souvent
insuffisantes. Paris fut livré par les Parisiens aux troupes
de Richemont (1436). La chute de Pontoise, en 1441, permet le rétablissement
des relations avec le nord du royaume. Le pays de Caux et la région
de Vire se soulevèrent. Les Anglais négocièrent
une trêve (Tours, 1444), que le roi de France mit à profit
pour renforcer sa puissance. Il réorganisa en particulier son
armée et resserra l’alliance bretonne, précieuse
pour la reconquête de la Normandie. Au cours de la dernière
phase de la guerre (1449-1453) furent successivement occupées
la Normandie (Formigny, 1450) et la Guyenne (Castillon, 1453), où le
roi eut l’habileté de confirmer les privilèges
et d’empêcher toute réaction contre les anciens
fidèles du Lancastre. Rares furent ceux qui jugèrent
opportun de fuir en Angleterre.
Le règne de Charles VII n’est pas seulement un difficile
parcours de l’humiliation à la victoire. C’est aussi
le temps de l’organisation définitive d’institutions
essentielles au gouvernement monarchique. Ayant obtenu des assemblées
locales et des états généraux ou provinciaux les
impôts nécessaires au financement de la guerre, Charles VII
sut, avec l’aide de Jacques Cœur, son grand argentier, habituer
ses sujets à la permanence de l’impôt et put, dès
le milieu du siècle, éviter de convoquer les états
généraux et se passer du consentement qui semblait indispensable
pour la levée de toute ressource extraordinaire. L’impôt
permanent, c’était la reconnaissance d’un droit
monarchique étranger au droit coutumier selon lequel le roi
devait vivre de son revenu domanial, comme une personne privée.
C’était aussi le moyen d’une puissance assurée
par une force militaire permanente. Dès 1445, Charles VII
dotait son armée de structures adaptées au maintien d’une
force armée en tout temps : les compagnies de l’ordonnance étaient
soldées régulièrement, cependant que les autres
compagnies étaient dissoutes, la guerre finie ; les unes
assuraient la soumission des autres. L’efficacité des
grandes institutions judiciaires et financières fut accrue,
de même que satisfaction fut donnée au particularisme
des provinces, par une multiplication des ressorts qui décentralisa
partiellement la fonction administrative.
La crise du Grand Schisme d’Occident avait été favorable
au renforcement de l’autorité royale sur le clergé français.
La publication en France des canons du Concile de Bâle fournit
l’occasion d’assurer cette autorité : le roi
fit examiner ces canons par l’assemblée réunie à Bourges
en 1438 et il les publia, amendés, en une pragmatique sanction
qui fonda en droit la position du roi comme « première
personne ecclésiastique du royaume ». Ce fut surtout,
pour trois quarts de siècle, la base de négociations
avec la papauté.
Charles VII se méfiait de Paris, où il avait vécu
des jours difficiles dans son enfance. Il fit passer la prévôté des
marchands aux mains d’officiers de justice ou de finance qui
assurèrent la tutelle de la capitale. Pour sa résidence,
le roi continua de préférer les petites villes du Val
de Loire et ses châteaux de Touraine et de Berry. Capitale administrative,
Paris cessa d’être la résidence principale du roi,
de la cour et de l’aristocratie.
La personnalité de Charles a sensiblement évolué en
quarante ans de règne. Médiocrement énergique,
très affecté par la maladie de son père et par
le reniement de sa mère, le roi de Bourges apparaît parfois
comme un velléitaire qui laisse condamner Jeanne d’Arc,
peut-être afin de ménager ses adversaires avec lesquels
il espère traiter. Plus puissant que ses ancêtres et maître
d’un royaume où, passée la tentative féodale
dite de la Praguerie (1440), la monarchie l’emporte sur tout
système de partage de la puissance publique, il apparaît
encore comme très influençable, souvent dominé par
des favoris (Richemont, La Trémoille, Brézé) et
même par sa maîtresse Agnès Sorel, du moins de 1444 à 1450.
Mais la seule faiblesse sérieuse de la fin du règne est
l’insoumission du dauphin Louis, flagrante dès 1447 et
sans cesse aggravée ; à la mort de Charles VII,
le dauphin, futur Louis XI, était en révolte ouverte
et réfugié à la cour de Bourgogne.
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1461 - 1483
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LOUIS XI
Roi France
Né en 1423,- mort en 1483
Fils
de Charles VII et Marie d'Anjou.
Marié deux fois : en 1436
à Margueritte d'Ecosse et en 1451 à Charlotte de Savoie
(7 enfants)
Enfants : Charles VIII, Louis (mort
en bas âge), Joachim (mort en 1459), François (mort
en 1473), Louise, Anne de Beaujeu, Jeanne
Il poursuivit l’œuvre de centralisation et de stabilisation
du royaume engagée par son père, après les ravages
de la guerre de Cent Ans, tout en s’employant à contenir
l’expansionnisme de la maison de Bourgogne.
Né à Bourges, le dauphin Louis fut marié en 1436 à Marguerite
Stuart, fille de Jacques Ier, roi d’Écosse, qui devait
mourir en 1444. En désaccord permanent avec son père,
auquel il reprochait sa liaison avec Agnès Sorel, il participa, à l’âge
de dix-sept ans, à une révolte dirigée contre
les réformes militaires voulues par le roi, la Praguerie, dans
laquelle se trouvaient impliqués les grands seigneurs du royaume,
dont Louis de Bourbon, Dunois et le duc d’Alençon. Pardonné après
l’échec de la Praguerie, le dauphin reçut le gouvernement
du Dauphiné, mais, en 1446, tenta encore de soulever l’Agenais
contre son père.
Banni, assigné à résidence dans son gouvernement
du Dauphiné, où il se montra un remarquable administrateur,
il épousa en secondes noces, malgré l’interdiction
formelle de son père, la jeune Charlotte de Savoie, qui lui
apporta en dot une fortune considérable. Ses intrigues continuelles
le forcèrent finalement à se réfugier à la
cour du duc de Bourgogne, Philippe III le Bon, où il apprit
la mort de son père, en 1461.
Sacré à Reims en juillet de la même année,
le nouveau roi fit son entrée dans Paris et entreprit immédiatement
de se séparer des conseillers de son père. Il les remplaça
par des proches, anciens compagnons d’exil (parmi lesquels Jean
Bourré, qui l’avait secondé dans le Dauphiné),
seigneurs de grande naissance (comme Pierre de Beaujeu, qui deviendra
son gendre, et Georges de La Trémoille) et hommes issus du peuple
ou de la bourgeoisie, qui lui furent toujours fidèles (Tristan
Lhermite, Olivier le Daim, les médecins Jean Choisnet et Pierre
Coitier).
Simple jusqu’à l’excès, profondément
superstitieux, avare et méfiant, seulement passionné par
la chasse et la politique, le roi rompit avec la pratique de ses prédécesseurs,
entretenant une réelle proximité avec le peuple et n’hésitant
jamais, chaque fois qu’il estimait que la grandeur du royaume
l’exigeait, à se dresser contre les grands féodaux.
Louis
XI, soucieux d’étendre les frontières de
son royaume, lança dès 1462 une campagne en Catalogne
contre Jean II d’Aragon, auquel il réussit à arracher
le Roussillon et la Cerdagne ; dans le même temps, il manifesta
son intérêt pour les villes de la Somme, que son père
avait cédées à Philippe de Bourgogne, et qu’il
racheta à ce dernier, au grand mécontentement du fils
du duc Philippe, Charles, comte de Charolais, le futur Charles le Téméraire.
Ne
cessant, par ses initiatives, de menacer les privilèges
de la noblesse, Louis XI suscita contre lui la formation d’un
premier complot, associant des grands féodaux auxquels s’était
joint son propre frère, Charles, duc de Berry. Cette première
conspiration échoua, mais ses membres reçurent, au mois
d’août 1464, le soutien de Charles, comte de Charolais,
qui prit la tête de la ligue du Bien public, à l’origine
d’une véritable rébellion contre l’autorité royale.
Après la bataille de Monthléry, où aucun camp
ne fut réellement vainqueur (1465), le roi signa les traités
de Conflans et de Saint-Maur, par lesquels il abandonnait de nouveau
les villes de la Somme et cédait en apanage la Normandie à son
frère Charles.
Il parvint à lui reprendre cette province dès l’année
suivante, mais dut affronter, en 1467, une nouvelle coalition, regroupant
son frère, ainsi que Charles le Téméraire, nouveau
duc de Bourgogne, Édouard IV, roi d’Angleterre, et François
II, duc de Bretagne ; à ce dernier, il put imposer le traité d’Ancenis
(septembre 1468), l’obligeant à rompre son alliance avec
le Téméraire.
Au cours de la même année, Louis XI, trop sûr de
lui, proposa au duc de Bourgogne de le rencontrer à Péronne,
tandis qu’il provoquait en sous-main le soulèvement des
villes bourguignonnes de Liège et de Gand. Informé de
cette perfidie, le duc retint prisonnier le roi et ne le libéra
que contre la cession de la Champagne à son allié Charles
de Berry, tout en le contraignant à assister à la répression
qui écrasa Liège.
Aussitôt libéré, Louis XI fit emprisonner le cardinal
La Balue pour trahison, l’accusant d’être responsable
du désastre de Péronne. Il annula les concessions faites
sous la menace, et parvint, en 1469, à convaincre son frère
d’accepter la Guyenne au lieu de la Champagne, espérant
ainsi le séparer du Téméraire, aux dépens
duquel il s’emparait de Roye, Montdidier, Amiens et Saint-Quentin
(1471).
Louis XI ne cessait de se heurter à la puissance grandissante
du duc de Bourgogne qui, déjà possesseur du comté de
Flandre, ne cachait pas son ambition de constituer un État d’un
seul tenant, grâce à l’annexion de l’Alsace,
de la Lorraine et de la Champagne. Au début de 1472, une nouvelle
coalition se forma contre la France, regroupant le frère du
roi, auxquels s’étaient joints Jean V d’Armagnac,
Jean II d’Aragon, François II de Bretagne, Jean d’Alençon,
ainsi que le Téméraire et le roi d’Angleterre,
contre lequel Louis XI venait de conclure une alliance avec Warwick.
La
mort de Charles de Berry (juin 1472), la défaite du Téméraire
devant Senlis et l’abstention du roi d’Angleterre permirent à Louis
XI de triompher, sauf dans le Roussillon, où Jean II d’Aragon
s’empara des territoires acquis au roi. En 1473, l’annexion
du duché de Gueldre par le Téméraire provoqua
contre lui une coalition des villes suisses et allemandes, qui fut
encouragée par Louis XI, tandis qu’il concluait la paix
avec l’Angleterre par le traité de Picquigny (août
1475), acquis grâce au pouvoir de son allié Warwick.
Tout
en s’employant à réduire la puissance des
grands féodaux (il rattacha l’Armagnac à la France
après la mort de Jean d’Armagnac et se fit livrer le comte
de Saint-Pol, qui fut exécuté pour trahison), il continua
d’encourager la révolte des Suisses contre le Téméraire,
qui essuya deux échecs consécutifs, à Grandson
et Morat (1476).
Après la mort du Téméraire devant Nancy, en janvier
1477, Louis XI s’empressa d’occuper la Bourgogne, la Picardie
et l’Artois, mais fut défait à Guinegatte par Maximilien
Ier d’Autriche, époux de Marguerite de Bourgogne (1479).
Trois ans plus tard, le traité d’Arras entérina
la possession par Louis XI de la Bourgogne et des villes de la Somme,
l’Artois et la Franche-Comté revenant en dot à Marguerite,
fille de Maximilien et de Marie de Bourgogne, que l’on fiança
au dauphin (le mariage ne fut finalement pas conclu). Philippe le Beau
n’était appelé à hériter que du reste
des États de son aïeul Charles le Téméraire
: la puissance bourguignonne était définitivement vaincue.
Dans
le même temps, entre 1480 et 1481, Louis XI ajouta à son
royaume l’Anjou, le Maine et la Provence, héritage de
son oncle René Ier le Bon.
Tout au long de son règne, Louis XI se préoccupa de promouvoir
l’essor économique de la France et favorisa le relèvement
de l’agriculture dans les régions qui supportaient encore
les conséquences de la guerre de Cent Ans ; l’octroi d’exemptions
fiscales, de subventions directes, l’appel à des populations
venues d’Espagne et d’Italie stimulèrent la mise
en culture des terres laissées en friche.
S’appuyant sur la bourgeoisie des villes, à laquelle
il accorda de nombreux avantages, ce qui permit une réelle expansion
de l’industrie et du commerce, il encouragea les industries de
luxe, notamment par la création de soieries, à Lyon puis à Tours,
institua des réglementations dans l’industrie drapière
et dans l’industrie minière, développa l’imprimerie,
les grandes foires (notamment celle de Lyon, qui dépassa sa
rivale, Genève), se préoccupa de l’amélioration
du réseau routier, des voies navigables et des ports.
Dans le domaine militaire, il poursuivit l’œuvre commencée
par son père, et multiplia la création des compagnies
d’ordonnance et des corps de francs-archers, tout en instituant
un service de voltigeurs, embryon d’un véritable service
postal. Le retour de la prospérité lui permit de lever
de lourds impôts, qui le rendirent de plus en plus impopulaire.
Louis
XI mourut dans son manoir de Plessis-lez-Tours au mois d’août
1483. Son fils Charles VIII, trop jeune pour régner, fut placé sous
la régence de sa sœur Anne et de l’époux de
cette dernière, Pierre de Beaujeu. Une autre des filles du roi,
Jeanne la Folle, fut la première épouse du roi Louis
XII.
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1483 - 1498
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CHARLES VIII
Roi France
Né en 1470, fils de Louis
XI et de Charlotte de Savoie
Marié en 1491 à Anne
de Bretagne (4 enfants) afin d'attacher solidement le duch à la
couronne.
Enfants : Charles-Orland (mort en
1495), Charles (mort en 1496),François (mort en 1497), Anne
Fils de Louis XI et de Charlotte de Savoie, Charles devint roi à la
mort de son père. Sa sœur, Anne de Beaujeu, chargée
de la régence par Louis XI, garda une influence profonde
sur le gouvernement après la majorité du roi, proclamée
en 1484, mais cela provoqua une rébellion des princes qui soutenaient
les revendications du plus proche parent mâle du jeune roi, le
duc d’Orléans (futur Louis XII).
Charles VIII parvint à épouser en 1491 Anne de Bretagne,
qui était déjà mariée par procuration avec
Maximilien de Habsbourg. Obtenu par la menace et au prix d’une
véritable guerre, le mariage de Charles VIII n’entraîna
pas le rattachement immédiat de la Bretagne à la France,
mais il prépara ce rattachement et rendit surtout impossible
l’encerclement complet du domaine royal par les possessions de
la maison d’Autriche.
La principale affaire du règne fut cependant l’expédition
d’Italie. Pour s’y consacrer, Charles VIII dut lâcher
du lest et abandonner l’une des acquisitions les plus importantes
de son père, le Roussillon et la Cerdagne, qu’il céda
au roi d’Aragon en 1492 et 1493, la Franche-Comté, l’Artois
et le Charolais, qu’il céda à Maximilien en 1493.
L’expédition de 1494 fut d’abord une longue série
de victoires, car le roi de France apparaissait en libérateur
des villes italiennes, souvent soumises à de véritables
tyrannies : Florence, Rome et Naples firent au dernier des Valois
un accueil triomphal. On put croire que la puissance française
en Italie allait redevenir ce qu’elle était au temps des
premiers Angevins. Mais l’armée royale se comporta comme
en pays conquis et les Italiens souhaitèrent vite s’en
débarrasser : la guerre entreprise par la ligue de Venise,
qu’animaient le duc de Milan et la république de Venise,
rendit aux Français le séjour en Italie impossible. Après
une bataille indécise à Fornoue, Charles VIII regagna
la France en 1495. Les dernières places tenues en Italie furent
perdues l’année suivante. Le profit de la campagne d’Italie
fut ailleurs : une meilleure connaissance de l’Italie, et
de prodigieuses collections dérobées à Florence
et à Rome, qui allèrent enrichir les collections françaises
et firent connaître en France, sous de nouveaux aspects, l’Antiquité et
la Renaissance italienne.
Charles VIII mourut alors qu’il projetait une nouvelle expédition.
Tous ses enfants étaient morts avant lui.
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LES
VALOIS INDIRECTS
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LES VALOIS-ORLEANS & LES
VALOIS-ANGOULEME
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La branche des VCalois-Orléans
(1498 - 1515) n'a eu qu'un seul représentant sur le trône
en la personne de Louis XII.
Elle est issue
de Louis, duc d'Orléans, et frère du roi Charles
VI le Fou.
Louis XII meurt
sans héritier mâle en 1515 et la couronne passe à son
gendre François Ier, issu également de Louis,duc
d'Orléans par son père Charles d'Angoulême.
La branche Valois-Angoulême
règne sur la France de 1515 à 1589 et donne cinq
rois de François Ier à Henri III.
Après les
règnes de François Ier (1515 - 1547) et de son fils
Henri II (1547 - 1549), qui marquent le "beau XVIème
siècle", la monarchie s'affaiblie et doit faire face
aux guerres de religion.
En 1589, la mort
d'Henri III donne la couronne au roi de Navarre Heni, plus proche
héritier du trône, qui fonde la dynastie des Bourbons.r
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LES
VALOIS-ORLEANS
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1498 - 1515
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LOUIS XII PERE DU PEUPLE
Roi France
Né en 1432 à Blois
- mort en 1515
Marié trois fois : en 1476
à Jeanne de Valois (mariage dissout en 1498) ; en 1499 à
Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII (4 enfants) ; en 1514 à Marie
Tudor, soeur du roi d'Henri VIII d'Angleterre
Fils de Charles, duc d’Orléans, et de Marie de Clèves,
Louis XII est le cousin de Charles VIII, dont il a épousé par
ailleurs la sœur Jeanne. Il prend position contre la régence
d’Anne de Beaujeu, mais il est fait prisonnier en Bretagne à la
bataille de Saint-Aubin-du-Cormier en 1488 et incarcéré pendant
trois années. Gracié et nommé gouverneur de Normandie,
il suit Charles VIII lors de ses expéditions en Italie et tente
de conquérir le Milanais à son profit, mais en vain.
La mort de Charles VIII, en 1498, lui permet de monter sans opposition
sur le trône de France. Il apparaît comme un roi bienveillant
soucieux de venir en aide aux déshérités et aux
victimes de la soldatesque. Il prend ainsi une série de mesures
qui humanisent la justice et l’emprisonnement. Souhaitant épouser
Anne de Bretagne afin de garder le duché acquis par Charles
VIII, Louis XII obtient d’Alexandre VI Borgia l’annulation
de son premier mariage. Désireux de prendre sa revanche en Italie,
il réussit à conquérir le Milanais, héritage
angevin de son aïeule, Valentine Visconti. Il emprisonne Ludovic
le More, qui mourra à Loches en 1508. En 1500, il est pratiquement
maître de toute l’Italie. Mais, dès 1506, les troupes
françaises sont chassées de Naples par celles de Ferdinand
d’Aragon. En 1512, Louis XII perd le Milanais et, en 1513, la
défaite de Novare ruine les espoirs français en Italie.
Veuf d’Anne, peu avant sa mort, il se remarie avec Marie d’Angleterre,
une enfant de seize ans, sœur de Henri VIII. Il a donné sa
propre fille, Claude, en mariage à François d’Angoulême,
le futur François Ier. Surnommé le « père
de son peuple » par les états généraux
de 1506, Louis XII doit aussi sa popularité aux circonstances.
Réducteur de la taille, grâce aux richesses de l’Italie,
codificateur des coutumes et paré de l’auréole
du roi justicier, il a eu la chance de régner à une époque
de transition bénéfique à la France, marquée
par le retour à la prospérité économique
en Europe, l’éloignement des armées hors des frontières
et donc la paix à l’intérieur et l’accroissement
de la population qui recueille les fruits du progrès technique
et du développement des échanges.
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LES
VALOIS-ANGOULEME
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1515 - 1547
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FRANCOIS Ier
Roi France
né en 1494 - mort en 1547
Fils de Charles de Valois, comte
d'Angoulême, et de Louise de Savoie.
Marié deux fois : en 1514
à Claude de France, fille de Louis XII, son cousin (7 enfants)
; en 1530 à Eléonore d'Autriche
En 1515, en tant que chef de la branche
des Valois-Angoulême,
François Ier succède à son cousin Louis XII,
dont il a épousé la fille, Claude de France, l’année
précédente. Son règne de trente-deux ans marque
profondément le XVIe siècle français, transformant à l’extérieur
les guerres d’Italie en un affrontement avec les Habsbourg, donnant, à l’intérieur,
une impulsion décisive à la pratique d’une « monarchie
absolue ». Ses portraits, que ce soit celui plus décoratif
de Clouet ou celui plus psychologique du Titien, nous montrent un cavalier
rieur, tout à la fois athlétique et élégant,
type accompli de l’homme de la Renaissance, aimable et séducteur,
dénué de scrupules s’il est nécessaire.
Mais François Ier est en même temps fantasque, sujet aux
emballements, d’une intelligence un peu superficielle. C’est,
en fait, un curieux mélange : chevalier d’un Moyen Âge
attardé, il se fait adouber par Bayard sur le champ de bataille
de Marignan ; prince de la Renaissance, il est amateur de femmes
et de belles choses ; ouvert aux nouveautés de l’époque,
il est mécène et lui-même quelque peu artiste.
Le règne s’ouvre sur les guerres d’Italie dont l’histoire
classique a dénoncé la vanité. Cependant, par
son importance démographique et par sa prospérité,
la France pouvait se mesurer au peuplement et à la puissance
financière des nations adverses.
L’erreur de François Ier a été de ne point
prévoir l’afflux du métal précieux américain,
dont la masse, certes très inférieure aux possibilités
fiscales françaises, devait cependant l’emporter. Cette
masse monétaire constituait un revenu net de toute charge et
elle était entièrement à la disposition de Charles
Quint. En 1515, Marignan, c’est-à-dire la supériorité du
feu français sur les piquiers suisses , entraîne la facile
conquête de l’Italie en un temps où l’arrivée
du métal américain diminue pour une courte période.
Mais, dès 1519, le crédit des Fugger et des banquiers
italiens et espagnols, garanti par les trésors du Nouveau Monde,
contribue à hisser Charles Quint sur le trône du Saint
Empire romain germanique pourtant brigué par François Ier.
Après la somptueuse et inutile folie du Camp du Drap d’or,
l’impétuosité de la cavalerie française
et de son chef, « le Roi-Chevalier », est l’une
des causes principales de la défaite de Pavie (1525) . Le respect
du point d’honneur (ne point reculer) entraîne la captivité du
roi, qui déclare : « Tout est perdu, fors l’honneur »,
et le désastreux traité de Madrid en 1526 (le roi renonçait
au quart de la France) que François Ier, soutenu par les États
de Bourgogne, viole dès qu’il retrouve la liberté.
La guerre, marquée par une pause lors de la « paix
des Dames », s’achève sur la constatation d’un équilibre
des forces (traité de Cambrai, 1529). Ayant pris la mesure de
son adversaire, dans la troisième phase du conflit, François Ier
cherche des alliés : Soliman le Magnifique, Henri VIII,
les princes protestants allemands. La longue lutte qui suit, confuse
et sans gloire, aboutit au traité de Crépy (1544), créant
le premier et fragile équilibre européen. Face à l’échec
français des ambitions italiennes, la puissance de Charles Quint
dissimule l’invraisemblable tour de force que constitue le maintien
de la disparate puissance habsbourgeoise progressivement recentrée
des Flandres à l’Espagne.
À
l’intérieur de la France, la croissance des besoins financiers,
n’aboutit pas à la mise en place d’un système
fiscal cohérent. D’emprunts en vénalité des
offices, d’inflation involontaire en maniements des monnaies
se dégage un certain style financier français, qui durera
jusqu’en 1789. Si le mot absolutisme a un sens, sa progression
est incontestable. Signe des temps : l’emblème des
Valois est déjà le soleil (à côté de
la salamandre), l’expression « Sa Majesté » devient
obligatoire et c’est François Ier qui a forgé la
formule « Car tel est notre bon plaisir. » En
matière religieuse, le concordat de Bologne, signé en
1516 avec Léon X, place l’épiscopat français
sous la coupe du roi. Vis-à-vis des protestants, le début
du règne est placé sous le signe de la tolérance,
en partie grâce à l’influence de Marguerite de Navarre.
La provocation que constitue l’affaire des Placards (1534) détermine
par la suite une répression cruelle, mais sporadique, sans que
le mot persécution s’impose réellement. Ainsi,
qu’il s’agisse de la situation extérieure ou intérieure,
le règne de François Ier se termine sans apporter
rien de décisif. L’Espagne reste virtuellement très
dangereuse, la question protestante est en suspens, le problème
financier n’est pas résolu.
Finalement, la grande réussite du monarque se situe sur le plan
intellectuel et artistique. Le roi a fondé le Collège
de France, et protégé humanistes, poètes et musiciens ;
Budé, Ronsard, Marot, et même Lefèvre d’Étaples
en témoignent. Il a aussi fait appel aux grands artistes italiens
tels que Léonard de Vinci, Benvenuto Cellini, le Primatice.
Son règne s’auréole du prestige de l’école
de Fontainebleau. Parmi les grands bâtiments du règne
dominent Fontainebleau et Chambord. François Ier ne valait
peut-être pas, sur le plan personnel, son adversaire Charles
Quint. Pourtant, sans la conquête de l’Amérique,
il l’eût probablement emporté sur lui. C’est
l’Amérique qui, par le poids de ses richesses, a fondé la
puissance habsbourgeoise et, paradoxalement, ce sont les découvreurs
et les conquistadores espagnols et italiens qui ont empêché,
jusqu’au XVIIe siècle, cette suprématie française
sur l’Europe occidentale qui se dessinait déjà au
temps de Saint Louis. Face à cette situation nouvelle, dont
on ne peut reprocher à François Ier d’avoir
mal mesuré l’importance, le mérite du roi a été de
maintenir, tant bien que mal, l’équilibre.
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1547 - 1559
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HENRI II
Roi France
Né en 1519 - mort en 1559
Marié en 1533 à Catherine
de Médicis, fille de Laurent de Médicis et de Madeleine
de Bourbon, nièce du pape Clément VII (10 enfants)
Fils de François
Ier, Henri II hérite, à la mort
de son père en 1547, du plus puissant et du plus riche royaume
européen, dont la cohésion contraste avec l’hétérogénéité de
l’Empire des Habsbourg et la multiplicité de petits États ;
mais il doit faire face à la coalition antifrançaise
d’une partie de l’Europe occidentale. Le nouveau roi ne
jouit pas, auprès des historiens, du prestige de son père.
Grand amateur de l’Amadis des Gaules, épris de tournois
et d’exercices violents, il apparaît, sur le portrait qu’en
a fait Clouet, comme un être secret et un peu inquiétant.
Sur le plan personnel et politique, il doit faire face à la
fois à son épouse Catherine de Médicis , qui l’aime
passionnément, et à sa maîtresse on ne peut plus
officielle, l’éternellement jeune Diane de Poitiers. Du
mariage avec Catherine sont nés dix enfants, dont deux mort-nés
et un garçon mort prématurément. Les autres garderont
de l’héritage syphilitique de François Ier et de
Laurent le Magnifique une fragilité congénitale qui sera
fatale à la survie de la dynastie. Ce sont : l’aîné,
le futur époux de Marie Stuart, François II (né en
1544) ; Élisabeth, l’épouse de Philippe II
(née en 1545) ; Claude, duchesse de Lorraine (née
en 1547) ; Charles IX (né en 1549) ; Alexandre,
le préféré de sa mère, futur Henri III
(né en 1551) ; Marguerite, la reine Margot , épouse
de Henri IV (née en 1553) ; Hercule-François, duc
d’Alençon (né en 1555).
Par-delà les séductions et les vices d’une cour
largement italianisée et infiniment raffinée, le règne
de Henri II est marqué par la poursuite de la lutte entre
le roi de France et le dernier champion de la chrétienté,
Charles Quint. Après l’équilibre des forces instauré par
la paix de Cambrai, le moment paraît favorable au premier. Le
passage des trois quarts des pays allemands au protestantisme et les
difficultés financières des Pays-Bas, porteurs jusque
vers 1540 de l’essentiel de l’effort de guerre de Charles
Quint, donnent enfin à la puissance française l’espoir
de l’emporter. La campagne de 1552, menée avec une armée
de quelque trente-cinq mille hommes (on est loin, déjà,
des armées de dix mille soldats du début des guerres
d’Italie) et soigneusement préparée sur le plan
diplomatique, permet au protégé du clan de Diane, François
de Guise, de s’emparer du gage des Trois-Évêchés
(Toul, Metz et Verdun). L’immense effort de la contre-attaque
de Charles Quint échoue piteusement dans l’enlisement
humide du siège manqué de Metz. C’est l’apogée
du règne. Mais, depuis 1540, la découverte de mines d’argent
sur les hauts plateaux secs du nord du Mexique d’abord, puis
du Potosí donne progressivement à Charles Quint le moyen
de faire face. Voulue par Catherine et conduite par son cousin Strozzi,
l’expédition française en Italie, destinée
aussi à faire contrepoids aux succès des Guise, échoue à la
bataille de Marciano. Concentrant tous ses moyens, Philippe II
mobilise en 1557 une formidable armée de cinquante mille hommes,
multitude encore jamais rassemblée. La victoire de Saint-Quentin
est écrasante. L’armée espagnole déferle
jusqu’à Noyon, s’empare de Saint-Quentin, de Hamm,
du Câtelet, etc., mais elle ne peut remporter une victoire décisive.
Guise en profite pour prendre Calais en 1558, d’où le
traité de Cateau-Cambrésis (3 avr. 1559). Les historiens
français l’ont, longtemps, célébré comme
la victoire française sur l’encerclement espagnol, l’abandon,
enfin, des rêves italiens, navarrais, l’arrondissement
du « pré carré » vers le nord-est.
C’est, en réalité, le succès d’une
Espagne exploitatrice des nouvelles Indes qui fonde, pour au moins
un siècle, son hégémonie sur l’Europe. Le
traité signifie la permanence de l’hétérogène
coalition des petits pays réunis par la politique matrimoniale
dont Charles Quint est issu. Par là, le traité rend à jamais
inconcevable la possibilité, un moment évidente, d’une
Europe française de la Renaissance, peut-être encore possible
un court moment entre 1550 et 1555. L’argent américain,
soutenant le génie de Charles Quint, n’est pas seul en
cause. La France surpuissante est aussi déchirée. À la
Cour sévit la lutte des clans, Montmorency contre Guise. Dans
les esprits règne la confusion : la France balance entre
le catholicisme et le protestantisme. Les enfants royaux sont élevés
dans une atmosphère indécise, semi-protestante. Les nécessités
militaires ont multiplié les impôts et les emprunts onéreux ;
le peuple est mécontent. Vers 1555-1560, le roi le sent. Il
a, semble-t-il, choisi un catholicisme combatif. Cateau-Cambrésis
est aussi un acte de politique intérieure : Henri II
veut avoir les mains libres.
Mais le roi n’aura pas le temps de concrétiser une autre
politique. Il meurt des suites d’un coup de lance donné par
Montgomery. Lorsque Marie Stuart apparaît aux fêtes du
sacre de son époux François II avec les bijoux arrachés à Diane,
c’est le signe que, pour longtemps, le véritable souverain
est Catherine de Médicis.
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1559 - 1560
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FRANCOIS II
Roi France
Né en 1544 - mort en 1560
Premier fils de
Henri II et Catherine de Médicis.
Marié en 1558 à Marie
Stuart
Mentalement et physiquement faible,
il fut dominé par les oncles
de sa femme, François de Lorraine, duc de Guise, et le cardinal
Charles de Lorraine. Ces deux hommes, qui gouvernèrent en fait à sa
place, tentèrent de réprimer le pouvoir politique grandissant
des protestants en France. La mort de François II signa la fin
de l'ascension des Guise à la cour.
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1560 - 1574
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CHARLES IX
Roi France
Né en 1550 - mort en
1574
Marié en 1570 à Elisabeth
d'Autriche (1 fille)
Son règne fut marqué par le massacre de la Saint-Barthélemy
en 1572.
Né à Saint-Germain-en-Laye, Charles d'Orléans était
le second fils d'Henri II, roi de France, et de Catherine de Médicis. À la
mort de son frère François II en 1560, Charles n'avait
que 10 ans et sa mère fut chargée de la régence
du royaume. La France était alors déchirée par
l'opposition entre les catholiques et les protestants, qu'on appelait
les Huguenots. Après une année de guerre civile, cet
antagonisme connut un apaisement relatif de 1563 à 1567. Durant
cette période, Catherine de Médicis s'employa à réaffirmer
l'autorité royale : la majorité de Charles IX fut déclarée
officiellement à Rouen en 1563 et le jeune roi entama avec sa
mère un tour de France de 1564 à 1566. En 1568, les guerres
de religion reprirent, les protestants ayant tenté d'enlever
Charles IX à Meaux. Convaincus désormais de l'inefficacité d'une
politique de tolérance, Charles IX et sa mère, investie
du titre de « gouvernante de France », prirent alors le
parti de la guerre. Malgré les défaites protestantes
de Jarnac et Moncontour en 1569, ils furent contraints de négocier
un compromis à Saint-Germain-en-Laye en 1570 et le royaume s'installa
de nouveau dans une paix relative. Le 23 août 1572, une tentative
d'assassinat du protestant Coligny, amiral de France, déchaîna
la colère des nobles huguenots présents à la cour.
La panique envahit la famille royale qui rameuta la milice de Paris.
Le massacre des protestants commença dans la nuit. On raconte
que Charles IX lui-même tirait au fusil depuis une fenêtre
du Louvre sur les huguenots en fuite. Tout au long du mois, les tueries
se poursuivirent en province. Cette explosion de violences et d'atrocités
terrifia les témoins. Dans le midi de la France qu'ils dominaient,
les protestants créèrent en 1573 un état séparatiste
et une nouvelle guerre commença. Charles IX, rongé par
la tuberculose, mourut à 24 ans. Son frère Henri III
lui succéda.
Esprit cultivé, Charles IX avait eu pour précepteur
l'humaniste Jacques Amyot. Protecteur des lettres, il composait lui-même
des poèmes en l'honneur de sa maîtresse, Marie Touchet.
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1574 - 1589
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HENRI III
Roi de France et de Pologne
Né en 1555 - mort en 1589
Troisième
fils d'Henri II et de Catherine de Médicis.
Marié en 1575 à Louis
de Vaudémont.
Ayant d’abord reçu le titre de duc d’Angoulême
et les prénoms d’Alexandre-Édouard, auxquels sa
mère Catherine de Médicis substitua en 1565 celui d’Henri,
en souvenir de son père Henri II, Henri fut duc d’Orléans
(1560) puis d’Anjou (1566) avant de succéder sous le nom
d’Henri III à son frère, Charles IX, décédé le
31 mai 1574.
Celui qui devait être le dernier des rois Valois grandit à Amboise,
avec Jacques Amyot et François de Carnavalet pour précepteurs.
Nommé lieutenant général en novembre 1567, il
remporte, sur les protestants avec le maréchal de Tavannes,
les batailles de Jarnac (15 avr. 1569) où le prince de Condé trouve
la mort, et de Moncontour (3 oct. 1569) où l’amiral de
Coligny est blessé. Chef du parti catholique, il est aux côtés
de Catherine de Médicis quand se prépare le massacre
de la Saint-Barthélemy (24 août 1572). Il conduisait le
siège de La Rochelle où s’étaient réfugiés
les huguenots lorsqu’il apprit qu’il venait d’être élu
roi de Pologne le 10 mai 1573, sa candidature ayant été soutenue
auprès de la Diète par l’évêque de
Valence, Jean de Monluc et, en sous main, par les Turcs. Parti de Fontainebleau
au début d’octobre 1573, il est couronné (21 févr.
1574) au château du Wawel à Cracovie, qu’il quitte
en secret le 18 juin pour regagner la France par l’Autriche,
Venise et la Savoie. Sacré à Reims le 13 février
1575, il y épouse, le 15, Louise de Vaudémont dont il
n’aura pas d’enfant.
Pendant les quinze ans de son règne, Henri III, fils préféré de
Catherine, doué de l’intelligence la plus vive, eut au
plus haut point le sens de l’État, mais s’est trouvé confronté aux
pires difficultés, multipliant les efforts pour rétablir
la paix, à Beaulieu (1576) et, après la première
Ligue, dont il a pris la tête, et les premiers états généraux
de Blois (1576-1577), à Bergerac (1577) et à Fleix (1580).
Il crée l’ordre du Saint-Esprit (31 déc. 1578)
mais après la mort de François, duc d’Alençon
puis d’Anjou, son frère et son mauvais génie (1584),
il doit faire front contre Henri, roi de Navarre et, après la
journée des Barricades (12 mai 1588), contre Henri, duc de Guise,
qu’il fait assassiner à Blois (23 déc. 1588). Réconcilié avec
Henri de Navarre, il tentait avec lui de reprendre Paris, alors aux
mains des ligueurs, lorsqu’il fut assassiné par le dominicain
Jacques Clément, à Saint-Cloud, le 1er août 1589.
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LES
BOURBONS
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Les rois Bourbons
représentent une branche de la dynastie des Capétiens.
Elle accède
au trône de France en 1589 avec Henri IV, roi de Navarre.
Elle est issue
du père de celui-ci, Antoine de Bourbon, descendant en huitième
génération de Robert,fils de Saint Louis.
Louis XIII et
Louis XVIII mettent en place un système de gouvernement
absolutiste, qui est emporté par la Révolution Française
de 1789, durant laquelle Louis XVI est renversé et exécuté.
La dynastie survit à travers
les frères du roi défunt et lors de la Restauration
en 1814 - après l'intermède révolutionnaire
et napiléonien, Louis XVIII et Charles X règnent à leur
tour.
Après la
Révolution de 1830 et l'abdication de Charles X, la couronne
passe à la branche des Orléans.
La branche française
des Bourbons s'éteint en 1883 à la mort du comte
de Chambord, petit-fils du dernier roi, Charles X, mais la dynastie
connaît de nombreuses ramifications.
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1589 - 1610
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HENRI IV
Roi France
Né
à Pau en 1553 - mort à Paris en 1610
Fils d'Antoine de Bourbon et de Jeanne
d'Albret, petit-neveu de François Ier
Marié deux fois : en 1572
à Marguerite de Valois dont l'union sera annulée en 1599
(6 enfants) ; à Marie de Médicis, fille du grand-duc
de Toscane
Nombreuses maîtresses : Gabrielle
d'Estrées ( 3 enfants) ; Henriette d'Entragues (2 fils et 1
fille) ; Jacqueline de Bueil (1 fils) ; Charlotte des Essarts (2 filles)
Chef des huguenots pendant les guerres
de religion, Henri IV a affermi la monarchie catholique une fois
réalisée la pacification
du royaume — en particulier avec l'édit de Nantes ; premier
souverain de la dynastie des Bourbons, il est resté dans l’imagerie
collective comme le plus populaire des rois de France.
Né à Pau, le 14 décembre 1553, Henri est le fils
d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, reine de Navarre. Après
avoir passé sa jeunesse dans le Béarn, il est élevé,
dès l'âge de huit ans, à la cour de France, avec
ses cousins Valois, et reçoit l'éducation d'un parfait
gentilhomme. Sa mère lui dispense une éducation calviniste.
Dès 1569, Henri devient le chef du parti huguenot à La
Rochelle, sous la tutelle de Gaspard de Coligny, lors de la troisième
guerre de religion (1568-1570). Son mariage, le 18 août 1572 à Paris,
avec Marguerite de Valois, sœur de Charles IX et d'Henri III,
est décidé, après le traité de Saint-Germain,
en signe d'apaisement entre les deux communautés religieuses.
Une semaine plus tard a lieu le massacre de la Saint-Barthélemy
: Henri de Navarre sauve sa vie en abjurant sa foi et en se laissant
convertir de force au catholicisme. Retenu comme otage au Louvre, à la
cour, pendant trois ans, il parvient à s'enfuir (février
1576), retrouve ses États du Sud-Ouest, abjure la religion qu'on
lui a imposée et prend la tête des armées protestantes,
avec lesquelles il guerroie.
En 1584, la mort du duc d'Anjou (dernier
frère du roi) fait
d’Henri de Navarre l'héritier direct de la couronne de
France. La menace de voir monter sur le trône un roi hérétique
ranime la Sainte Ligue, menée par les Guise, qui s'allient au
roi d'Espagne. Le roi Henri III doit laisser Paris aux ligueurs en
1588, et finit par faire assassiner les Guise, dont il craint les ambitions.
Il se réconcilie ensuite avec Henri de Navarre, qu'il reconnaît
comme son successeur légitime peu avant d'être assassiné par
un catholique, le 1er août 1589. Mais les catholiques ne reconnaissent
pas Henri, devenu Henri IV, comme leur souverain et reprennent les
armes pour imposer leur candidat, le cardinal de Bourbon, son oncle.
Ils trouvent un appui chez Philippe II d'Espagne, dont les visées
personnelles sont d'obtenir la couronne de France pour sa fille Isabelle,
petite-fille d'Henri II.
Henri IV s'impose par des victoires sur la Ligue à Arques
(21 septembre 1589) ainsi qu'à Ivry (14 mars 1590) ; il assiège
Paris, qui est finalement secouru par une armée de Philippe
II établie aux Pays-Bas espagnols. Henri exploite habilement
les dissensions existant entre les membres de la Ligue — révélées
lors de leurs états généraux tenus en 1593 —,
le patriotisme français, avivé par les menées
espagnoles et le désir d'un retour à la légitimité monarchique.
Il désarme ses adversaires en abjurant sa foi calviniste à la
basilique de Saint-Denis, le 25 juillet 1593 (la légende en
a retenu le fameux : « Paris vaut bien une messe ! »).
Henri IV est enfin sacré à Chartres (24 février
1594) et fait son entrée royale dans Paris le 22 mars 1594.
Il reçoit la même année l'absolution pontificale.
Toutefois les catholiques intransigeants de la Ligue, dirigés
par Mayenne, frère des Guise, et les Espagnols poursuivent la
guerre. Mayenne, battu en juin 1594, finit par se soumettre ainsi que
le duc de Mercœur, qui tenait la Bretagne (mars 1598). La paix
avec l'Espagne est obtenue par le traité de Vervins (2 mai 1598)
qui confirme celui de Cateau-Cambrésis, signé un mois
plus tôt.
L'édit de Nantes (13 avril 1598) réalise la pacification
religieuse du royaume, accordant de vastes privilèges aux protestants,
et met un terme aux guerres de religion.
Henri IV peut alors travailler à restaurer l'État et
le pouvoir monarchique, et surtout à reconstruire la France,
déchirée par plus de trente ans de guerre civile. D'un
caractère bonhomme et simple, il sait se rallier les Français
grâce à son autorité, qu'il affirme avec fermeté également
contre les nobles. Il est aidé dans son entreprise par des
conseillers choisis pour leur valeur, ex-ligueurs ou huguenots. Le
principal d'entre eux, le duc de Sully, reste toujours protestant.
Le plus important de ses ministres après Sully est Villeroy,
ancien ligueur, homme de robe, véritable ministre des Affaires étrangères.
Ce personnel politique stable est à l'origine des grandes
familles ministérielles de l'Ancien Régime.
La restauration de l'autorité royale et la paix ramènent
assez rapidement une certaine prospérité dans le royaume.
Henri IV, secondé par Sully, réorganise les finances
et favorise le développement économique de la France.
L'agriculture, plus particulièrement, mais aussi l'industrie
et le commerce sont encouragés. Le système selon lequel
les fonctionnaires des Finances et du judiciaire achètent
leurs offices (héréditaires) à la couronne est
officialisé en 1604 par l'édit de la Paulette. La politique
de travaux publics est particulièrement importante et durable
: Sully fait refaire routes et chemins, aménage les voies
navigables, fait construire des ponts.
Jusqu'en 1609, ces mesures
sont accompagnées par une politique
extérieure favorable à la paix — cherchant toutefois à isoler
l'Espagne. Cependant, en 1610, Henri IV, qui dispose d'une armée
entièrement réorganisée par Sully, décide
de lancer la guerre contre les Habsbourg dont les armées occupent
Clèves et Juliers depuis le début de l'année.
Le roi s'apprête à rejoindre son armée lorsqu'il
est assassiné par Ravaillac, un catholique fanatisé,
le 14 mai 1610, rue de la Ferronnerie à Paris.
Dans le domaine
des arts et des lettres, Henri IV a surtout favorisé l'histoire
et reconstitué une bibliothèque royale, mais il est avant
tout un grand promoteur de l'urbanisme et un grand bâtisseur
: on lui doit, à Paris, le Pont-Neuf, la place Dauphine, la
place Royale, l'hôpital Saint-Louis. Il a fait transformer les
palais royaux et a fait construire des châteaux à ses
maîtresses.
Les passions du « vert galant » dans ce domaine sont bien
connues : une fois son premier mariage annulé en 1599, il a épousé l'Italienne
Marie de Médicis, dont il a eu six enfants : le dauphin Louis
(futur Louis XIII), Élisabeth (future reine d'Espagne), Christine,
Nicolas, Gaston (futur duc d'Orléans) et Henriette-Marie (bientôt
sur le trône d'Angleterre). Ses maîtresses les plus célèbres
sont Gabrielle d'Estrées (avec laquelle il a eu trois enfants)
et Henriette d'Entragues.
Dans la lignée des princes de la Renaissance, le roi Henri IV
de France et de Navarre se montre instruit et amateur des arts de son
temps. Protestant...
Le courage, la vaillance, l'autorité dont a fait preuve Henri
IV, tout comme sa promptitude à faire du principe religieux
un avantage politique, lui ont permis de bénéficier d'une
place particulière dans l'histoire de la France. Non seulement
il a restauré l'ordre et la prospérité dans son
royaume en ruines, mais il a également veillé à ce
que la monarchie demeure catholique et absolutiste.
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1610 - 1643
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LOUIS XIII Le JUSTE
Roi France
Né à Fontainebleau
en 1601 - mort à Saint Germain en 1643
En 1615, épouse Anne d'Autriche,
fille de Philippe III, roi d'Espagne
Fils de Henri IV et de Marie de Médicis, Louis XIII
est l’une des figures les plus énigmatiques de la royauté française.
Son personnage, cette singulière et si efficace alliance politique
qu’il a constituée avec Richelieu ont donné lieu
aux interprétations les plus diverses. Du tableau, à la
fois critique et ambigu, de Tallemant des Réaux à l’admiration
inconditionnelle de Saint-Simon, de la quasi-victime romantique d’Alexandre
Dumas aux portraits contrastés de l’historiographie contemporaine,
autant de points de vue divers, mais qui tendent, tous, à privilégier
Richelieu. Le roi timide, secret, pudique ne manque ni de dons naturels,
artistiques en particulier, ni de bon sens. Quasi abandonné par
sa mère, veule et peu intelligente, il a, peut-être, souffert
du mystère qui planait sur la mort de son père. Il a
probablement détesté sa mère et peu aimé sa
femme. Roi dès l’âge de neuf ans, mais roi à l’éducation
négligée, il laisse éclater sa rancœur et
son orgueil bafoué en faisant assassiner Concini, favori de
sa mère, en 1617. Cet événement démontre
que la raison d’État et le peu de scrupules quant au choix
des moyens ne sont pas des créations exclusives du cardinal
de Richelieu. Non que la politique de Luynes de 1617 à 1621
eût été très différente de celle
de Concini : « catholique », pro-espagnole,
elle ne s’en différencie que par l’éloignement
de la régente Marie de Médicis. Il faut attendre 1624
et l’entrée de Richelieu au gouvernement pour que, très
progressivement, après maintes expériences, se dégage
une nouvelle politique dont le mérite revient à ce dernier.
L’important est de voir ce que signifie le « ministériat ».
Sa courte durée de 1624 à 1661, avec Richelieu puis avec
Mazarin, l’importance de l’hostilité qu’a
suscitée cette forme de gouvernement, la grandeur des deux personnages
qui s’y sont succédé posent des problèmes.
On a l’habitude de mettre la série de complots contre
les cardinaux Premiers ministres sur le compte de la politique extérieure.
C’est oublier qu’ils visent d’abord le système
inauguré en 1624, autant et plus que les hommes qui l’incarnent.
Richelieu, comme Mazarin, ont fait la fortune de leur famille et de
leur clientèle. Et il existe, de ce fait, une certaine rivalité entre
clientèle royale et clientèle ministérielle, comme
l’a bien entrevu Alexandre Dumas. Au vrai, la question ne se
serait pas posée avec une telle acuité si les nécessités
de la guerre de Trente Ans n’avaient, dans la décennie
1630-1640, formidablement augmenté, par l’accroissement
de l’armée et de la pression fiscale, la puissance réelle
du pouvoir monarchique. L’installation des intendants dans les
provinces, la centralisation administrative qui joue au bénéfice
de la ville de Paris et se traduit, entre autres, par l’essor,
définitif, de l’atelier de frappe monétaire parisien
au détriment des ateliers provinciaux, tout prouve combien le
poids de l’État s’appesantit sur l’ensemble
de la société française. Ces « novelletés »,
justement attribuées au ministériat, font de lui le point
de mire non seulement des tenants d’une politique extérieure
plus pacifique, mais aussi des partisans d’une structure d’État
moins pesante. Or Louis XIII ne s’est guère éloigné de
la ligne tracée par Richelieu et a souvent renchéri sur
les rigueurs du cardinal. En vérité, le seul vrai ministériat
a été celui de Mazarin, maître exclusif, et par
moments désinvolte, d’Anne d’Autriche. Richelieu
doit d’abord convaincre le roi, et l’on connaît sa
célèbre phrase sur la difficulté à conquérir
et à garder les quelques pieds carrés du cabinet royal.
Louis XIII a tenu à rester le maître de ses décisions
et il a eu à maintes reprises, comme lors de la journée
des Dupes, à trancher entre son ministre et les clans adverses.
Henri IV devait encore équilibrer les diverses tendances
politiques dans son entourage. Louis XIII a pu se permettre de
donner son appui à un homme dont la politique ne représentait
probablement pas la tendance majeure de « l’opinion » de
la cour et de la ville. Ce qui paraît démontrer le rôle
prééminent du cardinal souligne, paradoxalement, la profondeur
du renforcement de l’absolutisme royal, et explique aussi la
violence des tentatives de réaction ultérieures. N’exagérons
cependant pas l’opposition entre le « rationalisme » déjà « classique » du
couple politique roi-Premier ministre et la réaction féodale
de cette première moitié du XVIIIe siècle
français étonnamment « baroque ».
Chez le roi comme chez le cardinal, on rencontre aussi quelques-uns
des désirs politiques fondamentaux de l’époque :
souhait de voir réaliser l’unité religieuse, à tout
le moins de briser l’État dans l’État qu’avait
formé, sous la régence, l’appareil politique protestant
groupé autour des Rohan ; volonté de rénovation
religieuse et d’épuration des mœurs. Mécène à sa
manière, doué pour la musique, quelque peu sculpteur,
Louis XIII se révèle peut-être le mieux dans
ses goûts. Il a fait, entre autres, de Georges de La Tour un « peintre
royal » et, ce qui est plus significatif, il a collectionné les œuvres
de celui-ci : éclairage oblique, mais combien typique,
de l’homme. Ambigu, secret, jaloux de son autorité et
pénétré de ses devoirs, Louis XIII a eu, à défaut
de génie propre, celui de voir et d’utiliser celui du
cardinal. Y a-t-il tant d’hommes, surtout dans le monde politique,
qui ont possédé ce genre de clairvoyance et, plus encore,
qui sont capables de supporter sans ombrage un esprit qui les dépasse ?
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1643- 1715
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LOUIS XIV Le GRAND dit LE ROI
SOLEIL
Roi France
Né à Saint-Germain-en-Laye
en 1638 - mort à Versailles en 1715
Fils de Louis XIII
En 1660, il épouse Marie-Thérèse
d'Autriche, fille de Philippe IV d'Espagne (6 enfants dont 1 seul survécut).
A sa mort, il conclut secrétement en 1683 un mariage morgantique
avec Françoise d'Aubigné, Marquise de Maintenon
Maîtresses : Louise de la Valières
(6 enfants dont 2 seulement parvinrent à l'âge adulte)
; Françoise de Montespan (8 enfants dont 4 seulement parvinrent
à l'âge adulte) ; Claude de oeillets (1 fille) ; Marie-Angélique
de Fontanges (1 fille)
La période du règne personnel s’étend de
1661 à 1715, soit pendant cinquante-quatre ans, période
du gouvernement effectif du souverain. C’est par le travail que
l’on règne, disait Louis XIV ; il a mis ce principe
en pratique, jour après jour, par son assiduité aux affaires.
Au Conseil d’en haut, véritable moteur de la monarchie,
il a pris, avec un très petit nombre de ministres, les résolutions
les plus importantes. Obtenir l’obéissance à l’intérieur,
assurer la réputation de la France au-dehors étaient
les règles essentielles de sa politique. Ses décisions
avaient force de loi, elles étaient la loi même, en vertu
de l’absolutisme royal, élaboré à la fois
par la tradition féodale qui tenait le roi pour suprême
suzerain et suprême juge et par les légistes imbus de
droit romain, concevant l’autorité royale comme aussi
indivisible que le point en géométrie et le roi comme
arbitre, au nom de l’intérêt public, entre les divers
ordres et les groupes de privilégiés (chaque groupe,
même dans le tiers état, ayant ses privilèges et
libertés). L’obéissance à l’intérieur
signifiait donc la fidélité de la noblesse, la soumission
de tous à la décision royale, la nécessité de
la présence d’agents du pouvoir central (officiers et
intendants).
La monarchie a ainsi reçu un caractère administratif
plus marqué. Le prestige au-dehors impliquait une force militaire
redoutable, afin d’appuyer les revendications vis-à-vis
de l’étranger, la guerre, qui procure la gloire au vainqueur,
devenant le recours normal, lorsque l’honneur est en question. À la
tentation de la guerre, Louis XIV a peu résisté, mais
les guerres, perdant leur caractère chevaleresque, sont devenues
de plus en plus affaire de nombre, de discipline et de tactique. Elles
réclamaient des sommes de plus en plus élevées
au trésor royal, en fait à l’impôt. Les ressources
le permettaient-elles ? Pouvait-on rendre le pays plus riche et
en recueillir un impôt augmenté sans cesse, mais qui parût à la
fois supportable et équitable ?
À
cela s’ajoutait ce qu’on appelle aujourd’hui les
réactions de mentalité collective. La fonction royale
jouissait d’un rayonnement quasi religieux. Représentant
de Dieu selon une conception hiérarchisée du monde, ayant
reçu au sacre des charismes particuliers, le roi bénéficiait
dans sa personne d’un prestige indiscutable . À une société patriarcale,
il apparaissait comme le père par excellence, ses peuples étaient
ses enfants. Or « les peuples se plaisent au spectacle,
disait Louis XIV. Par là, nous tenons leur esprit et leur cœur. » D’où,
ceci venant à la fois de la Renaissance et du caractère
rituel de l’Église, le cadre magnifique où la vie
du roi doit se dérouler comme une cérémonie. La
cour, Versailles, Fontainebleau, Saint-Germain répondaient à cette
quête de prestige.
Mais dans quelle mesure la France de Louis XIV, par son état
démographique, par ses ressources, par l’adhésion
morale des divers milieux, pouvait-elle s’adapter à ce
que le roi demandait d’elle ?
C’est le problème de ce règne, d’une durée
surprenante et riche d’événements et de mutations.
La
naissance d’un dauphin, le 5 septembre 1638, avait été accueillie
avec joie par l’opinion du pays. À la fois dans les groupes éclairés
de la société et dans les classes populaires, la France
ressentait l’absence d’un héritier au trône
comme une frustration nationale. Mariés depuis 1615, époux
depuis 1619, le roi Louis XIII et la reine Anne d’Autriche étaient
demeurés jusque-là sans enfant. Aussi ne faut-il pas
s’étonner que, dans les couvents, on ait prié avec
ardeur pour la naissance du dauphin et que sa venue ait été accueillie
comme le signe de la dilection de Dieu envers les Français.
Presque toute l’Europe était alors religieuse et monarchique
et chaque pays éprouvait la même ferveur pour ses princes
légitimes.
Louis avait quatre ans et demi lorsque la mort de Louis XIII le fit
roi (14 mai 1643). La France était depuis huit ans en guerre
avec l’Espagne et l’Empire, lourde guerre aux frontières,
et Richelieu avait plié à sa politique un pays récalcitrant,
rebelle à l’impôt et aux intendants qui le faisaient
payer. Pour maintenir son œuvre fragile, il avait en mourant (déc.
1642) recommandé à Louis XIII comme le meilleur ministre
possible son collaborateur, le cardinal Mazarin . Anne d’Autriche, à qui
le parlement de Paris avait reconnu le plein exercice de la régence,
crut ne pas pouvoir gouverner sans l’assistance de Mazarin. L’épousa-t-elle
secrètement ? On ne le croit plus. Amants, amis, qu’importe !
mais associés étroitement, dans l’éducation
du jeune roi comme dans les autres affaires. On a beaucoup dit que
cette éducation fut gâtée par la flatterie. Mais
comment imposer des actes ordinaires à cet enfant exceptionnel,
en qui l’on vénérait le roi ? D’intelligence équilibrée,
avec une excellente mémoire, Louis XIV reçut une éducation
humaniste qui lui laissa une bonne connaissance du latin, une solide
maîtrise de sa propre langue, un usage élégant
de deux autres (italien et espagnol), des idées générales
assez justes sur le passé de la France et ses institutions.
Il fut pénétré ou se pénétra tout
seul de sa conduite hors série, de son droit d’être
le maître et de l’idée que résister à sa
volonté (volonté ou caprice) était assurément
mal faire. Il a déclaré lui-même qu’enfant
il se sentait humilié par l’histoire des rois fainéants
et des maires du palais. Sa principale école fut pourtant la
terrible crise de la Fronde, survenue à l’heure où se
terminait, par la paix de Westphalie, la guerre avec l’Empire,
mais où la guerre principale contre l’Espagne prenait
encore plus d’importance. Des événements, le petit
roi reçut une série de chocs : la fuite à Saint-Germain
par une nuit d’hiver (il avait dix ans), l’invasion de
sa chambre par la populace parisienne venant s’assurer qu’on
ne préparait pas un nouveau départ, les perpétuels
remuements de la capitale dans la rue et même au palais royal,
les allées et venues entre Paris troublé et la province,
où les villes tantôt l’accueillaient, tantôt
devaient être conquises, la guerre civile de l’été 1652
et le retour triomphal à Paris à l’automne. Il
avait alors quatorze ans. Mazarin n’était pas encore rentré et
le roi accomplit son premier acte d’autorité. Il fit arrêter
le cardinal de Retz, surprenant tout l’entourage par sa résolution
et sa dissimulation. Le secret, que Richelieu recommandait comme vertu
royale, devait être toujours un trait de son comportement politique.
Du retour du cardinal (1653) à sa mort, huit années s’écoulèrent,
au cours desquelles le jeune roi consentit à laisser à Mazarin
les fonctions de Premier ministre et la direction des affaires. Période
mal connue dans le détail, où l’autorité du
roi fut de nouveau assise, beaucoup de malheurs de la guerre civile
réparés, la situation de la France consolidée
au-dehors par la paix avec l’Espagne, enfin conclue avantageusement
(traité des Pyrénées, en 1659, où la France
reçut l’Artois et le Roussillon), l’arbitrage accepté par
les pays du Nord (Brandebourg, Suède, Pologne). Mais, pendant
ce temps, l’adolescent devenait un jeune homme. Il paraissait
enclin au plaisir et satisfait d’une vie de parade et de fêtes,
figurant lui-même dans les ballets costumés, les carrousels
et les cavalcades, montrant beaucoup de complaisance pour les concerts
et les opéras à la manière italienne et baroque.
Ses sens s’éveillaient, que la religion n’aidait
guère à discipliner. Au demeurant, sa religion, difficile à apprécier équitablement, était
déjà un mélange de foi profonde, d’attachement
sincère au catholicisme, de déférence envers Rome
et l’Église, de fidélité aux rites qui lui
coûtaient le moins et d’un accommodement pharisaïque
avec les entraînements de la chair. Toutefois, il se laissa marier,
par nécessité politique, à l’infante Marie-Thérèse
d’Espagne. De ce mariage il devait avoir six enfants, dont
seul survécut l’aîné, le Grand Dauphin (1661-1711)
.
La mort de Mazarin (mars 1661) permit au jeune souverain d’entrer en
scène, car il se résolut aussitôt à exercer ce métier
de roi que, dans les éclairants Mémoires pour l’instruction
du dauphin, il a déclaré lui-même « noble, grand
et délicieux ». Des historiens d’à présent
appliquent l’épithète « révolutionnaire » à ce
qu’entreprit alors Louis XIV. Cela doit être entendu des incontestables
changements que, pourtant traditionaliste (piété filiale envers
son père, volonté de poursuivre l’œuvre des ancêtres
pour l’élargir et l’améliorer), il apporta tout de
suite au gouvernement effectif du royaume. Sa conviction est que le roi doit
agir lui-même et que rien ne peut être décidé qu’en
son nom. D’où la ferme décision d’écarter
ceux à qui la naissance ou de hautes charges pouvaient prêter
une autorité préjudiciable à la sienne. Délibérément,
il ne souffrit plus jamais de Premier ministre, ni de prince du sang, ni de
cardinal dans le Conseil du roi. Il ne rétablit jamais, à la
tête de l’armée, la fonction de connétable (il la
refusa encore à Villars en 1714). Après la chute de Fouquet,
dont la richesse mal acquise (mais il y en avait d’autres) et l’influence
sur trop de milieux éveillaient sa jalousie, il n’y eut plus de
surintendant des Finances. Reste le chancelier qu’il n’a jamais
supprimé ; mais il en a diminué singulièrement l’autorité,
en le confinant dans la présidence du Conseil des parties, qui devint
de plus en plus un tribunal administratif. Dans les différents conseils,
qui étaient de véritables conseils de gouvernement (Conseil d’en
haut, Conseil des dépêches, Conseil des finances), il n’admit
que des commis d’origine bourgeoise. Il les comblait d’honneurs,
de titres de noblesse et de richesses, mais sans que jamais on pût les
confondre avec les membres de la noblesse du sang, ni oublier qu’ils étaient
les « domestiques » du roi. Il fut simplement assisté dans
cette entreprise par Colbert, un ancien intendant de Mazarin, très bon
connaisseur du travail effectif des conseils, prodigieusement intelligent et
laborieux, passionnément ambitieux et autoritaire, mais prudent et assez
habile pour ne jamais lui porter ombrage. Colbert n’eut que le titre
de contrôleur général des Finances, mais il réorganisa
le Conseil des finances et il reçut les secrétariats d’État
de la Marine, de la Maison du roi. Pratiquement, relevèrent de lui les
intendants de province, tout le commerce, la navigation, les eaux et forêts
et les colonies. L’armée de terre et la politique étrangère
dépendaient d’autres ministres (Le Tellier et Louvois pour la
première, Lionne, Pomponne, Croissy pour la seconde), alors qu’au
temps de Richelieu et de Mazarin le principal ministre connaissait de tout.
Au Conseil des finances – création de Colbert – était
arrêté le brevet de la taille et établi le budget, que
le contrôleur général aurait voulu positif, les recettes équilibrant
les dépenses ; à cause des charges générales
de la monarchie, surtout les frais de la guerre et de bâtiments, cela
fut bientôt impossible. Comme par le passé, le gouvernement royal
ne cessa de s’endetter. La méthode de Colbert eut pour résultat
que la monarchie, dans les affaires intérieures du royaume, de judiciaire
devint de plus en plus administrative et fiscale, soumettant effectivement
les privilèges des provinces, des communautés urbaines et rurales
aux exigences du contrôle général, transmises par les intendants
et leurs subdélégués. Ainsi, il y eut plus d’ordre
et d’unité dans le royaume, mais au détriment de la liberté.
Colbert, appliquant la doctrine mercantiliste, voulait animer la production
française pour vendre au-dehors et attirer en France la plus forte quantité possible
d’espèces. Il fonda les manufactures d’État, accorda
des privilèges à des entreprises de particuliers, s’attacha à améliorer
l’administration des forêts, mit en chantier des navires de guerre
pour la défense des côtes et la protection de la flotte marchande.
Il encouragea la création de compagnies de commerce et de navigation
pour les Antilles, le golfe de Guinée, la Baltique.
Les limites au succès de son entreprise ne tiennent pas seulement, comme
on l’a dit, aux charges de la politique de magnificence que, contre son
avis, Louis XIV prétendait poursuivre. Colbert aurait souhaité limiter
la prodigalité du roi, mais il se heurtait à des difficultés
qui ne dépendaient pas de volontés individuelles. Le XVIIe siècle
a connu souvent une météorologie défavorable, compromettant
les récoltes et entraînant la gêne des producteurs et des
rentiers de la terre. En outre, la demande se restreignait sur le marché international,
par la suite d’un fléchissement dans la production des mines d’Amérique
et de l’abaissement démographique de plusieurs pays européens.
Moins d’espèces en circulation, moins d’acheteurs disponibles
dans le monde. Cela explique, pour une grande part, l’essoufflement des
compagnies, la répugnance du public sollicité à risquer
ses fonds dans des entreprises incertaines et l’attachement aux modes
traditionnels de placement : achat de rentes, d’offices (d’autant
plus que le Trésor en offrait toujours), prêts entre particuliers
et achat de terres, souvent parcelles après parcelles, pour arrondir
les héritages, au détriment des biens communaux ou des paysans
les plus pauvres. Colbert s’est préoccupé de l’agriculture,
essayant de diminuer la taille pour en obtenir le paiement intégral,
d’encourager les cultures nouvelles et l’amélioration de
l’élevage. S’il n’a pu obtenir les transformations
qu’il escomptait, si la population française ne s’est pas élevée
rapidement (terrible mortalité infantile, durée moyenne de vie
de vingt-cinq ans), la France avait, entre 1660 et 1670, la réputation
d’un pays riche en ressources.
Dans l’ordre politique, la France avait pris la relève de l’Espagne ;
dans celui de la civilisation, elle allait prendre celle de l’Italie,
magnifique par l’éclat de ses cours et la richesse incomparable
de ses centres artistiques : Rome, Florence, Parme, Bologne, Venise, la
qualité de ses ateliers, la renommée de ses théâtres,
l’autorité admise des théoriciens. À cela s’ajoutait
la surabondance des œuvres antiques. Il fallait donc capter des richesses
et une réputation, attirer en France « tout ce qu’il
y a de beau en Italie », disait Colbert. La pensée française
elle-même et les arts avaient accompli d’immenses progrès.
Une élite d’écrivains, d’architectes, de peintres
et de sculpteurs s’était constituée au service d’une
clientèle d’Église, de seigneurs et de hauts personnages.
En pleine vigueur au moment où le roi prit le pouvoir, elle avait travaillé pour
Mazarin, puis pour Fouquet. Louis XIV l’employa à son tour. Dix
années de réussites merveilleuses : Corneille, dont le talent
demeure souple et inventif, Molière, dont les comédies figurent
au programme des grandes fêtes de cour, Racine, dont les tragédies
renouvellent le genre, les peintres Le Brun et Mignard, l’architecte
Le Vau, Mansart, le créateur de jardins Le Nôtre.
Le roi aimait le beau, et en cette matière il jugeait bien, d’instinct.
Colbert, continuateur de Richelieu dans ce domaine aussi, entendait que la
qualité des œuvres fût garantie par la sûreté de
doctrine et le contrôle des « intelligents », c’est-à-dire
de personnes instruites des règles et bien informées. À l’instar
de l’Académie française qui veillait à la pureté de
la langue, de nouvelles académies furent créées :
Académie des inscriptions ou Petite Académie (1663) pour les
médailles et les inscriptions lapidaires sur les monuments publics,
Académie de peinture et sculpture (1664), Académie des sciences
(1666), Académie d’architecture (1671). Tout cela officiel, assurément,
mais pas du tout contraignant, comme on l’a prétendu, ni académique,
au sens figuré du terme. Car les tempéraments étaient
divers, les opinions et les manières se transformaient sans cesse, fût-ce
en s’attachant toujours à un idéal d’harmonie, d’équilibre
et de raison.
Sans doute, les artistes ont besoin de mécènes et produisent
dans l’esprit qu’on leur suggère. Mais deux faits doivent être
reconnus : d’une part, à cette date, l’éclosion
d’une culture élaborée depuis deux générations
et qui s’exprime ; de l’autre, l’attrait exercé par
le roi lui-même, dont la jeunesse et la gloire s’offrent comme
des thèmes naturels d’inspiration. Il est Apollon, Alexandre,
parce que sa renommée et sa présence semblent les incarnations
de ces grands symboles et de ces illustres souvenirs (le cycle d’Alexandre,
de Le Brun). Cela est si vrai que le plus grand sculpteur et architecte du
temps, Bernin, le second Michel-Ange, comblé de commandes et d’honneurs,
accepta de venir à Paris, dans l’espoir de couronner sa carrière
illustre par un morceau hors pair : la reconstruction du Louvre. Et ce
n’est pas du tout la querelle du classique et du baroque qui empêcha
l’affaire conclue d’être réalisée ; ce
fut la coïncidence de la première guerre (1667), et des économies
qu’elle imposait, avec la présence à Paris d’excellents
architectes, au demeurant jaloux de l’Italien, et dont les projets prouvaient
qu’ils pouvaient faire aussi bien et moins cher. Parler de feu d’artifice,
parce que la période, disons flamboyante, de ces réussites fut
assez brève, c’est ne pas faire sentir toute son intensité qui
devait nourrir les œuvres françaises au cours des décennies
suivantes et consacrer la réputation universelle d’un style. Classicisme
essentiel et original, mais qui n’exclut pas nombre d’aspects baroques,
ni même l’existence d’un baroque français, coloré,
fervent et pourtant sans outrances. Il ne faut pas seulement penser aux grandes œuvres
célèbres, ou à celles que les historiens d’art avertis
d’à présent remettent au jour, mais à une très
nombreuse production dans les provinces, pour les églises et les demeures
privées, et encore à la multitude des exécutants, des
artisans pourvus d’une véritable maîtrise technique et de
beaucoup de goût, à Paris et dans les villes. Assurément,
Louis XIV, sa gloire, son administration et sa politique ne peuvent porter
une immédiate responsabilité, mais ce qui fut accompli autour
du roi ou à cause de lui donna son impulsion à toute cette civilisation,
justifiant ainsi qu’on parle du siècle de Louis XIV.
En 1667, la France rompit la paix qu’elle maintenait avec l’Espagne
depuis huit ans. Ce fut le commencement des guerres qui tinrent une si grande
place dans le règne et dont il est plus important de comprendre le caractère
et les conséquences que d’évoquer les péripéties.
Ainsi se trouvent posés deux problèmes : celui de la politique étrangère
du roi et celui de la force militaire du royaume.
Y eut-il dès l’origine un programme arrêté ou même
une idée directrice de la politique étrangère ? Les
historiens ont cru les reconnaître dans les prétentions à la
succession d’Espagne ou à des fragments de cette succession, parce
que la dot de la reine Marie-Thérèse, moyennant quoi celle-ci
renonçait à ses droits, n’avait pas été payée
et que la recherche de compensation s’était imposée, dès
la mort de son père, le roi Philippe IV (1665). D’autres ont évoqué la
mauvaise configuration des frontières (qui, même après
la paix de Westphalie et celle des Pyrénées, laissaient le royaume
vulnérable) et l’ambition d’atteindre les frontières
naturelles, le Rhin sur toute sa longueur. La première interprétation
est excessive, la seconde provient d’une idée fausse, étendant à l’époque
de Louis XIV des desseins formés bien plus tard. On a évoqué,
enfin, avec de meilleurs arguments, la passion de la gloire qui fut l’un
des traits essentiels du caractère de Louis XIV. Au XVIIe siècle,
un roi était, par excellence, un chef de guerre, le premier gentilhomme
de son royaume et, comme tel, il devait rechercher « de grandes
occasions de se signaler ». Les termes sont de Louis XIV. Mais de
lui aussi cette réserve : « La grandeur de notre courage
ne doit pas nous faire négliger le secours de notre raison et plus on
aime chèrement la gloire, plus on doit chercher à l’acquérir
avec sécurité. » Louis XIV, dont un autre trait était
la prudence, ne s’est jamais jeté à l’étourdie
dans une aventure guerrière. Ce qui ne signifie pas que, pesées,
toutes ses décisions furent sages, car son ambition et son orgueil,
attisés par plusieurs de ses conseillers, provoquèrent des résistances,
et même des offensives auxquelles il ne s’attendait pas. Au début
du règne, le Conseil du roi (Brienne et Lionne) n’incitait pas
aux actions d’éclat et la seule raison de rechercher la guerre
eût été l’humeur impatiente de la jeune noblesse.
Un exutoire fut offert aux plus ardents par l’envoi de troupes en Hongrie
en 1664, pour secourir l’empereur et la chrétienté lors
d’une offensive ottomane, qui fut arrêtée, en partie grâce
aux Français, près du couvent de Saint-Gotthard, dans la région
de la Raab.
Surtout, il faut bien comprendre la nature judiciaire et chicanière
de la diplomatie d’alors. Dans aucun pays elle ne s’inspirait d’un
idéal philosophique ou moral et n’en mettait les principes en
avant. Sur chaque territoire pesaient un nombre énorme de droits de
suzeraineté, compliqués par les contrats et les successions et
qui justifiaient la légitimité du détenteur actuel, contestée
par d’autres prétendants à la possession. Les traités
signés, leur application soulevait d’interminables débats,
où naturellement le plus fort l’emportait, mais en prouvant que
le droit était pour lui. Le résultat avait comporté beaucoup
de complaisances et d’intrigues, afin d’obtenir les convictions
ou les consentements.
Pour les territoires et les droits d’Alsace, cédés à la
paix de Westphalie, pour les droits de la reine et le traité des Pyrénées,
pour les terres du duché de Lorraine, les unes vassales d’Empire
devenues autonomes et les autres vassales de France, la situation ne pouvait être établie
que de cette manière. Aussi Louis XIV ne concevait-il la politique étrangère
qu’à travers ces débats, dont la procédure, œuvre
de feudistes et d’experts, était portée au secrétariat
d’État aux affaires étrangères et au Conseil. La
diplomatie et la représentation du roi auprès des autres souverains étaient
confiées déjà à de grands commis spécialisés
ou à des personnages importants. Ceux-ci employaient informateurs et
espions. Une autre habitude du temps était la constitution de clientèles.
Il y en avait en France. Il paraissait naturel qu’au dehors le roi, par
des obligations et des cadeaux, s’attachât des seigneurs influents
ou des ministres. À la fin du règne, lors des pourparlers de
La Haye, il offrait encore des millions à Marlborough, général
de la coalition adverse, pour l’incliner à son parti.
À
son droit, à son crédit, à son influence, Louis XIV a
cru, de plus en plus, comme à autant de valeurs irrésistibles.
Il ne s’est probablement jamais fait une idée nette de ce que
représentait l’achat d’une conscience, et, croyant chez
les autres au seul intérêt et pour lui-même à son
bon droit, il s’est préparé bien des désillusions
et des erreurs de manœuvre. En outre, il faut citer encore, le sens et
l’agrément du métier royal lui paraissant d’avoir « les
yeux ouverts sur toute la terre, apprendre à toute heure les nouvelles
de toutes les nations, le secret de toutes les cours, l’humeur et le
faible de tous les princes et de tous les ministres étrangers »,
cela, pour brillant et pénétrant qu’il semble, laissait
de côté la nature et les intérêts profonds des peuples,
leurs traditions religieuses et leurs possibles réactions de sensibilité collective,
tout ce qui pouvait rendre un jour irréductibles des adversaires ou
des ennemis.
En 1661, la France disposait d’alliances : la Suède, les
Provinces-Unies, l’Angleterre, depuis Cromwell et surtout la restauration
de Charles II Stuart. Louis XIV était garant des traités de Westphalie,
protecteur de la ligue du Rhin (alliance intérieure de plusieurs princes
d’Empire) et disposait d’une clientèle en Allemagne. Mais
bientôt, en pleine paix, les chicanes avec la cour d’Espagne pour
la préséance des ambassadeurs, avec le pape pour la garde corse
suscitèrent l’image d’un roi agressif qui entendait fonder
son prestige sur l’humiliation des autres. Lui qui était doué personnellement
de tant de qualités aimables se destinait à être craint
au dehors, tant qu’il serait redoutable, mais à n’être
jamais aimé et à devenir détesté.
Il y eut de bons résultats pourtant : l’achat, au roi Charles
II, de Dunkerque, enclave anglaise sur le continent, le traité de Montmartre
avec le duc de Lorraine, qui cédait son duché à la France,
tout en le conservant à titre viager. Il est vrai que le duc intrigua
et que Louis XIV fit occuper militairement la Lorraine, ce que l’Empire
n’admit jamais. Les relations avec l’Empire et l’empereur étaient
délicates. Lors de l’élection de 1658, Mazarin n’avait
pas présenté la candidature de Louis XIV à l’Empire,
parce qu’il ne jugeait pas l’affaire assez mûre. Léopold
de Habsbourg avait été élu. Mais Louis XIV, qui jalousait
la dignité impériale, espérait qu’elle lui reviendrait
un jour, à lui ou au dauphin, et ce fut l’une des raisons d’entretenir
une alliance avec des princes allemands, dont l’Électeur de Brandebourg.
En cas de guerre avec l’Espagne, la position de l’empereur et de
l’Empire serait sûrement d’une importance presque décisive.
Cette guerre devenait de plus en plus probable, à partir de la mort
de Philippe IV. Il faut ici parler de l’armée. Le secrétaire
d’État qui l’avait dans son ressort était le plus
fidèle serviteur de la monarchie : Michel Le Tellier, excellent
intendant et administrateur. Ses réformes avaient contribué à corriger
les défauts d’un système qu’on ne pouvait transformer
d’un coup : armée recrutée par engagements volontaires
(racolage), encadrée par des officiers nobles, courageux et braves,
mais peu disciplinés. Les colonels et capitaines achetaient leurs charges,
entretenaient eux-mêmes leurs troupes en trafiquant sur le nombre des
hommes et les marchés. Les règlements de Le Tellier mirent le
plus d’ordre possible dans les questions de solde, de subsistance et
d’étapes. Ils améliorèrent l’armement de l’infanterie
et de la cavalerie, l’emploi de l’artillerie qui dépendait
encore d’un grand maître (1 000 canons fondus de 1664 à 1666)
et l’aménagement des forteresses. On disposait déjà d’excellents
ingénieurs, formés par une tradition française et italienne,
bons connaisseurs de la mise en défense d’une place, de la disposition
des bastions, de la manœuvre de la mine. Ainsi, l’armée devint
vraiment royale, dans ce sens que le roi l’eut désormais à sa
disposition comme la base et l’instrument de sa politique extérieure,
qu’elle fut administrée régulièrement comme les
autres secteurs. Elle eut de bons généraux, à l’école
des deux grands chefs dont la réputation était européenne :
Turenne, ancien élève des stratèges hollandais, Condé,
tacticien intrépide et entraînant. Tous deux, qui avaient été rebelles,
ne respiraient que le service du roi et Louis XIV appela le premier le « père
de la patrie ». Dès la guerre de 1667, l’armée
française, par le nombre (72 000 hommes, dont beaucoup de régiments étrangers,
suisses, allemands et italiens, selon l’usage du temps) et surtout par
la capacité, était supérieure aux autres armées
européennes.
Elle ne cessa de se transformer, au cours de la guerre de Hollande. Le Tellier était
assisté de son fils Louvois, qui le remplaçait pratiquement.
Moins réservé que son père, Louvois, parce qu’il
sentait l’armée de plus en plus forte et efficace, encouragea
la politique de conquêtes et d’ambition. En territoire étranger,
il usa de procédés d’extermination épouvantables :
le dégât, c’est-à-dire l’incendie et l’arasement
du plat pays. Ses soins se portèrent vers l’armement (fusil, baïonnette),
l’intendance, la solde et la sécurité des étapes.
Parallèlement à son effort, celui de Colbert et de Seignelay,
son fils et successeur, pourvut la France d’une marine de qualité,
aussi bien par la construction des meilleurs et plus beaux navires dans les
arsenaux de Brest et de Toulon (vaisseaux de haut bord pour le Ponant, galères
en Méditerranée) que pour l’enrôlement des marins
(inscription maritime), et cela avec d’autant plus de mérite qu’à la
différence de l’Angleterre et de la Hollande, l’opinion
française n’était pas celle d’un pays intéressé par
les choses de la mer. Surtout, il y eut l’œuvre de Vauban. Cet ingénieur
militaire, que son mérite éleva jusqu’à la dignité de
maréchal de France, pourvut les villes conquises et les ports d’un
système nouveau d’ouvrages fortifiés, si bien que l’invasion
du royaume devenait sinon impossible, du moins très difficile.
Mais les guerres successives obligèrent à augmenter le nombre
des troupes et à compléter les enrôlements militaires par
la milice (tirage au sort, 1688). Bien des vices anciens subsistèrent,
mais, mieux encadré, mieux ravitaillé, mieux armé, entouré de
plus de soins (les Invalides), le soldat français de Louis XIV prit
une figure originale et connut un destin plus digne que celui de la période
précédente.
Le souci du prestige de la France au-dehors, qui se confondait alors avec la
puissance et la réputation de la dynastie, a incontestablement entraîné Louis
XIV à une politique belliqueuse, très lourde par ses conséquences
fiscales et dont les excès ont suscité contre lui des coalitions
qui finirent par mettre en péril le royaume lui-même. Une première
phase, celle des succès, qu’il ne faut pas croire toujours faciles,
s’étend de 1661 à 1679. Elle s’est déroulée
dans l’esprit de la traditionnelle rivalité entre la France et
l’Espagne, mais elle a conduit aussi au conflit avec la Hollande et l’Empire.
Pendant toute cette période, l’Angleterre des Stuarts demeura
plutôt favorable à Louis XIV.
La guerre de Dévolution (1667-1668) n’était pas reconnue
comme telle ; Louis XIV prenait possession des villes du Nord comme part
de la reine dans la succession de son père, en vertu d’un droit
des Pays-Bas. Après une brillante campagne de sièges, il obtint
onze places, dont Lille, au traité d’Aix-la-Chapelle. S’il
avait pu s’assurer la neutralité de l’empereur, il avait été pressé de
conclure la paix par la formation d’une triple alliance entre l’Angleterre,
les Provinces-Unies, la veille adversaires, mais réconciliées
pour lui offrir leur médiation, et la Suède. Il était
relativement aisé de ramener l’Angleterre et la Suède dans
l’orbite de la France, mais, pour des raisons religieuses, politiques
et surtout économiques, la rivalité avec les Hollandais était
difficile à surmonter. Après quatre ans de préparation
diplomatique, Louis XIV ouvrit le conflit avec les Provinces-Unies et, en quelques
semaines (1672), les réduisit à demander la paix. Mais les conditions
qu’il proposa furent si dures qu’elles entraînèrent
une révolution à La Haye, la chute du gouvernement républicain
de Jean de Witt et l’arrivée au pouvoir du stathouder Guillaume
d’Orange, qui devait être l’un des adversaires les plus acharnés
de Louis XIV. Une coalition se forma entre les Hollandais, l’Espagne,
l’empereur, l’Empire et le duc de Lorraine. Tout l’effort
de la guerre se reporta de la Hollande vers les Pays-Bas espagnols, la Franche-Comté et
l’Alsace. La nouveauté fut le déploiement de la force française
sur mer, dans la guerre d’escadre et la guerre de course. Les flottes
d’Espagne et de Hollande subirent de sérieux échecs en
Méditerranée, autour de la Sicile, occupée par les soldats
de Louis XIV. À l’est de l’Europe, l’Électeur
de Brandebourg, qui était passé d’un camp à l’autre,
battit les Suédois à Fehrbellin (1675). L’insurrection
hongroise d’Imre Thököly, à laquelle la France aurait
voulu procurer l’appui de la Pologne, gênait l’empereur,
sans apporter de solution au conflit. Les négociations engagées à Nimègue
garantirent les plus grands avantages à la France. Celle-ci obtenait
de l’Espagne la Franche-Comté, des villes du Hainaut, de la Flandre
maritime et de l’Artois, ce qui donna, après quelques échanges,
un tracé continu à la frontière du Nord-Est. La Hollande était
plus ménagée par un nouveau traité de commerce. Dans l’Empire,
l’empereur cédait Fribourg-en Brisgau. La Lorraine devait être
restituée à son duc, mais amputée de Nancy et traversée
de quatre routes. La résistance du duc servit de prétexte pour
la conserver provisoirement. Quant à l’Alsace, les circonstances
avaient permis à Louis XIV de rompre les derniers liens qu’elle
avait avec l’Empire et d’y asseoir son autorité directe,
favorable à un relèvement économique du pays.
Les territoires cédés l’étant, selon la vieille
formule, avec leurs appartenances et dépendances, Louis XIV, conseillé par
Colbert, de Croissy et Louvois, étendit ses revendications. Des chambres
des parlements de Metz, Besançon, Douai et un conseil à Brisach
prononcèrent des arrêts de réunion. Puis, en 1681, Louis
XIV obtint la capitulation de Strasbourg et il acheta Casal au duc de Mantoue.
Redouté de toute l’Europe, où commençaient à se
nouer des alliances défensives, Louis XIV était au faîte
de sa puissance. Les complications provinrent de l’Orient. Un vizir ambitieux,
Kara Mustafa, avait reconstitué et regroupé les forces du sultan
pour les lancer à l’assaut de Vienne. Les pays de l’empereur
d’Allemagne, la Pologne, l’Italie même voyaient dans cette
entreprise un péril pour toute la chrétienté. Aussi le
pape Innocent XI souhaitait-il la formation d’une ligue dont Louis XIV,
le prince le plus fort d’Europe, aurait pris la tête. Au contraire,
Louis XIV voulait utiliser cette menace pour décider les autres à reconnaître
définitivement ses réunions. Le résultat fut que les Turcs
purent assiéger Vienne en juillet 1683 et que, sans la participation
des Français, les Allemands et les Polonais de Jean III Sobieski livrèrent
et gagnèrent la bataille de la délivrance. Le prestige de la
France était atteint.
Néanmoins, après une courte guerre avec l’Espagne, Louis
XIV put obtenir aux traités de Ratisbonne la cession de Luxembourg et
la reconnaissance pour vingt ans des réunions, y compris celles de Strasbourg
et Casal. Il lui fallait se garder, dès lors, de toute provocation.
À
cette date, bien des transformations avaient été accomplies à l’intérieur
du royaume. L’une des plus importantes fut l’aménagement
du palais de Versailles, où les services des ministres se fixèrent
auprès du roi, séparation entre la capitale et la résidence
du gouvernement qui devait se révéler lourde de conséquences.
Sur le plan de l’art, la réussite était admirable :
Hardouin-Mansart achevait le premier remaniement du palais commencé par
Le Vau. À l’intérieur, la galerie des Glaces , décorée
par Le Brun, reliait le salon de la Guerre à celui de la Paix, comme
le symbole de la politique royale qui prétendait n’avoir fait
la guerre que pour assurer la tranquillité à l’Europe.
Au-dehors, le parc avec les bassins, le grand canal, les bosquets et Trianon :
rien de pareil n’avait été accompli depuis les Romains.
Et dans ce cadre, les fêtes, les concerts, la vie d’une cour bien
réglée et servile autour du maître, dont elle attend faveurs
et pensions, et la libre entrée du peuple qui, dans une surprenante
cohue, prend sa part du spectacle.
Mais les difficultés du gouvernement intérieur sont nombreuses,
surtout les affaires religieuses.
Louis XIV prenait appui sur l’Église, le concordat de 1516 et
les indults lui donnant le droit de nommer les évêques et de pourvoir à de
nombreux bénéfices. D’autre part, le clergé de France,
dans ses assemblées de cinq en cinq ans, lui accordait, par le don gratuit,
une solide contribution financière. Les curés avaient la charge
de l’état civil. Cette religion liée aux institutions et à l’ordre
social du royaume, était vécue avec plus d’intensité et
de foi par les fidèles, sous l’influence de prêtres plus éclairés
et formés dans les séminaires. Au début du règne
personnel, Louis XIV se méfiait des dévots qui censuraient le
théâtre et les divertissements auxquels il prenait le plus de
plaisir, et qui, par la compagnie duSaint-Sacrement, surveillaient la vie privée.
Mais il voyait dans l’unité de foi et de doctrine une garantie
d’ordre et de stabilité pour le royaume et, bien qu’attaché au
Saint-Siège, il voulait marquer l’indépendance absolue
de sa monarchie de droit divin à l’égard de toute puissance
spirituelle. De là bien des flottements dans sa politique religieuse.
Depuis l’époque de Mazarin, les jansénistes étaient
persécutés comme rebelles à la doctrine officielle de
la Sorbonne et aux bulles du pape. Louis XIV sévit contre le groupe
de Port-Royal, religieuses et solitaires.
L’extension à tous les évêchés de France d’un
droit de régale qui réservait au roi des avantages dans certains
diocèses suscita un conflit avec le pape Innocent XI et la résistance
d’évêques de tendance janséniste. Le roi demanda à l’assemblée
du clergé, dont les attributions étaient financières,
de rédiger un corps de doctrine des libertés gallicanes et de
le faire enseigner dans les séminaires. Ce fut la déclaration
de 1682, qu’Innocent XI et ses successeurs condamnèrent.
Il semblait que l’on fût à la veille d’un schisme :
pure apparence, car les évêques français, bons théologiens
et canonistes, cherchaient à préserver l’harmonie des deux
pouvoirs. La crise se dénoua après la révolution d’Angleterre,
qui consolidait le protestantisme dans l’Europe du Nord.
Les évêques, comme le roi, souhaitaient la conversion des protestants
par la persuasion (Fénelon), par la discussion (Bossuet) et par la prédication.
Mais ils jugeaient licite, sinon nécessaire, le secours du bras séculier.
En 1685, persuadé qu’il ne restait plus que des opiniâtres,
Louis XIV révoqua l’édit de Nantes et interdit le culte
réformé dans le royaume. Peut-être, par cette mesure retentissante,
pensait-il atténuer les mérites qui revenaient à l’empereur
d’avoir sauvé la chrétienté à Vienne. Les
conséquences furent désastreuses : l’élite
sociale des protestants (nobles et bourgeois) s’enfuit de France et porta
dans les pays de refuge (Brandebourg et Hollande) ses capitaux et ses procédés
de fabrication.
Des pays protestants, une propagande indignée dénonça
la tyrannie de Louis XIV et les Soupirs de la France esclave (Pierre Jurieu).
L’esprit janséniste ou du moins augustinien, le succès
d’une morale austère et d’une pratique sérieuse se
trouvaient largement diffusés par les ouvrages d’écrivains
religieux et combattus par d’autres. Tel le livre de l’oratorien
Pasquier Quesnel : Réflexions morales sur l’Ancien et le
Nouveau Testament. La querelle engagée autour de lui réveilla
le jansénisme. À la fin du règne, le roi sollicita du
pape la bulle Unigenitus qui condamnait cent une propositions du P. Quesnel. À l’opposé du
jansénisme, une doctrine mystique, le quiétisme, opposa deux
des plus grands évêques français : Bossuet et Fénelon.
La soumission exemplaire de Fénelon lui prêta plus d’autorité dans
la lutte qu’il menait contre le jansénisme. Ainsi les affaires
religieuses, sous leur aspect politique comme sous leur aspect spirituel, avaient
troublé l’opinion au lieu de l’apaiser.
On établit parfois une opposition entre une période de succès
(1661-1684) et un long déclin, de 1685 à la mort du roi, le temps
des deux grandes guerres de coalition : celles de la ligue d’Augsbourg
(la guerre de Neuf Ans des historiens anglais, 1688-1697) et de la Succession
d’Espagne. Deux guerres très longues, en effet, coïncidant
avec des pointes de détresse économique (famines de 1693 et 1709)
et comportant des revers militaires encore jamais vus. La politique extérieure
a suscité des complications immenses et vraiment superflues pour un
pays dont la vie générale était difficile, mais les deux
guerres ont trop accaparé l’attention et fait oublier qu’on
ne peut interpréter par un constant déclin la vie de la nation
pendant ces trente ans que divise en parts égales la date charnière
de 1700, passage du XVIIe au XVIIIe siècle.
La vie privée de Louis XIV avait été longtemps scandaleuse.
S’il n’accordait à ses maîtresses aucun rôle
politique, il les laissait paraître à la cour plus reines que
la reine, surtout Mme de Montespan, et, après avoir dissimulé quelques
années ses bâtards, il les fit légitimer par le parlement
de Paris, dota les fils de titres princiers et maria les filles avec des princes
de sang. À la mort de la reine (1683), il contracta un mariage secret
avec la marquise de Maintenon, qu’il laissa prendre sur les affaires
générales une influence discrète, mais efficace, de conseillère.
La cour parut plus grave, malgré les contradictions entre la dévotion
et le dérèglement des mœurs. Contemporains et historiens
on fait porter à Mme de Maintenon la responsabilité de toutes
les mesures fâcheuses : c’est exagérer de beaucoup
son rôle. Si les plaisirs de Versailles ne furent plus ceux du début
du règne, on ne peut parler d’un déclin de la civilisation
française. Le roi continue à embellir et transformer Versailles,
Trianon, Marly ; on joue les opéras de Lulli, les œuvres de
musique religieuse et profane se multiplient. L’art décoratif évolue
avec Bérain, la sculpture se renouvelle avec Coysevox , la peinture
avec Largillière et les débats de l’Académie sur
le coloris et le dessin ; l’urbanisme accomplit des réussites à Paris
et en province ; on ne saurait oublier l’essor des arts provinciaux
et populaires, le grand nombre de retables qui ornent les églises, mêmes
les paroissiales de campagne, l’imagerie et la faïencerie. La littérature
produit des chefs-d’œuvre, des Caractères de La Bruyère à l’Athalie
de Racine. Mais un nouvel esprit, plus critique, apparaît. Un plus grand
nombre de gens savent lire et écrire, prennent goût aux ouvrages
de religion, de jurisprudence et d’histoire. C’est le temps du
Dictionnaire de Bayle, du Détail de la France de Boisguillebert, du
Projet d’une dîme royale de Vauban. L’intérêt
augmente pour les sciences, les voyages, les peuples étrangers. À un
rythme lent, mais soutenu, les promotions sociales s’accomplissent dans
les familles du peuple et de bourgeoisie. L’élite s’est élargie
et nuancée. Enfin, les signes ne manquent pas, à Paris et dans
plusieurs provinces, d’un progrès économique, mais fragile
et qui retombe, très vite, sous l’influence des guerres et des
charges fiscales.
Louis XIV n’est pas vraiment populaire, à la manière des
enthousiasmes modernes, mais il demeure le roi et, en dehors des polémistes,
l’opinion l’identifie toujours à la France.
La guerre de la ligue d’Augsbourg est sortie de l’impatience de
Louis XIV à transformer en paix définitive les trèves
de Ratisbonne et de sa crainte de voir l’empereur et l’Empire se
retourner contre la France dès que serait terminée la guerre
contre les Turcs (reprise de Bude en 1686, de Belgrade en 1688). Crainte justifiée
ou non ? Le problème n’est pas éclairci. Mais Louis
XIV, en même temps, semblait saisir toutes les occasions de se montrer
insatiable (exigences pour l’élection de l’archevêque
de Cologne et réclamations pour l’héritage de Madame, fille
de l’Électeur Palatin). Or, il était de plus en plus détesté et
critiqué en Allemagne, tandis que ses rapports avec l’Angleterre
se détérioraient. Parce qu’il y avait implantation des
Français au Canada, progrès de la colonisation en Amérique,
du commerce des Îles, établissement des comptoirs dans l’Inde,
les milieux d’affaires et le Parlement anglais prenaient conscience de
la rivalité économique avec la France et surveillaient le roi
Jacques II, catholique et client de Louis XIV. Le 25 septembre 1688, Louis
XIV lança un manifeste exigeant dans un délai de deux mois la
transformation des trèves en traité définitif et il prit
des gages en ordonnant l’entrée de ses troupes au Palatinat et
la dévastation du pays. Cette mesure horrible, conseillée par
Louvois et Chamlay, eut pour résultat le rassemblement de l’Europe
contre la France. L’âme en fut le stathouder de Hollande, Guillaume
d’Orange, qui suscita contre son beau-père, Jacques II, la révolution
anglaise de 1688, se fit reconnaître pour roi, associé à sa
femme Marie II. Une coalition à la fois formidable et hétéroclite
réunit contre la France l’Angleterre, les Provinces-Unies, l’empereur,
l’Empire, l’Espagne et la Savoie. Louis XIV crut qu’il la
dissocierait par des victoires sur l’Angleterre. Mais sa flotte de guerre,
victorieuse d’abord (Tourville au cap Beveziers, 1690) fut dispersée
au désastre de la Hougue. Il y eut alternances d’avantages et
de revers dans la guerre de course, les luttes au Canada et autour de Pondichéry.
Les opérations de terre se déroulèrent en Flandre (victoires
de Fleurus, Steinkerque et Namur) et en Savoie (Staffarde et La Marsaille).
Mais, dès 1693, la disette et le coût de la guerre inclinaient à faire
la paix. Rallié à l’opinion de son ancien secrétaire
aux Affaires étrangères, le marquis de Pomponne, Louis XIV comprit
qu’il fallait sacrifier une partie des réunions pour garder l’essentiel.
Au Congrès de Ryswick (1697) les délégués français
firent preuve de sagesse. Le roi rendit les réunions, mais conserva
Strasbourg et obtint la vallée de la Sarre. Il restitua la Lorraine
au duc, qui épousa la fille de Monsieur. Il reconnut Guillaume III pour
roi d’Angleterre. Des garnisons hollandaises occupèrent des forteresses
aux Pays-Bas.
La guerre obligeait le gouvernement à trouver des ressources, alors
que, par son seul déroulement, elle pesait sur la vie économique
et contribuait à la détérioration de celle-ci. Pendant
la guerre de la ligue d’Augsbourg le besoin d’espèces, qui
explique le retentissant sacrifice de son mobilier d’argent par le roi
et l’appel peu écouté à tous les détenteurs
de métal précieux, obligea le deuxième successeur de Colbert,
le comte de Pontchartrain, à s’engager dans le jeu compliqué des
manipulations monétaires (dévaluation et réévaluation
du louis et de l’écu) et à réclamer toujours davantage à la
taille, au bail des fermes, à solliciter enfin des contributions plus
importantes du clergé et des états provinciaux. Il prit des mesures
nouvelles : un impôt par tête, la capitation de 1695, fut
institué. La répartition des contribuables en classes se révéla
assez arbitraire et décevante ; néanmoins l’impôt
rapporta quelque 22 millions par an. Le contrôleur général
multiplia les créations d’offices et de rentes, avec un certain
succès au début. Les effets de la famine de 1693 paraissent avoir été très
importants sur les rentrées de fonds : les arriérés
de taille augmentèrent, l’industrie périclita, les rentes
et les offices attirèrent moins, faute d’argent disponible. Il
fallait donc emprunter à des négociants et à des munitionnaires,
et des fortunes de spéculateurs s’édifiaient sur la gêne
ou la misère du plus grand nombre.
Cependant, la guerre finie, le relèvement du pays fut rapide. Les enquêtes
demandées aux intendants en 1697 pour fournir au duc de Bourgogne, fils
aîné du dauphin, une image exacte de son futur royaume et permettre
au Conseil du roi de préparer de possibles réformes nous révèlent
une extrême diversité dans la condition des provinces. Le poids
du passé est lourd : le mode de culture demeure routinier et peu
productif. On se plaint de la baisse des biens fonds et du déclin des
rentes foncières en nature ou en argent. Mais ailleurs le commerce s’anime,
surtout dans les ports atlantiques. Et pour fournir des cargaisons aux vaisseaux à destination
de l’Amérique espagnole, sans passer par Cadix, le textile (drap
et toile) reprend un bel essor. D’où la fortune et l’autorité des
grands marchands : les Legendre, les Mesnager, et des armateurs pour lesquels
s’ajoute bientôt le profit de la traite des nègres. Bien
que le Trésor soit de plus en plus obéré, un redressement
de l’économie se dessine et, lentement, gagne de proche en proche.
Les idées de mercantilisme et de colbertisme ne sont plus de saison,
on croit que la liberté est nécessaire et les nouvelles compagnies
des mers du Sud s’inspirent d’un esprit nouveau. Les hommes d’affaires
vont être appelés à siéger au Conseil du commerce.
Tout fut remis en cause en 1700 par la mort du roi d’Espagne. Pour préserver
l’intégrité de la monarchie, Charles désigna pour
héritier unique le duc d’Anjou, second fils du dauphin, ou, s’il
refusait, l’archiduc Charles, second fils de l’empereur. Après
Ryswick, par deux traités de partage successifs avec l’Angleterre
et la Hollande, Louis XIV avait prévu un partage de la succession
d’Espagne, qui attribuait seulement à la France quelques territoires.
Mais l’empereur n’avait jamais consenti à reconnaître
ces traités.
Louis XIV prit l’avis de son conseil et de Mme de Maintenon avant de
décider s’il accepterait ou non le testament. Il sentait le risque
d’une guerre avec l’empereur qui venait de conclure une paix avec
les Turcs. Il pensait que les puissances maritimes et l’Angleterre apprécieraient
qu’il renonçât pour la France à tout bénéfice
territorial. Mais il n’appliquait pas des traités qu’il
avait signés et, surtout, il était moins question de provinces
continentales que de commerce de mer. L’assurance que la France aurait
une situation privilégiée dans l’empire espagnol et qu’elle
serait capable de devenir le premier État du monde remplaça toutes
les autres raisons de revenir sur la reconnaissance résignée
que l’Europe (sauf l’empereur) avait paru accorder à Philippe
V.
Guillaume III, avant de mourir lui-même, conclut avec Anthonie Heinsius,
grand pensionnaire de Hollande, et l’empereur Léopold Ier
la grande alliance de La Haye, à laquelle adhérèrent la
Savoie et le Portugal. La coalition était dirigée par des chefs
de très haute valeur : le prince Eugène de Savoie, prestigieux
vainqueur des Turcs et véritable homme d’État, Heinsius
et Marlborough, général et diplomate habile. Mais elle avait
aussi ses points faibles. La France disposait de l’alliance de l’Espagne,
de celle des Électeurs de Cologne et de Bavière, au ban de l’Empire,
mais elles devenaient des charges autant que des secours, surtout à cause
de l’extraordinaire chaos du gouvernement de l’Espagne. L’armée
française (200 000 hommes) possédait encore de bons chefs :
Villars, Vendôme, Berwick, à côté de très
médiocres, tels Villeroy, La Feuillade, Marcin, mais elle se montra
bien inférieure à ce qu’elle avait été, par
la moindre qualité de l’état-major et la baisse de combativité de
la troupe. On essaya, par l’Italie et la vallée du Danube, d’attaquer
Vienne et de mettre mat l’empereur. La liaison ne put se faire, malgré la
victoire des Français à Höchstädt (1703), et ce fut,
un an après, aux mêmes lieux (Hôchstädt-Blenheim),
l’écrasement d’une armée franco-bavaroise par les
efforts conjugués de Marlborough et du prince Eugène. Les revers,
dès lors, se suivirent d’année en année : Belgique
perdue après Ramillies, citadelles du Nord tombant l’une après
l’autre (Lille, 1708), le Milanais, Naples au pouvoir de l’archiduc
Charles, reconnu pour roi d’Espagne par les alliés et installé lui-même à Barcelone.
L’alliance de Charles XII tourna au désastre, après la
brillante équipée terminée à Poltawa. Impossible
d’assister utilement la révolte hongroise de François Rákóczi.
Au printemps de 1709, Louis XIV se résignait à demander la paix :
il renonçait à Lille et à Strasbourg. Mais les exigences
des alliés, « tellement contraires à la justice et à l’honneur
du nom français », le décidèrent à poursuivre
la lutte ; la bataille de Malplaquet eut des résultats indécis.
Et, après de nouvelles offres de paix en 1710, il fallut lutter encore,
pour ne pas consentir à la honte de tourner ses armes contre Philippe
V d’Espagne. Bientôt, la fortune changea : en Espagne, Vendôme
remporta la victoire de Villaviciosa (1710) ; Villars, par une brillante
manœuvre, barra au prince Eugène, qui la croyait ouverte, la route
de Paris (Denain, 1712). Sans doute la guerre continentale avait-elle mis le
royaume en danger, mais ce danger avait été écarté,
grâce à la volonté du vieux roi et du ministre Torcy et, à travers
des misères atroces, à la résistance morale obstinée
de la nation.
Toutefois l’enjeu de la lutte, autant que le maintien des Bourbons à Madrid, était
la puissance sur mer. En Amérique, les terres de colonisation française,
Canada et Louisiane, enveloppaient le domaine des colonies anglaises. Dans
les Antilles, les îles françaises produisaient des denrées
de plus en plus recherchées par la clientèle européenne.
Les Français possédaient des territoires dans l’Inde et,
même pendant la guerre, les vaisseaux de commerce français avaient
apporté des mers du Sud des piastres, à temps pour renflouer
le Trésor. L’alliance de la France et de l’Espagne coloniales était
une idée inacceptable pour les milieux d’affaires anglais.
Mais, en 1711, la mort de Joseph Ier et l’élection de l’archiduc à l’Empire
firent craindre aux Anglais une trop grande puissance des Habsbourg. La paix
leur parut préférable, avec des traités de commerce. À Utrecht,
en 1713, la monarchie espagnole fut partagée : Philippe V, gardant
l’Espagne et les colonies, accordait aux Anglais les privilèges
concédés à la France et le droit d’occuper Gibraltar.
Louis XIV renonçait à Terre-Neuve et à l’Acadie
et aux fortifications de Dunkerque. Un beau duel de guerre se déroula
en Souabe entre Villars et le prince Eugène, à l’avantage
du premier. À la fin de 1713, les adversaires se retrouvèrent
en négociateurs à Rastatt, où ils conclurent la paix en
1714. La France gardait Strasbourg et obtenait Landau. En faisant l’une à l’autre
le sacrifice peu honorable de leurs alliés respectifs (les Catalans
pour l’empereur, Rákóczi pour Louis XIV), les deux puissances
se promirent amitié et alliance. La fin de leur irréductible
inimitié pouvait garantir une paix durable en Europe, où la Russie
avait peu d’influence encore, et neutraliser les deux régions
où elles s’étaient fait si longtemps la guerre : l’Allemagne
et l’Italie.
Les finances du roi s’étaient épuisées à soutenir
cette lutte de dix années, malgré une nouvelle capitation (1701)
et quelques innovations ingénieuses, comme les billets de monnaie. Néanmoins,
très vite, dès 1714 et 1715, reparurent les signes d’une
nouvelle prospérité : les ateliers se ranimèrent,
on reparla de liberté pour les affaires. Mais l’un des résultats
les plus concrets du règne avait été l’insensible
développement d’un absolutisme administratif. L’État
avait capté un pouvoir d’intervention, de décision et d’initiative
qui soumettait de plus en plus tous les régnicoles à une autorité exercée
au nom du roi, mais qui partait en réalité du Conseil et des
bureaux et que les intendants appliquaient dans les provinces. Les institutions
provinciales et municipales étaient désormais tenues en bride.
Pourtant, dans la pratique, et surtout à la campagne, les anciens usages
persistaient et maintenaient la diversité.
Le vieux roi conservait sa lucide attention aux affaires, plus préoccupé sans
doute de prestige au-dehors que de changements à l’intérieur.
Ayant livré les fortifications de Dunkerque, il pensait à en
reconstruire à Mardyck. La mort du dauphin en 1711, celle du duc de
Bourgogne et du fils de celui-ci en 1712 ne lui laissaient pour héritier
direct qu’un arrière-petit-fils, né en 1710. Quand il mourut
lui-même, le 1er septembre 1715, il mesurait les difficultés
d’une régence qu’il avait cru un temps écartée
de l’avenir.
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1715
- 1774
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LOUIS XV Le BIEN AIME
Roi France
Né à Versailles en
1710 - mort à Versailles en 1774
Arrière-petit-fils de Louis
XIV
Epouse le 5 septembre 1725 Marie
Lezczynska, fille d'un roi de Pologne
(6 filles et 1 fils)
Maîtresses : Mme de Pompadour,
Mme du Barry, Pauline de Nesle, Marguerite Hainault, Lucie d'Estaing,
Anne de Romans, Jeanne de Colleterie
Celui qui sera plus tard surnommé Louis le Bien-Aimé par
ses sujets apparaît un peu, à la mort de Louis XIV,
son arrière-grand-père, comme l’enfant miraculeux
qui va sauver la dynastie. Le Grand Dauphin, fils du Roi-Soleil, est
mort en 1711 ; en 1712, c’est le tour de son petit-fils,
le duc de Bourgogne, de la femme de celui-ci, Marie-Adélaïde,
et de leur fils aîné, le duc de Bretagne, âgé de
cinq ans, tous trois enlevés par la rougeole pourprée
et par les pratiques des médecins de la cour : la purge
et la saignée. Le jeune Louis est sauvé de leurs mains
par son rang infime dans la succession ; sa gouvernante, Mme de
Ventadour, se borna à le tenir au chaud jusqu’à sa
guérison. Héritier du trône à cinq ans,
le jeune Louis commence dès lors à subir les contraintes
de la vie publique et d’une étiquette minutieuse voulues
par son aïeul ; mais ce qui convenait à un homme fait
pétri d’orgueil et de volonté ne réussit
pas à l’enfant émotif et secret. Dans une lettre
destinée à Mme de Maintenon, sa gouvernante raconte
que Louis aime jouer « à ne plus faire le roi ». À sept
ans, il est séparé de sa gouvernante et confié à son
gouverneur, le maréchal de Villeroi, un vieux courtisan vaniteux
qui adore faire admirer la grâce et les talents de son élève.
Celui-ci, au cours d’interminables cérémonies publiques,
doit apprendre à dissimuler ses besoins comme ses sentiments, à cacher
sa timidité naturelle. Il acquiert alors cet air de froideur
et de majesté qu’il montrera toute sa vie en public et
le goût des petits appartements, des cercles intimes, d’une
vie presque bourgeoise. De Fleury, son précepteur, il reçoit
une excellente instruction, un penchant pour les sciences et les techniques
(fortement encouragées sous son règne), et il concevra
pour cet homme ambitieux, secret lui aussi mais d’abord aimable,
une admiration qui va marquer fortement sa vie. À onze ans,
Louis voit arriver sa fiancée, une infante de trois ans qui
ne lui inspire que de l’ennui. Déjà des pamphlets
circulent contre le roi ; en 1722, l’avocat Barbier note
dans son journal : « Il a un bon et beau visage, bon
air, et n’a point la physionomie de ce qu’on dit de lui,
morne, indifférente et bête. » L’année
suivante voit la proclamation de la majorité royale (et, quelques
mois après, la mort du régent Philippe d’Orléans).
Louis-Henri de Bourbon-Condé, dit Monsieur le Duc, prend la
tête du gouvernement et, très vite, s’inquiète
de la santé du roi ; non par attachement à la dynastie,
mais pour empêcher l’accession au pouvoir des Orléans
qu’il considère comme ses ennemis. Or le roi est de constitution
fragile, et manifeste des troubles qui font craindre pour sa vie. Monsieur
le Duc décide de marier le roi au plus vite, renvoie la trop
jeune infante en Espagne et, entre tous les partis d’Europe,
choisit une princesse pauvre et vertueuse, mais non sans charme, qui
a vingt et un ans, l’âge de procréer. Le 5 septembre
1725 fut célébrée l’union de Louis XV
et de Marie Leszczynska, fille du roi détrôné de
Pologne.
En 1726, le roi, qui vient d’atteindre seize ans et à qui
le mariage a donné une autorité que chacun remarque à la
cour, disgrâcie Monsieur le Duc devenu très impopulaire
et appelle à la direction du ministère son cher Fleury,
qui demeurera à ce poste jusqu’à sa mort en 1743.
Ce sera la période la plus calme et la plus prospère
du règne, en dépit de l’agitation parlementaire
et janséniste. Il est difficile de déterminer quelle
part Louis XV prend aux décisions, mais on sait qu’il
soutient constamment son ministre contre les cabales de cour et les
intrigues ministérielles. Malheureusement, lorsque la querelle
européenne autour de la succession d’Autriche éclate,
le vieux Fleury n’a plus assez d’énergie pour s’opposer à la
guerre et le roi cède aux pressions du parti anti-autrichien. À la
mort de son ancien précepteur, Louis a trente-trois ans ;
il a connu quelques années de bonheur auprès d’une épouse
qui lui voue presque autant de dévotion qu’à Dieu.
Presque chaque année un enfant est né, des filles surtout,
mais aussi un dauphin qui donnera le jour à Louis XVI.
Mais Marie s’est lassée d’éternelles grossesses,
et son époux d’une adoration sans conditions. Pour la
première fois en 1734, Marie se plaint à son père
des infidélités de Louis. Le roi a découvert l’amour
avec Mme de Mailly, puis avec Mme de Châteauroux, la
sœur de cette dernière, tandis que la reine se réfugiait
dans la religion et les œuvres charitables. Ces amours n’ont
pas fait oublier au souverain les devoirs de sa charge qu’il
remplit scrupuleusement, mais il manque du feu sacré de son
aïeul et il a pris l’habitude de se reposer sur Fleury des
tâches d’exécution, de s’appuyer sur ses conseils
pour les décisions. Pendant les dix-sept ans de ce long ministère,
il a formé son jugement mais n’a pu forger sa volonté.
C’est un an après la mort du ministre que se déroule
le drame de Metz (1744) qui va laisser des cicatrices profondes dans
l’âme du roi et dans la vie politique de la France. Parti
aux armées, Louis XV tombe gravement malade à Metz.
On le croit alors perdu. Mme de Châteauroux qui avait suivi
le roi doit partir sous les huées tandis que Marie est accourue
de Paris. Poussé par le parti dévôt, Mgr de
Fitz-James, premier aumônier du roi, exige pour lui donner l’absolution
une confession publique de ses fautes dans laquelle il déclare être
indigne du nom de Roi Très Chrétien ; répandue à travers
le royaume par les soins du clergé, cette confession stupéfie
le peuple ; le scandale éclabousse la monarchie ;
réchappé de la mort, le monarque est rejeté vers
ses penchants les plus détestables. Rencontrée en 1746,
Mme de Pompadour est une maîtresse plus qu’honorable ;
belle, cultivée, intelligente et sincèrement attachée
au roi, elle a pourtant un défaut qui la rend impopulaire aux
yeux de la cour et du peuple : celui d’être une bourgeoise
qui, de plus, se mêle de politique. Mais peu sensuelle et de
santé fragile, la maîtresse n’est plus qu’une
amie dès 1750 et Louis s’enlise dans les amours éphémères
et peu reluisantes qu’il cache dans sa petite maison du Parc-aux-Cerfs,
amours que la légende a démesurément grossies
et dont l’objet le plus célèbre fut Louise O’Murphy.
Depuis 1743, le roi n’a plus de Premier ministre ; il a
lu et relu les instructions de son aïeul : « Écoutez,
consultez votre Conseil, mais décidez. » Mais, sans
doute plus intelligent et plus cultivé que lui, Louis XV
manque de confiance en soi ; sa correspondance politique montre
sa connaissance des affaires, la justesse de ses vues ; mais il
hésite à trancher, pensant que son interlocuteur peut
avoir raison contre lui, et ce n’est que poussé à bout,
souvent lorsqu’il est trop tard, qu’il se décide à l’action
avec une brutalité qui étonne. Sa disgrâce tombe
comme la foudre sur le ministre estimé coupable ; ainsi
en est-il pour Maurepas, pour d’Argenson, pour Choiseul. Seul
Machault qui conserve toute son estime sera remercié avec les
honneurs. Cet homme si sensible à l’opinion n’ose
entreprendre les réformes indispensables par crainte de perdre
sa popularité ; en décembre 1756, le roi a obligé le
parlement à enregistrer des édits le privant de ses moyens
d’action, il est décidé à mettre fin à la
rébellion des magistrats. Le coup de couteau de Damiens, le
5 janvier suivant, le persuade qu’il fait fausse route puisque
son peuple le désavoue. La réforme de Machault ne sera
réalisée qu’avec Maupeou en 1771.
De ses déboires politiques, Louis ne se console pas seulement
avec ses maîtresses ; il aime tendrement ses enfants qui
le lui rendent bien ; l’une de ses filles, Louise, prendra
le voile en expiation des péchés de son père.
La mort du Dauphin, en 1765, le plonge dans une douleur d’autant
plus grande qu’il ne reste pour lui succéder qu’un
enfant de onze ans. Peu auparavant, il écrivait à Choiseul : « Au
moins avec mon fils, je suis sûr d’un successeur fait et
ferme. Et c’est tout vis-à-vis de la multitude républicaine. » Louis XV était
lucide sur l’état dans lequel il laisserait la France ;
de ses mots : « tout cela durera bien autant que moi »,
les manuels d’histoire ont fait le célèbre : « Après
moi le déluge ». Sa « révolution
royale », il ne la réalise que trois ans avant sa
mort. Depuis 1768, il a auprès de lui une nouvelle favorite,
Jeanne du Barry née Bécu, encore plus détestée
que la Pompadour. Il sait qu’il n’est plus le Bien-Aimé.
La petite vérole l’emporte à l’âge
de soixante-quatre ans au milieu de l’indifférence générale.
Louis XV demeure l’une des figures les plus attachantes
de sa lignée : fin, généreux, sensible, il
partagera largement les goûts de son temps, ; il lui manqua
sans doute l’essentiel pour un souverain : l’esprit
de décision, une volonté ferme et constante. Pendant
les cinquante-quatre ans que dura son règne, Louis XIV
avait habitué la France à obéir, et incarné l’État.
Sa grande ombre devait éclipser son successeur en proie à trop
de faiblesses humaines.
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1774 - 1791
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LOUIS XVI
Roi France
1774 - 1791
Roi des Français
1791 - 1792
Né à versailles 1754
- mort à Paris en 1793
Petit-fils de Louis XV
En 1770, épouse Marie-Antoinette
d'Autriche, fille de l'Empereur François Ier (4 enfants dont
seule l'aîné, Marie-Thérèse, parvint à
l'âge adulte
Petit-fils de Louis XV, devenu dauphin dès 1765, à la
suite des décès successifs de son père et d’un
frère aîné, il grandit dans une atmosphère
familiale difficile, jalonnée de jalousies, qui renforcent les
inhibitions dont il souffre. Il a du goût pour l’étude,
mais peu pour les représentations sociales inhérentes
au « métier de roi » auquel il est mal
préparé.Son mariage en 1770 avec l’archiduchesse
autrichienne, Marie-Antoinette, alors qu’il a seize ans et elle
quinze, met en lumière ses incapacités. Il est aussi
gauche et timide qu’elle est pétulante et charmeuse. Louis XV
mourant isolé et détesté de tous, leur accession
au trône, en 1774, suscite la liesse populaire mais les espoirs
qui se portent sur eux sont sans réels fondements et retombent
vite. La vie privée de Louis XVI est à l’image
de ce revirement. Souffrant d’une légère malformation,
il ne consomme son mariage qu’en 1777, délai qui en fait
la risée des cours d’Europe d’abord, de ses sujets
ensuite, car l’embarras du roi devient vite l’objet de
multiples écrits graveleux, voire carrément pornographiques.
Louis n’aura été « le Désiré » que
peu de temps, en 1774.
Père d’une fille en 1778, d’un garçon en
1781, qui meurt en juin 1789 – ce qui ne sera pas sans incidences
sur la politique royale au moment des États généraux –,
d’un second en 1785 – le futur Louis XVII – et
d’une fille en 1786 qui meurt peu après, il vit dans une
cour traversée de conflits personnels et politiques, marquée
par la mort, affaiblie enfin par le jeu des coteries. Louis, présenté comme
cocu impuissant, est en butte aux attaques venant de tous côtés,
de ses frères d’abord, le comte de Provence et le comte
d’Artois, jaloux de sa situation, des partisans d’un retour
aux traditions aristocratiques tuées par ses prédécesseurs,
des réformateurs qui n’obtiennent du roi que des soutiens épisodiques.
Ces accusations sont aggravées par la conduite de la reine,
qui vit de son côté dans le palais du Trianon, au milieu
d’une cour choisie ; elle acquiert une telle réputation
de frivolité, que des escrocs pourront faire croire à un
prince crédule, abbé de surcroît – le
cardinal de Rohan –, qu’elle se livre pour un collier
(1785). Cette affaire serait ridicule si elle n’attestait du
profond discrédit dans lequel le couple royal est tombé à partir
de 1785. La ligne de conduite politique du roi n’est guère
mieux comprise.
Il commence par faire confiance au comte de Maurepas,qui rétablit
les
Parlements dans les pouvoirs que Louis XV avait limités, ce qui revient à mettre à mal
la poursuite de la centralisation absolutiste.Parallèlement, il suit les
recommandations du ministre Turgot, qui veut entreprendre une réforme
radicale de l’économie et de la société françaises,
en pratiquant des réductions d’impôts, une saine gestion des
finances royales et en laissant la liberté de circulation aux produits
de l’industrie et de l’agriculture. L’édit qu’il
prend en ce sens, en 1774, provoque des troubles, appelés « guerre
des farines » ; mais ils ne sont rien à côté de
l’opposition qui naît des édits suivants, supprimant la corvée
et les corporations. Les parlementaires y voient l’annonce de la fin de
la société d’ordres, si bien que, devant leur résistance,
Turgot est sacrifié par Louis XVI, en 1776, celui-ci montrant les
limites de son soutien aux réformes et sa dépendance envers les
tenants de la France traditionnelle. La démission concomitante de Malesherbes
atteste de l’échec de cette tentative de révolution par en
haut.
Alors que Beaumarchais triomphe à la cour comme à la ville, avec
Le Barbier de Séville, en 1775, Louis XVI, qui redoute la liberté d’expression
de Figaro, entame une politique incertaine.Il appelle Necker aux Finances pour
trouver des solutions miraculeuses aux difficultés du royaume. Le financier
genevois développe le système de régie pour la perception
des impôts, propose la création d’assemblées provinciales.
Il se heurte à la résistance des parlementaires à nouveau
mobilisés contre cette atteinte à leurs pouvoirs, et démissionne
en 1781, non sans en avoir appelé à la nation en divulguant les
comptes du royaume, qui soulignent de façon exagérée les
dépenses de la cour.
Ces tensions entre novations et permanences, pour répondre aux défis
de l’époque,se retrouvent de façon exemplaire dans la participation à la
guerre d’indépendance des colonies d’Amérique, dans
laquelle la France s’engage à partir de 1778. La volonté de
contrer l’Angleterre et de faire oublier le traité de Paris de 1763
se combine avec le courant favorable aux Insurgents. Celui-ci se répand
parmi nombre de jeunes nobles partisans de libertés ; les uns sont
en faveur d’une évolution parlementariste, les autres d’une évolution
aristocratique qui supprimerait l’absolutisme royal. Tous cependant s’engagent
dans une opération idéologique d’une dimension nouvelle,
puisqu’il ne s’agit rien de moins que de délier des sujets
de leur obéissance envers un souverain européen au nom de principes
universels. En outre, la France participe à la guerre en subventionnant
les Américains, ce qui obère lourdement son budget. Lorsque la
paix est signée à Versailles en 1783, Louis XVI peut apparaître
comme l’un des vainqueurs de ce conflit qu’il a arbitré, mais
les gains territoriaux sont faibles, en comparaison des coûts financiers
et des mutations intervenues dans les esprits. L’introduction dans le vocabulaire
de mots comme « patriote » ou « convention » témoigne
assez des changements qui affectent l’opinion publique, dont la puissance
est en train de grandir considérablement.
Devant la persistance des difficultés financières, Louis XVI
appelle Calonne qui, après avoir dénoncé son prédécesseur
Maurepas et relancé une politique libérale, élabore un plan « d’amélioration
des finances », dont l’essentiel est l’introduction d’impôts
sur les biens fonciers, « la subvention territoriale »,
fixée selon une répartition effectuée par des propriétaires, élus
au sein d’assemblées consultatives sans distinction d’ordres.
La protestation des élites traditionnelles contre ce qui apparaît
une nouvelle fois comme une contestation de l’ordre établi fait
chuter Calonne en 1787, qui n’est pas non plus soutenu par les vrais réformistes,
déçus de la volonté de contrôle par l’exécutif.Louis XVI
fait alors appel à Loménie de Brienne, mais ce dernier échoue à son
tour en convoquant une Assemblée des notables qui se déclare incompétente.Les États
généraux s’imposent ainsi dans une succession de tergiversations
et d’absence de culture politique.
Cette situation se révèle particulièrement criante en 1788,
lorsque le roi et son entourage (Necker a été rappelé en
août 1788) sont incapables de fixer les règles de fonctionnement
de l’Assemblée, qui ne s’est pas réunie depuis 1614,
et qu’ils laissent s’instaurer une totale liberté de parole,
en même temps qu’ils manœuvrent pour ne pas dépendre
des « privilégiés ». Le résultat est
catastrophique. Le doublement du Tiers imposé par le roi contre la prééminence
des nobles et des grands clercs n’est pas accompagné de mesures
réglementaires, si bien que Louis XVI, qui n’a pas tenu compte
des demandes exprimées dans les cahiers de doléances remplis dans
tout le pays, déconcerte les députés dès la première
séance des États généraux (5 mai 1789), ne paraissant
faire aucun droit aux revendications réformatrices. Privé du soutien
des « privilégiés », déconsidéré aux
yeux des « patriotes » (les éléments les
plus réformateurs du Tiers), le roi perd rapidement toute autorité,
d’autant que la mort de son fils aîné le distrait des préoccupations
politiques. Il ne sait pas faire face aux demandes du Tiers en mai-juin 1789,
sauf à agiter la menace de la répression. Dans cet esprit, il renvoie à nouveau
Necker le 11 juillet et accepte la concentration de troupes autour de Paris.
La prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, ruine tous ses efforts, et
il se rallie à un compromis que son frère cadet, le comte d’Artois,
rejette violemment en quittant le pays. Par la suite, son désir de réformer
le royaume sans perdre son pouvoir, ni au profit des révolutionnaires,
ni à celui des aristocrates – et encore moins des émigrés – fait
qu’il est confronté à la force en octobre 1789, lorsque la
foule parisienne l’oblige à accepter les décrets d’août
1789 et à s’installer à Paris avec sa famille. En 1790, il
ratifie la Constitution civile du clergé, tout en marquant ses réticences ;
il soudoye des agents, comme Mirabeau, pour mener une politique secrète, à l’intérieur
comme à l’extérieur, en demeurant en contact direct avec
les souverains étrangers.Cette duplicité, aggravée par la
politique de la reine, éclate au grand jour lorsque, le 21 juin 1791,
toute la famille royale quitte Paris dans l’espoir de passer sous la protection
de l’empereur d’Autriche. Reconnu à Varennes, ramené à Paris,
où l’Assemblée obtient que la version officielle insiste
sur l’enlèvement du roi, celui-ci est véritablement en liberté surveillée.
Il n’a pas perdu toute initiative cependant. Correspondant avec les autres
souverains européens, menant une politique étrangère secrète,
manipulant les factions révolutionnaires opposées les unes aux
autres,il peut, en avril 1792, engager la France dans la guerre contre l’Autriche
et la Prusse espérant que la défaite, prévisible, des armées
françaises lui permettra de reprendre le pouvoir. Le calcul est déjoué par
la force du nationalisme populaire qui défend la Révolution et
par la maladresse et la division de ses partisans. La journée d’émeute
du 20 juin 1792 montre l’opposition radicale du roi et de son entourage à la
Révolution, le roi refusant tout compromis, notamment sur le plan religieux.
Le 10 août est l’occasion d’un affrontement armé entre
l’aile radicale de la Révolution et les défenseurs du roi,
regroupés aux Tuileries, qui préparent un coup de force. Leur défaite,
donc celle du roi, marque la fin de la monarchie.Incarcéré au Temple
avec sa famille dans un premier temps, le roi est traduit devant la Convention,
transformée en tribunal, en décembre 1792. Accusé de trahison,
le roi refuse de reconnaître la légitimité de ses juges,
dont la partie la plus extrémiste réclame la mort, pour empêcher
tout retour en arrière de la Révolution.
La condamnation du roi est acquise à une faible majorité ;
il est exécuté le 21 janvier 1793. Sa mort courageuse fait
oublier ses faiblesses passées en même temps qu’elle frappe
de stupeur les élites européennes, nombreuses à se détourner
de la Révolution, dont la violence dérange. Elle sert aussi les émigrés,
jusque-là tenus en lisière par les souverains étrangers,
et qui doivent reconnaître le comte de Provence comme régent, puis
comme roi en exil. Elle ne permet pas à la Révolution de se stabiliser,
car les luttes internes demeurent considérables. Aucun chef politique
ne réussit à imposer une légitimité durable, si bien
que l’idéal de la monarchie, aussi mis à mal qu’il
ait été, ne disparaît pas avec la mort de Louis XVI.
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Ière
REPUBLIQUE
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PAS
DE PRESIDENT
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1792 - 1795
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CONVENTION NATIONALE
Assemblée représentative nationale formée le 20
septembre 1792, à la suite de l’Assemblée législative,
et dissoute le 26 octobre 1795 pour laisser place au Directoire.
L’histoire de la Convention nationale, ainsi nommée à l’exemple
des États-Unis d’Amérique, peut être divisée
en trois périodes distinctes, séparées entre elles
par des coups de force : d’abord une Convention girondine (jusqu’au
31 mai 1793, date de la proscription des Girondins), puis une Convention
montagnarde (jusqu’au 27 juillet 1794, date de la chute de Maximilien
de Robespierre) et enfin une Convention thermidorienne. Durant toute
la période, la France — pourtant républicaine pour
la première fois — a vécu une sorte de dictature
de l’Assemblée dominée par ses membres successivement
les plus forts.
Le 10 août 1792, les députés de la Législative,
confrontés à la prise des Tuileries par le peuple parisien
insurgé, recueillent le roi Louis XVI réfugié à l’Assemblée,
entérinent sa déchéance et promettent la réunion
d’une Convention nationale destinée à donner à la
France une nouvelle constitution. Le principe fondamental du suffrage
universel masculin est immédiatement adopté.
Les élections ont lieu les 26 août et 2 septembre 1792,
dans le contexte infiniment troublé des « massacres » dans
les prisons (à Paris, 1 100 à 1 400 détenus sont
exécutés après un jugement sommaire). La participation électorale
est extrêmement faible, à peu près 10 p. 100 du corps électoral,
soit 700 000 votants. Le scrutin a lieu à deux degrés :
les assemblées électorales issues du suffrage des assemblées
primaires choisissent à haute voix les députés,
les uns après les autres, sur la liste des candidats du département à la
majorité relative.
La Convention
comprend 749 députés, pour la plupart issus
des élites cultivées de la nation : gens de justice (Maximilien
de Robespierre, Pierre Vergniaud), gens de lettres (Camille Desmoulins,
Jean-Louis Carra), gens de la finance ou du négoce (Joseph Cambon),
savants ou médecins (Jean-Paul Marat), quelques nobles (Philippe
d’Orléans, dit Philippe Égalité) et une cinquantaine
d’ecclésiastiques (dont l’abbé Grégoire).
Les députés, qui se répartissent dans l’Assemblée
par affinité politique, se relaient successivement le pouvoir
: quelque 250 Girondins, libéraux modérés se rassemblant
derrière Brissot de Warville, s’imposent dès l’ouverture
des débats ; une minorité de Montagnards, patriotes radicaux
qui assujettissent progressivement les membres de l’hémicycle
et détrônent les Girondins en mai-juin 1793 (Georges Danton,
Maximilien de Robespierre et Jean-Paul Marat en sont les têtes
de file) ; enfin, environ 400 modérés constituant la Plaine
(ou Marais), faction d’indécis oscillant entre Gironde et
Montagne, s’imposent à leur tour avec la réaction
thermidorienne.
Au cours de la première période de la Convention nationale,
dite Convention girondine, l’Assemblée est sous l’influence
des « brissotins » ou Girondins, révolutionnaires
modérés opposés à la centralisation parisienne
du pouvoir. Dès sa première réunion, le 21 septembre
1792, la Convention abolit la monarchie et décide le lendemain
de dater ses décrets de l’an I de la République ;
ainsi est créée la Ire République française.
En décembre s’ouvre le procès du roi Louis XVI qui
est condamné à mort pour trahison le 20 janvier 1793 et
exécuté le lendemain. Sous l’influence des Montagnards
de Robespierre, la Convention institue le Tribunal révolutionnaire
(10 mars) et le Comité de salut public (6 avril) bientôt
revêtu de pouvoirs dictatoriaux. Confrontée aux difficultés économiques
et financières, elle instaure le cours forcé de l’assignat
(11 avril) et vote la loi du maximum sur le prix du grain (4 mai).
Cette
activité intense est menée dans un contexte politique
et militaire extrêmement troublé. Sur le plan militaire,
après les victoires de Valmy (20 septembre 1792) et de Jemmapes
(6 novembre), les armées françaises peuvent durant l’hiver
desserrer l’étau des armées coalisées et le
général Dumouriez porte la contre-offensive jusqu’aux
Pays-Bas autrichiens. La Savoie accueille le général Montesquiou
en libérateur. Mais le printemps 1793 est catastrophique : vaincue à Neerwinden
(18 mars), l’armée française doit se replier et,
en Vendée, une insurrection éclate en mars 1793 contre
le gouvernement révolutionnaire (voir guerre de Vendée).
Sur
le plan politique, la Gironde est très rapidement confrontée à l’hostilité non
seulement des révolutionnaires jacobins, très présents
sur les bancs de la Montagne, mais également à celle des
sections parisiennes de la Commune et à celle d’une partie
croissante de la Plaine — Lazare Carnot se rapproche ainsi des
Montagnards dans l’hiver 1792. À plusieurs reprises, les
Girondins sont mis en cause soit pour leur excessif modérantisme — ils
auraient souhaité ne pas exécuter le roi — soit pour
trahison avérée — le général Dumouriez
passe à l’ennemi en avril 1793. Fédéralistes,
ils ont affirmé dès septembre 1792 vouloir « réduire
Paris à 1/83 d’influence » : l’hostilité des
Parisiens, entretenue par une presse jacobine déchaînée,
leur est fatale. Les 31 mai-2 juin 1793, la Garde nationale parisienne
fait pression sur la Convention qu’elle encercle de canons, et
obtient la proscription de la plupart des dirigeants girondins (voir
journées des 12 et 14 prairial an I).
En réponse à la menace extérieure ainsi qu’aux
mouvements contre-révolutionnaires et à ceux des fédéralistes
girondins, la Convention passée sous l’influence des Montagnards — d’où son
nom de Convention montagnarde — adopte le 24 juin 1793 une nouvelle
Constitution faisant une large place à la démocratie directe,
ainsi qu’une deuxième Déclaration des droits de l’homme.
Provisoirement reportée jusqu’à la paix, elle n’a
jamais été appliquée. Parallèlement, sous
l’influence des plus radicaux, elle institue le régime de
la Terreur (5 septembre 1793) et vote la loi des suspects (17 septembre),
sous l’autorité du Comité de salut public dominé par
Maximilien de Robespierre depuis le mois de juillet. Immédiatement,
la Terreur s’abat sur des personnages de premières importances
: la reine Marie-Antoinette, les Girondins proscrits et le prince de
sang Philippe Égalité. En octobre 1793 est adopté le
calendrier républicain.
Pendant
l’année où ils sont au pouvoir, les Montagnards
doivent mener de constants combats à la fois sur les fronts de
la guerre à l’extérieur et à l’intérieur
et sur le front des luttes sociales et politiques.
Sur le plan militaire, le Comité de salut public — dont
les membres sont chaque mois renouvelés par la Convention — confie
pour l’essentiel les choix stratégiques à Lazare
Carnot, qui devient pour la postérité l’« organisateur
de la victoire ». En effet, des victoires comme celle de Fleurus
(26 juin 1794) permettent aux soldats de l’an II de vaincre les
puissances coalisées de l’Europe et de porter la guerre
jusqu’en Allemagne et en Hollande.
Sur
le plan politique, la Convention montagnarde, au sein de laquelle une
minorité radicale domine l’ensemble des députés
de la Plaine, doit combiner les exigences de la défense de la
patrie avec la transformation à la fois économique, politique
et sociale du pays. Selon les comités dirigeants — Comité de
salut public, Comité de sûreté général —,
la révolution doit être totale ; la chasse aux suspects,
aspect le plus dramatique de la Terreur, associe la peur du complot intérieur
et le désir de régénérer la société en
l’épurant. Les excès de la Terreur (élimination
systématique des adversaires de Robespierre : « dantonistes » ou « indulgents », « hébertistes », « enragés »)
ainsi que des mesures économiques très dirigistes (lois
sur l’accaparement, sur le maximum général et sur
l’emprunt forcé) qui menacent le libéralisme auquel
la majeure partie des députés est attachée, et un
anticléricalisme exacerbé (institution du culte de la Raison,
du culte de l’Être suprême), amènent ces derniers à organiser
la mise en accusation de Maximilien de Robespierre et des membres du
Comité de salut public devant la Convention : les 9 et 10 thermidor
an II (27-28 juillet 1794), plus de cent responsables jacobins sont condamnés à mort
et exécutés.
La
chute de Robespierre ouvre une période de réactions,
menées par les « thermidoriens », contre les sans-culottes
et les Jacobins. Tandis que les profiteurs et les agioteurs s’enrichissent,
qu’une jeunesse dorée s’affiche dans un luxe éhonté (muscadins,
incroyables et merveilleuses), la Convention thermidorienne doit faire
face aux insurrections d’un peuple qui a faim (1er avril et 20-22
mai 1795) et à la menace royaliste lors du débarquement
d’une armée d’émigrés à Quiberon,
le 15 juillet 1795. Dans le midi de la France, une Terreur blanche (réactionnaire)
succède à la Grande Terreur « robespierriste ».
Dominée par la bourgeoisie conservatrice, la Convention thermidorienne
marque la fin de l’élan révolutionnaire. Son œuvre
principale est le retour à la liberté économique
(abrogation de la loi sur le maximum, le 24 décembre 1794), la
confirmation de la séparation de l’Église et de l’État
(21 février 1795) et la rédaction d’une nouvelle
Constitution, instaurant un suffrage censitaire.
Sur le plan militaire, la Convention thermidorienne poursuit l’élan
de l’an II et révèle la personnalité de généraux
brillants, souvent très jeunes et sortis du rang comme Jean-Baptiste
Jourdan, Jean Victor Moreau, Lazare Hoche ou Napoléon Bonaparte
; imprégnés des idéaux révolutionnaires de
1789, ils participent à la création, dans les territoires
qu’ils conquièrent, du thème de la « Grande
Nation » française, qui apporte la lumière et libère
les peuples. La Convention est finalement dissoute le 26 octobre 1795,
lors de l’instauration du Directoire.
La Convention nationale est
ainsi la première assemblée élue
au suffrage universel, la première assemblée républicaine
en France. Elle exerce un contrôle constant sur le pouvoir exécutif
et montre une exceptionnelle capacité d’innovations en matière
sociale, politique, économique et militaire ; le travail des députés
envoyés en mission dans les départements ou aux armées
permet de donner une cohérence à l’action de défense
de la France et de la Révolution. Si la Terreur, le procès
de Louis XVI ou la guerre de Vendée restent aujourd’hui
encore objet de débats politiques et historiques houleux, il n’en
demeure pas moins que la Convention a su sauver, avec la Révolution,
les acquis de 1789 et exporter dans toute l’Europe ce que Saint-Just
définissait comme une « idée neuve » : le bonheur.
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1795 - 1799
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Régime institué par la Constitution de l'an III qui a géré la
France du 26 octobre 1795 (4 brumaire an IV) au 10 novembre 1799 (19 brumaire
an VIII). Le Directoire désigne également l'organe du pouvoir
exécutif durant cette période.
Dernière phase de la Révolution française, le Directoire
correspond à ce que l’on peut appeler la République
bourgeoise. Tiraillé entre un peuple affamé, muselé et
une réaction recrudescente, le régime a dû chercher
appui auprès d’une troisième force, celle de l’armée — qui
a finalement provoqué sa chute.
Rétablissant le suffrage censitaire, la Constitution promulguée
par la Convention thermidorienne le 22 août 1795 institue un Directoire
composé de cinq membres, nommés par les assemblées,
et renouvelable par cinquième tous les ans. La présidence
du Directoire est occupée par roulement de trois mois. Constitué d'anciens
Conventionnels, en vertu du « décret des deux tiers » (30
août), il a notamment pour membres Paul Barras, Lazare Carnot,
Emmanuel Sieyès et Merlin de Douai. Ses principales fonctions
sont la nomination des ministres et des généraux en chef.
Le corps législatif est pour sa part constitué du Conseil
des Cinq-Cents (qui a l’initiative des propositions de loi) et
du Conseil des Anciens (qui vote les lois). Sa mise en place introduit
pour la première fois en France la notion de bicamérisme.
Durant toute la période, le Directoire est confronté à une
grave crise financière et doit parallèlement faire face à de
constantes menaces, sur sa droite comme sur sa gauche.
La
dépréciation de l'assignat et l'échec des mandats
territoriaux mettant le régime au bord de la banqueroute, le Directoire
se résout au retour de la monnaie métallique, le 17 mars
1797. L’action est tardive et insuffisante ; le 30 septembre 1797,
l’État doit annuler purement et simplement 66 p. 100 de
sa dette (banqueroute des « deux tiers »), ce qui permet
une relative stabilisation financière au détriment des
porteurs. La période du Directoire voit cependant le triomphe
de la bourgeoisie. Le fossé entre riches et pauvres s'accroît
sensiblement, provoquant de nombreuses agitations populaires, notamment
celle animée par le révolutionnaire Gracchus Babeuf. Le
Directoire réplique en réprimant sévèrement
la conjuration des Égaux (mai 1796) et le mouvement jacobin renaissant.
La contre-révolution royaliste profite de la fragilisation du
pouvoir pour accroître son influence et remporte les élections
de mai 1797 (germinal an V) mais sa poussée est arrêtée
par l'annulation du scrutin, qui constitue le coup d'État du
18 fructidor an V (4 septembre 1797). Le Directoire est bientôt
confronté à une nouvelle crise politique. Les élections
d’avril 1798 (germinal an VI), qui voient la victoire des néo-jacobins,
sont cassées le mois suivant (22 floréal). Les jacobins
prennent leur revanche lors du coup de force de prairial an VII (18
juin 1799), quand les conseils contraignent à la démission
trois des cinq directeurs.
À
l'extérieur, le Directoire tente de compenser ses échecs
par l'exploitation économique des Républiques sœurs
(batave, helvète, etc.) et par de nouvelles conquêtes,
comme en Italie et en Égypte, où les campagnes militaires
sont confiées à Napoléon Bonaparte, respectivement
en 1796-1797 et en 1798-1799. Les puissances européennes répliquent
par la création de la deuxième coalition (1798-1802).
En
1799, les revers militaires et les soulèvements contre-révolutionnaires
affaiblissent le Directoire. Le 9 novembre, il est renversé par
Napoléon Bonaparte (coup d'État du 18 brumaire an VIII),
qui institue le Consulat.
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1799 - 1804
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LE CONSULAT
Marqué par la prise du pouvoir du général Napoléon
Bonaparte, le Consulat met un terme à la Révolution et
conduit, en 1804, à l’élaboration de la monarchie
impériale, inaugurée par le sacre de Napoléon
Ier.
En 1799, le régime du Directoire est usé. Menacés à droite
par l’opposition monarchiste et à gauche par l’opposition
jacobine, les directeurs ne se sont maintenus au pouvoir que par une
série de coups de force. Au cours de l’été 1799,
les directeurs Paul Barras et surtout Emmanuel Joseph Sieyès
craignent d’être éliminés par la nouvelle
majorité jacobine. Sieyès songe alors à un nouveau
coup de force. Il fait appel au général Bonaparte, tout
juste débarqué d’Égypte.
Le
18 brumaire (9 octobre 1799), Bonaparte est nommé commandant
des troupes à Paris. Les deux assemblées — le Conseil
des Cinq-Cents présidé par son propre frère Lucien,
et le Conseil des Anciens — sont transférés à Saint-Cloud.
Le 19 brumaire, grâce à l’action énergique
de Lucien Bonaparte, les députés, sous la menace de l’armée,
votent la suppression du Directoire et son remplacement par trois consuls
: Sieyès, Roger Ducos et le général Bonaparte,
qui est nommé Premier consul — les deux autres sont rapidement
remplacés par Jean-Jacques Cambacérès et Charles-François
Lebrun. Enfin, le 13 décembre 1799, la Constitution de l’an
VIII est soumise pour ratification aux Français, qui approuvent
le fait accompli par un plébiscite en faveur du coup d’État.
Dès son arrivée au pouvoir, Bonaparte annonce son intention
de mettre un terme aux troubles révolutionnaires : « Je
ne serai pas l’homme d’un parti », annonce-t-il au
lendemain du coup d’État. Son premier souci est de donner
au pays des institutions fortes et stables.
Le
pouvoir législatif est partagé entre deux assemblées
: un Tribunat de cent membres et un corps législatif de trois
cents membres. Mais ces chambres n’ont guère de pouvoir.
L’initiative des lois revient au gouvernement et les députés
n’ont pas le droit d’amender les projets gouvernementaux.
Une troisième assemblée, le Sénat, nomme les membres
des deux autres assemblées et joue le rôle de gardien
de la Constitution.
Le pouvoir
exécutif, apparemment réparti entre les trois
consuls nommés pour dix ans, revient en fait au Premier consul,
qui décide de la paix et de la guerre, propose et promulgue
les lois, nomme les ministres et les fonctionnaires.
L’organisation du gouvernement et de l’administration
renforce encore la puissance du Premier consul. Bonaparte crée
en effet un Conseil d’État chargé de préparer
les lois. À la tête des administrations, les conseillers
d’État deviennent les agents directs du Premier consul,
qui rétablit par ailleurs la centralisation administrative en
créant dans chaque département un délégué du
gouvernement, le préfet.
Ainsi,
malgré le caractère autoritaire du nouveau régime,
la surveillance étroite de l’opposition et la censure,
l’efficacité de cette nouvelle administration se traduit
surtout par le retour à l’ordre après des années
de troubles.
Dès le lendemain du coup d’État, Bonaparte affirme
sa volonté d’être au-dessus des partis. Il accueille
dans son gouvernement d’anciens terroristes comme Joseph Fouché,
aussi bien que d’anciens royalistes. Les proscrits, les prêtres
réfractaires et les émigrés sont invités à rentrer
en France. Il obtient enfin la fin du soulèvement vendéen
et rétablit ainsi la paix civile.
Dans
le même temps, il entreprend de restaurer la confiance
des milieux d’affaires en assainissant le Trésor et l’administration
fiscale. En 1800, il favorise la création de la Banque de France
qui obtient, en 1803, le monopole de l’émission des billets
de banque. Enfin, le 7 germinal an XI (27 mars 1803), est créé le
franc-germinal, une monnaie stable, dont la valeur (5 grammes d’argent
pour un franc) ne change plus jusqu’à la Première
Guerre mondiale.
Dans le domaine
religieux, Bonaparte choisit également le retour à la
conciliation : « J’ai été mahométan
en Égypte, dit-il, je serai catholique ici pour le bien du peuple. » Le
Concordat, signé le 15 juillet 1801 avec le pape, reconnaît
la religion catholique comme celle de la majorité des Français. Évêques
et curés sont désormais rémunérés
par l’État. En revanche, les ventes de biens du clergé pendant
la Révolution sont déclarées irrévocables.
Le rétablissement de la paix intérieure s’accompagne
enfin d’un retour à la paix avec l’Europe coalisée.
Bonaparte poursuit en 1800 ses campagnes en Italie et en Autriche.
Après une succession de victoires françaises, les Autrichiens
demandent la paix. Le 9 février 1801, le traité de Lunéville
confirme les conquêtes révolutionnaires en Belgique, sur
le Rhin et en Italie. À la fin de l’année, le tsar
de Russie signe la paix avec la France. Le 25 mars 1802, la paix est
enfin signée avec l’Angleterre, à Amiens.
Cette politique extérieure assure à Bonaparte une immense
popularité, dont il profite pour renforcer son pouvoir. Le 2
août 1802, les Français consultés pour un nouveau
plébiscite soulignent cette réussite en approuvant massivement
la nomination de Bonaparte comme Premier consul à vie.
Malgré le réveil des oppositions républicaine
et royalistes, Bonaparte s’est attiré en effet l’attachement
de la majorité de la population. Il n’a pas remis en cause
les acquis de la Révolution, il a rassuré les paysans,
les catholiques et la bourgeoisie confortée dans son souci d’ordre
public par l’établissement du Code civil achevé en
1804. Depuis 1802, il a jeté les bases d’une nouvelle élite
attachée au régime, formée dans les lycées,
récompensée par la création de l’ordre de
la Légion d’honneur. C’est donc sans difficulté qu’il
fait adopter par le Sénat, en mai 1804, une nouvelle constitution
qui établit l’Empire. Le 6 novembre 1804, les Français
consultés par plébiscite approuvent par 3 572 319 voix
contre 2 519 la création de l’Empire. Le 2 décembre
1804 enfin, Napoléon est sacré empereur par le pape à Notre-Dame.
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1804 - 1815
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NAPOLEON Ier
Sacré Empereur le 2 décembre
1804
Abdique le 6 avril 1814
20 - 22 juin 1815 : Les Cent-Jours
Né à Ajaccio en 1769
- mort à Saint-Hélène en 1821
Deuxième fils de Charles-Marie
Bonaparte et de Letizia Ramolino
Marié deux fois : en 1796,
épouse Joséphine de Beauharnais dont il fera dissoudre
le mariage car pas d'enfant ; épouse en secondes noces, Marie-Louise
de Hasbourg, fille de l'empereur d'Autriche (1 fils)
Premier consul (1800-1804),
puis empereur des Français, général et
génie militaire, figure de proue de l’histoire de France.
Despote éclairé, il a institutionnalisé de nombreuses
réformes élaborées pendant la Révolution
française, conquis pratiquement toute l’Europe et contribué à la
modernisation des nations qu’il a dominées. Mythe vivant,
ce personnage au destin exceptionnel se confond avec l’histoire
de l’Europe qu’il a façonnée en un Empire
(voir Empire, premier).
Né le 15 août 1769 à Ajaccio, un an après
l’achat de la Corse par Louis XV à la république
de Gênes, Louis Napoléon Bonaparte est le deuxième
fils de Carlo Maria Buonaparte et de Maria Letizia Ramonilo. Issu d’une
famille de treize enfants (huit atteignent l’âge adulte),
il appartient à la petite noblesse corse d’origine génoise
: son père, avocat, a lutté pour l’indépendance
de la Corse contre les troupes royales au côté de Pasquale
Paoli. Enfant turbulent, querelleur et orgueilleux, « corse de
caractère et de nation », il est élevé dans
le ressentiment vis-à-vis de la France.
Afin
de récompenser la noblesse corse ralliée à la
France, le roi accorde des bourses d’études aux enfants
des anciens paolistes. Napoléon et son frère Joseph partent
alors étudier au collège d’Autun (1778). L’année
suivante, Napoléon est admis à l’école militaire
de Brienne (1779-1784), puis à l’école royale militaire
de Paris. En 1785, à l’âge de seize ans, il est
reçu en qualité de lieutenant en second dans l’artillerie
et affecté en garnison à Valence. La même année,
la mort de son père le contraint à prendre la défense
des intérêts familiaux et à sacrifier sa solde
pour l’entretien de ses frères et sœurs. Doué pour
les mathématiques, il n’en dévore pas moins des
traités d’art militaire, lit les philosophes (particulièrement
Montesquieu, Rousseau et Voltaire) et les grands penseurs politiques
(dont Mirabeau et Necker). Son caractère farouche d’insulaire
le rend insociable, frondeur, sauvage et silencieux avec ses condisciples,
dans une métropole où il se sent longtemps étranger.
Bonaparte
s’enthousiasme pour la Révolution, d’autant
que le mouvement révolutionnaire peut servir ses ambitions :
l’abolition des privilèges, la nuit du 4 août 1789,
annule le décret cantonnant les petits nobles au rang de cadre
inférieur de l’armée, lui ouvrant ainsi toutes
grandes les portes de la carrière militaire. Mais dans un premier
temps, ses ambitions se concentrent seulement sur son île natale.
Pour échapper à l’ennui des nominations de garnison
en garnison (Lyon 1786, Douai 1787, Auxonne 1788, Valence 1791), il
séjourne souvent en Corse et s’engage dans les luttes
politiques de l’île. Il commande d’abord un bataillon
de volontaires et se bat contre les troupes du roi.
Réintégré néanmoins dans l’armée
royale et nommé capitaine, il reprend bientôt la lutte
en tant que lieutenant-colonel de la Garde nationale d’Ajaccio
et s’oppose alors aux paolistes qui cherchent à établir
l’indépendance de l’île avec l’appui
des Anglais. En juin 1793, lors de la déclaration de l’indépendance
de la Corse, le « traître », en déroute, se
réfugie avec sa famille à Marseille et se rallie définitivement à la
France et à la république.
Durant l’été 1793, la France est menacée
par l’Europe des rois coalisés. Bonaparte, en publiant
le Souper de Beaucaire, prend cause pour les Jacobins, se défiant
des masses populaires qu’il a vues à l’œuvre à Paris
en 1792. Il est nommé chef d’artillerie et affecté au
siège de la ville de Toulon qui s’est livrée
aux Anglais ; par sa science, sa bravoure et son sens stratégique,
il fait judicieusement tonner ses canons, contribuant à la
prise de Toulon le 17 décembre 1793. En récompense, à l’âge
de vingt-quatre ans, il est nommé général de
brigade par le Comité de salut public, puis commandant d’artillerie
de l’armée d’Italie en mars 1794 et devient le
protégé de Robespierre. Après la chute de ce
dernier, le 9 Thermidor, il est mis en état d’arrestation
avant d’être rapidement innocenté et libéré.
Le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), il est chargé par
Barras de réprimer l’insurrection royaliste de Paris
dirigée contre le Directoire. En récompense, il est
nommé général de division et commandant de l’armée
de l’Intérieur. À cette même époque,
il rencontre Joséphine de Beauharnais, une créole veuve
d’un général guillotiné et mère
de deux enfants, qu’il épouse le 8 mars 1796.
Promu le 2 mars 1796 commandant en chef de l’armée d’Italie,
il est chargé de mener une guerre de diversion et de pillage
dans le Piémont et en Lombardie, alors que l’offensive
principale doit passer par l’Allemagne pour menacer Vienne.
Il mène une campagne foudroyante contre les troupes austro-piémontaises.
Grâce à son génie militaire, il remporte victoire
sur victoire entre 1796 et 1797 (Millesimo, Mondovi, Arcole et Rivoli).
En prenant Venise, il s’ouvre les portes de Vienne et contraint
l’Autriche et ses alliés à conclure la paix (traité de
Campoformio, 17 octobre 1797), par laquelle il fonde les républiques
sœurs dans le Nord de l’Italie. Avec son butin de guerre,
il renforce son aura auprès du gouvernement français
et sert sa propre propagande en publiant bulletins et journaux glorifiant
ses exploits.
Les membres du Directoire, inquiets de la renommée croissante
du jeune général et des menées anglaises, cherchent à éloigner
Bonaparte de Paris tout en utilisant ses talents militaires pour
couper la route des Indes britanniques. Ils le nomment alors à la
tête de l’expédition d’Égypte (mai
1798). Sur les traces de son rêve oriental, bercé par
le souvenir d’Alexandre le Grand, Bonaparte s’assure
le contrôle du pays à la bataille des Pyramides (21
juillet 1798). Libérateur du joug mamelouk, il s’applique à apparaître
comme un administrateur consciencieux, s’associant aux notables
locaux, désireux de redonner à l’Égypte
l’image de son histoire, celle que redécouvre l’expédition
scientifique qu’il entraîne avec lui. Mais le général
anglais Nelson, en détruisant la flotte française à la
bataille d’Aboukir (août 1798), contraint Bonaparte à faire
route vers la Syrie. Une épidémie de peste l’arrête
devant Saint-Jean d’Acre et, apprenant les revers du Directoire
en Italie et la confusion qui règne en France, Bonaparte débarque à Fréjus
le 8 octobre 1799 et regagne Paris.
Dans
la capitale, les Jacobins (Sieyès, Talleyrand, Fouché,
Murat et Lucien Bonaparte, son frère) cherchent à sauvegarder
les principes de la Révolution de 1789. Pour cela, ces conjurés
s’apprêtent à commettre un coup d’État
: il ne leur manque qu’un sabre pour assurer avec autorité le
retour au calme.
Le 9 novembre 1799 (18 brumaire an VIII), dans la confusion, Bonaparte
pénètre avec ses troupes au Conseil des Cinq-Cents. Voyant
son frère menacé d’être mis hors-la-loi, Lucien
retourne la situation et accuse les députés d’être
soumis à l’Angleterre. Les conjurés profitent alors
de la confusion pour désigner un Consulat provisoire à la
tête duquel ils nomment le général Bonaparte assisté de
Ducos et Sieyès, qu’ils pensent pouvoir tous trois manipuler.
Mais Bonaparte montre vite sa personnalité : en dictant la Constitution
autoritaire de l’an VIII, il renforce à son profit le pouvoir
exécutif, se réservant l’initiative des lois et la
possibilité d’avoir recours au plébiscite. Sous ce
nouveau régime inaugurant une forme de gouvernement direct, il
devient Premier consul (assisté de Cambacérès et
Lebrun, dont le rôle n’est que consultatif) et émiette
le pouvoir législatif en assemblées dénuées
de prérogatives. Déjà assuré de tous les
pouvoirs, le plébiscite de 1802 confirme sa popularité et
la Constitution de l’an X le désigne consul à vie.
Face à la désorganisation générale à laquelle
il est confronté, Napoléon exige union, discipline et
obéissance. En France, il contraint les chouans à déposer
les armes (janvier et février 1800). Pour ôter aux royalistes
leur soutien religieux, il conclut avec le pape Pie VII le Concordat
de 1801, s’arrogeant un droit de veto sur les nominations ecclésiastiques.
Au rétablissement de l’Église et du culte catholique
succède l’amnistie des émigrés, le 26 avril
1802. Ces événements favorisent le retour des émigrés
et imposent la politique de réconciliation nationale.
À
l’extérieur, Bonaparte décide de nouvelles campagnes,
pour contrer la deuxième coalition. Il triomphe à Marengo
en Italie (14 juin 1800), de même que Moreau à Hohenlinden
en Allemagne (3 décembre 1800), ce qui contraint l’Autriche à confirmer
la paix de Campoformio par celle signée à Lunéville
le 9 février 1801 et garantit le Rhin comme frontière
orientale de la France. Avec l’Angleterre, Bonaparte signe la
courte paix d’Amiens, le 25 mars 1802. Après dix ans de
guerre en Europe, le Premier consul parvient à établir
une paix fragile mais essentielle, puisque, déjà, elle
est la reconnaissance de sa puissance. Parallèlement, il donne
une constitution à la Hollande, devient médiateur de
la Confédération des cantons suisses (19 février
1803), président de la République italienne après
avoir annexé Parme et le Piémont, et, s’il développe
des projets d’expansion coloniale vers Saint-Domingue, la Louisiane
et l’Inde, c’est que sa puissance tend encore à s’étendre.
Afin d’organiser la paix napoléonienne, Bonaparte met
en place de nombreuses réformes. Il rassure la bourgeoisie
en réaffirmant la liberté d’entreprise et en
renonçant au concept aristocratique de la propriété.
En créant la Banque de France, en assurant une monnaie stable
(le franc germinal) et grâce aux butins de ses conquêtes,
il réorganise les finances de l’État. Au niveau économique,
pour redonner confiance aux entrepreneurs, il interdit les grèves
et, pour l’ouvrier, réintroduit l’obligation du
livret de travail, le soumettant à la surveillance. En créant
l’ordre de la Légion d’honneur (18 mai 1802),
il cherche à fonder une nouvelle élite fondée
non plus sur les privilèges, mais sur le mérite civil
et militaire. De même, en 1802, il développe l’enseignement
public avec la création des lycées, dispensant une
instruction à la fois scientifique et classique ; ainsi favorise-t-il
cette bourgeoisie dont il cherche à obtenir le soutien. Cependant,
il prolonge la confiscation des libertés politiques, rétablit
la censure à l’encontre de la presse et réduit
l’opposition en développant une surveillance policière
efficace et continue. Il réorganise la sécurité intérieure
du pays, en confiant la Sûreté à Fouché.
En échange des libertés confisquées, il entreprend
une réorganisation de l’ensemble de l’appareil administratif
et juridique. En créant, dans le cadre du département,
la fonction de préfet, relais direct de son autorité chapeautant
les collectivités locales existantes, il contribue à perpétuer
la centralisation administrative commencée sous l’Ancien
Régime et prolongée par la Révolution. Dans le
domaine administratif, il promulgue le Code civil (appelé également
Code Napoléon) le 21 mars 1804. Cette unification de la législation
lui permet d’assurer la libre entreprise, de garantir l’inviolabilité de
la propriété privée et de réaliser, une
fois encore, un audacieux compromis qu’il n’a de cesse
de prolonger (par le Code des procédures civiles en 1806, du
commerce en 1807, d’instruction criminelle en 1808 et le Code
pénal en 1810), modifiant durablement et profondément
les structures juridiques de la France.
Face aux complots qui se multiplient à l’égard
de Bonaparte (il échappe à une machine infernale rue
Saint-Nicaise le 24 décembre 1800, puis à une tentative
d’enlèvement fomentée par le même chouan,
Cadoudal, soutenu par les Anglais et certainement le duc d’Enghien,
l’un des chefs de l’armée des émigrés)
et afin de rallier les hésitants et de gagner les opposants,
Fouché pousse le Sénat à inviter le Premier
consul à « achever son ouvrage en le rendant immortel
comme la gloire ». Le 18 mai 1804, le Sénat vote à l’unanimité l’instauration
du gouvernement impérial, proclamant Napoléon empereur
héréditaire des Français. Le 2 décembre
1804, après avoir épousé religieusement Joséphine,
celui qui s’appelle désormais Napoléon Ier est
sacré empereur par le pape Pie VII à Notre-Dame de
Paris.
Même s’il est proclamé empereur (représentant
ultime du peuple) et non roi, Bonaparte laisse planer un doute que
l’historiographie n’a encore pu lever : en se faisant sacrer,
Napoléon clôt-il ou trahit-il la Révolution ? En
fait, l’aspect provisoire du Consulat a jusqu’alors laissé supposer
un semblant de continuité avec la Révolution. Mais avec
l’instauration de l’Empire est consacré un nouveau
type de régime qui est sans doute en rupture avec les principes
de la Révolution.
D’ailleurs, Bonaparte lui-même insiste sur ce point lorsqu’il
déclare à la fin des travaux du Consulat provisoire : « Citoyens,
la Révolution est fixée aux principes qui l’ont
commencée ; elle est finie. »
En avril 1803, l’Angleterre rompt la fragile paix d’Amiens.
Deux ans plus tard, l’Autriche, la Russie, la Suède
et Naples la rejoignent dans la troisième coalition. Napoléon
arme alors une flotte à Boulogne, avec l’idée
d’envahir l’Angleterre. Mais la cinglante défaite
navale que lui inflige Nelson à Trafalgar, le 21 octobre 1805,
le conduit à oublier l’épine anglaise et à retourner
ses troupes contre les Autrichiens et les forces austro-russes. Les
premiers sont défaits à Ulm le 20 octobre 1805, les
secondes mises en déroute lors de la bataille d’Austerlitz
le 2 décembre. Le traité de Presbourg, signé le
26 décembre 1805, clôt la coalition. L’Autriche
cède la Vénétie, le Tyrol, le Trentin, l’Istrie
et la Dalmatie. Napoléon offre le royaume de Hollande à son
frère Louis, regroupe seize états allemands dans la
Confédération du Rhin (12 juillet 1806), enlève
le royaume de Naples aux Bourbons et y couronne son frère
Joseph.
La Prusse forme alors
une nouvelle coalition avec l’Angleterre
et la Russie. Elle est battue à Iéna et à Auerstedt
(14 octobre 1806). En Pologne, Napoléon affronte l’armée
russe et la vainc à Friedland (14 juin 1807). En juillet, il
signe avec le tsar Alexandre Ier le traité de Tilsit, lequel ébauche
une alliance salvatrice avec la Russie, émiette la Prusse et
donne à Jérôme Bonaparte le royaume de Westphalie
et le grand-duché de Varsovie.
En
novembre 1806, il instaure le blocus continental dans l’espoir
de conduire l’Angleterre à la faillite commerciale. Pour
s’assurer l’étanchéité du blocus,
il s’empare du Portugal en novembre 1807, annexe l’Étrurie
en 1807, occupe les États du pape et prend Rome en 1808. En
Espagne, il fait abdiquer en sa faveur Charles IV et place son frère
Joseph sur le trône. C’est compter sans le mécontentement
des Espagnols. Madrid se soulève, et malgré quelques
victoires, la guérilla espagnole se prolonge, entretenue par
les Britanniques. Coûteuse en hommes et en mobilisations, la
campagne d’Espagne qui perdure est le premier revers de l’Empire
napoléonien.
En 1809, Napoléon bat à nouveau les Autrichiens à Wagram
(6 juillet) et occupe Vienne, où il signe une nouvelle paix,
le 14 octobre. Il annexe l’Illyrie et les États pontificaux,
puis Brême, Lübeck, et plusieurs régions au nord
de l’Allemagne ainsi que la totalité du royaume de Hollande, à la
suite de l’abdication qu’il impose à son frère,
l’indocile Louis Bonaparte qui a refusé l’application
du blocus continental dans son royaume.
Cette époque marque l’apogée de l’Empire
napoléonien qui s’étend sur 130 départements
et 750 000 km², gouvernant 70 millions d’habitants.
Napoléon organise une cour impériale digne des fastes
de l’Ancien Régime. Il crée une noblesse d’empire
pour récompenser ses plus grands généraux, maillons
essentiels et fidèles de ses victoires. Il fonde des royaumes
en Europe, États satellites adossés à l’Empire, à la
tête desquels il place les membres de sa famille, et particulièrement
ses frères et sœurs devenus princes et altesses : Joseph,
roi de Naples puis d’Espagne ; Maria-Anna, grande-duchesse de
Toscane ; Louis, roi de Hollande ; Marie-Paulette, duchesse de Guastalla
; Marie-Annonciade, reine de Naples ; Jérôme, roi de Westphalie.
En 1805, il désigne son beau-fils, Eugène de Beauharnais,
comme son héritier en le nommant vice-roi de la défunte
République italienne, dont il se proclame lui-même roi.
En avril 1810, après avoir divorcé de l’impératrice
Joséphine qui ne lui a pas donné d’enfant, il épouse
la fille de l’empereur d’Autriche, Marie-Louise. En s’alliant
ainsi aux Habsbourg, il espère légitimer sa dynastie
et particulièrement son fils, François Charles Joseph,
le jeune roi de Rome qui naît en 1811 (voir Napoléon II).
Malgré les dérives de grandeur imitées de l’Empire
romain, Napoléon Ier réussit, par cette habile politique, à faire
disparaître toute opposition intérieure.
Le prolongement de l’œuvre réformatrice commencée
sous le Consulat contribue, par sa diffusion dans toute l’Europe, à abolir
la féodalité de l’Ancien Régime et à dessiner
les prémices d’une unité européenne. Chaque État
dépendant de l’Empire reçoit une constitution établissant
le suffrage universel, créant un Parlement et intégrant
une déclaration des droits sur le modèle révolutionnaire.
Le Code Napoléon est introduit partout, et la justice est réformée
sur le modèle français. Napoléon propage le système
administratif centralisateur et l’enseignement public, ouvrant à tous
l’enseignement supérieur. La liberté religieuse
est partout instaurée (sauf en Espagne). Dans chaque État
sont créés un conservatoire et des académies consacrées à la
promotion des arts et des lettres. Pourtant, la présence française,
et les bouleversements qu’elle apporte, contribuent à faire éclore
les nationalismes et est à l’origine de profonds déchirements.
Durant
cette période de « croissance dans la guerre »,
comme l’a défini l’historien Ernest Labrousse, Napoléon
initie bien d’autres réformes, comme l’établissement
de cadastres au niveau communal. Il apporte son soutien aux innovations
techniques, développe une politique de grands travaux et favorise
le développement du monde des affaires, grâce à la
stabilité du franc germinal et à la confiance que sa
gloire inspire. Néanmoins, le besoin de fonds, nécessaires
pour asseoir sans cesse la stabilité de son Empire, le pousse à continuer
la guerre.
De 1811 à 1812, Napoléon réunit à nouveau
la Grande Armée et, en mai, en représailles envers le
tsar qui s’apprête à s’unir aux aristocraties
coalisées, Napoléon prend le commandement de la campagne
de Russie. Le 14 septembre, il pénètre à Moscou,
mais l’incendie qui ravage la ville détruit le ravitaillement
de ses troupes. Avec l’hiver qui commence, il lui est impossible
de poursuivre l’armée du tsar. La retraite de Russie est
une longue marche de retour, désastreuse, où une grande
partie des troupes se perd dans les eaux glacées de la Berezina.
Malgré la montée du mécontentement intérieur,
la défection de certains de ses proches (comme Bernadotte et
Murat, qui rejoignent la coalition), la saignée démographique
masculine due à la multiplication des conscriptions et la conspiration
du général Malet à Paris, Napoléon réunit
une armée de jeunes conscrits, les « Marie-Louise ».
Alors que la Russie prend la tête de l’opposition — réaction
antinapoléonienne contre-révolutionnaire, liguant la
Prusse, l’Allemagne, l’Autriche et l’Angleterre contre
lui —, Napoléon parvient à remporter de nouvelles
victoires à Lützen et à Bautzen en mai 1813. L’armistice
conclu par le chancelier autrichien Metternich est de courte durée
; Napoléon est battu à Leipzig en octobre et se replie
en France. L’Allemagne est abandonnée, la Hollande s’insurge,
et Joseph, défait à Vitoria en juin, quitte la péninsule
Ibérique. La France est envahie. Malgré les désertions,
Napoléon parvient à lever encore 60 000 hommes. Mais
la campagne de France se solde par la chute de Paris le 31 mars 1814.
Les maréchaux d’empire refusent alors de continuer le
combat ; Napoléon est déchu par le Sénat le 3
avril. Le traité de Fontainebleau, signé le 11, confirme
son abdication sans conditions.
Les
Alliés lui concèdent alors, comme seul royaume,
l’île d’Elbe en Méditerranée, où il
s’exile avec quelques fidèles. Marie-Louise et son fils,
l’Aiglon, sont confiés à la garde de l’empereur
d’Autriche.
Alors qu’en France une opposition bonapartiste s’organise
contre le fragile régime du roi Louis XVIII, Napoléon
s’échappe de l’île d’Elbe et débarque à Golfe-Juan.
Il marche alors sur Paris, remontant d’un vol d’aigle
la route qui prend bientôt son nom, gagnant à sa cause
les troupes envoyées pour le capturer, soutenu par le peuple
fidèle et rejoint par les combattants qui ont servi au cours
de ses campagnes. Quand il arrive aux Tuileries, Louis XVIII a déjà fui.
Contenant l’élan révolutionnaire, Napoléon
promulgue une nouvelle constitution, proche de la Charte de Louis
XVIII. Pour éviter que les armées coalisées
ne se rejoignent en Belgique, l’Empereur prend l’initiative
de l’attaque et bat les Prussiens à Ligny le 16 juin.
Mais à Waterloo, le 18 juin 1815, il est vaincu par les armées
de Wellington, rejointes par celles de Blücher que le marquis
de Grouchy n’a pu contenir. Napoléon souhaite continuer
la lutte, mais l’hostilité des députés
le pousse à abdiquer une nouvelle fois, le 22 juin.
Ayant
perdu tout appui politique et n’ayant pas réussi à retrouver
l’alliance déterminante des notables, dont il a pourtant
assis la situation, Napoléon se réfugie à Rochefort.
Il embarque sur le navire britannique Bellerophon et est exilé à Sainte-Hélène, île
rocheuse désolée et battue par les vents au sud de l’océan
Atlantique. Il y passe les six dernières années de sa
captivité avec quelques fidèles, tel Emmanuel de Las
Cases auquel il dicte le Mémorial de Sainte-Hélène.
Durant son exil, il construit sa légende, devient le martyr
de la Sainte-Alliance des « rois oppresseurs des peuples ».
L’Empereur doit subir les brimades du gouverneur de l’île,
Hudson Lowe, effrayé à l’idée d’une
possible évasion. Le 5 mai 1821, il meurt des suites d’un
douloureux cancer de l’estomac — qui le pousse depuis longtemps à porter
sa main sur son ventre pour soulager sa douleur.
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1814
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NAPOLEON II (François Charles
Joseph Napoléon Bonaparte)
proclamé Empereur, mais
ne règne pas
Né à Paris en 1811
- mort à Schönbrunn en 1832
Fils de Napoléon Ier et Marie-Louise
La vie et la personnalité de Napoléon II, duc de Reichstadt,
l’« Aiglon », fils de Napoléon,
roi de Rome, prince de Parme, ont été tout à la
fois obscurcies et embellies par la légende. Barthélemy
et Méry créent en effet, sous la Restauration, un mythe
bonapartiste : François Joseph Napoléon est « le
fils de l’Homme » (c’est aussi le titre de leur
ouvrage paru en 1829), tenu volontairement par son entourage autrichien
dans l’ignorance de la gloire passée de son père.
Pour Victor Hugo et les romantiques, il devient la victime d’un
destin implacable : « Tous deux sont morts. — Seigneur,
votre droite est terrible. » Après 1870 et la perte
de l’Alsace-Lorraine, alors que s’impose l’idée
de la revanche contre l’Allemagne, Edmond Rostand s’empare
du personnage. Il en fait un captif de Metternich comme sont captives
les provinces perdues. L’Aiglon est avant tout une exaltation
des sentiments germanophobes que la tirade de Metternich devant le
chapeau du vainqueur d’Iéna et de Wagram vise à exacerber.
Et Napoléon II ? Il a fallu attendre 1957 pour qu’un
ensemble exceptionnel de documents concernant Marie-Louise soit retrouvé,
dont 119 lettres du duc de Reichstadt à sa mère et 870
missives de son gouverneur, le comte Moritz von Dietrichstein. Alors
se précise le vrai visage du fils de Napoléon. Né le
20 mars 1811, au moment où se dessinent les premiers craquements
de l’Empire (malaise religieux, crise économique, guerre
d’Espagne), le roi de Rome retient si peu l’attention qu’on
l’oublie au moment de l’affaire Malet. Napoléon
a échoué dans son effort pour créer « la
quatrième dynastie ». En 1814, Napoléon abdique
une première fois en faveur de son fils, puis sans conditions.
Marie-Louise et le roi de Rome, retenus en Autriche depuis la chute
de l’Empire, ne le rejoindront pas au retour de l’île
d’Elbe. L’abdication de l’Empereur en faveur de Napoléon II,
le 22 juin 1815, est sans effet. Dès lors commence le deuxième
acte de la vie de l’Aiglon. Éducation à l’autrichienne,
mais nullement, comme le montrent les lettres retrouvées, la
cage dorée imaginée par certains historiens. À Schönbrunn,
il a pour précepteur Dietrichstein. Loin de sa mère,
alors à Parme avec Neipperg, il ne peut compter que sur l’affection
de son grand-père, le vaincu d’Austerlitz, l’empereur
François. Il grandit, découvre l’histoire de son
père, mène quelques intrigues amoureuses. Son nom est
acclamé dans plusieurs pays, dont la France, lors des révolutions
de 1830, mais il ne sera pas même roi des Belges ou de Pologne :
Metternich et son conseiller Gentz veillent. Son élévation
eût remis en cause les principes de la Sainte-Alliance. Il sera
simple lieutenant-colonel d’un régiment d’infanterie à Brünn.
Ayant pris froid au cours d’une parade, il meurt quelques mois
plus tard, le 22 juillet 1832. Napoléon III demanda vainement
le retour de ses cendres en France. C’est Hitler qui devait les
restituer en décembre 1940 comme gage de la collaboration franco-allemande.
Jusqu’au bout, le destin se sera acharné sur l’infortuné fils
de Napoléon Ier.
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LES
BOURBONS
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1815 - 1824
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LOUIS XVIII
Roi des Français
Né à Versailles en
1755 - mort à Paris en 1824
Frère cadet de Louis XVI donc
petit-fils de Louis XV
En 1771, épouse Marie-Josèphe
de Savoie, fille de Victor-Amédée III, roi de Sardaigne
Né à Versailles, troisième fils du dauphin Louis
et de Marie-Josèphe de Saxe, Louis Stanislas Xavier reçut
le titre de comte de Provence. Intelligent et ambitieux, il se composa
le personnage du prince éclairé et lettré, tout
en frondant sournoisement le gouvernement de son frère Louis XVI,
notamment à l’Assemblée des notables en 1787. En
juin 1791, alors que le roi échouait, à Varennes, dans
sa tentative de fuite, il réussissait à passer la frontière
belge. Assumant le rôle de régent de la couronne pour
son frère captif, il s’efforça de mobiliser contre
la France révolutionnaire les monarques européens. La
mort de son neveu Louis XVII, en juin 1795, lui permit de se proclamer
roi de France sous le titre de Louis XVIII. Il résidait
alors à Vérone. L’irruption des Français
en Italie l’obligea de se réfugier d’abord en Allemagne
puis dans les États du tsar, à Varsovie et à Mittau
(Courlande), enfin, en Angleterre, au château de Hartwell (1807).
Il se faisait appeler alors le comte de Lille. Après le 18-Brumaire,
croyant faire jouer à Bonaparte le rôle de Monk, il lui écrivit,
dès le 20 février 1800, pour lui demander de restaurer
tout bonnement la monarchie légitime. Bonaparte ne songea à lui
répondre que le 7 septembre : « Vous ne devez
pas souhaiter votre retour en France ; il vous faudrait marcher
sur 100 000 cadavres. » Louis XVIII attendit donc.
La chute de Napoléon amena la restauration de la monarchie bourbonienne ;
Louis XVIII rentra à Paris le 3 mai 1814, accueilli
avec soulagement par une grande part de la nation comme garant d’un
retour à la paix avec l’Europe et de la fin de la dictature
militaire. Restauré par les victoires des ennemis de la nation,
mal vu de tous ceux que leur conviction, leur fidélité ou
leur intérêt liaient à la Révolution ou à l’Empire,
il avait une partie difficile à jouer et la débuta fort
mal. Il consentit à octroyer, en la datant de la dix-neuvième
année de son règne, une charte constitutionnelle, puis
laissa son gouvernement accumuler les maladresses dans une totale méconnaissance
de la France nouvelle qui était née depuis vingt-cinq
ans. Que Napoléon ait pu reconquérir la France en vingt
jours sans tirer un coup de feu, lors du retour de l’île
d’Elbe, fait assez mesurer l’échec de la première
Restauration. Louis XVIII dut alors se réfugier à Gand,
où il demeura pendant les Cent-Jours, soutenant la fiction d’une
alliance avec les autres souverains contre la seule personne de Napoléon
et non contre la France ; ce qui devait lui permettre, après
son second retour à Paris (8 juill. 1815), d’atténuer
quelque peu les conséquences de la défaite de Waterloo.
Il sut alors tirer les leçons des sottises et des fautes de
son premier rétablissement ; il s’efforça
de limiter les représailles que voulaient exercer les royalistes
exaspérés contre les partisans de Napoléon et
de promouvoir une réconciliation nationale. L’assassinat
de son neveu, le duc de Berry, le 13 février 1820, compromit
ces efforts, amenant la chute du ministre Decazes, son favori, qui
avait incarné cette politique libérale. Affaibli par
ses infirmités, adroitement circonvenu par une nouvelle favorite,
Mme du Cayla, le roi laissa son frère et héritier, le
futur Charles X, prendre une influence croissante sur le gouvernement ;
le duc de Richelieu, qui avait été rappelé au
pouvoir après la chute de Decazes, fut obligé de se retirer ;
le nouveau ministère, investi en décembre 1821,
fut composé d’ultraroyalistes décidés à consolider
la réaction ; leur chef, le comte de Villèle, devait
garder le pouvoir jusqu’à la fin de 1827. Le fait marquant
de la fin du règne fut l’intervention de la France en
Espagne pour y écraser le régime libéral, issu
du pronunciamiento de janvier 1820.
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1824 - 1830
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CHARLES X
Roi des Français
Né à Versailles en
1757 - mort à Goritz, Yougoslavie, en 1836
Frère benjamin de Louis XVI
et de Louis XVIII
En 1773, épouse Marie-Thérèse
de Savoie, soeur de Marie-Josèphe, mariée à son
frère Louis XVIII (2 filles qui mourrurent jeunes et 2 fils
: Louis-Antoine et Charles-Ferdinand)
Charles était
le quatrième fils du dauphin Louis (fils de Louis XV, mort
en 1765 sans avoir régné). À la cour de Versailles,
la vie du jeune comte d’Artois (tel était son titre) fut
celle d’un écervelé aimable et libertin, fort empressé auprès
des dames qui se plaisaient à le surnommer chevaleresquement
Galaor. Dans la crise de 1789, Artois soutint le parti de la réaction,
ce qui lui attira tant d’impopularité qu’après
le 14 juillet son frère Louis XVI lui conseilla de quitter
le pays. En émigration, il fut le centre de ralliement des éléments
les plus agités et les plus contre-révolutionnaires,
gênant parfois l’action plus prudente de son frère,
le comte de Provence. Au printemps de 1814, il rentra en France à la
suite des armées alliées en Lorraine, cherchant à provoquer,
sans grand succès, un mouvement en faveur des Bourbons. Après
l’abdication de Napoléon, et sans attendre l’invitation
du gouvernement provisoire présidé par Talleyrand, il
se présenta à Paris, où il fut reçu par
les notables avec grand enthousiasme (12 avr.). Après quelque
hésitation, le Sénat se résigna à le reconnaître
comme lieutenant général du royaume en attendant l’arrivée
de Louis XVIII. Au cours de la première Restauration, son
rôle fut négligeable. Mais, après le second retour
du roi, Monsieur, frère du roi, étant l’héritier
du trône, devint le chef et l’espoir du parti ultraroyaliste
qui combattait la politique conciliante et modérée de
Louis XVIII. Toutefois, lorsqu’il succéda à son
frère le 24 septembre 1824, Charles X connut quelques mois
d’une véritable popularité. À soixante-sept
ans, il présentait une allure élégante ;
ses manières, son langage, toujours pleins de courtoisie et
de bienveillance, lui conciliaient les cœurs. Depuis la mort en
1805 de la dernière de ses maîtresses, Louise de Polastron,
sa conduite morale était irréprochable ; sa piété donnait à croire
qu’il était un instrument du clergé. Mais, bien
qu’il eût déclaré accepter la Charte, il
ne pouvait se résigner au rôle d’un roi constitutionnel,
et sa politique donna l’impression d’un retour à l’Ancien
Régime. En politique extérieure, il voulut donner à la
France une attitude plus active, d’où l’intervention
en faveur de la Grèce et l’expédition d’Alger.
En mars 1830, il entra en conflit avec la majorité de la Chambre élue
qui refusait de collaborer avec le ministère Polignac investi
de sa confiance. Une tentative malencontreuse de coup d’État
(25 juill.) provoqua le soulèvement de la population parisienne.
Après trois jours de combats, qu’il ne sut pas diriger,
Charles X fut contraint d’abdiquer ; il se résigna à quitter
une troisième fois la France en montrant une dignité exemplaire.
Après un séjour en Angleterre, il trouva un asile à Prague,
où il passa le reste de ses jours. Il mourut à Gorizia,
le 6 novembre 1836.
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LES
ORLEANS
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La branche des orléans
est la dernière de la dynastie des Capétiens.
Elle accède
au trône de France en 1830 et son unique représentantest
Louis-Philippe Ier.
Elle est issue
de Philippe, duc d'Orléans et frère du roi Louis
XVI, ascendant en cinquième génération du
roi Louis-Philippe Ier.
Le règne
de celui-ci dure dix-huit ans, de 1830 à 1848 et est connu
sous le nom de la Monarchie de Juillet.
La révolution
de 1848 et l'abdication du roi mettent fin à la monarchie
et à la dynastie des Capétiens.
le descendant
du roi Louis-Philippe Ier, Henri, comte de Paris, né en
1908, était le chef de la maison d'Orléans et le
prétendant au trône de France.
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1830 -1848
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LOUIS-PHILIPPE Ier
Roi des Français
Né à Paris en 1773
- mort à Claremont, Grande-Bretagne, en 1850
Fils de Philippe d'Orléans
En 1809, épouse Marie-Amélie
de Bourbon-Sicile, fille de Ferdinand Ier, roi des Deux-Sicile (10
enfants)
Installé au pouvoir à la faveur de la Révolution
de juillet 1830, Louis-Philippe Ier a instauré un régime
constitutionnel, monarchique et censitaire favorable aux intérêts
de la grande bourgeoisie d’affaires. Si le règne de Louis-Philippe
a incontestablement été profitable sur le plan de la
modernisation économique de la France, en revanche, le roi et
ses ministères n’ont pas su — puis voulu — satisfaire
les attentes de la majorité d’une population aspirant
principalement à obtenir une réelle représentation
politique. Parce que le règne de Louis-Philippe a correspondu à celui
des notables, le pouvoir et la popularité du roi ont été immolés
sur l’autel d’une vague de mécontentement populaire
qui a entraîné son abdication en 1848.
À l’origine pourtant, le futur Louis-Philippe est loin
d’être un conservateur. Né à Paris le 6 octobre
1773, il est le fils aîné de Louis Philippe Joseph, duc
et chef de la maison d’Orléans (descendant direct du Régent)
et de sa cousine, Adélaïde de Bourbon-Penthièvre,
elle-même descendante du comte de Toulouse (fils légitimé de
Louis XIV). Le jeune prince, qui porte d’abord le titre de duc
de Valois puis celui de duc de Chartres (1785), est élevé au
sein de la société cosmopolite, brillante et irreligieuse
qui entoure son père. Sa préceptrice, la comtesse de
Genlis (dame d’honneur de sa mère), lui donne une éducation
libérale, imprégnée d’encyclopédisme
et de principes rousseauistes.
Comme son père — seigneur libéral et anglophile,
dignitaire de la franc-maçonnerie, spéculateur audacieux
(depuis longtemps brouillé avec la cour et, pour cette raison,
très populaire à Paris) —, le duc de Chartres se
lance dans l’aventure révolutionnaire en s’inscrivant
au club des Jacobins (1790). Tandis que son père renonce à son
titre et prend le nom de Philippe-Égalité, il choisit
pour sa part de rejoindre la Garde nationale et de s’engager
ainsi dans l’armée révolutionnaire.
Titulaire d’un commandement dans l’armée du Nord
et promu lieutenant général, le duc de Chartres participe
aux batailles de Valmy et de Jemmapes. Mais, lassé des excès
de la Terreur et à l’issue de la défaite de Neerwinden
(mars 1793), il déserte et passe à l’ennemi avec
le général Dumouriez — dont il est l’aide
de camp. Cette traîtrise rejaillit sur sa famille et Philippe-Égalité est
aussitôt mis en accusation et guillotiné, en novembre
1793.
Renié par les légitimistes, celui qui porte désormais
le titre de duc d’Orléans commence alors une errance de
plusieurs années. Elle le mène d’abord en Suisse — où il
professe quelques temps sous le nom de Chabeau-Latour —, puis à Hambourg
(1795) et aux États-Unis (1796). En 1800, il s’installe
en Angleterre et tente de se réconcilier avec le légitimiste
détrôné Louis XVIII, en dépit de son passé révolutionnaire.
Puis en 1809, il épouse en Sicile la princesse Marie-Amélie
de Bourbon, fille du très conservateur Ferdinand Ier, roi de
Naples. De ce mariage naissent huit enfants : les ducs d’Orléans,
de Nemours, de Montpensier et d’Aumale, le prince de Joinville,
Louise-Marie (future épouse de Léopold Ier, roi des Belges),
Marie (future reine de Wurtemberg) et Clémentine (future duchesse
de Saxe-Cobourg-Gotha).
La deuxième tentative de réconciliation avec Louis
XVIII s’avère plus fructueuse. En 1814, au lendemain
de la première Restauration, le souverain nouvellement installé sur
le trône l’autorise à quitter Palerme pour la
France et lui rend les biens de son père. Néanmoins
tenu à l’écart de la cour, le duc d’Orléans
ne suit pas son illustre cousin dans son exil à Gand lors
du dernier épisode napoléonien, les Cent-Jours (1815)
; il préfère gagner l’Angleterre, qu’il
quitte en 1817 après que Louis XVIII a mis un terme à ce
second exil. Fort de la possession de la considérable fortune
des Orléans, encore accrue des 17 millions obtenus après
le vote sur le « milliard des émigrés » (1825),
le duc d’Orléans prend de nouveau le contre-pied du
roi. Sa résidence parisienne, le Palais-Royal, devient un
des centres de l’opposition libérale sous la Restauration.
On y croise des hommes tels Adolphe Thiers ou le banquier Jacques
Laffitte, porte-parole des milieux d’affaires. Jouissant à la
fois d’une ascendance prestigieuse et d’un passé révolutionnaire
qui l’éloigne des représentations absolutistes,
le duc d’Orléans mène une vie simple et familiale
qui se déroule entre Paris et ses châteaux d’Eu
et de Neuilly. Ses relations étroites avec la bourgeoisie
parisienne — il envoie ses fils au collège royal plutôt
que de leur offrir une éducation privée —, finissent
de favoriser sa popularité.
Lorsqu’éclate la Révolution de juillet 1830,
la bourgeoisie d’affaires qui a souhaité le renversement
des Bourbons nourrit la plus grande méfiance à l’égard
d’une solution républicaine. Aussi s’emploie-t-elle
habilement à prendre de vitesse les insurgés parisiens
et cherche-t-elle une option pour le futur. L’homme de la situation
leur apparaît être le duc d’Orléans. Celui-ci
semble susceptible de garantir au mieux un compromis écartant
tant le spectre de la monarchie absolue d’Ancien Régime
que l’ombre sanglante des excès révolutionnaires.
Dès le départ précipité du roi Charles
X, les républicains proposent au duc d’Orléans
la lieutenance générale du royaume le 30 juillet 1830.
Louis-Philippe l’accepte et, le 31, est solennellement présenté au
peuple de Paris depuis le balcon de l’Hôtel de Ville,
en une sorte de « couronnement populaire ». Le 7 août
enfin, après un vote favorable des Chambres, le duc d’Orléans
devient Louis-Philippe Ier.
Fidèle à son image justifiée de roi-citoyen et
afin de marquer la rupture avec le droit dynastique, il refuse le titre
de roi de France (qui en aurait fait Philippe VII) et prête serment à la
Charte constitutionnelle de 1814, révisée pour consacrer
symboles (drapeau tricolore) et décisions politiques (abaissement
du cens, abolition de la censure, liberté de la presse).
Dans un premier temps, soucieux de ne pas décevoir les espoirs
des républicains, des bonapartistes et de la majorité de
la classe politique, Louis-Philippe opte pour une direction libérale
du régime. Il nomme donc Laffitte, l’homme du parti
du Mouvement, au poste de président du Conseil. Mais dès
1830-1831, l’agitation républicaine se fait menaçante.
Aussi Louis-Philippe se tourne-t-il vers les conservateurs et appelle-t-il
Casimir Perier à la tête du gouvernement (mars 1831).
Ainsi porté aux affaires, le parti de la Résistance
fait insensiblement basculer le régime dans l’ère
des persécutions politiques contre les bonapartistes, les
républicains, les légitimistes et les émeutiers,
tels les Canuts de Lyon, sévèrement réprimés
en novembre 1831.
La mort de Casimir Perier en 1832 ne modifie pas l’orientation
politique de la monarchie de Juillet désormais garantie par
Soult, étroitement surveillé par le roi (1832-1834).
Entouré d’hommes comme le comte de Molé, le duc
de Broglie, Guizot ou Thiers, Louis-Philippe s’implique de plus
en plus dans la gestion des affaires. Tandis que la monarchie s’engage
dans les voies d’un conservatisme toujours plus prononcé,
les oppositionnels s’affichent et manifestent : les légitimistes,
regroupés derrière la duchesse de Berry et son fils,
le comte de Chambord, contestent à Louis-Philippe son titre
royal ; de leur côté, les républicains déclenchent
des insurrections à partir de 1832 dont les plus violentes,
en avril 1834 à Lyon et Paris, débouchent sur la sanglante
répression de la rue Transnonain (15 avril). La popularité de
Louis-Philippe est alors laminée. Plusieurs attentats menacent
alors la vie du souverain dont les plus importants restent ceux de
Fieschi le 28 juillet 1835, puis de Meunier et d’Alibaud en 1846.
Après deux brefs passages de Thiers à la présidence
du Conseil (1836 et 1840) et deux intermèdes dirigés
par Molé et Soult — auxquels succèdent plusieurs
crises ministérielles —, Guizot accède au pouvoir.
Huit années durant, il se fait le fidèle porte-parole
du roi, en imprimant la marque grandissante d’un ultra-conservatisme.
Il fait fi des aspirations des classes défavorisées,
en particulier les ouvriers qui manifestent sporadiquement, mais également
de la petite bourgeoisie trop peu fortunée pour accéder
au droit de vote.
En dépit de la fermeté de Louis-Philippe, certains événements
fissurent progressivement la stabilité de la monarchie de Juillet.
En 1842, la mort de l’héritier de la couronne, le duc
d’Orléans, très populaire en raison de ses opinions
libérales, porte un premier coup au régime. De surcroît,
le vieillissement du monarque accentue la critique des oppositionnels
contre l’État et les journaux, régulièrement
saisis, le croquent en retour sous les traits fameux d’une poire.
La crise économique qui frappe le pays à partir du milieu
des années 1840 finit de déstabiliser l’autorité d’un
Louis-Philippe apparemment inconscient de la ruine qui menace son trône.
Lancée le 9 juillet 1847, la « campagne des Banquets » rassemble
bientôt l’ensemble de l’opposition. L’interdiction
et la répression d’un banquet radical le 21 février
1848 déclenche l’agonie du régime. Malgré la
démission de Guizot le 23, la fusillade du boulevard des Capucines,
le jour même, lance dans la capitale un vaste mouvement révolutionnaire.
Pour ne pas faire tirer sur le peuple, Louis-Philippe choisit vainement
d’abdiquer en faveur de son petit-fils, le comte de Paris (24
février). Il quitte aussitôt le territoire, s’exilant
en Grande-Bretagne. La reine Victoria met à sa disposition le
château de Claremont (dans le Surrey) où il meurt deux
ans plus tard, le 26 août 1850. Avec l’abdication de Louis-Philippe,
le régime monarchique s’éteint au profit des aspirations
républicaines.
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IIème
REPUBLIQUE
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Proclamée
suite à l'abdication de Louis Philippe le 24 février
1848.
La Constitution
sera promulguée le 4 novembre 1848.
Elle sera modifiée
après le coup d'état du 2 décembre 1851, qui
donne les pouvoirs constituants à Louis Napoléon
Bonaparte.
La Constitution
du 14 janvier 1848 proclame que le chef de l'Etat (le prince-président)
est élu pour 10 ans.
Elle sera largement
modifiée sous le Second Empire.
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1848 - 1870
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LOUIS NAPOLEON BONAPARTE
Né à Paris le 24 avril
1808 - mort à Chislehurt, Kent, Angleterre, le 9 janvier 1873
Né à Paris, Charles Louis Napoléon Bonaparte
est le neveu de Napoléon Ier et le troisième fils de
Louis Bonaparte et d’Hortense de Beauharnais (née du premier
mariage de l’impératrice Joséphine). Son père,
un personnage assez inconsistant, a occupé quatre années
durant le trône de Hollande grâce à la faveur de
Napoléon Ier, mais a été déchu du fait
de sa médiocre gestion. Enfant d’un couple désuni — son
père doute de sa paternité —, Louis Napoléon
est élevé par sa mère, devenue duchesse de Saint-Leu
après la chute du premier Empire, et passe sa jeunesse en Suisse,
au château d’Arenenberg. Son principal précepteur,
fils du conventionnel montagnard Philippe Lebas, est un futur disciple
d’Auguste Comte. Quant à sa mère, elle développe
chez lui le culte de la légende napoléonienne en le préparant à l’idée
d’en assumer un jour l’héritage. Élève
au collège militaire d’Augsbourg puis à l’École
militaire de Thoune — d’où il sort officier d’artillerie
de l’armée helvétique —, Louis Napoléon
possède déjà à vingt ans certaines des
convictions qui sont propres à sa future politique : Napoléon
Ier est le continuateur de la Révolution française dont
il a contribué à asseoir les principes, tandis que le
congrès de Vienne, œuvre des vieilles puissances réactionnaires
et absolutistes, n’a fait que consacrer des idées héritées
du passé.
Sur la base de ces principes, il participe en 1831, aux
côtés
de son frère Napoléon Louis (membre de la Charbonnerie),
au soulèvement des libéraux italiens en Romagne, soulèvement
au cours duquel son frère meurt subitement d’une rougeole. Échappant à la
police autrichienne, Louis Napoléon gagne ensuite Londres, où il
participe à la préparation d’un coup de force sans
suite contre la monarchie de Juillet. Revenu à Arenenberg, il
devient, après la mort du duc de Reichstadt en 1832, le véritable
chef du parti bonapartiste alors que son père et son oncle,
nostalgiques des heures brillantes de l’Empire, ont depuis longtemps
sombré dans le défaitisme et l’inaction.
S’assurant de quelques appuis au sein de l’armée,
celui qui fait désormais figure de prétendant tente, en
octobre 1836, de soulever la garnison de Strasbourg. Mal préparé,
le coup de force échoue et Louis Napoléon, arrêté,
est envoyé aux États-Unis. Il en revient en octobre 1837,
trop tard pour assister sa mère au seuil de la mort. Interdit
de séjour en Suisse sur pression du gouvernement français,
il retourne à Londres où il rédige un ouvrage de
réflexion politique, les Idées napoléoniennes, tout
en préparant un nouveau coup de force.
En août 1840,
il débarque à Boulogne-sur-Mer avec
cinquante conjurés. Mais Louis Napoléon est arrêté quelques
heures plus tard, condamné à la réclusion perpétuelle
et interné au fort de Ham. Il met à profit son incarcération
pour rédiger une Histoire de l’artillerie ainsi qu’un
essai au titre demeuré fameux : l’Extinction du paupérisme
; il y fait fidèlement référence aux préoccupations
sociales du moment.
En mai 1846, après six ans de captivité, Louis Napoléon
emprunte les vêtements d’un maçon surnommé Badinguet
(nom dont l’affublent ironiquement ses adversaires sous l’Empire)
et parvient à s’échapper. Il se rend de nouveau à Londres
où il se lie avec miss Howard qui lui apporte une aide financière
importante et l’accompagne lorsqu’il rejoint Paris, à la
faveur de la Révolution de 1848.
Prié de s’éloigner de la capitale sur ordre de
Lamartine (membre du gouvernement provisoire), Louis Napoléon
est cependant sur son seul nom élu à l’Assemblée
constituante par quatre départements. Mais il préfère
démissionner pour éviter que ne soit votée une
loi d’exil l’éloignant encore du territoire national.
Une nouvelle fois élu en septembre par cinq départements à l’Assemblée
législative, il ne tarde pas à apparaître comme
l’homme de la réconciliation, soutenu à la fois
par les notables qui craignent l’installation du désordre
et par le peuple pour lequel il incarne la promesse d’un retour à la
gloire passée.
Soutenu enfin par le parti de l’Ordre, notamment par Thiers,
et bénéficiant de la peur du péril rouge qui paralyse
les campagnes depuis les journées de juin 1848, Louis Napoléon
est élu président de la République le 10 décembre
1848, devançant largement Cavaignac, Ledru-Rollin et Lamartine.
Ce triomphe est pourtant assombri par la victoire des royalistes à l’Assemblée
législative en 1849, puis par la promulgation de la Constitution
de la IIe République limitant son mandat à quatre ans.
Habile
tacticien politique, il réduit d’abord à néant
l’opposition républicaine puis laisse les conservateurs
se discréditer par une politique réactionnaire et impopulaire
(expédition de Rome en 1849, loi Falloux sur l’éducation
en 1850 et suppression du suffrage universel en 1850), tout en se présentant
comme le défenseur de la démocratie et du suffrage universel,
et en travaillant à s’attirer le soutien du monde ouvrier.
Pour autant, Louis Napoléon ne réussit pas à faire
modifier la Constitution, à dessein de se faire réélire
en 1852. Jouissant cependant d’une grande popularité, il
décide, avec l’aide de son frère utérin Morny
et d’hommes tels que Persigny, Maupas et Saint-Arnaud, de perpétrer
un coup d’État, le 2 décembre 1851, date anniversaire
du sacre de Napoléon Ier et de la victoire d’Austerlitz.
Au matin du 2 décembre, Louis Napoléon fait afficher une
proclamation annonçant la dissolution de l’Assemblée,
le rétablissement du suffrage universel et l’organisation
prochaine d’un plébiscite sur les nouvelles institutions.
Malgré des mouvements de contestation, qui provoquent l’arrestation
de quelque 27 000 personnes et l’exil de nombreux opposants, le
plébiscite du 21 décembre 1851 donne une majorité écrasante
aux partisans du coup d’État. Dès le 14 janvier 1852,
une nouvelle Constitution est promulguée. Elle accorde à celui
que Victor Hugo a surnommé « Napoléon le Petit » dix
ans de pouvoirs étendus, qui en font à la fois le chef
de l’État et le chef du gouvernement. Le pouvoir législatif,
partagé entre le Conseil d’État et le Corps législatif,
se réduit en fait à un pouvoir d’approbation. Quant
au Sénat, composé sur une base exclusivement honorifique,
il est le gardien de la Constitution.
Du reste, dans l’esprit de son initiateur, cette Constitution
n’est pas destinée à durer. Après avoir
préparé l’opinion durant l’année 1852
et fait lever l’état de siège en mars, Louis Napoléon
organise un nouveau plébiscite (21 novembre) et proclame l’Empire
le 2 décembre 1852, prenant le titre de Napoléon III.
Dépourvu d’héritier, il fait de la branche cadette
de la maison Bonaparte, celle de Jérôme, l’héritière
de la Couronne impériale.
En 1853, Napoléon III épouse une jeune fille de la
grande noblesse espagnole, Eugénie de Montijo, fille du comte
de Teba. Ensemble, ils ont un fils : Eugène Louis Napoléon, « prince
impérial » né en 1856 et tué en Afrique
australe par les Zoulou en 1879. L’impératrice, à laquelle
Napoléon III n’est pas fidèle tout en lui témoignant
du respect, exerce une influence importante sur les affaires politiques.
Très catholique, favorable à une politique conservatrice,
elle contribue sans doute à favoriser la pratique autoritaire
du pouvoir napoléonien jusqu’aux années 1860.
Nourri d’influences contradictoires et bien qu’il a cultivé dans
sa jeunesse des aspirations romantiques et un amour sincère
de la liberté, Napoléon III est en effet convaincu
qu’un régime autoritaire doit favoriser le développement économique
et social du pays. Par ailleurs, le bonapartisme, mélange
de paternalisme et d’autorité, s’appuie sur la
conviction que tous les corps intermédiaires ne font que déformer
la voix du peuple et que ce dernier, épris d’ordre et
de paix, s’exprime de manière authentique par le biais
du plébiscite.
Pour autant, Napoléon III ne gouverne pas avec le peuple. Favorable,
dans son principe même, aux notables et aux grands capitalistes,
sa politique ambiguë est menée en grande partie avec un
personnel politique issu de l’opposition dynastique à la
monarchie de Juillet (tel Eugène Rouher, avocat républicain
qui compte parmi les pères de la Constitution). Il s’appuie également
sur les préfets, l’armée et la police pour museler
toute velléité d’opposition, exigeant des fonctionnaires
un serment de fidélité, supprimant la liberté de
la presse et, de fait, la liberté d’opinion.
Au delà de cet autoritarisme, le régime de Napoléon
III accomplit en quelques années une œuvre économique
considérable. L’industrie et le commerce connaissent
un développement important, fruit d’une politique volontariste,
largement teintée de saint-simonisme. Durant cette période,
le réseau ferroviaire passe de 3 000 km (1852) à 18
000 km (1870) — les axes essentiels du réseau actuel
sont déjà mis en place. L’expansion de certains
secteurs industriels (textile, chimie, sidérurgie, métallurgie),
la rationalisation et la modernisation de l’agriculture, la
création des structures du capitalisme moderne (notamment
de grandes banques capables de financer l’industrie grâce
au crédit) permettent un fort essor économique et industriel,
bien qu’il ne concerne pas l’ensemble du territoire.
On assiste au passage progressif du protectionnisme au libre-échange,
consacré par le traité de commerce du 23 janvier 1860
avec la Grande-Bretagne.
L’État lui-même donne une impulsion considérable
aux travaux publics. Exemple emblématique, le programme d’aménagement
de Paris, confié au baron Haussmann, transforme la physionomie
de la capitale, tout en doublant la ségrégation sociale
d’une ségrégation spatiale. Période d’expansion économique,
et donc d’argent facile, d’affairisme, la première
partie du règne de Napoléon III laisse donc le souvenir
d’une « fête impériale » dont la cour,
aux Tuileries comme à Compiègne, donne bien le ton. Pour
le reste, l’expansion ne profite pas également à tous
les Français. Ainsi, les années 1852-1870 ne marquent
pas une amélioration du niveau de vie des ouvriers, contrairement à celui
des notables, soutiens du régime impérial.
En politique étrangère, Napoléon III est confronté à l’hostilité des
grandes puissances européennes en raison de la tradition belliciste,
voire expansionniste, dont on l’imagine dépositaire.
Mais Napoléon III se révèle être un fin
tacticien de l’arme diplomatique et militaire. Avec la guerre
de Crimée, engagée en 1854 pour contrer l’expansionnisme
russe vers la Méditerranée, il voit le moyen de se
rapprocher de la Grande-Bretagne et de séparer la Russie de
l’Autriche (alliées depuis 1815). La chute de Sébastopol
et le traité de Paris de 1856 réintroduisent la France
dans le concert des nations européennes tout en consacrant,
avec l’autonomie accordée à la Serbie et au Monténégro,
une ébauche de reconnaissance du principe des nationalités.
C’est au nom de ce principe que Napoléon III, peu après
l’attentat d’Orsini (janvier 1858) — attentat qui
débouche sur l’instauration momentanée de la « loi
de sûreté générale » et sur un durcissement
du régime —, se penche sur la question de l’unification
italienne. Favorable à une confédération italienne,
il promet à Cavour son soutien lors de l’entrevue de Plombières
(juillet 1858), en échange du rattachement de Nice et de la
Savoie à la France. Peu après la défaite des Autrichiens
au terme de la campagne d’Italie, la France annexe les deux territoires
convoités, mais elle voit se créer à sa porte
un puissant royaume qui ne cesse de s’agrandir aux dépens
des anciens États italiens. En outre, la question de Rome, dont
beaucoup d’Italiens veulent faire leur capitale, est en France
une cause de dissensions politiques : les catholiques, attachés à la
stabilité du statut de la papauté, reprochent en effet à l’empereur
son manque de fermeté à ce sujet (Rome est définitivement évacuée
en 1866).
Pour l’Empire, le début des années 1860 marque un
double tournant. Un tournant politique d’abord, puisque l’opposition
républicaine fait son entrée au Corps législatif,
de façon timide en 1857 puis plus franchement aux élections
de 1863 ; d’autre part, l’hostilité d’une partie
des catholiques à la politique romaine de l’empereur crée
une opposition sur sa droite. Un tournant économique ensuite,
symbolisé par le mécontentement d’une partie du monde
industriel après la conclusion du traité de libre-échange
de 1860.
À ces difficultés s’ajoutent certains revers,
notamment en Algérie où la politique arabe, favorable
aux indigènes, provoque l’incompréhension des colons
mais aussi au Mexique où l’expédition envoyée
pour soutenir l’empereur Maximilien, en 1862, se termine tragiquement
en 1867.
Confronté à ce réveil des oppositions, Napoléon
III, soutenu par Morny et Walewski, entreprend de libéraliser
le régime par une politique de concession, cherchant en particulier à gagner
le soutien du monde ouvrier, dont il encourage le courant réformiste,
dominé par les ouvriers les plus qualifiés, et dont il
favorise l’expression collective en faisant abolir en mai 1864
le délit de coalition (droit de grève). Enfin, malgré l’opposition
manifestée par les bonapartistes autoritaires, il assouplit
en 1868 le régime de la liberté de la presse (mai), et
introduit le droit d’interpellation au Corps législatif.
Au terme des élections de 1869, la réduction de représentation à l’Assemblée
entre bonapartistes et républicains fait comprendre à Napoléon
III qu’il est temps de modifier radicalement l’orientation
du régime. Ne pas tenir compte du reclassement politique équivaudrait à un
suicide. Napoléon III décide alors de former « un
cabinet homogène, représentant fidèlement la majorité du
Corps législatif ». Le 2 janvier 1870, Émile Ollivier
forme un cabinet comprenant bien sûr de fervent bonapartistes
mais également des représentants du centre droit et du
centre gauche. Au mois de mai, une nouvelle modification des institutions
transforme l’Empire en une monarchie constitutionnelle — même
si les ministres restent exclusivement responsables devant l’empereur.
La victoire écrasante du « oui » (7,3 millions contre
1,5 million de « non ») lors du plébiscite du 8
mai 1870 semble conforter définitivement le camp de la réforme.
Il ne s’agit pourtant pas d’un virement démocrate
; le ministère Ollivier est dirigé par un homme d’abord
préoccupé de satisfaire les milieux conservateurs, d’affaire
et les milieux cléricaux. Il s’affirme d’emblée
prêt à réprimer tout mouvement social d’opposition
au régime. Lors des manifestations hostiles à ce dernier,
il n’hésite pas à faire donner la troupe et à emprisonner
des figures de l’opposition, tel Rochefort. À ce facteur
de déstabilisation du régime dans un contexte intérieur
tendu s’ajoute la maladie de l’empereur.
Fatigué, de plus en plus souffrant (il est atteint de la maladie
de la pierre), l’empereur ne sait pas distinguer les dangers
qui menacent la sécurité du pays. En particulier, il
commet l’erreur de sous-estimer la puissance prussienne et
le fait que, pour des raisons de politique intérieure, le
chancelier Bismarck souhaite ardemment la guerre contre la France.
En 1866 pourtant, la victoire de la Prusse sur l’Autriche à Sadowa
a fait apparaître les ambitions des Hohenzollern, qui depuis
longtemps aspirent à être les artisans de l’unification
allemande. Bien que mis en garde par ses conseillers les plus proches
et malgré l’opposition de la gauche républicaine,
Napoléon III cède donc à la provocation contenue
dans la dépêche d’Ems et déclare la guerre à la
Prusse le 19 juillet 1870 (voir guerre franco-allemande de 1870).
Mal
préparée et moins nombreuse en effectifs que les
Prussiens, l’armée française accumule les défaites.
Dès le 2 septembre 1870, Napoléon III, retranché à Sedan,
doit capituler. Le 4 septembre, la République est proclamée à Paris,
comme si le régime était finalement trop fragile pour
supporter l’absence de son chef. Napoléon III est interné au
château de Wilhelmshöhe, près de Kassel, puis il
s’exile à Chislehurst (Grande-Bretagne) où il meurt
des suites d’une intervention chirurgicale.
La défaite de 1870 a contribué à discréditer
la figure de Napoléon III, déjà en proie de son
vivant aux sarcasmes féroces de Victor Hugo, aux critiques de
Marx et d’Engels, et au mépris de l’opposition républicaine,
qui l’ont considéré comme un fossoyeur des libertés.
Pourtant, l’historiographie contemporaine a fini par reconnaître
le rôle décisif qu’il a joué dans le développement
de la révolution industrielle en France, même s’il
n’a pas su, simultanément, donner une réponse satisfaisante à la
question sociale.
Prince secret, en proie à des aspirations contradictoires,
Napoléon III a été, bien involontairement, celui
qui a contribué à définitivement tourner la page
du modèle impérial en France : si, entre la monarchie
réactionnaire et la république radicale, le bonapartisme — version
rénovée du despotisme éclairé — a
pu s’interposer, il est apparu après 1870 que seule la
République pouvait réconcilier les Français et
fonder un régime durable. Avec la fin du second Empire, la France
a quitté le siècle de la recherche du meilleur régime
possible pour entrer dans celui de la stabilité institutionnelle
et républicaine.
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IIIème
REPUBLIQUE
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Après la
destitution de l'empereur Napoléon III suite à la
défaite de Sedan (2 septembre 1870), l'Assemblée
donne à Thiers le titre du chef du pouvoir par la loi du
31 août 1871.
La Constitution,
révisée en 1875, sera suspendue "jusqu'à la
paix" par un vote en 1940.
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1870 - 1871
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Général LOUIS TROCHU
Né à Belle-Ile-en-Mer
en 1815 - mort à Tours en 1896.
Officier, Louis Jules Trochu
sert en Algérie, en Crimée,
en Italie et obtient le grade de général en 1866. Son
livre L’Armée française en 1867, où il dénonce
la désorganisation de l’armée impériale,
entraîne sa disgrâce. Mais la popularité qu’il
en acquiert le fait nommer gouverneur de Paris le 17 août
1870. Le 4 septembre, il devient président du gouvernement
de la Défense nationale. Le 31 octobre 1870, le peuple
de Paris, se rendant compte de son inconsistance, manifeste contre
Trochu et son gouvernement. Il réussit à se maintenir
et proclame : « Le gouverneur de Paris ne capitulera
pas. » Le 19 janvier 1871 a lieu la désastreuse
sortie de Buzenval où l’incapacité (ou la duplicité)
de Trochu apparaît. Sa destitution est demandée. Il démissionne
de lui-même le 22 janvier après une fracassante déclaration
dans laquelle il préconise en réalité la capitulation.
Remplacé par Vinoy, il est élu député en
février. Mais, dès 1872, il quitte la scène politique.
Victor Hugo l’a marqué d’une définition cinglante : « Trochu,
participe passé du verbe Trop Choir. » Sous les apparences
d’un chef courageux et dévoué, c’était
un caractère ambitieux, dissimulé et irrésolu.
Répétant sans cesse « j’ai mon plan »,
il était convaincu que toute résistance et toute défense
de Paris étaient vaines. Il cherche à gagner du temps,
joue et se joue son propre jeu. Il se révèle, aux yeux
de l’histoire, comme la fausse idole d’un moment.
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1871 - 1873
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ADOLPHE THIERS
Né à Marseille en 1797
- mort à Saint-Germain-en-Laye en 1877.
Après desétudes
au lycée de Marseille,
il étudie le droit à Aix, est lauréat de l’académie
d’Aix. En septembre 1821 il « monte » à Paris
où il rejoint Mignet auquel le liera une amitié de près
de soixante ans. Thiers se lance dans le journalisme libéral ;
il écrit dans Le Constitutionnel, est le correspondant de La
Gazette d’Augsbourg, et ces derniers articles attestent une intelligence
aussi remarquable de la finance que de la politique ; en 1823,
il publie les deux premiers volumes de son Histoire de la Révolution ;
dès 1827, il envisage une histoire du Consulat.
Dès ce moment, il est connu dans les salons libéraux
de Jacques Laffitte et de La Fayette. Talleyrand l’apprécie.
C’est le « dauphin de la Révolution ».
Le grand rôle de Thiers commence avec sa collaboration au journal
Le National, au titre significatif. Aux côtés d’Auguste
Mignet et d’Armand Carrel, Thiers dénonce le ministère
Polignac, cherche à enfermer les Bourbons dans la Charte pour
les conduire à un coup d’État, propose un changement
de dynastie : il faut s’inspirer de la révolution
anglaise de 1688 et, comme Guillaume d’Orange a pris la place
de Jacques II, substituer les Orléans aux Bourbons. La
promulgation des quatre ordonnances fait de Thiers un des auteurs de
la révolution de Juillet. Il rédige la protestation des
journalistes particulièrement menacés par la politique
royale, convainc le duc d’Orléans d’accepter la
couronne. La révolution triomphe : dès le 12 août,
Thiers est admis au Conseil d’État, attaché à la
commission des Finances, adjoint du ministre des Finances, le baron
Louis.
Au service de la monarchie de Juillet
Dans les Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand distingue Thiers
de l’ensemble du personnel politique de la monarchie citoyenne : « Sans
jalousie, sans petitesse, sans morgue et sans préjugés, il se détache
sur le fond terne et obscur des médiocrités du temps. » Effectivement,
sa carrière est rapide : député des Bouches-du-Rhône,
ministre de l’Intérieur du cabinet Soult, puis ministre de l’Agriculture
et du Commerce, à nouveau ministre de l’Intérieur. Par l’entremise
de Simon Deutz, il assure l’arrestation de la duchesse de Berry, mène
la lutte contre les émeutes républicaines d’avril 1835, contribue à faire
voter les lois de répression dites lois de septembre. Il y gagne la haine
des républicains, que Daumier exprime en caricatures vengeresses, mais
il a le pouvoir et la fortune. En 1838, il épouse Mlle Dosne, mariage
sur lequel courent des bruits fâcheux, qui lui donne une aisance qu’il
apprécie. En 1834, il est reçu à l’Académie
française. « Il n’est point parvenu, dit Talleyrand,
il est arrivé. »
En 1836, Thiers est pour la première fois président du Conseil
et ministre des Affaires étrangères, mais il échoue dans
sa tentative de marier le duc d’Orléans à une archiduchesse
d’Autriche ; en outre, le roi, séduit par les ressources de
l’esprit de Thiers, mais plus soucieux encore de « conduire
son fiacre » comme il l’entend, s’inquiète de la
politique espagnole de son Premier ministre, qui doit donner sa démission.
Thiers retourne à l’opposition parlementaire et conduit contre le
comte Molé un combat finalement heureux.
En 1840, Thiers retrouve la présidence du Conseil et le ministère
des Affaires étrangères. Il veut, comme lors de sa précédente
présidence, que la France ne se laisse pas dominer par les intérêts
matériels, ne « s’accroupisse pas sur sa chaufferette ».
Il désire l’achèvement de la conquête algérienne ;
il fait décider le retour des cendres de Napoléon. Toutefois, il
entend maintenir l’Entente cordiale avec l’Angleterre et, pour preuve
de ses bons sentiments, liquide, au mieux des intérêts anglais,
l’affaire des soufres de Sicile. La crise égyptienne l’oppose
cependant à lord Palmerston et à la diplomatie des grandes puissances
européennes : ayant souhaité réconcilier sans y mêler
ces dernières le sultan et le pacha d’Égypte, Thiers se voit
proposer un règlement négocié en dehors de la France et
peu favorable au client de celle-ci, Méhémet-Ali. Il procède à des
armements militaires et laisse entendre qu’il ne refusera pas la guerre.
Mais, pour la seconde fois, le roi le désavoue et Thiers démissionne.
Politique d’audace proche de la témérité et qui a
des suites fâcheuses : l’Allemagne s’est réveillée
et accuse la France de troubler l’ordre européen.
À
nouveau Thiers est ramené à l’opposition contre le ministère
Soult-Guizot qui s’éternise. Il lui reproche sa politique étrangère,
sa politique universitaire, son refus de la réforme électorale.
Toutefois, il accepte en 1842 que la régence soit confiée au duc
de Nemours et non à la duchesse d’Orléans, il ne participe
pas à la campagne des banquets (1847-1848). On peut le situer à la
gauche de l’orléanisme, mais fidèle aux Orléans, quand
la monarchie de Juillet est emportée. En fait, s’il dira sa peine à la
mort de Louis-Philippe, il n’a jamais pardonné à la monarchie
de ne pas lui avoir donné toute sa chance.
La révolution de février 1848 n’écarte pas Thiers
de la politique comme elle écarte Guizot. Au contraire, le péril
social surexcite l’ardeur combative de l’homme d’État.
Thiers appuie la candidature de Louis-Napoléon à la présidence,
moins par fidélité à la mémoire de Napoléon,
qu’il a d’ailleurs toujours exaltée, que parce qu’il
a pensé, comme les autres chefs conservateurs, que Louis-Napoléon
l’emporterait de toute manière ; il publie un ouvrage sur La
Propriété, défend l’Église contre l’Université,
contribue à faire voter la loi électorale et antidémocratique
du 31 mai 1850. Dans le fond, il admet pourtant la république, pourvu
qu’elle soit conservatrice et que, dans un avenir plus ou moins proche,
elle lui assure la première place. Le coup d’État du 2 décembre
1851, qu’il a annoncé, l’exile d’abord en Belgique puis
en Angleterre. Il revient en France en 1852. Durant les premières années
du second Empire, il s’abandonne à sa passion des voyages et mène à bien
son Histoire du Consulat et de l’Empire, dont le succès est considérable.
En 1857, Napoléon le traite d’historien national ; en 1862,
l’Académie française lui décerne le prix biennal de
littérature.
Cependant, la politique le tente toujours. Aux élections législatives
de 1863, il est battu à Aix mais élu à Paris. Sa rentrée
politique est un événement : Thiers s’impose non seulement à l’opposition
mais à la majorité du corps législatif qui, au fond du cœur,
lui donne souvent raison. Comme il l’a toujours fait, il défend
le protectionnisme et conteste les résultats du traité de janvier
1860 ; il demande les « libertés nécessaires »,
il dénonce l’unité italienne et, plus encore, l’unité allemande.
La Prusse, à l’entendre, est en train de reconstituer l’Empire
de Charles Quint avec pour capitale Berlin et pour satellite l’Italie.
En 1869, Thiers est réélu député de Paris. Lorsque
se forme, le 2 janvier 1870, le cabinet Émile Ollivier, il reste
sur la réserve, à la différence de Guizot et de la plupart
des anciens orléanistes : il n’a pas confiance. Clairvoyance
rare, qui cependant n’a jamais été aussi grande que lorsqu’il
essaie en vain d’empêcher la guerre entre la France et la Prusse.
La défaite ainsi que la tournée des capitales européennes
qu’il entreprend malgré son âge, à la demande du gouvernement
de la Défense nationale, pour rompre l’isolement de la France confirment
son prestige, qui est alors à son apogée.
En 1871, Thiers, partisan de la paix, est élu dans vingt-six départements,
tandis que Gambetta, partisan de la lutte à outrance, ne l’est que
dans neuf. Aussi, le 17 février, l’Assemblée nationale,
réunie à Bordeaux, le nomme-t-elle chef du pouvoir exécutif
et le charge-t-elle des négociations avec le vainqueur. Thiers signe les
préliminaires de la paix, arrache à Bismarck Belfort en échange
de l’entrée des Allemands à Paris, entrée limitée
dans l’espace et le temps. Cette entrée des ennemis est considérée
comme une insulte à l’honneur de Paris qui n’a pas capitulé.
Thiers se heurte à la Commune de Paris, patriote, républicaine,
désireuse d’une transformation sociale : la Commune ne reconnaît
pas l’Assemblée nationale conservatrice qui siège à Versailles.
Thiers est, lui aussi, favorable à la république, mais à une
république modérée, respectueuse des fortunes ; il
entend gouverner en accord avec l’Assemblée. Après le 18 mars,
il réalise le projet d’abandonner Paris, qu’il avait déjà conseillé à Louis-Philippe
en février 1848, et, grâce au retour des soldats prisonniers, engage
contre la Commune une lutte impitoyable et finalement victorieuse. La guerre
civile terminée dans des conditions atroces, Thiers se préoccupe
de payer l’indemnité de guerre exigée par l’Allemagne
et d’assurer ainsi la libération du territoire. Le 18 septembre
1873, les troupes allemandes quittent la France, dix-huit mois avant le terme
prévu ; Thiers est parvenu à cela grâce au lancement
de deux emprunts très favorables à leurs souscripteurs, et grâce à une œuvre
financière classique (refus de l’impôt sur le revenu, augmentation
des impôts indirects, monopole des allumettes). Il fait preuve de la même
prudence dans la réorganisation administrative (la centralisation n’est
pas atteinte) et militaire (le service obligatoire est momentanément écarté).
À
l’étranger au moins, Thiers passe pour avoir restauré la
puissance de la France. Cependant les sympathies républicaines de Thiers
se précisent : la république a le mérite d’être ;
elle est le gouvernement qui divise le moins. D’où son désaccord
de plus en plus net avec l’Assemblée qui, le 24 mai 1873, obtient
sa démission. Espoir des républicains que menace la politique de
réaction, Thiers condamne le duc de Broglie au lendemain du 16 mai
1877. Quand il meurt à Saint-Germain-en-Laye, il sert encore la république.
Sa famille refuse les obsèques officielles, mais trois cent quatre-vingt-quatre
villes sont représentées et peut-être un million de personnes
assistent à ses funérailles : l’émotion nationale
atteste que Thiers a acclimaté la république. « La république,
avait-il dit dans son dernier message, c’est la nécessité »,
mais la nécessité a besoin d’un intercesseur.
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1873 - 1879
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Maréchal EDME PATRICE,
Comte de MAC-MAHON
Né à Sully-sur-Loire
en 1808 - mort à Chaâteau-la-Forêt (Loiret) en 1893.
D’origine irlandaise, sa famille suivit Jacques II Stuart
dans son exil en France à la fin du XVIIe siècle. Fils
d’un émigré qui servit l’Ancien Régime,
puis le premier Empire, en qualité de lieutenant général,
neveu d’un pair de France sous la Restauration, Mac-Mahon fut élevé en
effet dans les traditions de la noblesse française au château
de Sully en Saône-et-Loire. Il se destina tout naturellement à la
carrière des armes et sortit de Saint-Cyr comme sous-lieutenant
en 1827. Il participa à l’expédition d’Alger
en 1830 et montra au cours des combats une bravoure, qui sera sa qualité première.
Légitimiste, mais partisan du pouvoir légal, il sert
les orléanistes sans que cela lui crée un cas de conscience.
Il se trouve déjà au siège d’Anvers en 1832,
et c’est en Algérie que, pendant vingt années,
il fera carrière, en participant à la conquête
et à la « pacification » du pays. Promu
capitaine en 1833, fait chevalier de la Légion d’honneur
la même année, blessé plusieurs fois, il est de
tous les grands combats et montre un courage exemplaire, en particulier
lors de la prise de Constantine en 1837. Bien noté par ses chefs,
il est général de division en 1852, à quarante-quatre
ans. Militaire avant tout, il se rallie au second Empire, sans enthousiasme,
mais sans trop de scrupule. Il se fait remarquer au cours de la guerre
de Crimée, en 1855, par la prise du bastion de Malakoff qui
oblige les Russes à abandonner Sébastopol, et il reçoit
la grand-croix de la Légion d’honneur. Ces états
de service exceptionnels lui valent d’entrer au Sénat
en 1856. Cet homme, conservateur, sans idées ni expériences
politiques, s’oppose alors — et il est un des très
rares parlementaires à la faire — à la loi de sûreté générale
qui restreint les libertés publiques et qui a été proposée
par l’empereur après l’attentat d’Orsini.
Cette prise de position libérale éclaire pour l’avenir
la carrière politique de Mac-Mahon qui se montrera toujours
soucieux de respecter les formes légales et constitutionnelles
du pouvoir. Peu au fait des subtilités parlementaires, Mac-Mahon
préfère reprendre du service dans l’armée
et il regagne l’Algérie en qualité de commandant
en chef en 1858. On le retrouve à Magenta le 4 juin 1859 où il
sauve l’empereur de l’encerclement, et il est fait duc
de Magenta et maréchal de France ; il participe à la
bataille de Solférino en 1859, commande à Nancy en 1862,
devient gouverneur général de l’Algérie
en 1864 et il est chargé de mettre en œuvre la politique
arabe libérale de Napoléon III. Mais il entre en
conflit avec le cardinal Lavigerie qui entend accélérer
l’assimilation des indigènes en les convertissant au christianisme.
En 1869, il doit s’opposer à l’insurrection des
Ouled sidi Cheikh. Rappelé en France au moment de la guerre
contre la Prusse, ce militaire courageux apparaît comme un bien
médiocre stratège et il essuie deux défaites à Wissembourg
et à Reichshoffen en août 1870. Il est finalement fait
prisonnier à Sedan le 1er septembre 1870. Libéré en
mars 1871, lors des préliminaires d’armistice, il commande
l’armée des versaillais contre la Commune et il tente
de veiller au respect de la justice, tâche rendue impossible
par les circonstances. C’est alors que commence sa carrière
politique. Partisan de l’ordre, ennemi du « péril
social » que représente à ses yeux la République,
il est poussé par les monarchistes à la présidence
de la République, après la démission de Thiers
en 1873. Il accepte cette fonction plus par devoir que par goût
du pouvoir, et reste étranger aux luttes intestines entre légitimistes,
orléanistes et impérialistes ; de même qu’il
est hostile au rétablissement de la royauté et du drapeau
blanc devant lequel, prophétise-t-il, « les chassepots
partiraient d’eux-mêmes ». Mais son principal
conseiller, le duc Albert de Broglie, qui a pour but de restaurer la
monarchie, l’oblige finalement à envoyer une lettre très
dure qui provoque la démission du ministère Jules Simon,
républicain, et à faire appel à lui le 16 mai
1877. Cet acte irréfléchi est considéré comme
une provocation par la majorité républicaine de l’Assemblée.
La crise constitutionnelle ainsi ouverte qui oppose le président
de la République à l’Assemblée peut déboucher
sur une crise de régime. La dissolution de l’Assemblée
et le renvoi des députés devant les électeurs
sont décidés par Mac-Mahon qui parcourt la France en
faisant une propagande intensive pour un régime « d’ordre
moral ». C’est alors que Gambetta prononce la phrase
célèbre selon laquelle une fois que « la France
se sera prononcée en faveur des républicains, Mac-Mahon
devra se soumettre ou se démettre ». C’est
la soumission que choisit d’abord Mac-Mahon qui, après
les élections de l’automne 1877, reconnaît que la
France veut la République et appelle un ministère Dufaure.
Mais en janvier 1879, il démissionne, après avoir refusé de
signer la révocation de plusieurs généraux proposée
par le Conseil des ministres. Mac-Mahon ne fut pas le personnage falot
et dénué d’intelligence que l’histoire a
retenu. Il faut mettre à son actif le courage militaire, le
désintéres.
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1879 - 1887
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JULES GREVY
Né à Mont-sous-Vaudrey
(Jura) en 1807 - mort à Mont-sous-Vaudrey en 1891.
Le sang-froid de Grévy, avocat, théoricien du droit,
n’avait d’égal que sa maîtrise du langage : « Ses
mots sont frappés en médaille » disait-on.
La finesse d’esprit était réelle dans ce corps
de grenadier. La fermeté de ses convictions républicaines
ne se démentit jamais. Il avait débuté en 1848
en proposant un amendement fameux contre l’élection du
président de la République au suffrage universel. Tenté par
le gouvernement d’assemblée, il allait s’attacher à dépersonnaliser
la fonction politique. Élu député du Jura en 1863
et 1869 au Corps législatif, il est à la tête de
l’opposition républicaine. Il s’oppose, avec Thiers
et Gambetta, à la déclaration de guerre en 1870. Élu
président de l’Assemblée nationale (1871-1873),
puis de la Chambre des députés à partir de 1876,
il joua un rôle important dans la crise du 16 mai 1876. Le 30
janvier 1879, le maréchal président Mac-Mahon démissionna
et le Congrès, réuni à Versailles, élut
Jules Grévy président de la République. L’influence
de celui-ci a été capitale pour l’avenir de la
fonction et de l’exécutif face au législatif. Les
prérogatives constitutionnelles du président de la République,
compromises par Mac-Mahon (révocation des ministres, ajournement
des Chambres et surtout dissolution) allaient être mises en sommeil.
Pourtant il allait apporter un soin tout particulier au choix des ministres
et particulièrement au choix de celui chargé de constituer
le ministère, qui deviendra le président du Conseil,
sur lequel la Constitution de 1875 était muette. C’est
ainsi qu’il s’efforça, non sans complicité parmi
les républicains, d’écarter Gambetta de la présidence
du Conseil, puis, avec l’aide de Clemenceau, de miner le « grand
ministère » que Gambetta ne dirigea que soixante-treize
jours à partir de novembre 1881. Le choix du président
du Conseil, effectué par Grévy, chef de l’État,
a entraîné un affaiblissement de l’institution du
président de la République et de celle même de
président du Conseil, en dissociant les notions de chef de l’exécutif
et de leader parlementaire ; car, s’il était peu
imaginable, après l’expérience Mac-Mahon, de retrouver
un pouvoir présidentiel fort, le Conseil des ministres aurait
pu devenir un organe moteur et responsable : ce pouvoir ministériel
fort et stable fera défaut à la IIIe République
dans son ensemble, sauf à de rares exceptions. C’est à ce
titre qu’on a pu parler de « Constitution Grévy » pour
qualifier l’influence du nouveau président de la République.
En politique extérieure, il était très attaché à la
paix, ce qui lui valut l’hostilité des partisans de la
revanche au moment de la crise boulangiste. Il fut réélu à la
présidence en 1885 à la fin de son septennat. En 1887,
son gendre le député Daniel Wilson ayant été convaincu
de trafic d’influence, les Chambres obligèrent Grévy à donner
sa démission. La République opportuniste dévoilait
un début d’affairisme parlementaire dont s’emparait
l’agitation nationaliste.
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1887 - 1894
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MARIE FRANCOIS SADI CARNOT
Né à Limoges en 1837
- assassiné à Lyon en 1894.
Dans un climat politique troublé notamment par la crise du
boulangisme, le président Carnot, tout en restant dans les limites
de son rôle constitutionnel, sut symboliser la pérennité des
institutions.
Né à Limoges, Marie François Sadi Carnot était
issu d'une illustre famille républicaine : petit fils de Lazare
Carnot, l'« Organisateur de la victoire » et fils d'Hyppolite
Carnot, ministre de l'Instruction publique en 1848, il fut élève
de l'École polytechnique puis entra dans l'administration des
Ponts et Chaussées. Nommé par Gambetta préfet
de l'actuel département de la Seine-Maritime en 1871, pendant
la guerre franco-allemande, il tenta d'organiser la résistance à l'avancée
ennemie en Normandie. Élu député de la Côte-d'Or
la même année, il siégea sur les bancs de la gauche
républicaine et entama une carrière ministérielle
féconde : plusieurs fois ministre des Travaux publics, ministre
des Finances dans les cabinets Brisson (1885) et Freycinet (1886),
il fut, servi par son nom et par sa réputation de modération,
confortablement élu à la présidence de la République
en décembre 1887, après que Jules Grévy eut été acculé à la
démission par le scandale des décorations.
Parfaitement
représentatif du courant opportuniste qui l'avait
porté à la tête de l'État, il vit son mandat
coïncider avec une période d'instabilité politique
(le coup d'État manqué du général Boulanger,
l'affaire de Panamá) et d'agitation sociale soulignant la relative
fragilité des institutions. Dans l'exercice de ses fonctions,
Carnot s'attacha principalement à obtenir le ralliement des
catholiques au régime et à favoriser la conclusion de
l'alliance franco-russe.
En voyage à Lyon, il fut assassiné par un anarchiste
italien, Caserio, qui entendait protester contre les « lois scélérates » restreignant
la liberté syndicale, que la Chambre venait d'adopter.
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1894 - 1895
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JEAN CASIMIR-PERIER
Né à Paris en 1847
- mort à paris en 1907.
Riche négociant, industriel du Dauphiné et cofondateur
de la Banque de France, Claude Perier eut huit fils qui tous ont tenu
une place marquante dans la politique et dans la vie économique.
Casimir, le quatrième, vient à Paris, en 1801, fonder
une banque qui gagne le contrôle de la Compagnie des mines d’Anzin,
entre autres affaires industrielles ; il devient régent
de la Banque de France. Élu député de Paris (1817),
il s’affirme un redoutable orateur de l’opposition libérale,
surtout dans les débats financiers où il met souvent
Villèle dans l’embarras. Toutefois, il souhaite préserver
la monarchie avec la charte ; il blâme l’insurrection
de juillet 1830, mais, comme député de Paris et animateur
de la résistance légale de la Chambre lors du ministère
Polignac, il se trouve engagé d’honneur et fait partie
de la commission municipale constituée le 29 juillet. La révolution
accomplie, Perier soutient que tout devrait se borner à un simple
changement de dynastie et qu’il faut résister au mouvement
démocratique. Appelé à la tête du gouvernement
en mars 1831, il galvanise les partisans de l’ordre par son impulsion
autoritaire et impose sa volonté au roi lui-même. Il réprime
vigoureusement les émeutes parisiennes et la première
grande révolte sociale des canuts de Lyon. En quelques mois,
il consolide le régime chancelant par le vote des lois organisant
la garde nationale et le nouveau régime électoral. En
politique extérieure, il refuse d’engager la France dans
le soutien aux révoltés de Pologne et d’Italie
mais collabore avec les Anglais pour sauvegarder la Belgique indépendante.
Il flatte l’amour-propre national par l’envoi d’une
expédition à Ancône et par une démonstration
navale à Lisbonne. Casimir Perier succombe au choléra,
contracté en allant visiter à l’Hôtel-Dieu
les victimes de l’épidémie. En une année
de gouvernement, il a donné au régime une assise durable
et fixé aussi sa physionomie politique au service de la grande
bourgeoisie capitaliste.
Son petit-fils, Jean Casimir-Perier sera président de la République.
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1895 - 1899
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FELIX FAURE
Né à Paris en 1841
- mort à paris en 1899
Riche négociant en cuirs du Havre, libéral et membre
de la Ligue française de l’enseignement, Félix
Faure se distingua comme chef des mobiles de Seine-Inférieure
en novembre 1870. Adjoint au maire du Havre, membre de la chambre de
commerce, il fut élu en 1881 député républicain
modéré. À la Chambre, il fit partie du groupe
de l’Union républicaine et fut un spécialiste des
affaires commerciales. Gambetta fit de lui, en 1881-1882, un sous-secrétaire
d’État au Commerce ; il fut sous-secrétaire
d’État à la Marine, chargé particulièrement
des colonies, sous Jules Ferry (1883-1885) et dans le premier cabinet
Tirard (1887-1888). Il créa le Conseil supérieur des
colonies. Le 17 janvier 1895, il fut élu président
de la République par la coalition des voix monarchistes et modérées
contre les voix radicales et socialistes ; il sut s’imposer
par sa modération, sa finesse et son sens de la représentation.
La France étant alors déchirée par l’affaire
Dreyfus, il fit confiance à des gouvernements modérés
(Méline, Dupuy) et se montra hostile à la révision
du procès. Attaché à l’expansion coloniale,
il a peut-être inspiré l’évacuation de Fachoda.
Le renforcement de l’alliance franco-russe fut en partie son œuvre ;
il reçut le tsar Nicolas II à Paris en 1896 et il
se rendit lui-même à Cronstadt en 1897. Ses funérailles
nationales provoquèrent, le 23 février 1899, de
violentes manifestations au cours desquelles Déroulède
tenta d’inciter le général Roget à marcher
sur l’Élysée, où était mort le président,
au cours d’une intimité amoureuse avec la belle Mme Steinheil.
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1899 - 1906
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EMILE LOUBET
Né à Marsanne en 1838
- mort à Marsanne en 1929
D’origine modeste — il est fils d’un paysan de la
Drôme —, Émile Loubet réussit à devenir
avocat et à se faire progressivement une place dans le chœur
de l’opposition républicaine au second Empire. La première étape
de sa carrière politique est la conquête de la mairie
de Montélimar en 1870. Élu député de la
Drôme en 1876, il siège parmi les républicains
modérés, avant de rejoindre un autre hémicycle,
le Sénat, en 1885.
En 1892, après qu’il a connu l’expérience
d’une charge ministérielle (les Travaux Publics, 1887),
le président Sadi Carnot le sollicite pour former le gouvernement
qui est constitué le 27 février. Mais les dix mois qu’Émile
Loubet passe aux Affaires sont agitées ; il doit gérer
une épidémie de choléra au Havre, des troubles
dans les régions minières du Nord ; surtout, il affronte
le scandale de Panamá que l’opposition l’accuse
de vouloir étouffer. Son ministère chute finalement le
6 décembre.
Devenu une des cibles des courants nationalistes
qui dénoncent
la corruption du régime, Émile Loubet retourne néanmoins
au Sénat, puis en assure la présidence (1896), avant
d’endosser une fonction plus importante encore puisqu’en
1899 il succède à Félix Faure à la présidence
de la République. Dès le début de son mandat,
il est plus que jamais brocardé par l’opposition nationaliste
et antidreyfusarde, parce qu’il doit son élection à des
voix de gauche, mais plus encore parce qu’il gracie le capitaine
Alfred Dreyfus en septembre 1899.
Ainsi celui qu’on tient pour une figure terne de la politique
s’affirme comme une forte personnalité — personnalité qui
s’exprime encore en 1902, lorsqu’il signifie son désaccord
avec la politique anticléricale du gouvernement d’Émile
Combes (laquelle aboutit à la séparation de l’Église
et de l’État en 1905). Pour le reste, son séjour à l’Élysée
est marqué par une diplomatie très active. Émile
Loubet reçoit de nombreux chefs d’État (Russie,
Grande-Bretagne, Italie). Ces rencontres annoncent l’Entente
cordiale. En 1906, à la fin de son mandat, il se retire définitivement
de l’échiquier politique.
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1906 - 1913
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ARMAND FALLIERES
Né à Mézin (Lot-et-Garonne)
en 1841 - mort à Mézin en 1931.
Armand Fallières fut élu député de la
gauche républicaine en 1876 avant d'entrer au gouvernement comme
ministre de l'Intérieur (1882-1883). Président du Conseil
en 1883, il fut ensuite nommé plusieurs fois ministre entre
1883 et 1892, à l'Instruction publique, à l'Intérieur
et à la Justice. Sénateur du Lot-et-Garonne à partir
de 1890, président du Sénat en 1899, il fut le candidat
de la gauche à l’élection présidentielle
de 1906. À la tête de l'État, il joua un rôle
politique plutôt effacé. Sa présidence fut néanmoins
marquée par l'application de la loi de séparation de
l'Église et de l'État, votée en 1905 et par la
fin de l'affaire Dreyfus. Il fut remplacé à la présidence
par Raymond Poincaré en 1913.
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1913 - 1920
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RAYMOND POINCARE
Né à Bar-le-Duc en
1860 - mort à paris en 1934.
Issu d’un milieu
bourgeois et intellectuel, Raymond Poincaré est élu
conseiller général, puis député du département
de la Meuse en 1887. Au Parlement, il est très rapidement un
des hommes dont l’autorité égale la compétence. À trente-six
ans, il a été déjà trois fois ministre :
aux Finances en 1893 et en 1894, à l’Instruction publique
en 1895. Il est ambitieux et sait être prudent. L’affaire
Dreyfus divisant l’opinion, il se réserve et attend. La
lutte anticléricale divisant les Français (1902-1905),
il s’abstient de prendre parti. Avocat célèbre à Paris,
on forge autour de lui l’image du patriote lorrain et du politique
désintéressé. Il est d’une parfaite honnêteté,
son prestige intellectuel est grand. Sincèrement laïque
et rationaliste, il est accepté par la gauche ; partisan
d’une orthodoxie économique et financière, il est
adversaire de l’impôt sur le revenu et plaît aux
modérés. Timide et froid a-t-on dit, pourtant il aime
convaincre. Dès 1899, on lui avait offert la direction du gouvernement.
En 1903, il préférait le Sénat à la Chambre
des députés et allait y représenter la Meuse jusqu’en
1913. En 1906, il est élu à l’Académie française.
En janvier 1912, Fallières le nomme président du Conseil.
Il succède à Caillaux, qui dit de lui : « Il
est armé pour exercer le pouvoir [...]. De haute culture, supérieur
par le savoir à la plupart des politiques de sa génération,
sinon à tous. Formidable puissance de travail... » À la
politique pacifique de ce dernier Poincaré oppose une politique
de fermeté à l’égard de l’Allemagne
et, s’attribuant le portefeuille des Affaires étrangères,
resserre les alliances françaises : l’Entente cordiale
et l’alliance franco-russe. À l’intérieur,
il fait aboutir une réforme électorale complexe comportant
le scrutin de liste avec représentation proportionnelle. Homme
d’autorité partisan d’un renforcement de l’influence
du président de la République, il est élu le 17 janvier
1913 par le Congrès à la succession de Fallières.
Barthou lui succède à la présidence du Conseil
et Poincaré s’attache à poursuivre sa politique étrangère.
Il est un des partisans de la loi sur le service militaire de trois
ans. Les élections de 1914 amènent un succès de
la gauche. Poincaré choisit Viviani pour la présidence
du Conseil. En juillet 1914, au cours d’un voyage en Russie,
il apprend que l’Autriche-Hongrie a adressé à la
Serbie un ultimatum. Il revient en France, où il est le symbole
de l’Union sacrée ; mais c’est son vieil adversaire
Clemenceau qui sera le « Père la Victoire » .
Impatient de jouer de nouveau un rôle politique, il renonce à solliciter
un second mandat présidentiel en 1920. Réélu sénateur
de la Meuse, il devient président de la commission des Réparations,
dont il démissionnera par intransigeance à l’égard
de l’Allemagne. En 1921, président de la commission des
Affaires étrangères du Sénat, il provoque la démission
de Briand, soupçonné de mollesse lors de la conférence
de Cannes sur les réparations de guerre. Il redevient président
du Conseil de janvier 1922 à juin 1924 et se présente
comme l’homme de « l’exécution intégrale
du traité de Versailles ». En janvier 1923, il décide
l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises , ce
qui isole la France sur le plan international. À l’intérieur,
la crise financière amène Poincaré à utiliser
pour la première fois la procédure des décrets-lois à la
place de mesures normalement adoptées par les Chambres. En 1924,
le Cartel des gauches lui enlève le pouvoir, mais la question
financière lui redonne en 1926 la possibilité de se présenter
comme l’homme de l’union nécessaire. Il est solide,
certes, mais habile ; André Siegfried a écrit de
lui que « les propriétaires pouvaient lui confier
la clef de la caisse et les purs la garde de la République ».
Il reste à la tête d’un gouvernement d’union
nationale (de juillet 1926 à juillet 1929) sans les socialistes,
rétablit la confiance et obtient des élections législatives
triomphales pour lui en 1928. La loi monétaire du 25 juin
1928 définit le franc à un cinquième de sa valeur
de 1914. Abandonné des radicaux, il reforme un cabinet de centre
droit qui verra l’élaboration du plan Young et le refus
des Américains de lier les dettes de guerres aux réparations.
En juillet 1929, malade, Poincaré démissionne et se consacre à la
publication de ses souvenirs : Au service de la France.
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1920
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PAUL DESCHANEL
Né à Schaerbeek-lès-Bruselles
en 1855 - mort à Paris en 1922
Né à Shaerbeeck, près de Bruxelles, où son
père, Émile Deschanel (1819-1904), professeur de littérature
et ardent opposant à Napoléon III, vivait en exil, Paul
Deschanel, filleul de Victor Hugo, fut élevé à Paris,
sa famille ayant pu rentrer en France après l’amnistie
de 1859. À l’issue de ses études de lettres et
de droit, il devint secrétaire du ministre de l’Intérieur
(1876) puis du président du Conseil (1877), ce qui facilita
son entrée dans la carrière préfectorale à vingt-deux
ans : sous-préfet de Dreux, où il noua d’utiles
amitiés politiques, il fut ensuite en poste à Brest et à Meaux.
Élu député républicain d’Eure-et-Loir à partir
de 1885, il siégea parmi les modérés, s’opposant
aux excès du boulangisme mais combattant également la
montée en puissance du radicalisme et du socialisme. Président
de la Chambre des députés de 1898 à 1902, puis
de 1912 à 1920, il fut préféré à Georges
Clemenceau par la majorité du Bloc national, regroupant des
modérés et des conservateurs, pour succéder à Raymond
Poincaré à l’élection présidentielle
de janvier 1920.
Cependant, dès le mois de mai suivant, divers signes, dont
une chute de train en pleine nuit, qui fit la joie des chansonniers,
révélèrent que le chef de l’État était
atteint de troubles mentaux ; de plus en plus manifestes, ceux-ci amenèrent
Paul Deschanel à présenter sa démission le 21
septembre 1920. Remplacé deux jours plus tard par Alexandre
Millerand, l’ancien président fut élu sénateur
d’Eure-et-Loir en 1921, après avoir suivi un traitement
dans une maison de santé.
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1920 - 1924
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ALEXANDRE MILLERAND
Né à Paris en 1859
- mort à Versailles en 1943
Avocat à Paris, Millerand collabore au journal La Justice de
Georges Clemenceau ; élu député de la Seine
en 1885, il évolue rapidement vers le socialisme. Il refuse
cependant de s’affilier à l’un des partis se réclamant
de lui et anime le groupe des socialistes indépendants. Millerand
développe un programme qui va servir de charte au socialisme
réformiste, dans son discours de Saint-Mandé (1896),
appelant à l’unité de tous les socialistes, il
met en avant les trois points suivants : substitution progressive
de la propriété sociale à la propriété capitaliste ;
conquête des pouvoirs publics par le seul suffrage universel ;
nécessité de ne pas sacrifier la patrie à l’internationalisme.
Millerand est le premier socialiste à participer à un
ministère bourgeois, celui formé par Waldeck-Rousseau
(1899-1901) : ministre du Commerce, de l’Industrie et du
Travail, il met en place une Direction du travail et contribue à faire
réduire la durée quotidienne de travail. Condamné par
la IIe Internationale, dénoncé par l’ensemble du
mouvement ouvrier français pour sa politique d’intégration
des organisations syndicales, il rompt avec ce dernier.
Ministre des Travaux publics (1909-1910) puis de la Guerre (1912-1913),
il est en 1914-1915 le défenseur de l’état-major
contre les commissions parlementaires qui voudraient contrôler
l’armée. Commissaire général en Alsace-Lorraine
(mars-septembre 1919), il s’affirme comme un des chefs de la
coalition de droite, le Bloc national. Président du Conseil
en 1920, il est, à ce titre, l’artisan de la répression
du vaste mouvement de grèves qui secoue le pays et l’initiateur
de l’occupation de Francfort (« l’Allemagne
doit payer ») et de l’intervention militaire en Pologne
contre la Russie des soviets. Élu à la tête de
la République en 1920, Millerand tente de rehausser le prestige
de la fonction présidentielle, et intervient activement dans
la vie politique : en 1922, il renvoie Briand, qui a fait selon
lui de trop importantes concessions à l’Angleterre, et
soutient Poincaré lors de l’occupation de la Ruhr (1923).
Envisageant de proposer une révision de la Constitution, en
vue de renforcer les pouvoirs du président, il se heurte au
cartel des gauches, sorti victorieux des élections de 1924 et
il est contraint de se retirer. Sénateur de 1925 à 1940,
il ne jouera plus qu’un rôle effacé.
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1924 - 1931
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GASTON DOUMERGUE
Né à Aigues-Vides (Gard)
en 1863 - mort à Aigues-Vives en 1937
Président du Conseil qui tenta vainement de renforcer les prérogatives
du gouvernement face aux assemblées parlementaires dans le cadre
des institutions de la IIIe République.
Issu d'une famille de propriétaires
terriens de confession protestante, Gaston Doumergue fut avocat au
barreau de Nîmes, puis magistrat colonial en Indochine et en
Algérie (1890-1893). Élu député du Gard
en 1893, il siégea à la Chambre dans les rangs du groupe
radical. Entre 1902 et 1910, il fut plusieurs fois ministre, successivement
des Colonies, du Commerce, puis de l'Instruction publique. Sénateur
du Gard à partir de 1910, éphémère président
du Conseil et ministre des Affaires étrangères entre
décembre 1913 et juin 1914, il retrouva de 1914 à 1917
le portefeuille des Colonies, où il organisa la protection des
territoires d'outre-mer et le recrutement des armées indigènes.
Président du Sénat en 1923, il fut, après la victoire
du Cartel des Gauches, en 1924, et la démission d'Alexandre
Millerand, élu président de la République avec
le soutien de la droite modéré.
Retiré de la vie politique à l'issue de son mandat en
1931, il fut rappelé à la présidence du Conseil
par le président Albert Lebrun après les émeutes
du 6 février 1934, qui avaient provoqué la démission
de Daladier. Il forma alors un gouvernement d'union nationale pour
surmonter la crise politique et financière qui menaçait
de se transformer en crise de régime, et s'entoura notamment
d'Édouard Herriot, d'André Tardieu, de Louis Barthou
et du maréchal Pétain. Désireux de combattre la
toute-puissance du Parlement qui paralysait toute initiative gouvernementale,
il élabora un projet conférant au gouvernement le droit
de dissoudre la Chambre des députés sans l'autorisation
du Sénat, et donnant à l'exécutif des pouvoirs
plus importants en matière financière. Abandonné par
ses ministres radicaux qui l'accusaient de tentations autoritaires,
il dut présenter sa démission dès novembre 1934.
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1931 - 1932
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PAUL DOUMER
Né à Aurillace en 1857
- assassiné à Paris en 1932.
Il s'illustra comme gouverneur général de l'Indochine,
fut élu président de la République en 1931, et
mourut assassiné un an après le début de son mandat.
Né au sein d'un milieu modeste,
fils de cheminot, Paul Doumer devint professeur puis journaliste, fut élu
député radical de l'Aisne en 1888, puis de l'Yonne en
1890. Ministre des Finances dans le cabinet Léon Bourgeois,
il présenta, sans succès, le premier projet d'impôt
sur le revenu.
De 1897 à 1902, il occupa le poste de gouverneur général
de l'Indochine. Dans le cadre de ses fonctions, où il se signala
par la rigueur de sa politique de colonisation, il renforça
le système d'administration directe au détriment de l'ancienne
classe dirigeante indigène, mit en place un véritable
système fiscal et lança une politique de grands travaux. À nouveau
député à partir de 1902, élu président
de la Chambre en 1905, il se présenta, sans succès, à la
présidence de la République en 1906 contre Armand Fallières.
Sénateur de la Corse à partir de 1912, il fut appelé au
ministère des Finances, en 1921, par le président du
Conseil Aristide Briand. Après un second passage aux Finances
en 1925, il fut porté à la présidence du Sénat
en 1927.
Paul Doumer, modéré, d'un patriotisme intransigeant
(il avait perdu quatre fils au combat pendant la Première Guerre
mondiale), fut préféré à Briand lors de
l'élection présidentielle de 1931. Moins d'un an plus
tard, le 6 mai 1932, il fut assassiné par Gorgulov, un Russe
blanc souffrant de troubles mentaux, qui l'accusait de collusion avec
les communistes. Il eut pour successeur Albert Lebrun.
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1932 - 1940
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ALBERT LEBRUN
Né à Mery-le-Haut (Meurthe-et-Moselle)
en 1871 - mort à Paris en 1950
Issu d'une famille de paysans, il fait
des études très
brillantes qui le conduisent à l'École polytechnique
et à l'École des mines, dont il sort à chaque
fois major. Ingénieur à Nancy, Albert Lebrun se lance
très tôt dans la politique, sur les conseils d'un autre
Lorrain, Raymond Poincaré, et devient conseiller général
dès 1892, puis en 1900, député de Meurthe-et-Moselle.
Modéré, se définissant comme un « républicain
de gauche », il défend surtout des positions républicaines
avancées, comme en témoigne sa victoire sur l'industriel
François de Wendel, lors des législatives de 1906. Il
adhère d'ailleurs, en 1910, à l'Alliance démocratique,
une formation du centre, dont il sera un des dirigeants après-guerre.
Le président du Conseil, Joseph Caillaux, le nomme ministre
des Colonies en 1911, poste qu'il occupe sous les ministères
Poincaré et Doumergue, jusqu'en 1914, et apparaît comme
un défenseur de l'accord signé avec l'Allemagne au lendemain
d'Agadir. Mobilisé en 1914, il est appelé par Clemenceau
au ministère du Blocus, puis des Régions libérées.
Il démissionne cependant en 1919, pour s'être présenté aux élections
sur une liste comprenant des adversaires du traité de Versailles.
Sénateur à partir de 1920, il devient président
du Sénat en 1931, puis est élu le 10 mai 1932 à la
présidence de la République, trois jours après
l'assassinat de Paul Doumer.
Les fonctions de chef de l'État étant très limitées
par la Constitution de la IIIe République, il se cantonne dans
un rôle de représentation et d'arbitrage. Ainsi, soucieux
de réconciliation nationale, il appelle Doumergue à la
présidence du Conseil au lendemain du 6 février 1934.
Bien qu'hostile au Front populaire, il demande cependant à Léon
Blum de former un ministère. Il est réélu en mai
1939, ce qui constitue un fait unique sous la IIIe République.
Sa réélection apparaît due à la fois aux
manœuvres de Daladier, ainsi qu'à la volonté d'assurer
une continuité républicaine à la tête de
l'État, dans une période de guerre. Il n'exerce cependant
qu'une très faible influence et fait appel, en juin 1940, à Pétain,
qu'il suit à Vichy.
Pressé de démissionner le 7 juillet, il refuse, mais
doit s'effacer après le vote des Chambres qui, le 10 juillet
1940, à l'instigation de Pierre Laval, remet par 569 voix contre
80 tous les pouvoirs, y compris les pouvoirs constituants, entre les
main du maréchal Pétain.
Arrêté par les autorités allemandes le 27 août
1943, il est déporté quelques mois à Kufstein
au Tyrol (1944-1945). Après la Libération, il se tient
en marge de la vie politique.
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ETAT
FRANCAIS
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1940 - 1944
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Maréchal PHILIPPE PETAIN
Né à Cauchy-à-la-Tour
le 24 avril 1856 - mort à l'île d'Yeu le 23 juillet 1951.
Maréchal de France et
homme politique français ; comptant au nombre des artisans de
la victoire française durant la Première Guerre mondiale,
il devient, après la défaite de 1940, le chef de l’« État
français » de Vichy, à la tête duquel il
tente de promouvoir une véritable révolution conservatrice
tout en laissant son gouvernement s’enfoncer dans la collaboration
avec l’Allemagne. Son destin, qui est associé aux heures
de gloire comme aux épisodes les plus sombres de l’histoire
du XXe siècle, explique que, près de cinquante ans après
sa disparition, son action continue de faire l’objet de vives
controverses.
Iissu d’une
vieille famille d’agriculteurs, Philippe Pétain, élevé dans
un collège religieux à Saint-Omer, marqué comme
toute sa génération par la défaite française
lors de la guerre de 1870, entre en 1876 à l’école
militaire de Saint-Cyr. Sous-lieutenant de chasseurs à pied à sa
sortie, en 1878, lieutenant en 1883, il entre en 1888 à l’École
supérieure de guerre, dont il sort breveté d’état-major
en 1890.
Capitaine la même année, il entre en 1901 comme professeur à l’École
de guerre, d’abord en qualité d’adjoint, puis de
titulaire, mais voit son avancement retardé en raison de son
enseignement, opposé à la doctrine militaire de l’état-major
général : contre l’offensive à outrance,
Pétain, instruit des leçons de la guerre russo-japonaise,
propose en effet de privilégier une position défensive
s’appuyant sur la puissance de feu. Son indépendance d’esprit
lui vaut de n’être promu colonel qu’en 1910 et, après
le commandement du 33e régiment d’infanterie à Arras,
il s’apprête à prendre sa retraite comme commandant
de la 4e brigade d’infanterie à Saint-Omer, lorsque la
Première Guerre mondiale éclate.
Il connaît dès lors une ascension fulgurante ; après
sa brillante conduite dans la Meuse, il reçoit ses étoiles
de général de brigade dès le 31 août 1914.
Général de division en septembre, commandant du 33e corps
d’armée en octobre, de la IIe armée en juin 1915,
il acquiert la réputation d’un chef soucieux de la vie
de ses hommes. Nommé à la tête du front de Verdun
en février 1916, il sait faire la preuve de sa ténacité,
et gagne la bataille d’usure face au Kronprinz, le fils de l’empereur
Guillaume II.
Jouissant d’un immense prestige, devenu l’un des chefs
les plus populaires de l’armée française, il est
nommé chef d’état-major à la fin du mois
d’avril 1917, en remplacement de Nivelle, alors que l’échec
de l’offensive du Chemin des Dames et la lassitude des combattants
commencent à provoquer une vague de mutineries. Préférant
mettre en œuvre des solutions de bon sens plutôt que des
mesures répressives, il limite autant que possible le nombre
d’exécutions et fait en sorte d’améliorer
l’ordinaire du soldat, assouplissant notamment le régime
des permissions.
Bien que s’étant vu préférer Foch, qui
prône une stratégie offensive, pour mener la dernière
contre-offensive qui conduit à la victoire, il est élevé à la
dignité de maréchal de France en novembre 1918, et est élu à l’Académie
des sciences morales et politiques en 1919.
Vice-président du Conseil supérieur de la guerre à partir
de 1920 — fonction qu’il conserve jusqu’en 1931 —,
nommé inspecteur général de l’armée
en 1922, il est envoyé au Maroc en 1925, pour venir à bout
de la révolte nationaliste d’Abd el-Krim, dans le Rif. Élu à l’Académie
française en 1929, au fauteuil du maréchal Foch, il est,
au début des années trente, le dernier survivant des
grands chefs militaires de la guerre de 1914-1918.
Durant cette période, il prend une part déterminante
dans la définition de la politique de défense de la France
; favorable à la réduction de la durée du service
militaire, ramené à un an en 1928, il encourage la construction
de la ligne Maginot, restant fidèle à sa traditionnelle
option défensive. Confiant dans les capacités de l’infanterie,
peu convaincu du succès de l’emploi de l’aviation
et de celui des chars d’assaut, il est amené à s’opposer
aux conceptions de l’un de ses anciens subordonnés, qui
avait été son protégé dans les années
vingt, le colonel de Gaulle.
Abandonnant en 1931 ses fonctions de vice-président du Conseil
supérieur de la guerre et son titre d’inspecteur de l’armée
au profit de Maxime Weygand, il est nommé inspecteur général
de la Défense aérienne du territoire. Appelé au
gouvernement après les émeutes du 6 février 1934
par Gaston Doumergue, en qualité de ministre de la Guerre, il
cautionne, pour des raisons budgétaires, la réduction
des crédits militaires qu’il reprochera plus tard aux
gouvernements de Front populaire. Considéré comme une
irréprochable caution républicaine par l’ensemble
de la classe politique, il accepte, en 1939, le poste d’ambassadeur
en Espagne que lui propose le président du Conseil, Édouard
Daladier, afin de négocier la neutralité du régime
de Franco en cas de guerre, mission dont il s’acquitte avec succès.
Rappelé en France, le 17 mai 1940, pour occuper la fonction
de vice-président du Conseil auprès de Paul Reynaud,
il appuie la position du général Weygand, qui souhaite
mettre fin aux hostilités et réclame un armistice, contre
beaucoup d’hommes politiques, dont Édouard Daladier et
Georges Mandel, qui prônent la seule capitulation militaire afin
de poursuivre le combat depuis l’Afrique du Nord.
Convaincu que
la Grande-Bretagne sera rapidement vaincue, peu attaché au
régime républicain, dont il considère la défaite
comme une conséquence de ses erreurs passées, persuadé,
enfin, que cette période troublée ouvre la voie à une
régénération morale de la France, Pétain
remplace Paul Reynaud, démissionnaire le 16 juin, à la
tête du gouvernement, et propose de conclure l’armistice,
qui est signé le 22 juin, aux conditions imposées par
l’Allemagne.
La convention, prévoyant l’occupation d’une partie
de la France par l’armée allemande et des conditions économiques
très sévères, traduit le souhait du Reich qu’un
gouvernement français continue d’exercer ses prérogatives
sur une partie du sol national, afin de laisser l’Allemagne se
consacrer à l’attaque contre l’Angleterre. En outre,
l’Allemagne n’exige aucune cession de territoires appartenant à l’Empire
colonial, ce qui aura ultérieurement une grande importance stratégique.
Dans
une France traumatisée par la défaite, Pétain
entreprend de mettre en œuvre le projet qu’il mûrit
depuis longtemps. Déclarant faire « don à la France
de [sa] personne pour atténuer son malheur », il laisse, à Vichy
où les Chambres sont repliées, deux de ses ministres — Pierre
Laval et Raphaël Allibert — multiplier les pressions sur
les parlementaires et préparer la mise à mort de la IIIe
République. Le 10 juillet 1940, enfin, le maréchal Pétain
reçoit de l’Assemblée nationale, par 569 voix contre
80 et 17 abstentions, « tous pouvoirs [...] à l’effet
de promulguer une nouvelle Constitution de l’État français »,
garantissant « les droits du Travail, de la Famille et de la
Patrie » (voir Travail, Famille, Patrie). Le lendemain, les Actes
constitutionnels reconnaissent le maréchal Pétain comme
chef de l’État français, investi du pouvoir législatif
jusqu’à la formation des nouvelles Assemblées,
qui n’ont jamais vu le jour.
Profondément conservateur, imprégné de l’image
passéiste d’une France paysanne et patriarcale, Pétain
rassemble autour de lui, dans le gouvernement de Vichy, des hommes
venus de divers horizons (des parlementaires classiques, comme Laval,
aux syndicalistes pacifistes, comme René Belin, en passant par
des technocrates, tels Yves Bouthillier ou Paul Baudouin), profitant
des très larges pouvoirs qui lui sont conférés
pour mettre en œuvre la Révolution nationale.
Son immense
prestige, son grand âge, le maniement adroit d’une
rhétorique culpabilisante (expliquant la défaite par
la victoire passée de « l’esprit de jouissance sur
l’esprit de sacrifice ») sont mis, grâce à un
art consommé de la propagande, au service d’un culte de
la personnalité qui, malgré quelques contestations alors
marginales, comme celle du général de Gaulle, assurent
au vainqueur de Verdun une grande popularité durant les débuts
du régime.
Handicapé par son grand âge (certains témoins assureront
qu’à la fin le maréchal n’avait plus que
quelques heures de lucidité par jour), entouré par un
cercle de fidèles (dont le général Laure, le docteur
Méténier, le commandant de Gorostarzu) qui entrent fréquemment
en conflit avec le gouvernement, le maréchal Pétain,
surtout préoccupé par sa volonté de mettre en
pratique le programme de la Révolution nationale et par celle
d’obtenir la libération des prisonniers de guerre, se
laisse convaincre de rencontrer Hitler, à Montoire, le 24 octobre
1940. Si Pétain accepte de prononcer le mot de collaboration,
il semble que, à la différence de Hitler, il lui ait
donné un sens restreint, concevant cette politique comme un
moyen d’éviter à la France le sort des autres pays
occupés et de limiter autant que possible les prélèvements économiques
qui pèsent lourdement sur la population française.
Décidé à ne pas aller trop loin dans la voie
des concessions, il entreprend parallèlement de nouer des contacts
avec les États-Unis, par l’entremise de l’amiral
Leahy, qui reste ambassadeur à Vichy pendant toute la durée
de la guerre. Cette volonté de modération, de plus en
plus critiquée par Laval, aboutit d’ailleurs au renvoi
de ce dernier, le 13 décembre 1940.
Avec Flandin, remplacé dès février 1941 par Darlan,
la Révolution nationale est poursuivie ; déjà marquée
par la promulgation du statut des juifs, en octobre 1940, qui anticipe
les exigences allemandes (voir lois antisémites), la politique
fondamentalement réactionnaire du gouvernement de Vichy prend
une nouvelle dimension ; la lutte contre les communistes, l’interdiction
de la franc-maçonnerie, la suppression des organisations syndicales
remplacées par des corporations, la promulgation d’un
statut de la famille coexistent avec des mesures beaucoup plus politiques,
comme l’ouverture du procès de Riom, pour juger les anciens
dirigeants de la IIIe République, en février 1942.
Marquée par d’incessants atermoiements, cette politique,
qui donne aux Allemands le sentiment d’une dangereuse duplicité,
n’améliore en rien les rapports avec l’occupant
qui, jugeant Pétain trop indocile, lui imposent le retour de
Laval au gouvernement, le 18 avril 1942. Privé de la plupart
de ses prérogatives, Pétain assiste alors, impuissant, à l’invasion
de la zone libre, après le débarquement allié en
Afrique du Nord (novembre 1942), suivie, le lendemain, de l’arrestation
de Weygand ; il doit ainsi couvrir de son autorité vacillante
des actes comme la création de la Milice (30 janvier 1943),
alors que Laval le contraint à lui reconnaître la totalité des
pouvoirs exécutifs et législatifs (novembre 1942).
Arrêté par les Allemands après le débarquement
d’août 1944, tandis que son envoyé, l’amiral
Auphan, tente vainement de négocier une passation de pouvoirs
avec de Gaulle, Pétain, qui se considère désormais
comme un prisonnier de guerre, est contraint de suivre les Allemands
dans leur retraite à Sigmaringen, où il se refuse à cautionner
les activités de la délégation française
mise en place par Fernand de Brinon. Réfugié en Suisse
après la chute du IIIe Reich, il se livre aux autorités
françaises en avril 1945, alors que son procès s’ouvre à Paris.
Inculpé d’intelligence avec l’ennemi, jugé par
la Haute Cour du 23 juillet au 15 août 1945, Pétain, qui
ne prononce qu’une courte déclaration, faisant valoir
que le pouvoir lui avait été confié légitimement,
et qu’il en avait usé comme d’un bouclier pour protéger
le peuple français, est condamné à la peine de
mort, à l’indignité nationale et à la confiscation
de ses biens. Gracié par de Gaulle, il est emprisonné à l’île
d’Yeu où il meurt en 1951.
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FRANCE
LIBRE
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1944 - 1945
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Général CHARLES
DE GAULLE
Né à Lille le 23 novembre
1890 - mort à Colombey-les-Deux-Eglises le 9 novembre 1970.
C’est dans
le milieu le plus traditionaliste et même le
plus conservateur que Charles André Marie Joseph, troisième
des cinq enfants d’Henri et de Jeanne de Gaulle, est né.
Du côté paternel, la famille issue de la petite noblesse
normande (d’épée) et bourguignonne (de robe) était
parisienne depuis plus d’un siècle. Du côté maternel,
les Maillot étaient d’assez importants industriels (dentelles
et tabac) du Nord, alliés à des familles irlandaise et
badoise. De part et d’autre, on vénère le trône,
l’autel et la patrie. De part et d’autre aussi, on a beaucoup écrit
et publié – surtout la grand-mère de Charles, Joséphine.
Henri de Gaulle, père du futur général, professeur
d’école libre, enseignant de vaste culture et de grande
distinction, dévot et patriote (mais qui a refusé de
se laisser entraîner dans la campagne contre Dreyfus), joue un
rôle capital dans la formation de son fils – qu’il
confie aux jésuites – et probablement dans sa vocation
militaire, déclarée dès la quatorzième
année. Admis en octobre 1908 à Saint-Cyr d’où il
sort avec le numéro 13, affecté au 33e R.I. d’Arras
où il a pour chef le colonel Philippe Pétain. Charles
de Gaulle est lieutenant quand éclate la guerre. Il affronte
très vite l’épreuve du feu : le 15 août
1914, il est blessé sur la Meuse, à Dinant (Belgique).
De nouveau atteint dix mois plus tard en Champagne, promu capitaine,
il est envoyé à Verdun en février 1916 :
c’est là qu’il sera le plus grièvement blessé,
devant le fort de Douaumont, le 2 mars. Fait prisonnier, il est dirigé tour à tour
sur les camps de représailles de Szuchzyn, Ingoldstadt, Rosenberg
et Wülzbourg, tentant cinq fois de s’évader et toujours
repris, vouant à l’étude ses longs mois de captivité et
prononçant de nombreuses conférences devant ses camarades.
Il émerge de la guerre humilié de cette longue inaction
et impatient de se « racheter ». Il en trouve
l’occasion en Pologne ; menacé par l’Armée
rouge, le nouvel État fait appel à des instructeurs français.
C’est au retour des quelque vingt mois qu’il passe à l’école
militaire de Rambertow puis à l’état-major de Varsovie
que le capitaine de Gaulle rencontre et épouse (le 7 avril 1921)
Yvonne Vendroux, fille d’industriels de Calais. Il enseigne alors
l’histoire à Saint-Cyr, y manifestant des dons éclatants
de pédagogue.
Il sera moins heureux à l’École de guerre, où les
idées qu’il affiche et ose soutenir face à un corps
professoral verrouillé dans l’esprit de conservation lui
valent des notes relativement médiocres. Il n’est pas
admis dans le premier tiers des candidats où sont recrutés
les futurs enseignants de l’école. Confiné dans
un emploi médiocre à l’état-major de Mayence,
il en est tiré par une décision de son ancien colonel
d’Arras devenu le maréchal Pétain, chef alors prestigieux
entre tous, qui l’appelle en 1925 à son cabinet comme
officier rédacteur, chargé d’écrire une
histoire du soldat français. L’avenir du capitaine de
Gaulle, dans la mouvance du tout-puissant « patron » de
l’armée française, paraît soudain assuré.
D’autant que Pétain, affichant avec éclat sa protection,
impose au commandant de l’École de guerre d’organiser
en 1927 trois conférences de Charles de Gaulle sur la philosophie
de la guerre. Mais un différend sépare le maréchal
du capitaine à propos de la paternité du texte que de
Gaulle a reçu mission d’écrire.
Le maréchal obtient encore un beau commandement pour son « protégé »,
celui du 19e bataillon de chasseurs à Trèves, mais le
charme est rompu : de Gaulle, en disgrâce dans la « maison
Pétain », ne peut obtenir la chaire d’enseignement
qu’il brigue à l’École de guerre. Faute de
quoi il doit partir pour le Liban où il devient de 1929 à 1931
chef des 2e et 3e bureaux de l’état-major – poste
d’observation et d’étude où il acquiert une
expérience de l’Orient qui ne lui sera pas, dans l’avenir,
inutile.
Dès son retour à Paris, il est affecté au secrétariat
général de la Défense nationale, où il
va pendant près de six ans participer à tous les débats à propos
de la refonte de l’armée française, aux côtés
des plus grands chefs et des hommes politiques responsables :
formation incomparable en vue du rôle politico-stratégique
qu’il lui faudra remplir à partir de 1940. Il trouve alors
l’occasion de publier ses deux ouvrages les plus célèbres,
Le Fil de l’épée, version rénovée
de ses conférences de 1927, dans lequel il trace un autoportrait
du chef, et Vers l’armée de métier, où il
plaide pour la refonte totale de la stratégie française
et la création d’unités de « moteurs
cuirassés » aptes à la surprise et à la
rupture, confiées à 100 000 professionnels.
La campagne qu’il mène, dans la presse et au Parlement
(avec l’appui notamment de Paul Reynaud, à droite, et
de Philippe Serre, à gauche), ne reste pas sans écho
et contribue aux quelques progrès faits de 1933 à 1939
dans l’équipement de l’armée française
en blindés, mais aggrave la méfiance qu’il suscite
dans les milieux militaires, et fait de lui la cible de campagnes virulentes
menées dans l’entourage des trois principaux personnages
de l’armée, Pétain, Weygand et Gamelin .
Avocat du « char papier », on lui donne tout
de même en 1937 l’occasion de s’affirmer à la
tête d’une grande unité de « chars acier »,
le 507e régiment basé à Metz – où,
affublé du sobriquet de « colonel Motor »,
il réussira encore à s’aliéner un autre
chef prestigieux, le général Giraud, gouverneur militaire
de la ville, adversaire déterminé de l’emploi autonome
des chars tel que le préconise de Gaulle. C’est alors
que paraît La France et son armée, où il reprend
de larges extraits de l’histoire du « Soldat » écrite
en 1925-1927 sous l’égide du maréchal Pétain,
ouvrage dont la publication achève d’affirmer sa réputation
d’écrivain mais approfondit le différend qui l’oppose
au maréchal.
Le 3 septembre 1939, il se retrouve commandant des unités de
chars de la Ve armée, en Alsace. C’est de là qu’en
janvier 1940 il adresse à 80 personnalités civiles et
militaires un mémorandum intitulé L’Avènement
de la force mécanique qui est, en pleine guerre, un réquisitoire
véhément dressé par un simple colonel contre la
stratégie définie par le grand état-major. En
un sens, on pourrait dire que le 18 juin 40 est à demi formulé cinq
mois avant le désastre.
La percée allemande sur Sedan, le 10 mai 1940, détermine
l’état-major à lui confier, alors qu’il n’est
toujours que colonel, le commandement de la 4e division cuirassée
(en voie de formation). Dès le 17, avec les éléments épars
dont il dispose, il décide d’attaquer de flanc les colonnes
blindées allemandes qui ont crevé les défenses
des Ardennes et de la Meuse et foncent sur Laon. C’est sur l’axe
de Montcornet et sur les ponts de la Serre que le colonel de Gaulle
affronte et fait plier pour un temps le 19e corps blindé du
général Guderian, donnant la preuve que, passant du « char
papier » au « char acier », il peut
faire, de ses anticipations de 1934, des actions bien réelles,
et que le théoricien est apte à se muer en praticien
efficace. Devant Abbeville, dix jours plus tard, il réitère
cette démonstration d’homme de pensée soumis à l’épreuve
du feu.
Le 5 juin, Charles de Gaulle, nommé général à titre
temporaire quatre jours plus tôt, est appelé à Paris
par Paul Reynaud (président du conseil depuis le 23 mars), qui
lui offre le sous-secrétariat à la Défense dans
le gouvernement très concentré (12 ministres) dont il
garde la direction. De Gaulle, qui vient de vivre la débâcle
avec une horreur indignée (« La guerre commence infiniment
mal... Ce que j’ai pu faire par la suite, c’est là que
je l’ai résolu »), sait que la bataille de
France est perdue, et se l’entend confirmer par le général
Weygand, le nouveau commandant en chef. Mais il sait aussi que la bataille
du monde ne fait que commencer. Et il la livrera désormais non
plus comme le meilleur technicien d’une armée en déroute,
mais comme membre du gouvernement d’un pays qui a d’autres
composantes que la militaire et dispose d’autres espaces que
ceux où s’accomplit sa défaite. De ce 5 juin date
son entrée dans l’ordre politique, celui de la décision.
Deuxième date capitale après celle du mémorandum
de janvier.
C’est en tant que membre du gouvernement dont il est, après
Reynaud et Mandel, le seul homme debout, qu’il va, de la Seine à la
Loire et à la Gironde, suivre le calvaire du pouvoir, faire
par deux fois le voyage à Londres pour y réclamer un
accroissement de l’aide anglaise, et plaider pour le surprenant
projet de fusion des deux empires qu’ont inventé Jean
Monnet et Robert Vansittart et que Churchill et Reynaud approuvent.
Cependant, le 16 juin, à Bordeaux, le cabinet Reynaud cède
la place au gouvernement Pétain-Laval qui ne cache pas son intention
de rechercher au plus tôt l’armistice, se prévalant
d’une autorisation prétendument accordée par Londres à ses
alliés.
Alors le 17, en fin de matinée, Charles de Gaulle, général à titre
temporaire, s’envole pour Londres avec l’encouragement
de Reynaud et de Mandel, dans l’avion britannique de Sir Edward
Spears. Il sait que les ponts sont rompus avec la France officielle
et que ce qu’il va déclencher là-bas est une rébellion.
Croit-il alors n’agir que comme précurseur, espérant
attirer en Grande-Bretagne quelques grands chefs civils et militaires,
il se réserve en tout cas le rôle de levain de la pâte.
Le 18 juin 1940, vers 20 heures, devant le micro de la B.B.C., Charles
de Gaulle proclame que « la flamme de la résistance
française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra
pas » . Tandis que « s’envolent les mots
irrévocables », est-il jeté « d’un
coup hors de toutes les séries », comme il l’a écrit
dans ses mémoires ? Oui et non. Oui, car il assume pleinement
et va devoir porter seul, au plus fort de la tempête qui secoue
l’Europe et le monde, le poids de la France, « homme
au bord de l’océan qu’il prétendait traverser à la
nage ».
Non, parce que la dissidence où il entre, il s’y est longtemps
préparé, on dirait presque installé. Dressé contre
ses instructeurs de l’École supérieure de guerre ;
face à Pétain, lui réclamant la paternité d’un
texte écrit dans le cadre de ses fonctions d’état-major ;
tentant d’imposer aux théoriciens les plus illustres ses
vues révolutionnaires sur la stratégie des chars et la
professionnalisation de l’armée ; et, en pleine guerre,
lançant contre le haut état-major ce brûlot qu’est
le « mémorandum » de janvier 1940, il
est vraiment un rebelle-né, homme supérieur qui se dit
tel et ne s’encombre d’aucune hiérarchie, se croyant
assez puissamment accordé à l’intérêt
national pour trouver à chacun de ses gestes les justifications
d’une mystérieuse légitimité.
De Londres à Paris
Des mois durant, il est Charles-le-Seul, dans ce Londres d’où partent
plus d’officiels français qu’il n’y en arrive. La destruction
de la flotte française mouillée dans la rade de Mers el-Kébir,
le 3 juillet, bien que de Gaulle ait su exprimer dignement « la douleur
et la colère » du peuple français, accroît encore
les amertumes et les méfiances. Il faudra bâtir la France libre
avec des capitaines inconnus et des journalistes aventureux. Il le fait. Dès
le 28 juin et plus solennellement le 7 août, Churchill le reconnaît
comme « chef des Français libres ».
Mais il lui faut de la terre « française » sous
les pieds. Il décide de rallier Dakar, capitale de l’A.O.F. Churchill
se prête à l’entreprise et met à sa disposition une
petite escadre. Cependant, le 23 septembre, la garnison de Dakar tire sur la
flotte franco-britannique. Échec cruel, qui ne ruine pas les relations
entre de Gaulle et ses hôtes, mais dissipe le peu de crédit qu’avait à Washington
l’homme du 18 juin.
Tout de même l’A.E.F. (Fort-Lamy, Douala et Brazzaville – où de
Gaulle crée le Conseil de défense de l’Empire), Tahiti, la
Nouvelle-Calédonie et les comptoirs de l’Inde se rallient dès
le premier été. S’il est toujours Charles-le-Seul – bien
qu’il dispose bientôt d’un état-major politico-militaire
brillant : le général Catroux, l’amiral Muselier, René Pleven,
le professeur René Cassin, Pierre-Olivier Lapie, Maurice Schumann,
Louis Vallon et le capitaine André Dewavrin, dit Passy –, de
Gaulle, condamné à mort par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand
le 2 août 1940, est de moins en moins Charles sans Terre .
Si la maigreur des forces militaires dont il dispose ne lui permet encore de
porter à l’ennemi que des coups mineurs (jusqu’à la
bataille de Bir-Hakeim, en 1942), le général de Gaulle met le plus
clair de son génie à interdire à ses alliés, Anglais
et Américains, de traiter la France libre en légion étrangère
et de profiter de sa faiblesse pour empiéter sur les intérêts
et positions de la France dans le monde.
Les deux manifestations les plus voyantes de cette guerre dans la guerre se situent
au printemps 1941 au Levant, en décembre 1941 à Saint-Pierre-et-Miquelon.
L’amiral Darlan, chef de gouvernement de Vichy, ayant, après une
entrevue avec Hitler, mis les aéroports de Syrie à la disposition
de l’aviation nazie, le 10 mai 1941, Catroux, représentant de la
France libre au Levant, décide d’agir pour les en chasser en association
avec les Britanniques, non sans avoir formulé des promesses d’émancipation
politique de la Syrie. Les forces de Vichy battues, Churchill fait rudement savoir
que « l’Angleterre ne s’est pas battue en Syrie pour substituer
les gaullistes à Vichy » et, par le truchement du même
général Spears qui a conduit de Gaulle à Londres le 17 juin
1940, dresse les forces politiques syro-libanaises contre la France libre. Guérilla
politique où de Gaulle voit le dessein de Londres d’évincer
la France du Proche-Orient, qui dure tout au long de l’année 1942
et renaîtra, aggravée, en juillet 1945, après la victoire.
Le conflit américano-gaulliste à propos des îlots de Saint-Pierre-et
Miquelon, aux abords du Canada – où, prétextant des incursions
de sous-marins allemands, des forces du Commonwealth et des États-Unis
avaient fait mine de s’installer, provoquant le déclenchement d’une
expédition conduite par l’amiral Muselier –, envenime
violemment les relations entre de Gaulle et Roosevelt au moment même où l’attaque
japonaise sur Pearl Harbor comblait les vœux de l’homme du 18 juin
en précipitant dans la guerre anti-nazie la plus grande puissance mondiale.
Intransigeance abusive ? C’est à ce type d’attitude outrecuidante
que de Gaulle dut de rester debout jusqu’à la fin, « trop
faible écrit-il, pour s’incliner ».
Avec la résistance intérieure française, ses rapports sont
presque aussi compliqués, sinon tendus, qu’avec les grands alliés. « L’armée
de la nuit » commence de se rassembler dès la fin de l’été 1940. À la
fin de 1941 fonctionnent trois réseaux d’importance nationale :
Combat animé par Henri Frenay, Libération dirigé par Emmanuel
d’Astier, Franc-Tireur fondé par J. P. Lévy. À l’automne
1941 débarque à Londres Jean Moulin, préfet révoqué par
Vichy après avoir été torturé par les occupants,
qui vient proposer de représenter de Gaulle sur le territoire national
où, depuis le 10 juin 1941, l’entrée en guerre de l’U.R.S.S.
a déclenché l’action massive des communistes.
Mais le général, bien que sa radio la glorifie et la serve, se
méfie quelque peu de la résistance intérieure , d’abord
parce qu’elle tient à exister par elle-même, ensuite parce
qu’elle a des liens avec les Anglais d’une part, avec la IIIe internationale
de l’autre, enfin parce qu’il pense qu’elle ne se bat pas seulement
pour l’indépendance et la grandeur de la France, mais peut-être
aussi pour rétablir un régime qu’il estime condamné par
le désastre de 1940. Ses rapports avec les émissaires venus de
France (à l’exception de Jean Moulin), Christian Pineau, Henri Frenay,
Daniel Mayer, sont souvent difficiles. Mais, avant d’être arrêté en
juin 1943 par la Gestapo, Jean Moulin aura noué des liens indissolubles
entre la Résistance – longtemps réservée à l’égard
de quelqu’un que beaucoup d’hommes de gauche taxaient sinon de monarchisme,
en tout cas d’autoritarisme. La caution solennelle fournie à de
Gaulle par Léon Blum, le leader socialiste emprisonné, contribue à lever
ces préventions et à nouer entre l’homme de Londres et les
combattants de l’ombre une alliance qui devait jouer un rôle important
dans la reconnaissance de la représentativité du général
de Gaulle par la coalition antinazie – de Gaulle, Londres, Washington et
Moscou.
Le chef de la France libre, impatient de faire entrer d’un coup la collectivité française
dans le combat du côté des vainqueurs, avait tenter d’entraîner
ses alliés, dès 1942, dans un débarquement en France. Mais
les Américains choisirent d’opérer en deux temps, par l’Afrique
du Nord. Le 8 novembre 1942, ils y prenaient pied, de Casablanca à Alger,
sans en avoir prévenu de Gaulle. Ils se heurtaient à une brève
résistance dont, venu pour des raisons fortuites de Vichy à Alger,
l’amiral Darlan prenait la tête avant de se rallier au vainqueur.
Mais, six semaines plus tard, alors que les Alliés installés en
Afrique du Nord avaient lié partie avec lui, le plus proche lieutenant
de Pétain était assassiné par des conjurés liés à des
milieux monarchistes. S’ouvre alors une course de vitesse entre les gaullistes,
qui ont aidé à la victoire des Alliés à Alger, et
les partisans du général Giraud, qui s’est évadé de
la forteresse où, capturé en mai 1940, il était prisonnier
sur parole.
Roosevelt table sur ce partenaire maniable, alors que Churchill – non sans
réserve et contre-assurances – fait plutôt le jeu de de Gaulle.
Celui-ci devra accepter en mai 1943 de se rendre à l’invitation
de ses deux puissants partenaires à Anfa (Casablanca) et de serrer la
main de Giraud – le tout aboutissant à une co-présidence
du « Comité français de libération nationale »,
organisme qui, en août, sera reconnu par les Alliés comme seul représentant
de la France au combat. Entre-temps, son représentant à Alger,
le général Catroux, ayant manœuvré avec une habileté consommée,
Charles de Gaulle est devenu le seul président du C.F.L.N. : le naïf
Giraud est renvoyé à ses cartes d’état-major.
Le général de Gaulle est d’autant plus maître du jeu,
du côté français, qu’à la fin de mai 1943 le
Conseil national de la résistance (C.N.R.), rassemblé et présidé par
Jean Moulin, l’a reconnu pour chef en vue de la libération du pays.
C’est à ce titre qu’il sera reçu en juillet à Washington
où Roosevelt, tout irrité qu’il fût par l’intransigeance
ombrageuse de l’homme du 18 juin, a fini par convenir qu’il est le
seul partenaire valable, après avoir présidé à Brazzaville
la conférence où est amorcée – timidement – l’émancipation
des colonisés.
Mais, le 6 juin 1944, de Gaulle en ayant été cette fois prévenu,
et assez tôt pour s’opposer efficacement aux projets anglo-américains
d’instauration d’une « administration alliée » de
la France, est déclenché le débarquement en Normandie. Cinq
jours plus tard, le général prend pied sur le sol de France à Courseulles,
et l’accueil qu’il y reçoit a valeur de plébiscite :
les grands partenaires ne discuteront plus sa représentativité.
L’influence qu’il exerce sur la conduite des opérations (vers
Paris ou vers Strasbourg) ne cesse de croître. Il parvient à imposer
en position de pointe la 2e division blindée du général
Leclerc, qui sera la première à libérer Paris. Deux ans
après Bir-Hakeim, quelle « rentrée de la France dans
la guerre » aux côtés des vainqueurs !
Le 26 août 1944, Charles de Gaulle descend les Champs-Élysées,
acclamé par un million de Parisiens en fête, au milieu des chefs
de la résistance intérieure qui ont survécu à la
répression . C’est vraiment le sacre. Mais trois tâches pressantes
s’offrent à lui : achever la libération du territoire,
qui ne sera accomplie qu’en février 1945 ; assurer la présence
de la France, au premier rang, dans les négociations de paix ; ranimer
un pays brisé par l’occupation en réunifiant les mouvements
de résistance, en appliquant le programme du Conseil national de la résistance
et en amorçant la reconstruction.
Dans le gouvernement provisoire qu’il forme le 3 septembre 1944 à Paris,
refonte de celui qu’il présidait depuis un an à Alger , de
Gaulle fait entrer 6 ministres communistes aux côtés des M.R.P.
(catholiques) et des socialistes – formule qu’on appelle alors le « tripartisme ».
Tout à ses préoccupations principales qui sont militaires et diplomatiques
(sauver l’Alsace de la contre-offensive allemande de novembre 1944, aller
signer à Moscou un accord qui assure une contrepartie aux alliances avec
Londres et Washington), le général laisse à Paris les partisans
d’une économie libérale faire prévaloir leur point
de vue sur les plans dirigistes de Pierre Mendès France, qui démissionnera
en avril 1945 du ministère de l’Économie, et les communistes
imposer à l’« épuration », nécessaire
après quatre ans de collaboration avec l’occupant, un caractère
d’arbitraire et de revanche peu conforme à la justice.
Le 8 mai 1945, la capitulation du Troisième Reich, dont (Hitler, Goebbels
et Himmler exceptés) les chefs passeront en jugement à Nüremberg,
se déroule en présence de représentants de la France :
de Gaulle paraît avoir atteint l’impossible objectif qu’il
s’était fixé en juin 1940 à Londres. Mais trois mois
plus tôt, à Yalta (Crimée), les « trois grands » se
sont réunis sans lui pour dessiner la carte du monde de demain . Il en éprouve
une amertume assez profonde pour refuser ensuite de répondre à l’« invitation » à Alger
que lui adresse Roosevelt – qui mourra quelques semaines plus tard. Si
vaillamment que Churchill ait défendu à Yalta les intérêts
communs franco-britanniques, une voix comme celle de de Gaulle y aura manqué pour
tenter de limiter la main-mise de l’U.R.S.S. sur l’Est européen.
Mais Charles de Gaulle, reconnu par la grande majorité des Français
pour libérateur du territoire et chef légitime de l’exécutif,
va constater qu’une démocratie fondée sur le système
des partis (qu’il a contribué à ressusciter, en 1943, prenant
position pour la thèse de Jean Moulin qui conseillait cette stratégie
contre Henri Frenay et Pierre Brossolette, qui réclamaient la création
d’un grand parti de la résistance) ne s’accommode guère
de la prééminence du héros. À partir de l’automne
1945, ce ne sont qu’escarmouches à l’Assemblée entre
le général et les porte-parole des partis, M.R.P. compris. Après
avoir obtenu l’approbation par référendum du projet de constitution
qu’il cautionne, puis surmonté une grave crise avec les partis en
novembre, le général en vient à se persuader que toute coexistence
avec eux est impossible et brusquement, le 20 janvier 1946, il annonce sa décision
de se retirer, « le train étant remis sur les rails ».
Ce qui est beaucoup dire...
La traversée du désert
Tout le donne à croire : il pensa que son départ provoquerait
des remous assez graves pour que les partis affolés ou l’opinion
inquiète le rappellent très vite. Mais son attente (dont témoignent
plusieurs de ses proches) fut vaine. Dix-huit mois après la libération,
Charles de Gaulle se retrouvait presque seul dans une petite résidence
de Marly en attendant de remettre en état celle de Colombey, pillée
par les occupants.
Mais il ne tient guère en place. Le « régime des partis » qui
lui a succédé ne conduit, estime-t-il, qu’à la ruine
de la France. Et, dès le mois de juin 1946, il reprend la parole, à Bayeux,
pour faire connaître un projet de constitution (très voisin de celui
qu’il fera prévaloir en 1958) contre celui, adopté en octobre
1946, qui régira – si l’on peut dire – la IVe République.
Et, le 7 avril 1947, contre l’avis d’une forte minorité de
ses fidèles, il annonce à Strasbourg la création du Rassemblement
du peuple français (R.P.F.).
«
Le R.P.F., c’est le métro » déclarait André Malraux
qui en fut l’un des fondateurs et le plus éloquent porte-parole.
Mais si le R.P.F. eut de nombreux élus dans les quartiers ouvriers des
grandes villes – bon nombre de ses dirigeants comme Vallon, Morandat et
Bridier étaient des hommes de gauche – une tendance conservatrice
l’emporta assez vite, non du fait du général lui-même
ni de ses principaux adjoints – Malraux, Soustelle, Palewski – mais
en raison des circonstances et du climat du temps.
Deux crises dominaient la conjoncture : la « guerre froide » et
le conflit d’Indochine. Déclenchée vers la fin de l’été 1947,
la première empoisonnait la vie publique, faisant régner sur l’Europe
un climat de grande peur. Comme Churchill en Angleterre, de Gaulle en vint à assimiler
la menace que faisait peser le communisme stalinien sur l’Europe à celle
que l’hitlérisme avait mise à exécution dix ans plus
tôt. Persuadé comme alors que l’affrontement était
inéluctable – quelle qu’en fût la forme – de Gaulle
fit du R.P.F. une machine d’autant plus réduite à l’anticommunisme
que le P.C.F. professait, à son égard, le sectarisme le plus massif.
Mais, en tant que digue contre le stalinisme, le R.P.F. se vit très vite
voler son rôle par les gouvernements de la « troisième
force » qui, luttant sur un front contre les gaullistes, se battaient
avec plus de résolution encore sur l’autre front contre les communistes.
Les grandes grèves insurrectionnelles de l’automne 1947 ne furent
pas brisées par le R.P.F., mais par Jules Moch, ministre de l’Intérieur
socialiste, après que le socialiste Ramadier eut éliminé du
gouvernement les ministres communistes (que de Gaulle y avait fait entrer). Ainsi
le R.P.F., figé en esprit dans l’anticommunisme, n’en fut-il
qu’un vain porte-parole avant d’être peu à peu divisé et
désintégré par les astuces électorales et parlementaires
du régime « des partis ».
Après un éclatant début électoral lors des élections
municipales de 1947 (38 % des voix), riche d’un million d’adhérents
en 1948, il ne cessa ensuite de décliner jusqu’en 1953 – le
général proclamant alors que son « effort » n’avait
pu « aboutir ».
Commence alors ce que Malraux a appelé « la traversée
du désert ». Retiré à Colombey d’où il
ne sort que pour venir à Paris, une fois par semaine, recevoir rue de
Solférino ses fidèles, des historiens et quelques journalistes,
ou pour voyager en Afrique (en 1953) autour du monde (1956) ou au Sahara (1957) ;
il écrit ses superbes Mémoires de guerre, un « Commentaire
de la guerre des Gaules » écrit par Vercingétorix...
Mais, à partir de la fin de 1957, une sorte de rumeur se développe
autour de Colombey. Après celle d’Indochine, la guerre d’Algérie
s’est enflée aux dimensions d’un cancer. Les visiteurs de
Colombey ou ceux de la rue de Solférino l’interrogent. Le général
se contente le plus souvent de riposter que l’impuissance du régime
interdit tout projet. Cependant, il lui arrive parfois de laisser entendre que
la seule issue en Algérie est dans l’émancipation de ce pays
, tout en interdisant qu’on rapporte ce propos.
Au printemps de 1958, les appels qu’on lui lance – jusque dans des
milieux politiques qui lui sont peu favorables – se multiplient tandis
qu’à partir du mois de mars, une « antenne » algéroise
du ministre de la Défense nationale Jacques Chaban-Delmas travaille ouvertement à préparer
son retour au pouvoir. Quand éclate le soulèvement d’Alger,
le 13 mai 1958, tous les regards se tournent vers lui. Le 15, il se déclare « prêt à assurer
les pouvoirs de la République ». Et, quatre jours plus tard,
alors que la tension ne cesse de monter, il convoque la presse pour bien marquer
que ses intentions sont légalistes : « Ce n’est
pas à 67 ans que je vais commencer une carrière de dictateur ! »
Mais, sans les soutenir ni les contrôler, il entre en relation avec les
insurgés d’Alger, dont il use comme d’un bélier pour
contraindre le Parlement à faire appel à lui, tout en les incitant à la
modération pour ne pas risquer de les voir à Paris... Jeu subtil,
sur deux plans, où il déploie, sans moyens assurés, une
virtuosité sans égale : contacts secrets avec le président
du Conseil Pierre Pflimlin et les présidents des deux Assemblées,
réception des dirigeants socialistes et d’une délégation
des militaires algérois conduite par le général Dulac venu
lui apporter les plans de l’opération « Résurrection » – projet
qui s’embarrasse assez peu de scrupules légalistes. « Il
faut sauver la baraque », jette de Gaulle. Ses visiteurs peuvent-ils
en conclure que la fin justifie les moyens, ou que le salut de la « baraque » exclut
les méthodes trop violentes ? Ils optent plutôt pour la première
hypothèse.
C’est le président de la République, René Coty, qui
débloque la situation. Le 29 mai il invite Charles de Gaulle à l’Élysée
pour désigner « le plus illustre des Français » comme
chef d’un gouvernement qui disposera des pleins pouvoirs pour entamer une
révision de la constitution. Le IVe République s’est remise à la
merci de son fondateur.
Le 1er et le 2 juin, Charles de Gaulle paraît devant l’Assemblée,
exposant ses projets avec une habile courtoisie et obtenant une très large
majorité, qui englobe aussi bien des socialistes que le M.R.P. et la droite.
Il forme un gouvernement auquel son garde des Sceaux, Michel Debré, confère
un caractère de gaullisme militant, mais dont les quatre ministres d’État
sont d’anciens présidents du Conseil de la IVe République.
Pendant l’été 1958 est rédigée une Constitution
que 80 p. 100 des Français approuvent par référendum. Et,
en janvier 1959, Charles de Gaulle est élu, par un collège de quatre-vingt
mille notables, président de la Ve République.
Le renouveau
Trois tâches s’imposent d’emblée : rebâtir
l’État, rétablir la monnaie, et trouver une issue à la
guerre d’Algérie. Celle-ci le sollicite d’abord. Dès
le 4 juin, il est sur le Forum d’Alger – où a jailli la source
de son nouveau pouvoir. A-t-il vraiment un projet algérien ? Ce qui
est clair, c’est qu’il a d’abord considéré l’affaire
algérienne comme un explosif susceptible de faire sauter les barrages
qui faisaient obstacle à son retour au pouvoir et à la restauration
de l’État. Ensuite, qu’il n’y a guère d’autres
perspectives, dans le monde de la fin des années cinquante, que l’émancipation
des colonies sous leurs diverses formes. Mais enfin l’Algérie fait
légalement partie de la République, et les hommes qui y détiennent
le pouvoir, dotés de moyens militaires considérables et appuyés
sur une population très déterminée, se refusent à toute
autre solution qu’à son « intégration »,
c’est-à-dire à une confirmation de son caractère français,
les indigènes, traités en « Français à part
entière », disposant désormais de tous les droits politiques.
La première préoccupation de de Gaulle est de garder les mains
libres vis-à-vis de tous, déclarant aux insurgés de mai « Je
vous ai compris ! » non sans saluer le « courage » des
combattants des djebels. Il ne peut heurter de front les tenants de l’« Algérie
française » qui l’ont ramené au pouvoir mais voit
bien que l’« intégration », c’est l’algérianisation
rapide de la France . D’un voyage en Algérie à l’autre,
il met au point sa stratégie : obtenir la victoire militaire (la
France ne saurait être vaincue par des guérilleros) pour faire ensuite
la paix sur la base de l’« autodétermination » des
Algériens – auxquels il offre, le 16 septembre 1959, le choix entre
la sécession qui risquerait d’être le chaos, la « francisation » et
l’association, c’est-à-dire « le gouvernement des
Algériens par les Algériens, appuyé sur l’aide de
la France et en union étroite avec elle ». La réalisation
de ce plan n’ira pas sans convulsions : car civils et militaires d’Alger
voient dans ce processus une liquidation de l’« Algérie
française » pour le maintien de laquelle ils se sont soulevés
en 1958 et ont fait appel à de Gaulle.
Le 18 janvier 1960, puis le 22 avril 1961, Alger s’insurge, d’abord
dans le style populaire, en dressant des barricades, puis dans le style militaire
du « putsch », en opposant à de Gaulle un « quarteron » de
généraux en retraite soutenus (ou manipulés) par l’« O.A.S. » (Organisation
armée secrète). Chaque fois, le président de la République,
revêtu de son uniforme, paraît à la télévision
et en quelques phrases foudroie les insurgés avec une autorité saisissante.
Les pourparlers avec le F.L.N. algérien, ouverts en 1961 à Évian,
aboutiront aux accords du 18 mars 1962, qui reconnaissent aux Algériens
le droit à l’autodétermination – et à la minorité européenne
la possibilité théorique de poursuivre ses activités dans
le nouvel État. Mais la campagne terroriste déclenchée par
l’O.A.S. ayant ruiné les quelques chances de coexistence, les accords
d’Évian font vite figure de procédure de liquidation des
positions et intérêts français en Algérie, à ceci
près que pendant plusieurs années encore le pétrole algérien
demeure payable en francs, et que les espaces sahariens restent disponibles pour
les essais nucléaires français. De Gaulle a obtenu ce qu’il
souhaitait : l’indépendance de la France par rapport à l’Algérie.
C’est à un pays délivré de ce « fardeau » et
libre de ses actes qu’il va pouvoir rendre son « rang » dans
le monde.
La politique étrangère du général de Gaulle est fondée
sur trois idées-force : les relations entre États, alliés
ou non, ne sont fondées que sur les rapports de force ; les idéologies
ne comptent guère, mais seulement les nations ; et la France doit être
au premier rang, dans l’intérêt de tous.
Lui qui a osé, pour ce faire, arracher la France à son espace algérien,
non sans douleur ni risque, aura moins de mal à détacher Paris
de l’« organisation intégrée » du pacte
Atlantique, c’est-à-dire des organismes permanents de l’alliance.
La France reste membre de la coalition, mais elle n’est plus une pièce
de l’échiquier. Elle saura être aux côtés de
ses alliés dans les moments difficiles (lors de la crise de Cuba, en avril
1961) mais refuse désormais de se plier aux automatismes de la stratégie
occidentale – c’est-à-dire américaine.
Non content de « reprendre ses billes », de Gaulle tente
aussi de s’immiscer dans le directoire le plus fermé, celui que
forment les deux puissances anglo-saxonnes, pour constituer un « directoire
atlantique » à trois. Rebuté, il décide de faire
d’une étroite alliance franco-allemande la colonne vertébrale
de l’Occident européen. Le chancelier Adenauer, d’abord séduit
par l’homme et par les idées, vira de bord en 1960 dès qu’il
comprit que, dans l’esprit de de Gaulle, cet accouplement n’allait
pas sans prise de distance par rapport aux États-Unis.
Ne cessant jamais de considérer l’U.R.S.S. comme l’avatar
moderne de la Russie – c’est toujours ce vocable qu’il emploie – le
général de Gaulle n’a jamais oublié ses relations
de guerre avec Moscou ni le pacte signé en décembre 1944 avec Staline.
Il reste marqué par une constante de la diplomatie française, celle
de la contre-assurance de l’Est, hier contre les Germains, aujourd’hui
pour faire équilibre à l’hégémonie américaine.
Le développement de sa diplomatie vers l’Union soviétique,
essentiel dans son jeu et qui aura contribué à la détente
Est-Ouest des années soixante, n’en est pas moins limité par
la conviction que les États « satellites » de l’Est
européen ont vocation à s’émanciper de la tutelle
de Moscou : mais son voyage à Varsovie, en août 1967, bute
sur le refus de Gomulka de prendre ses distances par rapport au grand voisin
de l’Est ; sa visite en Roumanie, en mai 1968, coïncide fâcheusement
avec les troubles étudiants ; et lorsque l’Union soviétique
envahit la Tchécoslovaquie, trois mois plus tard, c’est un point
final qui se trouve mis à cette paradoxale tentative d’entente avec
une super-puissance qu’on essaie simultanément de priver de son
glacis stratégique.
Si bien que c’est du côté du Tiers Monde que la diplomatie
du général de Gaulle se sera déployée avec le plus
d’éclat, à partir de la décolonisation formelle de
l’Afrique noire (1960) et de la reconnaissance de l’indépendance
de l’Algérie (1962) . Trois initiatives marquent avant tout cette
stratégie : la reconnaissance de la Chine populaire en 1964, le défi
lancé de Phnom Penh, en 1966 à la politique indochinoise des Américains,
le soutien apporté aux thèses arabes après la victoire israélienne
de juin 1967. À partir de ces trois initiatives – dont on peut rapprocher
le « Vive le Québec libre ! » de juillet 1967 – le
général de Gaulle fait figure, auprès des peuples « émergeant » à l’histoire
du XXe siècle – malgré les péripéties encore
récentes de la guerre d’Algérie et les positions françaises
en Afrique, en Océanie et dans les Caraïbes – de libérateur.
Mais cette action internationale ingénieuse et audacieuse, Charles de
Gaulle n’aurait pu la mener s’il n’avait assuré à la
nation ces structures solides longtemps méditées dans sa retraite,
et qui tendent, non seulement à assurer l’indépendance de
l’exécutif par rapport au législatif, grâce à l’invention
du « domaine réservé », mais aussi à lui
donner une véritable hégémonie par l’élection
du chef de l’État au suffrage universel direct. La Constitution
de 1958, qui prévoyait le choix du président par un vaste conseil
de notables élus, fut révisée à cet effet en 1962 à l’initiative
de son créateur, contre l’avis de nombre de ses fidèles.
L’élection du président au suffrage universel, accentuant
le caractère spectaculaire et monarchique du système et approfondissant
les clivages entre les grands courants d’opinion, fit passer le régime
du parlementarisme musclé au présidentialisme septennal – menacé par
l’excessive durée de ce mandat souverain.
Sept ans renouvelables ? Réélu en décembre 1965, Charles
de Gaulle voyait s’ouvrir devant lui un mandat qui, à lui comme
aux autres, paraissait long. Comment pourraient jouer le pluralisme et l’alternance,
ces règles d’or de la démocratie ? C’est en grande
partie parce que les articulations du système parurent alors raidies,
parce que le jeu des institutions sembla bloqué, qu’un mouvement
d’un profond intérêt pour le sociologue mais d’une importance
politique mineure, la révolte étudiante de mai 1968, faillit le
conduire à l’abîme .
Près d’un mois durant, du 3 au 30 mai, la biographie du général
de Gaulle perd toute crédibilité. Lui d’ordinaire si ferme
dans l’extraordinaire, si lucide dans le péril, on le voit errant,
hésitant, passant de la brutalité au désarroi, de la tentation
du renoncement au vertige de la pire répression, évasif et désorienté,
grommelant et intempestif, se contentant de qualifier la situation d’« insaisissable » et
de critiquer la plupart des tentatives de ses collaborateurs – à commencer
par celles du Premier ministre Georges Pompidou – pour revenir à l’ordre
sans faire couler le sang. Le tout couronné par une rocambolesque et pathétique « fausse
sortie » en terre étrangère (à Baden-Baden) et,
au retour, le lendemain, par un discours-appel radiophonique qui, en vingt phrases,
corrige un mois de cafouillages.
Mais il a senti passer le vent du boulet, et se sent désormais en sursis.
Neuf mois encore, marqués par l’invasion de la Tchécoslovaquie
et par une brutale crise financière en novembre. De Gaulle n’est
pas homme à se survivre ainsi. Le pouvoir que lui a rendu le talent de
son Premier ministre, il lui faut en vérifier la légitimité personnelle,
ou l’abandonner : c’est le référendum du 27 avril
1969, dont le vieux chef aurait peut-être pu faire encore une victoire
si les Français n’avaient eu à répondre à une
question trop alambiquée, où se mêlaient l’avenir de
la régionalisation et celui du Sénat, pour n’avoir pas découragé les
bonnes volontés. D’où l’idée du « suicide » qui
fut formulée par certains – dont Malraux.
Le 27 avril 1969, peu avant minuit, un communiqué était diffusé par
l’hôte de l’Élysée : « Je cesse
d’exercer mes fonctions de président de la République. » Et
voici Charles de Gaulle, à 78 ans, de retour à Colombey, où il écrit
ses Mémoires d’espoir qui resteront inachevés. Il voyage ;
c’est en Irlande qu’il se retire quand, en juin 1969, son « dauphin » Georges
Pompidou affronte le suffrage universel : on le voit au mois de juin suivant
en Espagne, où il rend visite à Franco, et il prépare une
visite en Chine.
Mais, à l’approche de ses 80 ans, il veille surtout à mettre
ses affaires en ordre, à relire les chapitres achevés de ses Mémoires, à en
rédiger d’autres. Le 9 novembre 1970, vers 19 heures, alors qu’il
vient de s’asseoir pour faire une « réussite »,
il est frappé d’une rupture d’anévrisme et s’effondre,
foudroyé en quelques secondes.
Son testament, rédigé en 1952, précise qu’aucun hommage
public ne sera rendu à sa dépouille, sauf par ses Compagnons, membres
de l’Ordre de la Libération, et les villageois de Colombey. Ainsi
fut fait, tandis qu’une cérémonie parallèle se déroulait à Notre-Dame,
rassemblant quatre-vingts chefs d’État.
Vingt ans plus tard, en 1990, le centenaire de la naissance du général – qui était
aussi le cinquantenaire de l’appel du 18 juin – était
célébré avec solennité, témoignant de l’ampleur
d’une gloire de moins en moins contestée, et reconnue par beaucoup
de ceux qui, longtemps opposés à certaines des orientations du
fondateur de la 5e République ou des procédures auxquelles
il eut recours, mesurent mieux aujourd’hui la dimension du personnage,
dans une perspective historique.
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GOUVERNEMENT
PROVISOIRE
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1945
-1946 |
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Général CHARLES DE
GAULLE
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IVème
REPUBLIQUE
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La loi du 2 novembre
1945 donne pouvoir à une Assemblée constituante pour élaborer
une nouvelle Constitution.
Celle-ci est adoptée
le 27 octobre 1947.
Le président
est élu pour sept ans par les deux chambres (Parlement et
Conseil de la République) réunies à Versailles
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1946
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FELIX GOUIN
Né à Paypin (Bouches-du-Rhône)
le 14 octobre 1884 - mort à Nice le 25 octobre 1977
Fils d’instituteur, Félix Gouin, après des études
au lycée de Marseille et à la faculté de droit
d’Aix, s’inscrit au barreau de Marseille en 1907 et y fait
toute sa carrière d’avocat, plaidant pour les syndicats
ouvriers avant de mêler le civil et les procès d’affaires.
Dès 1902, il est militant socialiste et s’impose parmi
les nouveaux dirigeants de la fédération des Bouches-du-Rhône. À une élection
partielle de novembre 1911, il conquiert de haute lutte un siège
de conseiller général à Istres, dont sa famille
est originaire, et le conservera jusqu’en 1958, devenant un homme
clé de l’assemblée départementale. Engagé volontaire
en 1914, il fait toute la guerre au front. Candidat malheureux en 1914
et en 1919, il prend sa revanche en devenant maire d’Istres en
1923 puis député de la circonscription d’Aix sur
la liste du Cartel en 1924. Il conservera tous ces mandats jusqu’en
1958, efficace (on lui doit l’acquisition des œuvres de
Cézanne au musée d’Aix) et affable, enracinant
un socialisme méridional fait d’action municipale et d’animation
d’un subtil réseau d’influence. Cet homme fidèle à son
département natal n’acquiert une modeste notoriété qu’en
mars 1938 quand il devient président adjoint du groupe socialiste à la
Chambre et collaborateur direct de Léon Blum. Ce promunichois
refuse pourtant tout défaitisme, et ses fidélités
républicaines en font un des quatre-vingts parlementaires qui
refusent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet
1940. Avec ses amitiés et le courage de son hospitalité,
il joue bien vite un rôle essentiel dans la difficile reconstruction
d’une S.F.I.O. clandestine et favorise les contacts avec les
autres groupes de Résistance. En février-avril 1942,
il est un des trois avocats de Blum devant la cour de Riom, intervenant
peu mais assurant une large publicité des audiences auprès
des résistants. Sur ordre de Blum, en accord avec Daniel Mayer,
il part pour Londres en mai 1942. Il y parvient en août, après
un dur séjour dans le camp espagnol de Miranda.
Représentant de la S.F.I.O. auprès de De Gaulle avec
André Philip, mais moins gaulliste que lui (son rapport à Léon
Blum, d’octobre 1942, est un modèle de compréhension
sans complaisance de la grandeur du gaullisme de guerre), il y préside
la Commission de réforme de l’État, sans toutefois
devenir ministre. À partir du mois de juin 1943, il prépare à Alger
l’installation de l’Assemblée consultative provisoire
dont il devient le président en novembre, puis en mai 1944.
Avec la Libération, sa carrière prend une dimension nationale.
Il se réinstalle dans son département ; l’Assemblée
transportée à Paris le maintient à son fauteuil
présidentiel ; la première Constituante lui délègue
de nouveau cette importante fonction de conciliation et d’arbitrage
le 8 novembre 1945. Après la brutale démission du
général de Gaulle, l’imprévu survient :
Félix Gouin accède aux rudes fonctions de président
du Gouvernement provisoire le 23 janvier 1946. Ce vieux parlementaire,
qui n’a jamais été ministre et qui ne dissimule
pas sa connaissance médiocre de l’administration, est
certes un docile instrument qui suit les injonctions des partis, mais
il sait néanmoins mettre en œuvre des qualités de
décision et une belle lucidité sur les problèmes économiques,
financiers et coloniaux qui assaillent alors le pays. Arbitre conciliant
des habiletés tactiques du tripartisme, il ne parvient pourtant
pas à freiner la politisation de l’administration, à régler
l’angoissant problème du ravitaillement, ni même à enrayer
par quelques réussites éclatantes de son gouvernement
le lent déclin qu’amorce alors son parti. Démissionnaire
le 11 juin 1946 après l’élection de la IIe Constituante,
il est jusqu’en octobre 1947 vice-président du Conseil
du cabinet Bidault, puis ministre d’État chargé du
Commissariat au plan dans le cabinet de Léon Blum.
Alors que s’installe cette IVe République qu’il
avait tant contribué à faire naître, sa carrière
est stoppée par le « scandale des vins »,
révélé avec quelque tapage par Yves Farge, ministre
du Ravitaillement du cabinet Bidault, à partir de juillet 1946.
Vivement pris à partie dans la presse, mal soutenu par certains
communistes qui pressentent l’agonie du tripartisme et les débuts
de la guerre froide, il est personnellement mis hors de cause par une
commission d’enquête parlementaire en mars 1950 et obtient
satisfaction devant les tribunaux : Farge est condamné en
mars 1953 pour diffamation. Mais cette vigoureuse défense ne
leva pas tous les soupçons (y compris parmi les socialistes)
sur quelques-uns de ses anciens collaborateurs et leurs amis trop liés
au négoce marseillais des vins. En fait, derrière « l’affaire
Gouin », c’est l’incapacité d’une
S.F.I.O. affaiblie à régenter harmonieusement une vie
politique difficile qui apparaît soudain aux yeux de l’opinion.
Membre de la délégation française qui doit plaider
le dossier de l’expédition de Suez devant l’O.N.U.
en novembre 1956, Félix Gouin cesse toute activité politique
en 1958, après avoir vigoureusement et vainement bataillé dans
son parti pour le non à la Ve République . Il s’isole,
avec quelque amertume peut-être, dans sa retraite de Nice où il
reste jusqu’à sa mort. Ce méridional toujours jeune,
cet homme affable et lucide sut défendre quand il le fallait
quelques principes intangibles de liberté et de justice.
Avec son mélange de qualités constantes et de faiblesses
passagères, cet enfant de la famille socialiste porté au
sommet des honneurs est assez bien représentatif de l’homme
politique type de la IVe République, vaincu mais ayant
assumé avec courage les contradictions et les grandeurs d’une
période difficile de notre histoire.
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1946
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GEORGES
BIDAULT
Né à Moulins le 5 octobre
1899 - mort à Cambo-les-Bains le 27 janvier 1983
Agrégé d’histoire, membre du Parti démocrate
populaire, il est rédacteur en chef du journal catholique l’Aube
avant la Seconde Guerre mondiale, et est un adversaire résolu
des accords de Munich. Après avoir rejoint l’armée
française lors de la déclaration de guerre en 1939, il
est fait prisonnier par les Allemands. Libéré en 1941,
il rejoint le mouvement Combat et obtient la responsabilité du
Bureau d’information et de presse au sein du Conseil national
de la Résistance (CNR), organisme nouvellement créé qui
unifie, sous l’autorité de Jean Moulin, l’ensemble
des mouvements de Résistance. Au lendemain de l’arrestation
de Jean Moulin, Bidault est nommé président du CNR (1943),
fonction qui réclame une grande souplesse de la part de celui
qui en est investi et qui nécessite d’entretenir de bonnes
relations avec l’ensemble des courants représentés
au Conseil, notamment avec les communistes et les démocrates-chrétiens.
À partir de la Libération, fort de l’appui du
Mouvement républicain populaire (MRP), parti démocrate-chrétien
qu’il fonde en novembre 1944 avec Maurice Schumann et Francisque
Gay, Georges Bidault, constamment élu à l’Assemblée
nationale, est l’un des hommes clefs de la IVe République.
Le rôle charnière joué par son mouvement dans la
constitution des majorités gouvernementales lui permet d’être
nommé successivement ministre des Affaires étrangères
(1944), président du gouvernement provisoire (1946), président
du Conseil (1949-1950), vice-président du Conseil et ministre
de la Défense (1951-1952), avant de retrouver le poste de ministre
des Affaires étrangères (1953-1954). À ces différents
postes, il exerce une influence déterminante sur la politique
extérieure et coloniale de la France. D’abord opposé à la
réunification de l’Allemagne, il contribue à jeter
les bases de la construction européenne, tout en se montrant
favorable à la relation avec les États-Unis dans le cadre
de l’Alliance atlantique. Partisan du maintien de la présence
française en Algérie, il s’oppose au général
de Gaulle, préside le bureau exécutif provisoire du Rassemblement
pour l’Algérie française, et se rallie à l’Organisation
armée secrète (OAS), base armée des adversaires
de la décolonisation de l’Algérie. La défaite
des partisans de l’Algérie française le conduit à l’exil
en 1962, d’abord au Brésil puis en Belgique, avant de
rentrer en France en 1968.
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1947 - 1953
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VINCENT AURIOL
Né à Revel (Haute-Garonne)
le 28 août 1884 - mort à Paris le 1er janvier 1966.
Fils d’un boulanger, il devient avocat et s’engage très
tôt dans les rangs de la Section française de l’Internationale
ouvrière (SFIO) dont il devient le responsable financier. Élu
député de Muret (Haute-Garonne) en 1914, et réélu
en 1918, il choisit de rester à la SFIO après le congrès
de Tours (décembre 1920). Ministre des Finances dans le gouvernement
de Front populaire formé par Léon Blum (juin 1936-juin
1937), puis ministre de la Justice dans le gouvernement de Camille
Chautemps (juin 1937-mars 1938), il ne vote pas le 10 juillet 1940,
avec soixante-dix neuf autres parlementaires, les pleins pouvoirs à Pétain.
Dès l’armistice de 1940, il entre dans la Résistance
et rallie le général de Gaulle en Angleterre en 1943.
É lu président des deux Assemblées constituantes
en 1945-1946, il est élu président de la République
le 16 janvier 1947, l’emportant sur ses concurrents grâce
au soutien des voix communistes. Se posant en garant des institutions,
il joue un rôle politique non négligeable malgré le
peu de poids que la Constitution donne à sa fonction. Il tente
ainsi de renforcer le régime, face à l’hostilité des
communistes et des gaullistes, en encourageant l’émergence
de la Troisième Force, rassemblant les radicaux, les socialistes
et le Mouvement républicain populaire (MRP).
À l’issue de son mandat en janvier 1954, il ne représente
pas sa candidature à la présidence de la République
et se retire successivement des différentes instances politiques
auxquelles il appartenait. En 1960, il démissionne du Conseil
constitutionnel, dont il était membre de droit depuis sa création
en 1958, pour protester contre la politique constitutionnelle du général
de Gaulle. Il a laissé un Journal du septennat (1947-1954).
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1953 - 1958
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RENE COTY
Né au Havre le 20 mars 1882
- mort au havre le 22 novembre 1962.
René Coty
poursuit des études de droit, s'inscrit au barreau en 1902
et entre peu après en politique. Après la guerre qu’il
fait comme engagé volontaire dans une unité combattante,
ce qui lui vaut la croix de guerre, il est élu député républicain
de gauche de la Seine-Inférieure (1923-1935) puis sénateur
(1935-1940). Il déploie alors une intense activité législative
et prend part à la commission de Réforme de l'État
en février 1934. Face à l'instabilité ministérielle
des années trente, il s'oppose à ceux qui prônent
un renforcement du pouvoir exécutif et se montre partisan
d'une réforme de l'action parlementaire allant dans le sens
d'une simplification des procédures, pour une meilleure efficacité.
Après l'armistice de 1940, il vote les pleins pouvoirs à Pétain.
Au lendemain de la guerre, il préside le groupe des Indépendants à l'Assemblée
nationale (1946) puis est nommé ministre de la Reconstruction
et de l'Urbanisme (1947-1948).
Nommé vice-président du Conseil de la République
(1948), il est élu président de la République
par le Congrès, au treizième tour de scrutin, comme successeur
de Vincent Auriol (23 décembre 1953). Le fait qu'il n'ait pas
pris part l'année précédente à la querelle
sur la Communauté européenne de défense (CED)
est pour une bonne part la cause du ralliement de nombreux députés à sa
candidature. Prenant ses fonctions en janvier 1954, il bénéficie
rapidement d'une large popularité en raison de son souci d'être
le gardien scrupuleux de la Constitution de la IVe République.
Il cherche à limiter l'instabilité du régime,
mais son mandat est troublé par la fin de la guerre d'Indochine
et le durcissement de la crise algérienne. Pendant la crise
du 13 mai 1958, il fait appel au général de Gaulle pour « redresser
la situation ». Il abandonne ses fonctions présidentielles
le 8 janvier 1959 après la mise en place des institutions de
la Ve République et entre alors au Conseil constitutionnel.
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Vème
REPUBLIQUE
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Les événements
d'Algérie contraignent le Président Coty à faire
appel au Général de Gaulle.
Le 4 juin 1958,
il forme un gouvernement qui élabore une nouvelle constitution.
Approuvée par le peuple lors du référendum
du 28 septembre 1958, celle-ci entre en vigueur le 4 octobre 1958.
Le chef d'Etat
(président de la République) est élu au suffrage
universel pour une durée de 7 ans renouvelable.
Un vote du 29
juin 2000 par l'Assemblée Nationale, ratifié par
le Sénat le jour même et soumis à référendum
le 24 septembre 2000, porte cette durée à 5 ans.
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1958 - 1969
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Général CHARLES
DE GAULLE
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1969
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ALAIN POHER
Né à Ablon-sur-Seine
le 17 avril 1909 - mort à Ablon-sur-Seine le 9 décembre
1996
Alain Poher a présidé le Sénat pendant vingt-quatre
ans. C’est à ce titre, comme deuxième personnage
de l’État, qu’il a assumé par deux fois l’intérim
de la présidence de la République, en 1969 et en 1974. « Mes
cent jours », ironisait-il volontiers sur ce double séjour à l’Élysée
qui le fit connaître des Français.
Ces deux intérims se sont cependant déroulés dans
des circonstances bien différentes. Le 28 avril 1969, Charles
de Gaulle quitte l’Élysée après avoir perdu
un référendum qui portait notamment sur une réforme
du Sénat. Alain Poher s’était opposé à ce
projet qui aurait considérablement réduit les pouvoirs
de la seconde chambre et son mode de représentation. Aussi,
c’est presque naturellement que ses amis centristes le poussent à se
présenter à l’élection présidentielle.
Il hésite et attend le dernier moment. Lâché par
une partie de la droite non gaulliste (les giscardiens et certains
centristes, qui rallient Georges Pompidou), il mène une campagne
discrète, sans grand meeting et sans déplacement en province.
Avec 23,3 p. 100 des voix, il se qualifie pour le second tour.
Mais la gauche communiste le renvoie dos à dos avec Pompidou
(c’est le fameux « blanc bonnet et bonnet blanc » de
Jacques Duclos), et il est sévèrement battu par ce dernier,
n’obtenant que 41,8 % des suffrages.
En avril 1974, lorsque meurt Georges Pompidou, Alain Poher reprend
le chemin de l’Élysée, mais pour y jouer cette
fois-ci un rôle d’arbitre. Il refuse même de se prononcer
pour un candidat. Il veille au contraire à ce que l’élection
se déroule dans les meilleures conditions possibles, notamment
outre-mer, et, après la victoire de Valéry Giscard d’Estaing,
il reçoit son adversaire malheureux, François Mitterrand,
pour discuter avec lui d’un statut de l’opposition.
Avant d’accéder à la présidence du Sénat,
en octobre 1968, Alain Poher avait déjà conduit une carrière
politique bien remplie, et marquée du sceau de l’Europe.
Pourtant, rien ne prédisposait aux plus hautes charges de la
république cet ingénieur civil des mines, né en
1909 à Ablon-sur-Seine (Seine-et-Oise) dans un famille d’origine
bretonne. La guerre le trouve rédacteur de troisième
classe au ministère des Finances. Il aurait pu accomplir une
modeste carrière de fonctionnaire, malgré sa participation à la
Résistance (réseau Libération-Nord), sans la rencontre
de Robert Schuman, qui fait de lui son chef de cabinet rue de Rivoli
(1946), puis l’incite à se présenter au Sénat
(alors Conseil de la République). Alain Poher est élu
en 1946 sénateur M.R.P. de la Seine-et-Oise, un an après
avoir conquis – et pour longtemps (1945-1983) – la
mairie de sa ville natale. Battu en 1948, réélu en 1952,
il restera sénateur, d’abord de la Seine-et-Oise puis, à partir
de 1968, du Val-de-Marne, jusqu’en 1995.
Il entame parallèlement une carrière ministérielle.
Rapporteur général du Budget au Conseil de la République
de 1946 à 1948, il est nommé secrétaire d’État
aux Finances dans les gouvernements Schuman et Queuille (1948). Un
bref passage comme secrétaire d’État aux forces
maritimes dans le gouvernement Gaillard (1957-1958) interrompra sa
présidence presque continue du groupe M.R.P. au Sénat
de 1954 à 1960.
Sa défaite électorale lui a ouvert la voie d’un
beau parcours européen. Il est nommé en 1948 commissaire
général aux affaires allemandes et autrichiennes (poste
où il succède à Michel Debré), puis délégué de
la France à l’Autorité internationale de la Ruhr
(1950-1952) et président de la commission du Marché commun,
alors en gestation, de 1955 à 1957. La consécration vient
en 1966, lorsqu’il est élu – pour trois ans – président
du Parlement européen. C’est au cours de cette période
qu’il se retrouve, à la surprise générale,
président du Sénat.
La majorité antigaulliste du palais du Luxembourg ne parvenait
pas à s’entendre sur le nom du successeur de Gaston Monnerville.
Au troisième tour, alors qu’Alain Poher s’apprêtait à regagner
Strasbourg, les socialistes, les radicaux et les centristes s’accordent
sur sa personne, et il est élu. Il sera réélu
sept fois.
Après l’épisode du référendum de
1969, les relations s’apaisent entre l’exécutif
et le Sénat, dont Alain Poher veut faire « un rempart
contre l’aventure, sans pour autant apparaître comme un
obstacle à l’évolution nécessaire »,
ainsi qu’il le déclare en 1975 lors du centenaire de la
Haute Assemblée. Fort de ce double principe, il défère
en 1971 au Conseil constitutionnel un projet de loi sur les associations
qui lui paraît attentatoire aux libertés. Les « neuf
sages » lui donnent raison.
C’est à partir de 1981 que le Sénat va avoir l’occasion
de s’affirmer sous son impulsion. La droite, qui s’y trouve
majoritaire, s’oppose à la plupart des textes de la gauche.
La bataille atteint son point culminant lors de la « guerre
scolaire » de 1984, lorsque François Mitterrand propose
un référendum sur l’élargissement du champ
du référendum, que le Sénat fera échouer.
En 1989, âgé de quatre-vingts ans, Alain Poher se représente,
contre les souhaits de ses amis centristes et U.D.F. qui veulent le
voir passer la main. Il est néanmoins réélu grâce
au soutien de Charles Pasqua et du groupe R.P.R. Ce dernier mandat
se déroulera dans une atmosphère de fin de règne,
où le président, malade, ne pèse plus guère
pour faire évoluer le Sénat.
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1969 - 1974
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GEORGES POMPIDOU
Né à Montboudif (Cantal)
le 5 juillet 1911 - mort à Paris le 2 avril 1974. Georges
Pompidou fréquente les lycées d’Albi et
de Toulouse puis, à Paris, le lycée Louis-le-Grand et
l’École normale supérieure. Agrégé de
lettres, diplômé de l’École libre des sciences
politiques, il est professeur, de 1935 à 1944, à Marseille
puis à Paris. Il commence sa carrière politique en 1944
comme chargé de mission au cabinet du général
de Gaulle. Lorsque ce dernier quitte le pouvoir, Pompidou est adjoint
général au Tourisme (1946-1948) et maître des requêtes
au Conseil d’État (1946-1954).
De 1956 à 1962, les frères Rothschild s’attachent
ses services comme administrateur de nombreuses sociétés
du groupe et comme directeur général. Pompidou interrompt
ces activités du 1er juin 1958 au 7 janvier 1959
pour être directeur du cabinet du général de Gaulle ;
il revient ensuite chez les Rothschild. À la même époque,
il devient membre du Conseil constitutionnel (1959) et accomplit en
1961 une importante mission de négociation avec le chef du
F.L.N. en Suisse.
Le 16 avril 1962, de Gaulle en fait son Premier ministre en remplacement
de Michel Debré. Démissionnaire le 5 octobre suivant
après un vote de censure de l’Assemblée nationale,
il est néanmoins nommé de nouveau Premier ministre par
le président de la République le 28 novembre 1962
en même temps que chef de la majorité ; il le restera
jusqu’au 10 juillet 1968, quand, à la suite des événements
de mai et juin, il sera remplacé par Maurice Couve de Murville
et placé « en réserve de la République » .
Il se consacre alors à ses tâches plus modestes d’élu
local dans son département natal : conseiller municipal
de Cajarc (1965-1969), député Ve République
(mars-mai 1967), puis U.D.R. (juin 1968-juin 1969) de la circonscription
Saint-Flour-Mauriac.
Après la démission du général de Gaulle
(référendum du 27 avril 1969 sur le Sénat
et les régions), le bureau politique de l’U.D.R. approuve
la candidature de Georges Pompidou à la présidence de
la République. Il est élu le 15 juin, au deuxième
tour de scrutin, avec 11 064 371 voix (58,21 % des suffrages
exprimés) contre 7 943 118 voix à Alain Poher, président
du Sénat. En tant que « dauphin » du général
de Gaulle, Georges Pompidou s’efforce de sauvegarder l’héritage
du gaullisme. Il se veut un homme de « continuité » et
d’ouverture, tout en soulignant son rôle prééminent
en tant qu’élu du peuple tout entier. Il s’emploie
en particulier à préserver la cohésion des partis
de la majorité gouvernementale, poursuit la politique sociale
de participation et relance l’organisation régionale de
la France, parallèlement à des initiatives tendant à faire
amorcer la coopération politique européenne en même
temps que la réalisation sur ce plan de l’union économique
et monétaire. En matière de défense, il développe
la force atomique de dissuasion autour de laquelle s’articule,
dans le domaine des affaires étrangères et selon le projet
gaullien, une volonté d’indépendance nationale
et le rejet des « blocs ». Dans cette perspective,
Pompidou effectue des voyages officiels aux États-Unis, en U.R.S.S.,
en Afrique noire. En septembre 1973, il est le premier chef d’État
occidental à être reçu officiellement à Pékin
où il s’entretient avec le chef du Parti communiste
chinois, Mao Zedong.
Au cours de l’année 1973 et au début de 1974, des
incidents répétés de santé créent
autour de la présidence de la République un climat d’incertitude
politique et suscitent de nombreuses spéculations, notamment
au sein des partis de l’opposition. Annoncé en octobre
1973, un projet de réforme constitutionnelle tendant à réduire à cinq
ans la durée du mandat présidentiel était l’indice
d’un souci d’honorer la durée de ce mandat. Les
signes irrécusables de maladie grave apparus à Reykjavik
en mai 1973 et en Géorgie en mars 1974 se multiplient sans que
Pompidou consente à abandonner son poste. Cette lutte acharnée
contre le destin lui vaudra à sa mort, survenue le 2 avril 1974,
l’hommage de toutes les familles politiques de France et de nombreux
dirigeants étrangers.
Georges Pompidou est l’auteur de plusieurs ouvrages littéraires : Britannicus (1944), Taine (1947), A. Malraux (1955), Anthologie
de la poésie française (1961).
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1974
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1974 - 1981
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VALERY GISCARD D'ESTAING
Né à Coblence le 2
février 1926
Né à Coblence (Allemagne occidentale) dans une famille
de la haute bourgeoisie d’origine auvergnate, ancien élève
de l’École polytechnique et de l’École nationale
d’administration, Giscard d’Estaing est nommé inspecteur
des Finances en 1954 puis directeur adjoint au cabinet d’Edgar
Faure, président du Conseil. Membre du Centre national des indépendants
et paysans, il est élu à partir de 1956 député du
Puy-de-Dôme, succédant à son grand-père
maternel Jacques Bardoux. Trois ans plus tard, il est secrétaire
d’État aux Finances, puis ministre des Finances et des
Affaires économiques à partir de 1962 dans les cabinets
Debré et Pompidou. La même année, pour les élections
législatives, il anime le nouveau groupe politique des Républicains
indépendants, allié à la majorité gaulliste.
Libéré de ses fonctions ministérielles en décembre
1965, il s’attache dès lors à consolider son parti
tout en le démarquant quelque peu de la majorité ;
il ira jusqu’à faire voter non au référendum
d’avril 1969, dont l’échec marquera la fin politique
du général de Gaulle. Il n’en retrouve pas
moins, en juin de la même année, après l’élection
de Georges Pompidou à la présidence de la République,
le portefeuille de l’Économie et des Finances (1969-1974)
.
Candidat à l’élection présidentielle d’avril
1974, Giscard d’Estaing fait campagne sur le thème d’une « société libérale
avancée ». Il obtient au premier tour près
de 33 % des voix contre 43,3 %à François
Mitterrand et 14,5 à Jacques Chaban-Delmas ;
au second tour, il l’emporte avec 50,8 p. 100 des suffrages
exprimés contre 49,2 %à François
Mitterrand. Sa présidence s’ouvre avec un ministère
dirigé par Jacques Chirac (1974-1976) et au sein duquel on retrouve à l’Intérieur
Michel Poniatowski, qui fut longtemps secrétaire du groupe des
Républicains indépendants qu’avait présidé Giscard
d’Estaing.
Son septennat débute sous le signe des réformes. Jean-Jacques
Servan-Schreiber aura même (brièvement) le titre de ministre
des Réformes dans le premier gouvernement. Ces réformes
touchent plus aux mœurs qu’aux structures économiques
de la société française : ainsi l’âge
de la majorité est abaissé à dix-huit ans, l’avortement
est autorisé, tout comme le divorce par consentement mutuel.
Et elles sont parfois mieux accueillies à gauche que dans l’électorat
giscardien et plus encore chiraquien. Les tensions traditionnelles
dans la Ve République entre le président et son
Premier ministre culminent pendant l’été de 1976.
Jacques Chirac souhaite des élections anticipées pour éviter
la victoire de la gauche qui se profile. Valéry Giscard d’Estaing
s’y oppose et, pour la première fois, on voit un Premier
ministre de la Ve République annoncer sa démission devant
les caméras de télévision.
Avec l’arrivée de Raymond Barre et la défaite de
la gauche aux élections législatives de 1978 s’ouvre
une nouvelle phase du septennat . Les difficultés viennent des
alliés néo-gaullistes qui défient le président :
aux élections municipales à Paris, en 1977, Jacques Chirac
bat le candidat giscardien ; à l’élection
présidentielle de 1981, Valéry Giscard d’Estaing
est bien en tête au premier tour, avec 28,31 % des voix,
mais le R.P.R. ne le soutient que du bout des lèvres au second.
La défaite s’ensuivra (48,24 %).
Pour Valéry Giscard d’Estaing il faut se couler dans un
habit neuf : celui d’ancien président. Il voit certains
de ses amis s’éloigner de lui. Il préfère
ne pas siéger au Conseil constitutionnel et rester présent
dans le débat politique. Il lance un appel aux « déçus
du socialisme » et aspire à réunir Deux Français
sur trois, selon le titre du livre qu’il publie en 1984. Mais
il est trop tôt, ou trop tard. Les occasions d’un retour
au premier plan ne se représenteront plus. En 1977, les Républicains
indépendants ont fusionné avec d’autres formations
d’inspiration libérale pour constituer le Parti républicain.
Celui-ci, en 1979, deviendra la composante majeure de l’U.D.F.,
qui compte encore les clubs Perspectives et réalités
dont Valéry Giscard d’Estaing est le président-fondateur.
Mais l’U.D.F., en 1988, choisira de soutenir la candidature de
Raymond Barre et, en 1995, l’affrontement entre Édouard
Balladur et Jacques Chirac ne laisse aucun espace raisonnable à une
troisième candidature au sein de la droite. La même année,
Valéry Giscard d’Estaing échoue à conquérir
la mairie de Clermont-Ferrand.
De 1993 à 1997, il est président de la Commission des
Affaires étrangères de l’Assemblée nationale,
fonction qu’il avait déjà occupée de 1987 à 1989.
Au sommet européen de Laeken (Belgique), en décembre
2001, il est désigné président de la Convention
sur l’avenir de l’Europe, qui, à partir de mars
2002, doit réfléchir à l’architecture d’une
Europe élargie.
Pendant son septennat, Valéry Giscard d’Estaing avait
exposé ses idées dans un ouvrage intitulé Démocratie
française (1976), qui avait connu un grand succès. On
lui doit encore, notamment, deux très intéressants tomes
de Mémoires (Le Pouvoir et la vie, 1988 ; L’Affrontement,
1992) et, dans un registre différent, un roman, Le
Passage (1994).
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1981 - 1995
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FRANCOIS MITTERAND
Né à Jarnac le 26 octobre
1916 - mort à Paris le 8 janvier 1996
François Maurice Adrien Marie Mitterrand a grandi dans un univers
bourgeois, catholique et provincial. Son père est un ancien
chef de gare qui a repris la vinaigrerie familiale ; un notable.
Donnant raison à ce déterminisme social qu’il exécrera
tant par la suite, le jeune François suit tranquillement l’itinéraire
que lui commande son milieu. Il étudie à Paris la littérature
et le droit, est élève à l’École
libre des sciences politiques, devient Volontaire national dans le
mouvement de jeunes du colonel de La Rocque qui prône un exécutif
fort et se situe à l’extrême de la droite.
Contrairement à la légende qu’il a contribué à fabriquer,
François Mitterrand est un étudiant politisé,
qui ne répugne pas à participer aux manifestations contre
les « métèques ». Il n’est
ni fasciste ni antisémite. Il reste profondément littéraire,
comme le montrent ses textes sur Mauriac, Gide ou Montherlant. Mais
sa pente l’entraîne à la droite de la droite.
C’est ainsi qu’après son évasion des camps
allemands de prisonniers, en décembre 1941, François
Mitterrand travaille à Vichy, pour l’État français.
Il est chef de la section presse du Commissariat au reclassement des
prisonniers de guerre du début de 1942 à celui de 1943.
Le jeune homme est acquis à la cause de Philippe Pétain,
dans les premiers mois. « Maréchaliste »,
comme on disait alors, il est convaincu que le vainqueur de Verdun
reste le meilleur rempart contre l’hégémonisme
allemand.
À
moins de falsifier l’histoire, on ne saurait le ranger parmi
les collaborateurs. Il commence à regarder du côté de
la Résistance dès la Pentecôte de 1942, après
avoir rencontré au château de Montmaur, dans les Hautes-Alpes,
un groupe d’hommes qui sont en train de basculer. Tout en pratiquant
le double jeu, il évolue lentement, mais sûrement. Il
n’est certes pas l’un des premiers à entrer en dissidence,
mais il n’est pas non plus l’un des derniers.
En 1943, après avoir été décoré de
la francisque, hochet réservé aux meilleurs serviteurs
du maréchal Pétain, François Mitterrand entre
officiellement dans la Résistance à la fin de l’année,
et se rend à Londres puis à Alger. Dans ses Mémoires
de guerre, le général de Gaulle qui, dès leur
première rencontre, le juge sévèrement, lui rend
néanmoins hommage et le cite parmi ceux qui, de l’intérieur
des frontières, informaient la France libre. Le Mouvement national
des prisonniers de guerre et déportés, qu’il animait,
a été homologué, dès 1948, comme « appartenant à la
Résistance intérieure française ».
La guerre l’a transfiguré. Sa fréquentation des
communistes et des socialistes dans les camps puis dans la Résistance
a laissé des traces profondes. À la Libération,
François Mitterrand est très à gauche. Pour un
peu, il prônerait la révolution. En 1945, dans une lettre à Georges
Dayan, son meilleur ami, il écrit : « Mon idéal
est pour l’unité ouvrière et restera fidèle à sa
prise du pouvoir. »
Les années suivantes, pourtant, François Mitterrand s’en
va naviguer sans hésiter dans les eaux du centre gauche, ce
qui lui permet d’être onze fois ministre sous la IVe République.
Alors que les gouvernements valsent, il fait partie des meubles ;
c’est un cacique du système. Peut-être le serait-il
resté si l’arrivée au pouvoir du général
de Gaulle, en 1958, n’avait tout bousculé en le précipitant
dans l’opposition, c’est-à-dire la gauche.
Comprenant les effets du nouveau mode de scrutin institué par
le référendum d’octobre 1962 et qu’il avait
combattu, François Mitterrand n’a guère attendu
le moment de devenir, devant le suffrage universel, le représentant
de la gauche contre le général de Gaulle, à l’élection
présidentielle de 1965. Dès lors, tout s’est enchaîné et,
après avoir conquis le Parti socialiste au congrès d’Épinay,
en 1971, il est rapidement apparu comme le chef d’une opposition
qu’il allait en dix ans porter au pouvoir .
La gauche s’est ainsi donnée à un esthète
du pouvoir, qui n’était jamais dénué d’orgueil
et préférait s’édifier un destin personnel
plutôt que d’incarner une volonté collective. C’est
ce qui explique en partie le désenchantement qui apparut, chez
ses anciens fidèles, au couchant de son règne.
Le bilan des deux septennats (1981-1995) n’aura pourtant pas été négatif
pour la gauche. L’ancien président l’a réconciliée
avec l’économie de marché. Il lui a fait partager
un engagement européen dont la sincérité ne pouvait être
mise en doute. Alors qu’elle n’avait fait jusque-là que
passer dans l’histoire de France, il lui a donné la durée
et lui a appris à gérer.
François Mitterrand a finalement éteint les braises de
la Révolution de 1789, mis un terme à ce qu’on
appelait l’« exception française » et
pacifié le pays en l’habituant à l’alternance.Avec
lui les Français ont appris que la démocratie a besoin
de deux jambes pour avancer ; une droite et une gauche.
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1995 - 2007
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JACQUES CHIRAC
Né à Paris le 29 novembre
1932
Fils d’un dirigeant de société aéronautique,
Jacques Chirac est né à Paris, mais ses racines sont
corréziennes par son grand-père instituteur. C’est
en Corrèze qu’il passe la guerre, et c’est là que
débutera sa carrière politique.
Diplômé de l’Institut d’études politiques
et de la Summer School de Harvard, il envisage une carrière
militaire après avoir accompli son service militaire en Algérie
comme lieutenant. « La période la plus passionnante
de mon existence », expliquera-t-il plus tard. Mais il préfère
quand même entrer à l’École nationale d’administration,
où il avait été admis avant son départ
en Algérie.
Entré en 1959 à la Cour des comptes, il s’intéresse
très vite à la politique et rejoint le cabinet de Georges
Pompidou, alors Premier ministre, dès 1962. Son efficacité le
fait remarquer par le Premier ministre qui l’appelle « mon
bull-dozer ». Conseiller référendaire à la
Cour des comptes en 1965, il affronte le corps électoral en
1967 avec les « jeunes loups » pompidoliens qui
se lancent à l’assaut du Massif central. Élu de
la Corrèze, dans l’ancien fief d’Henri Queuille,
il ne siège que deux mois à l’Assemblée
nationale, car commence pour lui, à trente-cinq ans, une longue
carrière ministérielle.
Successivement secrétaire d’État aux Affaires sociales
chargé de l’Emploi (1967-1968), secrétaire d’État à l’Économie
et aux Finances (1968-1971) , ministre délégué auprès
du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
(1971-1972), ministre de l’Agriculture et du développement
rural (1972-1974), il est, à la mort de Georges Pompidou, ministre
de l’Intérieur. Il s’oppose alors à la candidature
de Jacques Chaban-Delmas avec quarante-trois parlementaires gaullistes
et favorise l’élection de Valéry Giscard d’Estaing.
Nommé Premier ministre au début du nouveau septennat,
il ne tarde pas à prendre le contrôle de l’U.D.R.,
dont il devient secrétaire général (1974-1975).
Peu à peu ses relations avec le président de la République
se détériorent jusqu’à sa démission,
le 25 août 1976, qui constitue une première dans l’histoire
institutionnelle de la Ve République.
Réélu député de Corrèze, Jacques
Chirac entreprend de construire un nouveau parti qui succédera à l’U.D.R.
C’est en tant que président du Rassemblement pour la République
(R.P.R.) qu’il affronte, en 1977, le candidat giscardien, Michel
d’Ornano, aux élections municipales à Paris et
l’emporte . Le maire de Paris et député de la Corrèze
multiplie les gestes de défiance à l’égard
de son successeur à l’hôtel Matignon, Raymond Barre,
et à l’égard du président de la République.
Candidat à l’élection présidentielle de
1981, il recueille 17,99 % des voix. « À titre
personnel », Jacques Chirac annonce qu’il votera pour
Giscard d’Estaing au second tour. Mais les critiques répétées
contre le président sortant ne sont pas oubliées pour
autant par l’électorat chiraquien. François Mitterrand
est élu président de la République le 10 mai 1981.
Tout de suite, Jacques Chirac veut apparaître comme un adversaire
résolu du nouveau pouvoir socialiste et comme un recours. Il
lui faut, à la fois, continuer d’ancrer le R.P.R. dans
la vie politique française et marginaliser Raymond Barre. Sa
nouvelle image, plus posée, et l’évolution de la
situation politique font de lui, dans les sondages, un président
de la République en puissance. Il a désormais pour mentor Édouard
Balladur, qui a pris auprès de lui la place de Pierre Juillet
et de Marie-France Garaud.
Vainqueur, avec le R.P.R. allié à l’U.D.F., des élections
législatives de 1986, Jacques Chirac accepte de retourner à Matignon.
Mais la « cohabitation » avec François
Mitterrand tournera nettement en faveur du président sortant
qui, en 1988, voit son mandat renouvelé pour sept ans. Pour
Jacques Chirac, qui n’a obtenu que 46 % des voix au second
tour, les années qui suivent ne seront exemptes ni de doutes
ni d’obstacles. Il lui faudra affronter, au sein de son parti,
la fronde des rénovateurs (1989), puis celle de Charles Pasqua
et de Philippe Séguin (1990). À l’approche de la
première échéance importante, celle des élections
législatives de 1993, le débat national sur la ratification
du traité de Maastricht va le remettre en selle. Le succès
du oui au référendum est une victoire personnelle pour
Chirac, qui s’est engagé vigoureusement dans la campagne
et a réussi à maintenir l’unité d’un
R.P.R. majoritairement favorable au non.
En 1993, il ne renouvelle pas l’expérience de 1986 et
laisse à Édouard Balladur la tâche de gérer à Matignon
la seconde cohabitation. Lui-même se réserve pour l’élection
présidentielle de 1995. Ce choix tactique manquera de lui être
fatal, car la rivalité sera bientôt vive entre les deux « amis
de trente ans ». Longtemps, Édouard Balladur jouira
d’un pourcentage impressionnant d’opinions favorables et
distancera Jacques Chirac dans les intentions de vote. Seuls quelques
fidèles, dont Alain Juppé, croient encore en ses chances à la
fin de l’année 1994, qui voit Charles Pasqua tenter de
faire accepter aux responsables de la droite le principe d’une « primaire » à l’américaine.
Relancé par le renoncement de Jacques Delors à porter
les espoirs de la gauche, Jacques Chirac va refaire le terrain perdu à la
faveur d’une campagne impressionnante. Il ne devancera pourtant
que de justesse Édouard Balladur à l’issue du premier
tour de scrutin, avant de s’imposer à son adversaire socialiste,
Lionel Jospin, le 7 mai 1995. Comme pour son prédécesseur,
la troisième tentative aura été la bonne.
À
la différence de François Mitterrand, toutefois, le nouveau
président ne profitera guère de l’« état
de grâce » qui prolonge dans l’opinion la victoire électorale.
Faut-il s’en étonner ? En fait, Jacques Chirac n’a
que peu amélioré au premier tour du scrutin de 1995 ses
scores de 1981 et de 1988, et l’élection présidentielle
elle-même a, de façon générale, exprimé la
réserve des Français à l’égard de
la politique. On attendait pourtant du nouveau président, qui
avait mené campagne sur le thème de la résorption
de la « fracture sociale », l’affirmation
rapide d’un projet et d’un style forts, porteurs de changement.
C’est au contraire dans la durée longue que, au risque
de se voir taxé d’immobilisme, Jacques Chirac, élu
pour sept ans, libre de toute concurrence nationale, dégagé des
mandats qui avaient si longtemps constitué son image (la mairie
de Paris échoit à Jean Tiberi, la présidence du
R.P.R. à Alain Juppé dans un premier temps), choisit
d’inscrire son action. Atteint dès l’automne de
1995 par l’impopularité du Premier ministre Alain Juppé,
qu’il soutient sans réserve, il tente et perd, au printemps
de 1997, le pari risqué de relancer la majorité en provoquant
des élections législatives anticipées. Deux ans
après son entrée à l’Élysée,
il doit charger son rival socialiste Lionel Jospin de former le gouvernement
et entamer avec lui, en reflet inversé des années 1986-1988,
la troisième « cohabitation » de la Ve
République. Fort d’une popularité constante en
dépit des différentes « affaires » où son
nom est cité, Jacques Chirac est devenu, à partir de
la fin des années 1990, le véritable chef de l’opposition
en raison de la désunion de la droite et est candidat à sa
propre succession pour l’élection présidentielle
de 2002.
Bien qu’arrivé en tête du premier tour devant le
candidat du Front national (16,86 %) et celui du Parti socialiste
(16,18 %), il réalise le plus mauvais score jamais
obtenu par un président sortant (19,88%). Entre les
deux tours, le résultat de Jean-Marie Le Pen entraîne à travers
le pays une mobilisation massive contre la montée de l’extrême
droite. Fort du soutien de l’ensemble des forces attachées
aux valeurs de la République, Jacques Chirac est réélu,
le 5 mai 2002, avec 82,21 % des suffrages exprimés
contre 17,79 % pour son adversaire. La nette victoire de
la droite aux législatives de juin, due notamment à la
transformation du R.P.R. en un grand parti, l’Union pour la majorité présidentielle
(U.M.P.), intégrant également les partis non gaullistes
et destiné à soutenir l’action de Jacques Chirac,
donne à celui-ci une confortable majorité pour gouverner.
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