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Le temps des Celtes et des Romains Avant l’arrivée des Romains, la Grande-Bretagne n’est pas véritablement
entrée dans l’histoire : il appartient aux archéologues
d’aujourd’hui de compléter les renseignements prodigués par
les conquérants et leurs successeurs. On a clairement établi
que l’Angleterre avait connu une préhistoire très riche,
dont les phases sont en partie liées à la venue de groupes
plus ou moins nombreux d’immigrants du continent. D’audacieuses extrapolations
ont fixé à quelques milliers le nombre des hommes à l’âge
paléolithique, à une vingtaine de mille celui des Britanniques
du Néolithique, à une large « fourchette » de
cinquante à cinq cent mille la population à l’âge du
fer. On a mis en évidence l’existence de peuples de chasseurs et
de nomades il y a quelque quatorze mille ans, reconnu la naissance de l’agriculture
près de quatre mille ans avant notre ère, souligné l’importance
de premiers établissements dans le Sud-Ouest, en Cornouailles et
dans le Wiltshire, étudié les strates successives du site
majeur de Stonehenge , dans ce dernier comté, depuis trois mille
ans avant J.-C. jusqu’à l’arrivée des Romains, et fait apparaître
la diversité des civilisations révélées par
les coutumes funéraires et les objets dans les tombes. Le Moyen Âge britannique
Jusqu’en
1066, la Grande-Bretagne est une proie offerte à la tentation
d’envahisseurs successifs et une entité qui ne découvre que rarement
son unité. Jutes, Angles et Saxons, entre les Ve et VIIe siècles,
ont ruiné l’œuvre romaine, anéanti la première christianisation,
transformé les villes en déserts, refoulé vers l’ouest et
le nord montagneux les restes de civilisation celtique. Cela malgré la
vigueur de résistances locales, dont témoigne la légende
d’Arthur, qui concerne la fin du Ve et le début du VIe siècle. À partir
du début du IXe siècle, les Vikings prennent le relais et,
après des incursions de pillards, occupent des établissements permanents
sur la côte orientale, ici encore en dépit de résistances
héroïques, dont le règne d’Alfred le Grand, entre 871 et 899,
a été le théâtre le plus remarquable. En 1016, un
souverain nordique, Canut, unifie Angleterre, Danemark et Norvège dans
un grand ensemble qui suscite aujourd’hui les nostalgies de certains nationalistes écossais ! À partir
de 1042, la rivalité est permanente entre ducs français
de Normandie et rois scandinaves.
Vainqueur à Hastings, en
1066, d’un autre prétendant, Harold de
Wessex, lui-même tout juste victorieux de Harold Hardrada
de Norvège,
Guillaume le Conquérant succède au dernier
roi saxon, Édouard
le Confesseur. Il a réussi la dernière invasion
du sol britannique de l’histoire, et son expédition
est immortalisée par la tapisserie
de Bayeux. Les Normands apportent avec eux un système
féodal qui
a atteint, en Normandie plus tôt qu’ailleurs, une
perfection. La nouvelle pyramide du pouvoir, qui court
du vassal au seigneur jusqu’au suzerain suprême,
le roi lui-même, est édifiée au bénéfice
des compagnons du Conquérant, aux dépens
de l’aristocratie indigène
qui s’est révélée rétive. De
là la naissance
d’un « joug normand » qui a nourri
les idéologies,
en particulier lorsque le XVIIe siècle invente la
thèse de l’écrasement
des vieilles « libertés saxonnes » et
de leur lente restauration par l’effort du peuple, des
juristes et du Parlement...
Qui, alors, était un noble ? Les débuts des Temps modernes Les Tudors, qui règnent sur l’Angleterre de 1485 à 1603, ont justement donné leur nom dynastique au début des Temps modernes, que, souverains exceptionnels, ils ont marqués de leur personnalité en même temps qu’ils en ont opportunément incarné les aspirations.
Leur chance a été de régner dans une époque exceptionnellement
favorisée par une série de facteurs positifs. Après les
pestes, et avec la menace chronique de l’épidémie, la population
se relève progressivement, et l’Angleterre passe de moins de trois millions à plus
de quatre millions d’habitants au cours du XVIe siècle. À l’inflation
toute relative des hommes s’ajoute, surtout après 1540, celle des espèces
monétaires que le commerce mais aussi la guerre de course font passer
d’Espagne et du Portugal vers les îles Britanniques : elle favorise
les échanges, stimule la production et, promettant plus de profits, encourage
tous les producteurs au moment même où ils peuvent compter sur plus
de bras. Les conditions climatiques générales s’améliorent
aussi, écartant, jusqu’à la mauvaise décennie de 1590, la
peur de la véritable famine. La demande extérieure en produits
métalliques et en laine semi-travaillée ou en lainages de qualité s’additionne à la
poussée de consommation interne, par ailleurs liée, comme partout
en Europe, aux nouveaux goûts de luxe de l’élite sociale. Les désordres
civils n’ont jamais atteint les proportions des guerres religieuses dans l’Empire
germanique ou en France, aucune invasion étrangère n’a été possible.
Des phénomènes d’ordre spirituel ont peut-être contribué à la
prospérité : on est parfois tenté de lier éthique
protestante et esprit capitaliste, individualisme religieux et capacité d’initiative
dans le domaine économique, exaltation de la valeur travail, réhabilitation
du profit et levée des interdits sur les taux excessifs d’intérêt ;
qu’on suive ce type de raisonnement ou qu’on lie au contraire le succès
des idées de réforme à un changement préalable de
la société, le fait demeure qu’une bourgeoisie de marchands, de
fabricants, d’armateurs, d’hommes de loi, à laquelle correspondent, dans
les campagnes, la gentry et le groupe des petits propriétaires,
les yeomen, a su saisir les occasions et
participer aux mutations.
Rien
n’annonce l’âge des réformes sous Henri VII ou dans les
premières décennies du règne de Henri VIII , monté sur
le trône en 1509. Au contraire, ces souverains ont lutté contre
les héritiers des lollards et contre les thèses luthériennes,
au moment où elles se sont propagées en provenance du continent :
Henri VIII les a personnellement réfutées dans un écrit
qui lui vaut en 1521, du pape Léon X, le titre de « défenseur
de la foi » toujours présent dans la titulature royale depuis
lors. Humanistes étrangers, comme Érasme, ou anglais, comme John Colet
et surtout Thomas More, auteur de l’Utopie, en 1516, dénoncent des
imperfections et des abus, mais espèrent une réforme au sein de
l’Église romaine ; on reproche davantage à l’Église
son mode de vie, les abus de ses princes, que les insuffisances de sa théologie.
Tout bascule en fait avec l’affaire du divorce : Henri VIII veut se
séparer de Catherine d’Aragon , non pas seulement par lubricité,
mais surtout parce qu’elle ne lui a pas donné de fils et ne peut plus
en espérer ; il souhaite se remarier avec Anne Boleyn. Le refus
de Clément VII s’explique par sa peur de représailles de Charles Quint,
neveu de Catherine, dont les troupes ont déjà pillé Rome
en 1527 : le pape n’accepte pas le prétexte canoniquement acceptable
du mariage de Henri VIII avec la veuve de son frère Arthur (en 1509 !).
Une guerre de théologiens et de juristes débouche sur une stratégie
d’intimidation, qui devant l’obstination pontificale se transforme en une série
de gestes définitifs. En 1531-1532, le roi s’impose à la tête
de l’Église d’Angleterre et obtient la « soumission du clergé » ;
le 23 mai 1533 le divorce du roi est prononcé en Angleterre, ce qui
aboutit en juillet à l’excommunication de Henri, et, en 1534, l’Acte de
suprématie fait du souverain le chef de l’Église. Peu osent résister, à la
notable exception de l’ancien chancelier Thomas More et de l’évêque
John Fisher, exécutés en 1535 et ultérieurement béatifiés
par Rome.
Ce trône est apparu singulièrement consolidé par une succession
de grandes transformations politico-administratives que d’aucuns n’hésitent
pas à qualifier de révolutionnaires. On a eu tendance, dans les
années 1980, à mettre davantage l’accent sur la continuité des
changements et leur complémentarité, et on a nié qu’une
période quelconque, en particulier le règne d’Élisabeth
, ait connu une rupture décisive avec les orientations antérieures.
Le grand paradoxe de l’époque réside dans la consolidation considérable
de la monarchie en même temps que dans la sauvegarde décisive de
l’institution parlementaire, dans un respect affirmé de larges pouvoirs
des notables locaux. Équilibre miraculeux qui, à lui seul, justifie
l’admiration de la postérité... d’autant plus qu’il survient après
les désordres du XVe siècle et avant l’âge des révolutions ! Le siècle des révolutions L’ère des Stuarts est celle du « siècle des révolutions ». Dans un XVIIe siècle généralement assombri en Europe, l’Angleterre n’a pas connu les misères de l’Empire germanique, ni le destin en dents de scie de la France. On termine au contraire sur un apogée. Mais les Anglais acquièrent alors la réputation du peuple le plus remuant et le plus sanguinaire du Vieux Continent.
Les deux
premiers
Stuarts,
Jacques Ier, de 1603 à 1625, Charles Ier,
son fils et successeur, qui périt sur l’échafaud en 1649, ont uni,
en leur personne, les trois royaumes d’Irlande, d’Écosse et d’Angleterre.
Ils ont été des souverains désireux d’absolutisme et persuadés
qu’ils devaient, paternellement, guider leurs sujets dans la politique comme
dans l’accomplissement de leurs devoirs religieux. Ils ont échoué à collaborer
avec des Parlements dont la docilité est devenue de plus en plus incertaine,
au point de persuader Charles Ier de ne plus en convoquer entre 1629 et
1640 (la « tyrannie de onze ans »). Lors des sessions, à l’affirmation
hautaine de la prérogative royale (comme en 1610), les parlementaires
répondent par une mauvaise volonté évidente à voter
des impôts, allant en 1625 jusqu’à dénier à Charles Ier
la possibilité de lever librement des droits de douanes sa vie durant,
et par l’affirmation de droits : ainsi en 1628, la pétition du Droit,
en six articles dus surtout à la plume de John Pym, revendique l’habeas
corpus et, pour les députés et lords, le privilège d’autoriser
levée et logement des gens de guerre et de voter les taxes fiscales. Depuis
1616, due au juriste Edward Coke, la théorie du « joug
normand » fait des libertés une reconquête de droits
saxons qu’aucun souverain ne devrait altérer et que devraient protéger
tribunaux et Parlement. Impliquée dans ce conflit d’autorité, qui
a ses prolongements dans l’administration locale, toute une élite sociale,
de la gentry et de la bourgeoisie, se retrouve souvent contre le roi, dont la
politique économique et sociale est loin de gagner l’approbation des propriétaires
(paternalisme contre les enclosures, faiblesse des ambitions coloniales, distribution-vente
de monopoles, de titres, d’offices sans justification). Certains conflits sont
hautement symboliques : ainsi la résistance à l’impôt
illégal quand, en 1635, le ship-money, taxe destinée à équiper
la flotte de guerre, est étendu arbitrairement de quelques ports et régions
maritimes à tout le royaume ; John Hampden, ancien député,
gentleman, se laisse traîner en justice en 1637 plutôt
que de
payer.
Sortant
de
ces
tensions,
la
Grande
Rébellion naît immédiatement
de la nécessité pour Charles Ier de répondre à la
révolte de l’Écosse par l’appel à un Parlement censé lui
voter les subsides nécessaires. En 1640, le « Court Parlement »,
réuni le 13 avril, est dissous dès le 5 mai ; le
3 novembre, on est obligé de réunir un nouveau Parlement auquel
sa longévité fait donner par l’histoire le surnom de « Long ».
Au fil des années, le conflit s’étoffe d’idéologies et de
mouvements inédits. Jusqu’en janvier 1642, l’affrontement est pacifique.
Le Parlement obtient l’exécution de Strafford, l’arrestation de Laud,
deux des principaux conseillers du roi, la suppression de la Chambre étoilée
et de la Haute Commission, des conseils régionaux, du ship-money. Mais,
en présentant à Charles, le 1er décembre 1641, la Grande
Remontrance, exposé de griefs et exigence d’un contrôle sur l’exécutif,
il rend la rupture inévitable : le 5 janvier suivant, Charles
tente de faire arrêter cinq députés, dont Pym et Hampden ;
ils s’enfuient dans la Cité, qui se révolte et contraint le roi à abandonner
sa capitale et à se réfugier à Oxford.
Avec Charles II de 1660 à 1685, puis avec son frère Jacques II
d’York, la Restauration brise le carcan de l’ordre moral antérieur et
rétablit rapidement le monopole anglican en Angleterre. Les discriminations
frappent à nouveau les « non-conformistes », par
ailleurs victimes d’une législation dirigée, en 1673 et en 1678,
contre les catholiques : les lois du Test interdisent toute fonction publique, élective,
parlementaire à celui qui n’aurait pas communié dans l’Église
nationale. De même que la loi de 1661 sur les corporations (municipales)
avait auparavant interdit l’exercice d’une fonction municipale aux non-anglicans.
Charles II, prudent, essaye de faire bon ménage avec un Parlement
qui est, un temps, plus royaliste que le roi (Parlement cavalier de 1661), mais
se heurte de plus en plus fréquemment à lui : le conflit dit
de l’exclusion voit un parti nouveau, les whigs, tenter de faire exclure le catholique
Jacques d’York de la succession et, venant après le vote de l’habeas
corpus en 1679, cette lutte convainc le roi de ne plus en réunir entre
1681 et 1685. La politique extérieure de Charles lui attire d’autres ennemis,
car il est personnellement le client de Louis XIV, et il hésite toujours à prendre
franchement parti contre la France, en particulier lors des guerres de Hollande ;
il a revendu à la France, dès
1662, Dunkerque,
acquise par
Cromwell en
1658.
La « Glorieuse Révolution » naît d’une conspiration d’aristocrates et d’évêques, de leur appel à un prince étranger, Guillaume d’Orange, gendre de Jacques, qui débarque ses troupes à Torbay, dans le Devon, le 7 novembre 1688, et de la prompte désertion de la plupart des soutiens escomptés du roi. Celui-ci, arrêté, s’enfuit en France, laissant le champ libre à Guillaume : on convoque (illégalement) un Parlement, qui assimile le départ de Jacques à une abdication, adopte une Déclaration des droits qui devient le fondement de la séparation des pouvoirs exécutif et législatif, proclame Guillaume (III) et Marie (II) roi et reine d’Angleterre à égalité de pouvoirs (23 février) et résout le problème religieux par l’Acte de tolérance, conférant aux seuls protestants la liberté de culte... tout en maintenant les lois du Test et la loi sur les corporations. Courte et peu sanglante, la révolution est d’autant plus populaire dans la mémoire anglaise qu’elle a eu un idéologue de génie en John Locke, qui définit en 1690 les théories du contrat, de la souveraineté populaire, des droits naturels des hommes. Seule l’Irlande, où les « jacobites » trouvent un terrain favorable, est en marge : la guerre y sévit en 1690-1691 et Guillaume doit y remporter les victoires décisives de Londonderry et de la Boyne avant d’imposer le traité de Limerick, tous événements aujourd’hui encore commémorés de manière opposée par les communautés catholiques et protestantes de l’île d’Érin. La révolution est aussi glorieuse parce qu’elle ouvre une période de plus de vingt ans d’expansion et de grandeur internationale.
Le
temps des
Stuarts est
encore, en
effet, celui
de Marie
(morte en
1694), de
Guillaume, qui
lui survit
jusqu’en 1702,
d’Anne,
jusqu’en
1714. Sous
leur règne,
les libertés anglaises se consolident (loi de 1693 pour la convocation
obligatoire d’un nouveau Parlement tous les trois ans au moins ; Acte d’établissement
de 1701 exigeant un souverain protestant sur le trône), l’union avec l’Écosse
est réalisée par l’Acte de 1707. Whigs et tories se disputent tour à tour
le pouvoir, mais les luttes se déroulent davantage entre les clans familiaux
qu’entre des partis organisés. L’ombre de Jacques II et de ses successeurs
plane, faisant soupçonner à plusieurs reprises les tories de sympathies
jacobites. Mais, au temps des guerres, ce sont tantôt les intérêts
marchands, favorables à l’expansion maritime, tantôt les plaintes
des propriétaires du sol, victimes de l’effort fiscal et plus pacifistes,
qui dominent. L’attachement des tories à la prérogative royale
leur vaut des faveurs et un pouvoir que les whigs, pourtant partisans des libertés
et de la tolérance, se voient dénier en raison aussi de leurs ambitions
personnelles et de leur avidité. Les grandes victoires sur Louis XIV
et Philippe V d’Espagne, en particulier celles de Marlborough sous la reine
Anne, les conquêtes et acquisitions coloniales (dont Gibraltar) et, en
1713, le victorieux traité d’Utrecht, qui donne à l’Angleterre
d’immenses avantages dans l’Amérique espagnole, valent une popularité considérable à la
monarchie. Le XVIIIe siècle Le XVIIIe siècle ne constitue pas une unité et son étude est à prolonger jusqu’au début des années 1830, moment de l’achèvement d’une première phase de la révolution industrielle et, en 1832, de la grande réforme parlementaire.
Le
régime politique demeure relativement stable de 1714, date de l’avènement
des Hanovre en vertu de l’Acte d’établissement de 1701, à cette
victoire relative du courant « radical ». Entre-temps,
les évolutions ont été « silencieuses »,
bien
que
souvent
importantes.
L’héritage des mutations économiques décisives compte davantage
que les luttes politiques. À la révolution commerciale qui se poursuit,
gonflée par les succès coloniaux, s’en ajoutent d’autres. La révolution
agricole, née dans le Norfolk des années 1730 et 1740, ne se limite
pas aux enclosures accélérées et à l’adoption de
multiples plantes nouvelles qui viennent diversifier les méthodes d’assolement ;
elle voit aussi mettre en culture des friches, enrichir des sols par le marnage
et le chaulage, rénover l’élevage par le recours à l’alimentation
en étable, le croisement des espèces, la qualité des soins ;
elle permet d’énormes gains de production et de productivité et
enrichit les classes foncières tout en procurant un emploi à de
nombreux journaliers qui, privés par ailleurs de lopins de terre, sont
requis pour la plantation de clôtures, la réfection des chemins
vicinaux et bien d’autres travaux domestiques. L’agronomie brille d’un vif éclat,
illustrée par Arthur Young à la fin du siècle. Une révolution
des transports est liée à la construction de nombreuses routes à péage,
dès les années 1740, et, entre 1760 et 1790 notamment, par la « fièvre
des canaux » : la voie d’eau permet désormais des convois
lourds et bon marché. Partout main-d’œuvre et consommateurs se multiplient
sous l’effet de la révolution démographique : la moindre mortalité,
alors que les taux de natalité sont encore forts, porte la population
anglo-galloise de six à neuf millions d’habitants entre 1750 et 1790, à près
de quatorze millions en 1831 date du troisième recensement depuis 1801,
et cette croissance a, dès 1798, inquiété fortement Malthus,
auteur de l’Essai sur la population. La révolution industrielle est la
fille de la machine et de l’utilisation du charbon de terre dans l’industrie
métallurgique comme pour la production de la vapeur (premier brevet de
James Watt en 1769, première application de la machine à vapeur à une
machine industrielle en 1786-1789) ; surtout, elle doit tout, au début, à l’introduction
massive du coton dans le textile et à l’invention de machines à filer
et à tisser. Elle se développe dans les contrées de l’Ouest
et du Nord, autour de Liverpool et de Manchester, dans le Lancashire ; à proximité de
Glasgow aussi : par exemple, dans la localité de New Lanark,
où David Dale et son gendre Robert Owen deviennent les pionniers
d’une industrie cotonnière moderne et d’un paternalisme exemplaire, avant
le glissement progressif d’Owen, dans le cours des années 1820, vers le
socialisme, dont il devient le seul grand prophète britannique de l’époque.
Colonisation
et
guerres
ont
nourri
la
puissance économique comme elles
en ont retiré les plus gros avantages. Une longue période de pacifisme
au temps de Robert Walpole a été suivie de guerres répétées,
en particulier contre la France. Le traité de Paris de 1763 vaut à la
Grande-Bretagne les droits essentiels sur le Canada et l’Inde ; le premier
empire colonial subit la tempête de la sécession américaine,
consacrée à Versailles en 1783 , mais les possessions extérieures
demeurent nombreuses et elles s’accroissent au cours des guerres contre la Révolution
et l’Empire. Des bases essentielles comme Malte sont alors acquises. Surtout,
de même qu’elle sait tirer bien des richesses et trouver des marchés
dans ses colonies, qu’elle ruine l’industrie du coton en Inde au profit de la
sienne, l’Angleterre développe son commerce mondial avec des pays indépendants.
Elle conserve ses liens économiques avec les jeunes États-Unis,
inonde l’Europe centrale et orientale de ses productions, satellise en partie
l’Empire ottoman, bénéficie du marché de l’empire portugais,
favorise les révolutions latino-américaines et s’ouvre tout grands
les marchés de l’Amérique espagnole devenue indépendante.
Les guerres « françaises » suscitent des pertes,
en partie liées à la guerre de course ; le blocus continental
décrété par Napoléon Ier en 1806 manque de jeter
le Royaume-Uni à genoux vers 1811-1813 ; mais les dépenses
militaires sont aussi l’occasion de nouveaux développements et l’aide
aux alliés prend souvent la forme de l’expédition de lettres de
change qui valent des commandes à l’industrie britannique. Il n’est jusqu’à l’agriculture
qui prospère dans les premières années du XIXe siècle,
avec des prix records pour ses produits : dans son cas, la défaite
de la France, la reprise des importations, même limitées par le
jeu des « lois sur le blé » ultraprotectionnistes,
la ruine de fermiers, qui avaient accepté des baux trop coûteux
et connaissent les effets de la déflation monétaire, renversent
la tendance à partir de 1816 ; elles font de William Cobbett, à l’occasion
de ses tournées à cheval dans le pays (Rural Rides) l’observateur
génial du désastre dans les années qui précèdent
la crise de 1830 et la dernière grande révolte des campagnes. La
gloire des armes, après une guerre quasi ininterrompue de 1793 à 1815
(la paix d’Amiens de 1802 n’a procuré qu’un très bref répit),
a été celle de la flotte, victorieuse à Aboukir et à Trafalgar,
avec Nelson, et qui passe désormais pour invincible ; elle a été aussi
celle des troupes terrestres qui ont brillé dans la péninsule Ibérique
avant d’infliger à l’empereur des Français, sous le commandement
de Wellington, sa dernière défaite à Waterloo. Au congrès
de Vienne de 1815, qui refait la carte de l’Europe, l’Anglais R. S. Castlereagh
a joué un rôle décisif. Ensuite, un temps empêtrée
dans une Sainte-Alliance qui est un « jouet sonore et creux »,
plus longtemps fidèle à la quadruple alliance (contre la France)
et à la quintuple (la France y adhérant en 1818) pour contenir
toute nouvelle menace révolutionnaire en Europe, la Grande-Bretagne peut
s’autoriser, à la fin des années 1820, un isolement progressif,
riche de menaces pour tous et dénué d’engagements contraignants.
Soucieuse surtout de l’équilibre des puissances, laissant à Metter
Si le rayonnement intellectuel est très réel, il n’a pas toujours été à la mesure des succès politiques et économiques. Il a pourtant été lui aussi particulièrement impressionnant. D’abord parce que la philosophie des Lumières est largement venue du Nord, s’est parfois propagée directement d’Angleterre vers la Suède et la Russie, a imprégné la pensée de Français qui, à l’instar de Voltaire ou de Montesquieu, ont trouvé en Grande-Bretagne modèles et exemples. De Locke à Hume, à Priestley, à Burke, nombre d’idéologues ont pesé d’un grand poids, avant que Jeremie Bentham, prophète de l’utilitarisme et du libéralisme politique, assume sur le terrain de la morale et du droit public la fonction occupée par Adam Smith, Malthus, Ricardo, Owen dans le domaine de la pensée sociale et économique. Aux frontières de la littérature et de la pensée morale, les grands satiristes du début du XVIIIe siècle, Jonathan Swift, Joseph Addison, Daniel Defoe avant Samuel Johnson et Samuel Richardson au milieu du siècle ; l’histoire, illustrée par Edward Gibbon et son essai sur la décadence de l’Empire romain ; le théâtre d’Oliver Goldsmith, de R. B. Sheridan ; la musique, qui sait adopter G. F. Haendel ; la peinture qui brille de son plus vif éclat avec Thomas Gainsborough, Joshua Reynolds, John Constable, William Hogarth, ce dernier en même temps chef de file d’une école extraordinaire de caricaturistes de génie ; ajoutons tant de poètes qui mènent peu à peu au romantisme des Wordsworth, Burns, Blake ou Coleridge ! S’il est impossible de citer tous les noms, la preuve est faite que le dessèchement avéré des études universitaires, la décadence des anciennes écoles, compensée parfois par l’éclat de certains centres dont des « Académies » puritaines, ne doivent pas amener à conclure à un lien quelconque entre capitalisme croissant et barbarie nouvelle. L’éclat de la réflexion religieuse prouverait à lui seul le contraire : le XVIIIe siècle, à partir de 1739, est celui d’un renouveau religieux conduit par John Wesley : l’« inventeur » du méthodisme se situe longtemps, jusqu’en 1787, à l’intérieur de l’anglicanisme, mais suscite de toute manière, dans l’Église officielle, le courant évangélique, attaché à la lettre des Écritures et ouvert cependant à une chaleur et à une communication infiniment plus développées qu’auparavant. Le méthodisme de son côté, marqué après la mort de Wesley, en 1791, par nombre de schismes, s’enrichit globalement de la constance de tels renouvellements, et passe pour avoir sauvé le peuple de la déchristianisation précoce, peut-être même d’avoir permis « un nouveau pouvoir de la croix » et évité à la Grande-Bretagne les affres révolutionnaires. Au minimum, enrichi par l’essor même du revenu des dîmes et de la rente foncière, le clergé anglican est plus digne et recruté dans des milieux sociaux plus élevés qu’aux siècles précédents. Au moment de la révolution industrielle triomphante, la grandeur de Byron, la verve des romanciers « gothiques », dont Walter Scott, l’art du récit chez Mary Shelley ou Jane Austen conduisent à mettre en doute les jugements caricaturaux et pessimistes. L’époque victorienne L’époque victorienne couvre la plus grande partie du XIXe siècle.
La reine dont elle tient son nom est montée sur le trône en 1837, à l’âge
de dix-huit ans, elle est morte en janvier 1901. Mariée en 1840 à Albert
de Saxe-Cobourg, qui fournit ainsi à sa dynastie une nouvelle dénomination,
elle ne se consola jamais d’un veuvage précoce, en 1861. Parmi ses neuf
enfants, plusieurs épousèrent des princes ou princesses allemands
et russes : elle devint la « grand-mère de l’Europe » et,
plus précisément, celle de l’empereur Guillaume II après
avoir été la belle-mère de l’empereur Frédéric III.
Aimant
son
métier de reine et l’accomplissant avec une rare conscience
et aussi une jalousie certaine, après la mort de son époux, à l’encontre
de tout membre de sa famille, Victoria a su s’adapter aux exigences de son époque. À partir
de 1841 et de la chute de Melbourne, ses Premiers ministres, à commencer
par sir Robert Peel, sont choisis en fonction de la majorité au
Parlement. Affirmé peu à peu, en fonction de la discipline croissante
des partis au Parlement, et de la clarté des scrutins, le système
parlementaire de la responsabilité ministérielle s’impose. La reine
n’a pas non plus essayé de se mettre en travers de l’évolution
vers la démocratie : en 1867, le droit de vote est accordé à des
locataires de logement et non plus aux seuls propriétaires, ce qui donne à un
million d’ouvriers une arme électorale : en 1884-1885, la majorité des
hommes de vingt et un ans et plus (à l’exclusion des domestiques, des
fils de famille vivant sous le toit de leurs parents, des non-résidents)
sont admis aux urnes ; à quoi s’ajoutent les effets des réformes
locales, la loi sur les municipalités de 1835 à présent
appliquée, la loi de 1888 sur les conseils de comté élus,
d’autres mesures dans les années 1890 sur des administrations de districts
ou de paroisses. La Chambre des communes, recrutée de plus en plus selon
un système plus équitable de répartition des sièges
(on passe en 1885 à une quasi-généralisation du système
uninominal à un tour après nouveau découpage des circonscriptions),
s’impose comme la véritable représentante dans la nation, même
si les lords ne perdent encore aucun droit théorique. Des lords que la
reine « alimente » de plus en plus en nouveaux collègues
désormais recrutés, à partir des années 1880-1890,
aussi bien dans les milieux d’affaires que dans les groupes traditionnels d’anciens
militaires, fonctionnaires, hommes de loi. Les chefs de parti ont pris de l’assurance
en raison même de la qualité croissante de leurs organisations.
Les deux principaux partis sont le Parti conservateur, héritier du tory
en 1836, et le Parti libéral, qui adopte son nom en 1847 aux dépens
du whig ; ils ont longtemps été des coteries soutenues par
des clubs ou des associations locales ; ils tirent de la réforme
de 1867 la conviction qu’ils doivent se constituer en puissantes « machines »,
avec des agents professionnels et des sections locales disciplinées. Les
Premiers ministres qui commandent ces formations sont souvent de grande valeur,
tout en ne personnalisant pas encore leur pouvoir à l’excès :
en particulier Peel, qui se suicida politiquement en soutenant, contre une partie
de ses amis conservateurs, le libre-échange en 1846 ; John Russell,
qui, de 1846 à 1852, a connu le grand choc de la famine irlandaise et
de la revendication démocratique chartiste ; H. T. Palmerston, également
libéral, maître à penser de la politique étrangère,
Premier ministre de 1855 à 1858 et de 1859 à 1865, et surtout Benjamin Disraeli
(conservateur)
et
W.
E.
Gladstone
Les
grands
problèmes qui divisent l’opinion et le Parlement ont varié.
Au départ, on peut en recenser trois à l’intérieur :
la politique économique, la réforme sociale et la question de la
démocratisation. La première est surtout celle du choix du système
douanier : aux protectionnistes invétérés, soutenus
par les « intérêts fonciers », s’opposent
les libre-échangistes de l’école de Manchester, dont Richard Cobden
est le porte-drapeau, et sa Ligue pour l’abolition des lois sur le blé l’instrument
majeur de revendication ; les partisans de la libération des échanges
en attendent l’ouverture du monde à la production industrielle britannique,
le pain bon marché pour les ouvriers, la paix entre les nations, mais,
en dépit de l’organisation du premier groupe de pression véritable
de l’histoire contemporaine, c’est à la famine irlandaise qu’ils doivent
la conversion de sir Robert Peel et l’adoption de la loi décisive
de 1846. La question sociale est posée par l’énorme misère
qui accompagne la révolution industrielle : une première loi
sur le travail des femmes et des enfants en usine, en 1833, est positive, mais
sans grand effet, et, à l’avènement de Victoria, on vit surtout
sous l’impression créée par la nouvelle loi des pauvres de 1834,
qui repose sur les principes d’uniformisation, de centralisation et de restriction
de l’assistance publique ; celle-ci devrait en principe n’être accordée
que dans des asiles, les sinistres workhouses, dont la multiplication suscite
des révoltes désespérées ; dans les années
qui suivent, on s’oriente vers un interventionnisme timide au bénéfice
toujours des femmes et des enfants avec la loi sur les mines de 1842, qui les écarte
du travail au fond, et la loi de dix heures de 1847. Cette timidité explique
pour partie l’essor du mouvement politique chartiste entre 1838 et 1848 (il survit
ensuite jusque vers 1854) : il est né de la déception provoquée
par la réforme de 1832, qui a corrigé des abus, mais réservé le
droit de vote aux seuls bourgeois... sans d’ailleurs altérer immédiatement
la domination politique des classes agricoles ; à partir de 1838,
la « Charte du peuple » représente une Constitution
idéale, prévoyant le suffrage universel des hommes de vingt et
un ans et plus, l’éligibilité de tous et l’indemnité parlementaire,
une répartition des sièges selon des principes démographiques,
l’élection annuelle d’un Parlement ; à coups de pétitions
massives en 1839, 1842 et, surtout, 1848, de meetings , mais aussi, dans l’aile
violente dominée par Feargus O’Connor et guidée par son journal,
le Northern Star, d’appels à la grève générale (1839),
de violences contre les outils de travail (1842), voire de menaces révolutionnaires
(1848), les chartistes se battent en vain ; leur combat paraît même
aux libéraux gros de la menace d’une révolution de la société,
un Parlement élu par des pauvres risquant de mener à une redistribution
de la propriété.
On
s’aperçoit dès lors des conséquences d’une décadence économique
relative après l’apogée des années 1850-1870. Le chemin
de fer prenant le relais du textile, l’industrie sidérurgique et mécanique
devenue inégalable, la Grande-Bretagne avait pris une telle avance sur
les autres que l’Exposition universelle de Londres, en 1851, la première
dans l’histoire, avait prouvé son rôle d’« atelier du
monde ». Une série de traités de libre-échange,
le plus connu étant celui de 1860 avec la France (traité Cobden-Michel-Chevalier),
avait donné un immense coup de fouet à la prospérité.
L’agriculture, encore abritée de la concurrence par les distances maritimes,
on avait connu l’impression d’aller vers l’âge d’or. Les années
qui s’écoulent à partir de 1873 ruinent les illusions d’une durable
supériorité technique : Allemagne, France, États-Unis
sont vite de redoutables concurrents, pendant que la plupart des grandes et petites
nations du continent s’ouvrent à l’ère industrielle ; sous
l’effet aussi d’une relative pénurie de moyens de paiement, provoquant
la déflation et peut-être à cause de l’esprit rentier des
héritiers des grands bourgeois d’autrefois, les marchés se rétrécissent,
l’innovation se limite aux secteurs nouveaux, le capital s’exporte à l’étranger,
où il trouve des investissements autrement plus rémunérateurs
qu’en Angleterre ; l’arrivée massive d’aliments en provenance des
pays neufs plonge l’agriculture dans une « grande dépression » et
provoque des abandons considérables de surfaces cultivées et un
exode rural précipité. Demeurée fidèle au libre-échange,
malgré les fair-traders des années 1880 et les partisans d’un système
impérial dans la décennie suivante, la Grande-Bretagne trouve de
nouveaux clients et compense en outre par l’élargissement de ses marchés
intérieurs le rétrécissement des autres : une première
société de consommation bénéficie d’une « révolution
du commerce de détail », de la naissance des chaînes
de magasins, du développement des coopératives, de la création
de nombreuses boutiques. Mais le chômage industriel est endémique
et la première place mondiale est définitivement perdue à partir
de 1890. Joseph Chamberlain, en 1903, achèvera de convaincre ses
amis de la nécessité du protectionnisme : pour leur perte !
C’est au milieu des tourmentes de l’économie qu’évolue une société également
définie par d’énormes
mutations.
La religion continue
d’apparaître comme un bon ciment de la société.
En 1851, le seul recensement de la pratique jamais tenté au monde a démontré la
déchristianisation d’une moitié de la population, parfois des trois
quarts dans les centres industriels et les grandes villes. D’énormes efforts,
constructions d’églises et de temples, évangélisation en
plein air, dont la nouvelle Armée du salut créée sous ce
nom en 1878 par l’ancien méthodiste William Booth, son premier général,
se fait une spécialité, propagande de tous les instants et partout
n’y ont rien fait. Seuls les catholiques, dont les rangs sont, pour 80 %,
alimentés d’immigrants irlandais, ont mieux résisté au choc
de la société industrielle. Mais la religiosité demeure
quand la pratique a fléchi, l’école est l’une des voies d’un endoctrinement
moral fondé sur les principes traditionnels, l’absence de tout anticléricalisme
favorise la préservation de grands fondements de la foi. Les intellectuels
sont parfois touchés par une grâce nouvelle, que favorise par exemple
le mouvement d’Oxford des années 1830, qui conduit les uns vers le retour à Rome,
d’autres vers l’« anglo-catholicisme » au sein de l’Église
d’Angleterre ; dans les vingt dernières années du siècle,
le modernisme cherche à retenir les convaincus des nouvelles thèses
scientifiques et de la critique biblique. Le conformisme religieux est toujours
le souci des élites et sa nécessité emporte
bien
des
convictions. L’Angleterre édouardienne Prolongée jusqu’en 1914 par les premières années du règne
de George V , l’Angleterre édouardienne tire son nom du bref règne
d’Édouard VII (1901-1910) . Elle correspond à la Belle Époque
en France, impression de l’après-guerre, mais qui tient aussi à la
relève, sur le trône, d’une reine vieille et moralisante par un
souverain renommé pour son goût des plaisirs et des loisirs. Ses
sujets ont de fait connu, dans le début du XXe siècle, les
joies du music-hall, alors à son apogée, l’essor des sports professionnels
de masse, l’âge premier de l’automobile et de la bicyclette, les joies
de la lecture avec l’étonnante croissance de la presse populaire à sensation, à quoi
s’ajoutent les effets sans cesse plus visibles de la révolution commerciale
interne. Sur beaucoup de points, les tendances antérieures se prolongent.
Les libéraux « radicaux » sont parvenus au pouvoir
en 1906, en partie grâce à leur foi libre-échangiste. La
démocratisation continue, marquée en 1911 par la loi sur le Parlement,
qui réduit singulièrement le pouvoir des Lords, dont le veto sur
les lois non financières n’est plus que de deux ans (un mois pour les
lois de finance) ; le même texte instaure l’indemnité parlementaire
et fixe à cinq ans la durée maximale d’une Chambre des communes.
Par contre, le Parti libéral au pouvoir refuse d’aller plus loin et, malgré les
violences des suffragettes dirigées par Emmeline Pankhurst, n’accorde
pas aux femmes l’égalité civique. Le socialisme d’État brille
de ses plus beaux feux, avec les grandes lois sur la journée de huit heures
dans les mines, sur les pensions de vieillesse et surtout, en 1911, sur les assurances
nationales dans le secteur industriel exigeant une participation croissante du
Trésor, d’où le budget « du peuple » de 1909
présenté par Lloyd George, prévoyant une modeste progressivité de
l’impôt sur le revenu (instauré en 1842) ; il est repoussé par
les lords, pour leur malheur. Ces innovations entendent satisfaire un Parti travailliste
né en 1906, encore très minoritaire, et retenir certains syndicats
sur la pente du syndicalisme révolutionnaire prôné par Tom Mann ;
sans toujours y parvenir, comme le démontrent les grandes grèves
de 1911-1913 dans les transports et les chemins de fer. L’inquiétude règne
après l’euphorie de la victoire sur les Boers de 1902. Dans un monde de
plus en plus agité de rivalités, l’heure est aux alliances, ou,
au moins, à la recherche d’accords de défense ; en 1902, on
a signé un traité avec le Japon, en 1904, en partie grâce à l’appui
d’Édouard VII, on parvient à l’Entente cordiale avec la France,
en 1907 à une réconciliation avec la Russie. L’Allemagne, avec
laquelle on a un temps cherché un rapprochement, se range de plus en plus
au rang d’adversaire principal, d’autant qu’elle contraint le Royaume-Uni à une
ruineuse course aux armements navals ; l’empire, gigantesque, paraît
plus difficile à protéger, et on évolue vers la recherche
de liens plus solidaires avec les grandes dépendances de peuplement européen :
sur le modèle
du Le siècle de la guerre totale De 1914 à 1945, la Grande-Bretagne est entrée dans l’âge de la guerre totale. La Grande Guerre avait déjà conduit au combat cinq millions de soldats, marins, aviateurs et entraîné une énorme mobilisation de main-d’œuvre et de moyens à l’intérieur ; la guerre de 1939-1945, aussi exigeante en combattants, a obligé à soumettre la population civile à des règles d’emploi et à des déplacements contraints de main-d’œuvre qui ont transformé la population active en une véritable armée du travail entre les mains d’un ministre, Ernest Bevin, qualifié de « dictateur du travail ». Les pertes humaines ont été considérables : sept cent mille tués britanniques sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale (et plus de 200 000 soldats de l’Empire) ; plus de quatre cent mille morts au combat entre 1939 et 1945. Chiffres auxquels il convient à chaque fois d’ajouter des blessés graves, succombant parfois quelque temps après, et aussi, pour apprécier l’effet démographique, le déficit des naissances entraîné par la rupture de la vie familiale et les retards au mariage non compensés ; on avait ainsi estimé à deux millions les pertes réelles en métropole de 1914-1918. Les ruines matérielles ont été fort lourdes. Le territoire britannique est relativement épargné pendant la Grande Guerre : il s’est agi alors des pertes en bateaux, du coût financier et de l’endettement, de l’épuisement de machines industrielles, de la disparition de marchés traditionnels, de l’impossibilité de récupérer certains avoirs et investissements, en particulier dans la Russie révolutionnaire. La Seconde Guerre mondiale, qui a connu les mêmes charges, leur a ajouté les énormes destructions provoquées par les bombardements et qu’on a estimées par exemple au tiers du parc des logements et à une proportion similaire des infrastructures ferroviaires ou industrielles. Appauvrissement relatif et déclin de puissance mondiale ne pouvaient que s’ensuivre, même si l’illusion impériale, dans l’entre-deux-guerres, et la victoire dans chacun des conflits ont retardé les prises de conscience. Même si, d’autre part, chaque guerre s’est accompagnée d’un énorme effort de création d’entreprises nouvelles, d’inventivité, et si on a assisté à de véritables bonds en avant technologiques dans les secteurs les plus neufs. Il convient aussi de souligner à cet endroit le traumatisme psychologique considérable, pour les individus comme pour la nation dans son entier, créé par la cruauté des événements et des deuils, et qu’a complété le désir de compensations de toutes sortes, de facilités nouvelles de vie après les guerres : d’une sécurité accrue pour les moins favorisés aux loisirs les plus diversifiés pour tous, dans un esprit de libération des mœurs et de reniement de vieilles valeurs que l’on considère dépassées.
En 1918-1919, les pessimistes sont encore rares. La famille royale, qui a adopté en 1917 le nom de Windsor, est très populaire. Au pouvoir depuis la fin de 1916, David Lloyd George est à la tête d’une coalition parlementaire et gouvernementale regroupant les conservateurs et ceux des libéraux, fidèles à sa personne, qui ne reconnaissent plus la légitimité d’Asquith. En juillet 1918, on a modifié le régime en accordant enfin le droit de vote à tous les hommes de vingt et un ans et plus, ainsi qu’aux femmes à partir de trente ans. En décembre, le nouveau corps électoral, sous l’impression de la victoire, a fait un triomphe aux bénéficiaires de l’investiture de Lloyd George (coupon elections). Celui-ci, fort de l’appui de sa nation, a négocié à Versailles les meilleures conditions possibles de paix, obtenant des dépouilles coloniales allemandes une part considérable de l’ancien Moyen-Orient ottoman, un quart des futures réparations allemandes et, au bénéfice de chacun des dominions, un siège à la Société des Nations. À l’intérieur, où le Parti travailliste s’est doté de sa « constitution » définitive, des transferts de fidélité libérale se font à son profit comme à celui des conservateurs (Churchill n’accomplit ce pas qu’en 1924). Un boom économique, bénéfique aux constructions navales notamment, dissimule la profondeur des difficultés à venir, limitées par ailleurs par la préservation quelque temps des contrôles gouvernementaux dans les mines de charbon et des prix garantis aux agriculteurs.
En
Angleterre,
comme
ailleurs,
les
années 1920 ont été des
années « folles ». Les femmes sont émancipées
dans leur comportement en société avant de recevoir, en 1928, la
pleine égalité de droits électoraux avec les hommes. Des
loisirs nouveaux pimentent la vie, ainsi le cinéma, les palais de la danse,
les grands spectacles sportifs, qui justifient par exemple la construction d’un
stade de cent mille places à Wembley en 1926. La protection sociale est étendue
par une série de lois successives, en particulier les allocations de chômage
qui, en fin de période, sont versées pendant douze mois aux ayants
droit. L’activité économique s’accélère, procurant
au pays un taux de croissance industrielle supérieur à 2 p. 100
par an en moyenne ; l’Angleterre « verte » s’industrialise :
raffineries de pétrole, usines pétrochimiques, industries électriques,
automobile y prospèrent. L’électrification des entreprises garantit
d’importants gains de productivité. La Cité retrouve son rôle
de grande place financière internationale et, en 1925, le chancelier de
l’Échiquier Winston Churchill peut faire adopter le Gold Standard
Act qui, rétablissant partiellement la convertibilité en or de
la livre, rend à la monnaie britannique sa parité d’avant guerre
avec le dollar américain. De nouvelles chaînes de magasins se développent
– ainsi Marks & Spencer à partir de 1928 –, les activités
de service sont en plein essor. La prospérité est sélective :
les grandes industries traditionnelles du charbon, des constructions navales,
des cotonnades stagnent ou périclitent, condamnant des régions
entières de l’Angleterre « noire » au marasme, conduisant
10 % de la population active, en moyenne, au chômage, semant
les ferments du désespoir dans le sud du pays de Galles, le centre de
l’Écosse, le Lancashire. Dans les campagnes, aux aristocrates et grands
propriétaires appauvris par les impôts sur le revenu et les droits
successoraux, l’euphorie des fermiers, qui leur rachètent, en six ans,
près d’un quart de l’Angleterre, le cède bientôt aux souffrances
d’un endettement excessif dans un temps de baisse des prix agricoles après
la suppression des garanties gouvernementales. Une fraction de la société ne
profite pas du développement : d’où des crises graves en 1921-1922
et surtout en mai 1926, quand une grève « nationale » ou « générale » de
neuf jours paraît mettre en péril la nation elle-même !
Dans
la
mémoire collective, les années 1930 constituent les années « sombres »,
années noires de dépression économique, de crise sociale,
de démission
internationale.
Dans
ces
conditions,
la
guerre
a
représenté un test suprême.
La Grande-Bretagne peut s’enorgueillir d’avoir résisté seule entre
l’armistice signé par le gouvernement Pétain, et appliqué le
25 juin 1940, et l’entrée en guerre de l’U.R.S.S., attaquée
par l’Allemagne un an plus tard. Les États-Unis ne participent officiellement
au conflit qu’après Pearl Harbor (7 décembre 1941). L’évacuation
de Dunkerque, parachevée les 2 et 3 juin 1940, a rassemblé la
nation dans un grand élan patriotique qu’a su incarner Churchill, devenu
Premier ministre d’un gouvernement de coalition, le 10 mai ; on a parlé de
l’« esprit de Dunkerque » pour signifier l’obligation d’une
solidarité totale dans la guerre comme dans l’avenir, une fois la paix
revenue. La bataille d’Angleterre a été gagnée grâce à la
qualité des avions britanniques et à l’héroïsme des équipages,
grâce aussi au radar et à l’erreur stratégique allemande
qui a consisté à substituer au bombardement des installations militaires
et des réseaux de communication celui de villes à terroriser .
En Afrique, en Asie, de durs revers ont précédé les renversements
décisifs, ainsi l’humiliante perte de Singapour devant les Japonais en
février 1942. Parmi les leçons les plus évidentes du
conflit : le rôle irremplaçable des États-Unis, qui,
après la loi cash and carry de 1939, ont permis aux démocraties
de s’approvisionner chez eux, après la loi « prêt-bail » de
mars 1941 ont permis au Royaume-Uni de poursuivre ses achats sans les payer,
ses caisses étant vides, et qui après leur entrée dans la
guerre ont remporté des victoires navales et terrestres décisives ;
c’est alors que naît l’esprit d’une « grande alliance » des
peuples anglo-saxons et le mythe de liens privilégiés entre Angleterre
et États-Unis. La guerre fait naître des espoirs et des programmes
pour ses lendemains, tels les deux rapports Beveridge, le plus célèbre
de 1942 sur les assurances sociales, et celui de 1944 sur « le plein-emploi
dans une société de liberté ». En 1945, vainqueur
quelque peu épuisé, le Royaume-Uni est heureux d’avoir pu compter
sur le soutien actif de l’Empire, malgré les réticences des nationalistes
hindous, les tentations d’opposition en Irak et en Égypte, la neutralité de
l’Eire. Le destin mondial d’une puissance qui a tenu sa place dans toutes les
grandes conférences, les dernières à Yalta et Potsdam (juill.-août),
paraît indiscutable à tous les responsables politiques et à la
haute
administration.
Entre
1945
et
1951,
la
première période de l’après-guerre
coïncide avec une expérience socialiste. Portés au pouvoir, à leur
grande surprise et à celle de presque tous les experts, par les élections
de juillet, les travaillistes ont bénéficié, pour la première
fois, de majorités absolues au Parlement et ont pu tenter d’appliquer
un réel programme de gauche. Le même Premier ministre, Clement Attlee,
a gouverné pendant toutes ces années, se comportant volontiers
en chef d’une équipe dont les principaux membres se sont appelés
Ernest Bevin (aux Affaires étrangères jusqu’en 1950), Aneurin Bevan
(au Logement et à la Santé dans les premières années
décisives), Hugh Dalton et Stafford Cripps (successivement aux Finances),
Herbert Morrison, Hugh Gaitskell, étoile montante et dernier
chancelier de l’Échiquier. Ils ont eu à définir la place
du pays dans le système international, à affronter la première
décolonisation, à prendre la mesure de la guerre froide à partir
de 1947-1948, tout en s’efforçant de relever les ruines, de relancer l’économie
et de réaliser des réformes économiques et sociales fondamentales.
Tâches gigantesques qu’il n’a pas toujours été facile de
concilier. Tâches menées dans le strict respect des institutions :
les seules réformes dans ce domaine ont concerné les modalités électorales
en 1948, au prix d’un accord entre les partis, et, en 1949, une nouvelle réduction
du droit de veto des lords (désormais fixé à un an pour
les lois non financières).
Entre
1951
et
1961,
les
nuages
s’accumulent
pendant
que
se
construit
pourtant
une
société de consommation promise à un bonheur que bien
des auteurs dénoncent comme illusoire. La Grande-Bretagne est revenue
sous la houlette des conservateurs. Trois Premiers ministres se succèdent :
Winston Churchill jusqu’en 1955, où il cède la place à Anthony
Eden qui, victime de l’échec de Suez et malade, doit démissionner
et trouve en Harold Macmillan, en janvier 1957, le maître d’œuvre
d’un nouveau départ. Le parti au pouvoir tire le plus grand profit de
sa sagesse : il sait adopter les grands principes de l’État providence
et continuer l’œuvre travailliste, il modère les privatisations en les
limitant aux seules entreprises de camionnage et à la sidérurgie ;
les tories bénéficient aussi du sentiment croissant de retour à la
prospérité : la reconstruction est considérée
comme achevée en 1951 ; Macmillan sait tirer l’industrie du logement
de son relatif marasme par un retour à l’initiative privée et, à partir
de 1957, par une politique de libération des loyers ; le rationnement
achève de mourir en 1954 et, avec lui, bien des contrôles administratifs ;
la croissance demeure forte malgré les à-coups infligés
par une surveillance attentive de la monnaie et une progression en dents de scie
que déterminent des phases de hausse et de baisse des taux d’intérêt
(stop and go). La consommation intérieure peut se diversifier ; on
entre dans l’âge de la diffusion de masse de l’automobile, des équipements
ménagers, de la télévision et, en 1959, le slogan électoral
du parti tory est « vous n’avez jamais été aussi bien ! » .
L’euphorie créée est souvent factice, les espoirs sont immenses
et l’optimisme certain. Les dividendes de la bonne situation socio-économique
sont tirés d’autant plus aisément que les travaillistes, éloignés
du pouvoir, connaissent de graves divisions internes : sur le réarmement
et les priorités, on connaît la dynamique campagne de Bevan et des
bévanistes contre la direction du parti ; sur l’arme atomique et
le principe d’un éventuel désarmement nucléaire unilatéral,
la gauche du mouvement se divise elle-même – Bevan est très
réticent, et les oppositions sont considérables entre 1957 et 1967 ;
la succession de Clement Attlee à la tête du parti s’est faite en
1955 au bénéfice de Hugh Gaitskell, un temps contesté par
les bévanistes avant la réconciliation plus ou moins sincère
des deux leaders en 1958. À l’extérieur, la position mondiale du
pays continue à reculer, alors même que le point de vue des dirigeants
sur la place de la Grande-Bretagne n’est pas modifié. L’Afrique peut encore être
tenue, au prix de sanglants événements au Kenya (1952-1955, guerre
des Mau-Mau) et de concessions immédiates au Ghana et au Nigeria à partir
de 1957. Le Moyen-Orient est le lieu le plus trouble : devant l’érosion
de leurs positions, les Britanniques évacuent dès 1956 les bases
de la zone de Suez (accord de 1954) et mènent une sévère
guerre économique contre l’Iran entre 1951 et 1954 pour aboutir à des
concessions majeures au nationalisme pétrolier et au partage de leur position
autrefois dominante ; le pacte de Bagdad dont ils essayent de faire l’équivalent,
sous leur égide, d’une O.T.A.N. de la région unit un temps Iran,
Irak, Turquie, mais s’écroule en 1958 avec la révolution irakienne ;
surtout, l’expédition
militaire
de
Les
années 1960 ont été celles de bien des déceptions,
mais aussi de retournements significatifs et des progrès d’une conception
humaine des relations sociales. En annonçant, au Cap, en 1961, qu’« un
vent du changement » s’était levé sur l’Afrique, Harold Macmillan
entendait mettre ses auditeurs devant l’alternative de l’abandon de l’apartheid
ou du départ d’un Commonwealth dont l’élargissement était
conditionné par le respect de la liberté et des droits de l’homme.
La neuve « République » sud-africaine est issue
de la réponse de la minorité raciale blanche. Mais l’expression « vent
du changement » fait bientôt fortune et s’applique à d’autres
aspects
de
la
politique
britannique.
En
1979,
le
Parti
conservateur
revient
au
pouvoir,
sous
la
houlette
d’un
nouveau
leader : élue en 1975 contre l’ancien Premier ministre Edward Heath,
Margaret Thatcher est vite surnommée, avant même son arrivée
au 10, Downing Street, la Dame de fer. Elle n’a connu qu’une expérience
limitée aux sommets de l’exécutif (dans le cabinet Heath de 1970-1974,
elle fut ministre de l’Éducation et de la Science). Mais c’est une femme
de caractère, et qui propose à son parti et au pays une nouvelle
approche des problèmes. Initiée par ses plus proches conseillers,
sir Keith Joseph et Geoffrey Howe, aux principes de l’école de Chicago,
disciple de l’économiste Friedrich von Hayek, politiques elle entend réagir
contre les « excès » de l’État Providence,
renoncer aux coûteux soutiens budgétaires accordés à des « canards
boiteux » de l’industrie, accepter que le « dégraissage » de
l’appareil de production entraîne une croissance provisoire du chômage,
limiter au maximum les aides sociales, lutter contre l’emprise du pouvoir syndical.
Elle dénonce le « trop d’État », et veut
restaurer le goût de l’initiative et de la responsabilité individuelles
en revenant aux notions de profit et de self-help (« aide-toi toi-même »),
et en diminuant les charges fiscales sur les hauts revenus. Convaincue de la
nécessité d’une monnaie forte, elle compte imposer une stricte
discipline budgétaire, réduire la masse monétaire, couper
court rapidement à l’inflation. Animée d’un vif sentiment de la
grandeur nationale, elle ne renie pas les engagements européens, mais
flatte l’opinion en proclamant sa volonté d’obtenir « justice » sur
la question de la contribution britannique au budget communautaire et en obtenant
d’ailleurs de très importantes ristournes avant la mise sur pied d’un
système pleinement satisfaisant à partir de 1984. Elle sait aussi
tirer le maximum de profit, sur le plan politique, de la guerre des Malouines
(avril-juin 1982) ; celle-ci a opposé les Anglais aux Argentins débarqués
sur l’archipel, qu’ils considéraient comme une fraction de leur territoire
national. Son influence sur l’homme du commun lui inspire un populisme qui marie
des principes réactionnaires à quelques autres d’apparence plus
ouverte : elle entend transformer les Britanniques en une nation de « propriétaires » en
favorisant l’acquisition, par leurs occupants, des logements sociaux et en prônant
un capitalisme populaire à l’occasion de la privatisation de grandes sociétés
dont les actions sont vendues en Bourse ; elle se déclare attachée
aux valeurs religieuses et morales, alors qu’elle s’attire les foudres de plusieurs Églises,
dont l’Église anglicane, par son indifférence aux questions brûlantes
des quartiers défavorisés des grandes villes et de la pauvreté grandissante
de millions de ses concitoyens ; elle affirme être favorable « à la
loi et à l’ordre » (sans aller jusqu’à soutenir ouvertement
le rétablissement de la peine capitale). Elle allie ainsi le très
moderne esprit de libre entreprise et de respect de la loi des marchés à une
mentalité qui rappelle étrangement la haute époque
victorienne.
Pendant
cinq
années encore, John Major va demeurer au pouvoir, dans un
pays qui cesse peu à peu d’être l’homme malade de l’Europe. La sortie
du système monétaire européen a abouti à une dévaluation
de la livre, qui rend celle-ci compétitive par rapport aux autres monnaies
européennes. Favorisés par des prix un temps moins élevés,
commerce et industrie ont gagné des parts de marché non négligeables
par comparaison aux pays du continent européen. La livre elle-même
s’est peu à peu redressée jusqu’à retrouver, en 1997, ses
meilleurs niveaux antérieurs à la crise. La place financière
de Londres est la première en Europe. Le chômage, entre 1992 et
1996, a reculé de 2 674 000 à 2 158 000 individus, encore
que ces chiffres soient discutables. Par ailleurs, les investissements étrangers
autorisent parfois la création de nouvelles firmes, mais ils sont liés
aussi aux bas salaires relatifs des ouvriers britanniques par rapport à ceux
de leurs camarades européens. La pauvreté, elle, n’a pas reculé,
et l’augmentation des recettes publiques permet de faire face en priorité à de
nouvelles demandes d’assistance : de quatre millions et demi en 1991, on
est passé en 1996 à plus de cinq millions et demi de bénéficiaires
d’une assistance spécifique et, avec leurs dépendants, à plus
de 9 millions et demi, soit plus de 17 % de la population ;
proportion que certains observateurs jugent encore largement sous-évaluée
et qu’ils estimeraient à 25 %. En regard, il est aisé de
souligner le gonflement extraordinaire de certaines fortunes, d’origine parfois
spéculative. Plus que jamais, le pays semble celui de « deux
nations », les riches et les pauvres. Même si le budget de la
santé publique augmente de 4 % par an, en termes réels,
de 1992 à 1996, cela ne permet pas de mettre fin à de nombreuses
discriminations sociales et régionales.
Élu en juillet 1994 à la
tête de son parti, le nouveau chef travailliste,
avocat de son état et excellent orateur, inspiré par
le christianisme social, a pour lui sa jeunesse et un indéniable
charisme. Il parachève
la rénovation du Parti travailliste. Déjà,
John Smith, en 1993, avait réussi à limiter fortement
les interventions syndicales dans la sélection des candidats
du parti aux élections. Le 29 avril
1995, lors d’un congrès extraordinaire, Tony Blair fait
adopter la modification de la clause IV des statuts du parti,
vieille de soixante-sept ans et qui fixait comme objectif suprême
la nationalisation des biens de production et d’échange ;
le nouveau texte préserve la foi dans le bien
public, dans l’égalité des chances, dans l’emploi
pour tous, mais, désormais, la prospérité et
le bonheur devraient venir d’un partenariat bien compris avec
les grands décideurs économiques,
sans rupture avec l’économie de marché et la dynamique
de la concurrence. La gauche fait dès
lors
de
moins
en
moins
peur
aux
classes
moyennes. |
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Royaume-Uni,
officiellement Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord,
pays insulaire
du nord-ouest
de l’Europe, membre
de l’Union européenne et du Commonwealth of Nations. La Grande-Bretagne
comprend, avec l’île de Wight, Anglesey, les archipels des Scilly,
des Orcades et des Hébrides, les royaumes autrefois indépendants
d’Angleterre et d’Écosse, et la principauté du pays de Galles.
L’Irlande du Nord (Ulster) occupe le nord-est de l’île d’Irlande.
Le Royaume-Uni est bordé au sud par la Manche, à l’est par
la mer du Nord et à l’ouest par la mer d’Irlande et l’océan
Atlantique. Le Royaume-Uni couvre 244 110 km². La capitale est Londres.
Royaume-Uni, Grande-Bretagne et Angleterre sont souvent utilisés comme synonymes. Le terme de Royaume-Uni désigne l’ensemble des territoires du royaume tandis que la Grande-Bretagne désigne l’île composée de l’Angleterre, du pays de Galles et de l’Écosse. L’Angleterre et le pays de Galles sont réunis depuis 1536 ; les Couronnes d’Angleterre et d’Écosse, depuis l’acte d’Union de 1707 qui a fondé le royaume de Grande-Bretagne (voir Actes d'union). À partir de 1801, après l’union de la Grande-Bretagne et de l’Irlande, le royaume a été appelé officiellement Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, jusqu’à l’indépendance de la république d’Irlande, en 1922. L’île de Man et les îles Anglo-Normandes dépendent directement de la Couronne britannique mais ne font pas partie du Royaume-Uni. Elles ont leurs propres institutions, le Royaume-Uni assurant leur représentation diplomatique et leur défense. Anguilla, les Bermudes, les îles Vierges du Royaume-Uni, les îles Caïmans, les îles Malouines, Gibraltar, Montserrat, Sainte-Hélène (et ses dépendances administratives : Ascension et Tristan da Cunha), la Géorgie du Sud, les îles Sandwich du Sud et les îles Turks et Caicos ont leur propre gouvernement mais ont choisi de rester sous contrôle britannique. Les exceptions sont le Territoire britannique de l’Antarctique et les territoires de l’océan Indien avec l’île Diego Garcia, louée aux États-Unis, et qui abrite une base aéronavale américaine. Hong Kong est revenu à la Chine à l’expiration du bail britannique sur le territoire en 1997. La Grande-Bretagne, huitième île du monde par sa surface, occupe 229 870 km² et couvre 90 % de la superficie totale du Royaume-Uni. Elle est traditionnellement divisée en deux ensembles structuraux, qui s’étendent de part et d’autre d’une ligne Exeter-Newcastle, de l’embouchure du fleuve Exe dans le Devon, et au nord-est de l’estuaire de la rivière Tees. Au nord de cette ligne se trouvent les massifs anciens, vestiges de l’orogenèse calédonienne : l’Écosse, le Lake District, le pays de Galles, le nord, le nord-ouest et le sud-ouest de l’Angleterre. L’Écosse est divisée en trois régions : les Highlands, la zone la plus montagneuse, où se trouve le point culminant du royaume, le Ben Nevis (1 343 m) ; les Basses-Terres centrales et les Highlands du Sud. Le pays de Galles est principalement formé par les monts Cambriens ; le point culminant du pays de Galles et de l’Angleterre (1 085 m) est situé dans le massif de Snowdon. L’Angleterre est compartimentée en trois régions principales de hautes terres et deux régions de basses terres (East Anglia et le Sud-Est) rattachées par de riches plaines agricoles. La zone des hautes terres de la péninsule de Cornouailles comprend les massifs de Dartmoor, d’Exmoor et de Bodmin Moor ; la chaîne des Pennines est située au nord et les monts du Cumberland du Lake District sont situés au nord-ouest. En Irlande du Nord,
les monts Sperrin et les monts Antrim, au nord et au nord-est, sont
une extension des
Highlands écossais. Avec les
monts Mourne, où se situe le point culminant d’Irlande du Nord
avec le Slieve Donard (852 m), ils bordent une plaine centrale où se
situe le lough Neagh (396 km²), le plus grand lac d’eau douce du
Royaume-Uni. L’ensemble du Royaume-Uni, hormis la région d’Angleterre située au sud des estuaires de la Tamise et de la Severn, fut recouvert par les glaces pendant la période du pliocène ; la glaciation contribua à façonner des paysages, comme ceux du Lake District. L’activité humaine a aussi joué un rôle important dans cette modification, notamment dans les Norfolk Broads, les terres marécageuses de l’est de l’Angleterre, et les landes du nord de l’Écosse. |
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